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05/01/2022 | FRANCE | N°20/004931

France | France, Cour d'appel de riom, Co, 05 janvier 2022, 20/004931


COUR D'APPEL
DE RIOM
Troisième chambre civile et commerciale

ARRET No

DU : 05 Janvier 2022

No RG 20/00493 - No Portalis DBVU-V-B7E-FMJT
VD
Arrêt rendu le cinq Janvier deux mille vingt deux

Sur APPEL d'une décision rendue le 03 février 2020 par le Tribunal judiciaire de CLERMONT-FERRAND (RG no 18/03905 ch1 cab1)

COMPOSITION DE LA COUR lors des débats et du délibéré :
Madame Anne-Laurence CHALBOS, Président
Madame Virginie DUFAYET, Conseiller
M. François KHEITMI, Magistrat Honoraire

En présence de : Mme Christine VIAL, Gre

ffier, lors de l'appel des causes et du prononcé

ENTRE :

M. [I] [P]
[Adresse 5]
[Localité 3]

Représentant : Me N...

COUR D'APPEL
DE RIOM
Troisième chambre civile et commerciale

ARRET No

DU : 05 Janvier 2022

No RG 20/00493 - No Portalis DBVU-V-B7E-FMJT
VD
Arrêt rendu le cinq Janvier deux mille vingt deux

Sur APPEL d'une décision rendue le 03 février 2020 par le Tribunal judiciaire de CLERMONT-FERRAND (RG no 18/03905 ch1 cab1)

COMPOSITION DE LA COUR lors des débats et du délibéré :
Madame Anne-Laurence CHALBOS, Président
Madame Virginie DUFAYET, Conseiller
M. François KHEITMI, Magistrat Honoraire

En présence de : Mme Christine VIAL, Greffier, lors de l'appel des causes et du prononcé

ENTRE :

M. [I] [P]
[Adresse 5]
[Localité 3]

Représentant : Me Nathalie DOS ANJOS, avocat au barreau de CLERMONT-FERRAND

APPELANT

ET :

M. [G] [L]
[Adresse 2]
[Localité 1]

Représentant : la SCP LARDANS TACHON MICALLEF, avocats au barreau de MOULINS
(bénéficie d'une aide juridictionnelle Totale numéro 2020/004401 du 04/09/2020 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de CLERMONT-FERRAND)

M. [M] [W]
[Adresse 6]
[Localité 4]

Représentant : la SARL TRUNO et ASSOCIES, avocats au barreau de CLERMONT-FERRAND

INTIMÉS

DEBATS : A l'audience publique du 03 Novembre 2021 Madame DUFAYET a fait le rapport oral de l'affaire, avant les plaidoiries, conformément aux dispositions de l'article 785 du CPC. La Cour a mis l'affaire en délibéré au 05 Janvier 2022.

ARRET :
Prononcé publiquement le 05 Janvier 2022, par mise à disposition au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile ;
Signé par Madame Anne-Laurence CHALBOS, Président, et par Mme Christine VIAL, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Exposé du litige

Le 22 septembre 2012, M. [M] [W] a acquis auprès de M. [I] [P] un véhicule d'occasion de marque Renault de type Mégane immatriculé [Immatriculation 8], mis en circulation en 2004. M. [I] [P] avait lui-même acquis ce véhicule auprès de M. [G] [L], garagiste, le 22 avril 2012.

Le 14 septembre 2015, M. [W] a reçu un courrier émanant des services du ministère de l'intérieur dans le cadre d'une procédure consistant à contrôler les véhicules épaves remis en circulation après réparations douteuses.
Il a donc saisi le juge des référés en vue de l'organisation d'une mesure d'expertise par acte d'huissier en date du 20 juillet 2016. M. [P] a attrait dans la cause M. [L].

Par ordonnance du 29 septembre 2016, le juge des référés à fait droit à sa demande et l'expert a déposé son rapport le 25 mars 2017.

