AFFAIRE : No RG 21/00057 - No Portalis DBWB-V-B7F-FPSY
Code Aff. :
ARRÊT N PB
ORIGINE :JUGEMENT du Pole social du TJ de SAINT-DENIS en date du 16 Décembre 2020, rg no 19/02148
COUR D'APPEL DE SAINT-DENIS
DE LA RÉUNION
CHAMBRE SOCIALE
ARRÊT DU 13 JUILLET 2022
APPELANTE :
Etablissement Public CENTRE HOSPITALIER [6] prise en la personne de son représentant légal en exercice
[Adresse 2]
[Localité 3]
Représentant : Me Eric DUGOUJON de la SELARL DUGOUJON et ASSOCIES, avocat au barreau de SAINT-DENIS-DE-LA-REUNION
INTIMÉE :
LA CAISSE GENERALE DE SECURITE SOCIALE DE LA REUNION (CGSSR)
[Adresse 1]
[Localité 4]
Représentant : Me Isabelle CLOTAGATIDE KARIM de la SCP CANALE-GAUTHIER-ANTELME-BENTOLILA, avocat au barreau de SAINT-DENIS-DE-LA-REUNION
DÉBATS : En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 11 Avril 2022 en audience publique, devant Philippe BRICOGNE, président de chambre chargé d'instruire l'affaire, assisté de Delphine GRONDIN, greffière, les parties ne s'y étant pas opposées.
Ce magistrat a indiqué à l'issue des débats que l'arrêt sera prononcé, par sa mise à disposition au greffe le 5 Juillet 2022 prorogé au 13 Juillet 2022;
Il a été rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
Président : Philippe BRICOGNE
Conseiller : Laurent CALBO
Conseiller : Aurélie POLICE
Qui en ont délibéré
ARRÊT : mis à disposition des parties le 13 JUILLET 2022
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LA COUR :
EXPOSÉ DU LITIGE
1. Le 20 juin 2019, la caisse générale de sécurité sociale de La Réunion a notifié au centre hospitalier [6] un indu de 18.501,43 € au titre d'activités de chirurgie sans autorisation.
2. La commission de recours amiable n'ayant pas statué dans les délais, le centre hospitalier [6] a contesté cet indu par requête parvenue au pôle social du tribunal judiciaire de Saint-Denis le 18 décembre 2019.
3. Par jugement du 16 décembre 2020, le tribunal a :
- validé l'indu notifié par la caisse générale de sécurité sociale de La Réunion au centre hospitalier [6] d'un montant de 18.501,43 €,
- condamné le centre hospitalier [6] au paiement à la caisse générale de sécurité sociale de La Réunion de la somme de 18.501,43 €,
- condamné le centre hospitalier [6] aux entiers dépens,
- dit n'y avoir lieu à faire application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.
4. Par déclaration au greffe de la cour d'appel de Saint-Denis de La Réunion du 14 janvier 2021, le centre hospitalier [6] a interjeté appel de cette décision.
5. Les parties ont été convoquées par lettre recommandée avec avis de réception du 29 mars 2021 à l'audience du 7 septembre 2021.
6. L'affaire a été plaidée à l'audience du 11 avril 2022 et mise en délibéré au 5 juillet 2022 prorogé au 13 juillet 2022.