Par exploit d'huissier en date du 17 octobre 2018, M. [W] a fait assigner M. [P] devant le tribunal de grande instance de Clermont-Ferrand en résolution de la vente. M. [P] a appelé en cause M. [L] et les procédures ont été jointes.

Suivant jugement du 3 février 2020, le tribunal a :
- rejeté l'exception de sursis à statuer formée par M. [L] ;
- déclaré recevable l'action récursoire de M. [P] contre M. [L] ;
- prononcé la résolution de la vente du véhicule d'occasion de marque Renault Mégane immatriculé [Immatriculation 7] mis en circulation en 2004, intervenue le 22 septembre 2012 entre M. [W] et M. [P] ;
- condamné M. [P] à restituer à M. [W] le prix de cession arrêté à la somme de 9 000 euros et M. [W] à restituer à M. [P] le véhicule litigieux ;
- condamné M. [P] à payer à M. [W] les sommes suivantes en réparation des préjudices subis :
- 894,50 euros en réparation de son préjudice matériel ;
- 3 000 euros au titre de son préjudice de jouissance ;
- débouté M. [W] de ses demandes indemnitaires plus amples ou contraires ;
- débouté M. [P] de sa demande de résolution de la vente intervenue avec M. [L] ainsi que de l'ensemble de ses demandes formées contre M. [L] ;
- condamné M. [P] à payer à M. [W] la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;
- rejeté les demande de M. [P] et de M. [L] sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;
- condamné M. [P] aux entiers dépens de l'instance, comprenant les frais d'expertise judiciaire, qui seront recouvrés comme en matière d'aide juridictionnelle.

Le tribunal a retenu que M. [P] avait connaissance des vices affectant le véhicule au moment de sa vente à M. [W], de sorte qu'il doit indemniser ce dernier des dommages résultant des vices cachés en application de l'article 1645 du code civil. Le tribunal a notamment retenu que M. [P] "ne peut raisonnablement soutenir qu'en achetant un véhicule à un prix inférieur au marché avec l'apposition visible du tampon "Véhicule Endommagé-réparation avec suivi d'expert" sur la précédente carte grise, et comportant par ailleurs des éléments visibles de réparation non conforme à savoir des "ajustements approximatifs entre les différents éléments de carrosserie", des ceintures de sécurité "manifestement anciennes" et des étiquettes d'identification "biffées" et "rayées à coup d'outils", il n'avait pas connaissance des réparations non conformes effectuées viciant le véhicule objet de la vente."
Pour débouter M. [P] de son action récursoire contre M. [L], le tribunal a retenu que dès lors que l'action récursoire doit remplir les conditions de fond de la garantie des vices cachés, et qu'il a été établi plus avant que M. [P] avait connaissance des vices de réparation affectant le véhicule qu'il a acheté, il supportera seul la garantie mobilisée indépendamment de la mauvaise foi présumée de son propre vendeur ayant la qualité de vendeur professionnel.

M. [I] [P] a interjeté appel de cette décision suivant déclaration électronique en date du 16 mars 2020.

Suivant conclusions régulièrement déposées et notifiées par voie électronique le 19 avril 2021, M. [I] [P] demande à la cour, au visa des articles 1641 et suivants du code civil, 238 du code de procédure civile, 1647 alinéa 1 et 1347 du code civil, de :
- dire et juger recevable et bien fondé l'appel interjeté ;
- débouter les intimés de l'ensemble de leurs demandes ;
- confirmer le jugement du 3 février 2020 en ce qu'il a :
- prononcé la résolution de la vente du véhicule d'occasion de marque Renault Mégane immatriculé [Immatriculation 7] mis en circulation en 2004, intervenue le 22 septembre 2012 entre M. [W] et M. [P] ;
- débouté M. [W] de ses demandes indemnitaires plus amples ou contraires ;
- déclaré recevable l'action récursoire de M. [P] contre M. [L] ;
- infirmer le jugement du 3 février 2020 en ce qu'il a :
- condamné M. [P] à restituer à M. [W] le prix de cession arrêté à la somme de 9 000 euros et M. [W] à restituer à M. [W] le véhicule litigieux ;
- débouté M. [P] de sa demande de résolution de la vente intervenue entre lui et M. [L] et en ce qu'il l'a débouté de l'ensemble de ses demandes formées contre M. [L] ;
- condamné M. [P] à payer à M. [W] des dommages et intérêts, ainsi qu'une somme sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, outre les entiers dépens en ce compris les frais d'expertise judiciaire ;
- rejeté la demande de M. [P] à l'encontre de M. [L] sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et des entiers dépens ;
- statuant à nouveau sur les chefs infirmés :
- dire et juger qu'aucun élément ne permet d'établir que M. [P] aurait eu connaissance des vices cachés affectant le véhicule ;
- dire et juger que les désordres affectant le véhicule présentent les caractéristiques de vices cachés permettant à M. [P] de mobiliser la garantie prévue par l'article 1641 du code civil à l'encontre de son propre vendeur M. [L] ;
- prononcer la résolution de la vente intervenue entre M. [P] et M. [L] ;
- débouter M. [L] de l'ensemble de ses demandes tant à titre principal que subsidiaire ;
- dire et juger que les sommes dues au titre du remboursement des prix d'achat feront l'objet d'une compensation et que M. [L] sera condamné à verser directement à M. [W], la somme de 9 000 euros correspondant au prix d'achat du véhicule par ce dernier ;
- condamner M. [L] à relever indemne M. [P] du solde de 500 euros de différence entre les deux ventes consécutives ;
- condamner M. [W] à restituer le véhicule à M. [P], et à défaut, en cas d'impossibilité établie, dispenser également M. [P] de procéder à la restitution auprès de son propre vendeur ;
- débouter M. [W] de sa demande de dommages et intérêts formulée à l'encontre de M. [P] en l'absence de preuve de la mauvaise foi de ce dernier ;
- débouter M. [W] de sa demande de remboursement des frais d'assurance qu'il aurait engagés après le 25 novembre 2015, date de l'immobilisation administrative ;
- condamner M. [L] à relever indemne M. [P] de toute condamnation qui pourrait être prononcée à son encontre au titre des frais annexes à la vente intervenue entre M. [P] et M. [W] ;
- condamner M. [L] à payer à M. [P] : 584,50 euros au titre des frais d'immatriculation et 311,58 euros au titre des frais d'assurance pendant la période durant laquelle il a été propriétaire du véhicule de mai 2012 à octobre 2012 ;
- condamner M. [L] à relever indemne M. [P] de toute condamnation qui pourrait être prononcée à son encontre pour la vente [P]/ [W] au titre de l'article 700 du code de procédure civile, outre les entiers dépens en ce compris les frais d'expertise judiciaire ;
- condamner M. [L] à verser à M. [P] une somme de 4 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, outre sa condamnation aux entiers dépens et aux frais d'expertise judiciaire.

M. [P] soutient en effet que le véhicule présente également pour lui, non-professionnel, les caractéristiques des vices cachés permettant de mobiliser la garantie de l'article 1641 du code civil. Il rappelle d'une part que l'expert a relevé que les vices étaient antérieurs à son achat à M. [L]. D'autre part, contrairement à ce qu'a retenu le premier juge, il n'en avait pas connaissance pour un certain nombre de raisons qu'il reprend en détail en réponse aux arguments retenus par le jugement.