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7. Le centre hospitalier [6] déclare s'en remettre à ses écritures déposées au greffe le 6 septembre 2021, dans lesquelles il est demandé à la cour de :
- déclarer recevable son appel,
- infirmer totalement le jugement entrepris,
- statuant à nouveau,
- juger que la somme de 18.501,43 € mise à sa charge n'est pas due,
- ordonner la décharge de la somme de 18.501,43 €,
- annuler la notification d'indu de la caisse générale de sécurité sociale de La Réunion du 20 juin 2019 pour un montant de 18.501,43 € et la décision de rejet implicite de la commission de recours amiable,
- condamner la caisse générale de sécurité sociale de La Réunion aux entiers dépens,
- condamner la caisse générale de sécurité sociale de La Réunion à lui verser la somme de 5.000,00 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
8. À l'appui de ses prétentions, le centre hospitalier [6] fait en effet valoir :
- que même un médecin dont l'établissement n'est pas titulaire de l'autorisation a l'obligation de prodiguer à son patient tous les soins exigés en urgence par l'état de ce dernier lorsqu'une opération chirurgicale réalisée en urgence a permis de découvrir une tumeur maligne,
- qu'il est tout à fait possible, pour un établissement non titulaire de l'autorisation, de procéder à une intervention chirurgicale dès lors que cette dernière n'aurait pas pour objectif de soigner la tumeur maligne,
- que, même si l'état carcinologique mammaire est préalablement connu par l'établissement hospitalier non titulaire de l'autorisation, cela ne fait pas obstacle à ce que ce dernier puisse effectuer une autre opération mammaire de la patiente, dès lors que cette opération n'a pas pour but de soigner le caractère cancérologique de la patiente, à défaut d'urgence et en dispensant à la patiente des soins consciencieux,
- qu'en d'autres termes, l'urgence ne constitue pas une condition limitative du champ d'intervention de l'établissement hospitalier non titulaire de l'autorisation,
- que, dans les quatre cas reprochés, il n'a procédé à aucune opération de chirurgie cancérologique mammaire,
- que, dans deux cas, il a seulement effectué un prélèvement de tissus, dans un autre, l'établissement bénéficiaire de l'autorisation n'était pas en mesure de prodiguer les soins exigés pour cette patiente dont l'état de santé nécessitait l'existence d'un service de réanimation au vu de son état de morbidité et, dans le dernier, l'élargissement des berges de la zonectomie de la patiente, déjà existante et non réalisée par lui, ne constituait par un acte chirurgical lié à la chirurgie cancérologique mammaire.
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9. La caisse générale de sécurité sociale de La Réunion déclare s'en remettre à ses écritures déposées au greffe le 3 décembre 2021, dans lesquelles il est demandé à la cour de :
- confirmer le jugement en ce qu'il a validé l'indu d'un montant de 18.501,43 € notifié au centre hospitalier [6] et condamné ce dernier à lui rembourser ladite somme de 18.501,43 €,
- débouter le centre hospitalier [6] de toutes ses demandes, fins et conclusions articulées contre elle.
10. À l'appui de ses prétentions, la caisse générale de sécurité sociale de La Réunion fait en effet valoir que tous les dossiers en cause concernent des soins programmés et non une situation d'urgence, soit que le centre hospitalier universitaire [5] disposait d'une autorisation d'intervention pour la chirurgie carcinologique du sein ainsi que d'un service de réanimation, soit qu'au vu de son dossier médical, la patiente aurait dû être prise en charge d'emblée dans un établissement spécialisé détenteur de l'autorisation pour chirurgie carcinologique mammaire, soit encore que la consultation spécialisée carcinologique préopératoire montrait bien une forte présomption à la nature cancéreuse de la lésion, soit enfin que l'opération faisait suite à une réunion multidisciplinaire faite plus de deux mois plus tôt.
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11. Pour plus ample exposé des moyens et prétentions des parties, il convient de se reporter à leurs écritures ci-dessus visées ainsi qu'à la note d'audience figurant au dossier de la procédure.
MOTIFS DE LA DÉCISION
Sur l'indu
12. Aux termes de l'article L. 133-4 du code de la sécurité sociale, "en cas d'inobservation des règles de tarification, de distribution ou de facturation :
1o Des actes, prestations et produits figurant sur les listes mentionnées aux articles L. 162-1-7, L. 162-17, L. 165-1, L. 162-22-7, L. 162-22-7-3 et L. 162-23-6 ou relevant des dispositions des articles L. 162-16-5-1-1, L. 162-16-5-2, L. 162-17-2-1, L. 162-22-1, L. 162-22-6, L. 162-23-1 et L. 165-1-5,
2o Des frais de transports mentionnés à l'article L. 160-8,
l'organisme de prise en charge recouvre l'indu correspondant auprès du professionnel, du distributeur ou de l'établissement à l'origine du non-respect de ces règles et ce, que le paiement ait été effectué à l'assuré, à un autre professionnel de santé, à un distributeur ou à un établissement".
13. L'article R. 133-9-1 prévoit en son 2ème alinéa que la notification d'indu "précise la cause, la nature et le montant des sommes réclamées et la date du ou des versements indus donnant lieu à recouvrement".
14. L'article R. 6123-91 du code de la santé publique dispose que, "lorsqu'une intervention chirurgicale réalisée en urgence dans un établissement qui n'est pas titulaire de l'autorisation de traitement du cancer a permis de découvrir une tumeur maligne, l'établissement donne au patient tous les soins exigés en urgence par l'état du patient ou par les suites de l'intervention, avant d'assurer son orientation vers un établissement titulaire de cette autorisation".
15. En l'espèce, la notification d'indu adressée le 20 juin 2019 par la caisse générale de sécurité sociale de La Réunion au centre hospitalier [6] concerne des traitements effectués en 2016 et est fondée sur les dispositions des articles L. 133-4 et R. 133-9-1 du code de la sécurité sociale.
16. Le centre hospitalier [6] fait état, pour expliquer le dépassement des actes autorisés, des obligations déontologiques du praticien exigées par le code de la santé publique :
- à l'article R. 4127-40 : "le médecin doit s'interdire, dans les investigations et interventions qu'il pratique comme dans les thérapeutiques qu'il prescrit, de faire courir au patient un risque injustifié",
- à l'article R. 4127-32 : "dès lors qu'il a accepté de répondre à une demande, le médecin s'engage à assurer personnellement au patient des soins consciencieux, dévoués et fondés sur les données acquises de la science, en faisant appel, s'il y a lieu, à l'aide de tiers compétents".
17. Toutefois, indépendamment des seules obligations déontologiques rappelées ci-dessus, le centre hospitalier [6] doit justifier de la seule considération d'urgence qui lui permettait de facturer les actes incriminés.
18. Or, le centre hospitalier [6] produit trois des quatre compte-rendus opératoires des patientes concernées, à savoir :
- celui du 4 avril 2016 (dossier no 1 de la notification de l'indu) pour l'hospitalisation d'une patiente de 78 ans du 31 mars au 4 avril 2016 pour "une récidive (...) de carcinome mammaire droit 15 ans après un carcinome mammaire droit traité par tumorectomie, curage, chimiothérapie, radiothérapie. La patiente a bénéficié d'une nouvelle cure de chimiothérapie qui n'améliore pas la tumeur. Décision de mastectomie totale de propreté".
- celui du 27 mai 2016 (dossier no 8 de la notification de l'indu) concernant une intervention du 13 mai 2016 pour une reprise de tumorectomie à distance d'une exérèse antérieure non in sano d'un carcinome in situ programmée depuis une réunion multidisciplinaire du 9 mars 2016, après une première zonectomie du 26 février 2016.
- celui du 23 août 2016 (dossier no 3 de la notification de l'indu) pour une hospitalisation du 19 août 2016 chez une "patiente âgée de 61 ans chez qui il avait été découvert sur une mammographie de dépistage un foyer de micro calcification au niveau du quadrant supéro externe du sein gauche. La biopsie retrouve un foyer d'hyperplasie canalaire atypique. Indication de zonectomie après repérage radiologique".
- celui du 2 janvier 2017 (dossier no 2 de la notification de l'indu) pour une intervention du 26 décembre 2016 chez une "patiente de 62 ans opérée récemment d'une néoplasie mammaire T1 Nx-M0 par zonectomie et curage axillaire (avec) proposition de reprise chirugicale avec recoupe supérieure et pamectomie".
19. Il ne ressort aucune considération d'urgence de ces compte-rendus dès lors que les interventions étaient programmées, parfois de longue date.
20. Il s'ensuit que le jugement sera confirmé en toutes ses dispositions.
Sur les dépens
21. Le centre hospitalier [6], partie perdante, sera condamné aux dépens d'appel.
Sur l'article 700 du code de procédure civile
22. En application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, la partie condamnée aux dépens prend en charge les frais irrépétibles exposés par la partie adverse dans les proportions que le juge détermine.
23. En l'espèce, le centre hospitalier [6], partie condamnée aux dépens, n'est pas éligible à ces dispositions.
PAR CES MOTIFS
La cour, statuant publiquement, contradictoirement, en matière sociale et en dernier ressort, par mise à disposition au greffe conformément à l'article 451 alinéa 2 du code de procédure civile,
Confirme le jugement entrepris en toutes ses dispositions,
Y ajoutant,
Condamne le centre hospitalier [6] aux dépens d'appel,
Dit n'y avoir lieu à application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.
Le présent arrêt a été signé par Monsieur Philippe BRICOGNE, Président de chambre, et par Mme Delphine GRONDIN, Greffière, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
La greffière Le président