Suivant conclusions régulièrement déposées et notifiées par voie électronique le 28 juillet 2020, M. [M] [W] demande à la cour, au visa de l'article 1641 du code civil, de :
- confirmer le jugement attaqué en ce qu'il a prononcé la résolution du contrat de vente du véhicule Renault Mégane entre M. [W] et M. [P], étant précisé que ledit véhicule est immatriculé [Immatriculation 8] ;
- confirmer le jugement attaqué en ce qu'il a condamné M. [P] à payer et porter au concluant les sommes suivantes :
- 9 000 euros au titre de la restitution du prix de vente,
- 3 000 euros au titre de son préjudice de jouissance,
- 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- les entiers dépens de première instance, en ce compris les frais d'expertise judiciaire,
- réformer le jugement s'agissant du montant du préjudice matériel alloué à M. [W] et condamner M. [P] à lui payer une somme de 2 447,78 euros à ce titre ;
- statuer ce que de droit s'agissant de la restitution du véhicule litigieux ;
- statuer ce que de droit sur la demande en garantie formée par M. [P] à l'encontre de M. [L] ;
- condamner M. [P] à payer et porter à M. [W], en cause d'appel, une indemnité de 2 500 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;
- condamner le même aux entiers dépens.

Suivant conclusions régulièrement déposées et notifiées par voie électronique le 30 juillet 2020, M. [G] [L] demande à la cour de :
- dire bien jugé, mal appelé ;
- confirmer la décision querellée en ce qu'elle a rejeté les demandes récursoires de M. [P] à l'encontre de M. [L] ;
- statuer ce que de droit dans les rapports entre M. [P], vendeur, et M. [W], acquéreur, sauf à considérer que le véhicule utilisé pendant plus de trois ans, 42 000 kilomètres, ne peut recevoir la qualification d'impropre à sa destination ;
- limiter en conséquence l'éventuelle indemnisation du préjudice de M. [W] ;
- condamner M. [P] à porter et payer à M. [L] la somme de 3 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;
- condamner M. [P] aux entiers dépens.

Il sera renvoyé aux écritures des parties pour l'exposé complet de leurs prétentions et moyens.

L'ordonnance de clôture a été signée le 20 mai 2021.

Motifs de la décision

1/ Sur l'action en garantie des vices cachés de M. [W] contre M. [P]

A titre liminaire, il sera observé qu'à la fois M. [P] et M. [W] sollicitent la confirmation de la décision en ce qu'elle a prononcé la résolution de la vente du véhicule intervenue entre eux.
M. [L] n'émet quant à lui aucune contestation sur ce point.
La résolution de la vente sera donc confirmée, sauf à indiquer que le véhicule n'est pas immatriculé [Immatriculation 7] mais [Immatriculation 8].

La résolution de la vente sur le fondement du vice caché emporte obligation de remettre les parties dans la situation dans laquelle elles se trouvaient avant la vente, de sorte que la décision sera nécessairement confirmée en ce qu'elle a condamné M. [P] à restituer à M. [W] le prix de cession arrêté à la somme de 9 000 euros et M. [W] à restituer à M. [P] le véhicule litigieux. A cet égard il sera relevé que si M. [W] sollicite une somme de 9 400 euros dans le corps de ses conclusions, c'est une somme de 9 000 euros qui est reprise dans le dispositif de celles-ci. Il sera également relevé que si M. [W] demande à la cour de statuer ce que de droit sur la restitution du véhicule car il fait l'objet d'une interdiction de circulation et de cession, cette situation n'empêche pas la restitution.

En vertu des dispositions de l'article 1645 du code civil, si le vendeur connaissait les vices de la chose il est tenu, outre la restitution du prix qu'il en a reçu, de tous les dommages et intérêts envers l'acheteur.

Pour retenir que les vices affectant le véhicule étaient connus de M. [P], le tribunal a estimé qu'il "ne peut raisonnablement soutenir qu'en achetant un véhicule à un prix inférieur au marché avec l'apposition visible du tampon "Véhicule Endommagé-réparation avec suivi d'expert" sur la précédente carte grise, et comportant par ailleurs des éléments visibles de réparation non conforme à savoir des "ajustements approximatifs entre les différents éléments de carrosserie", des ceintures de sécurité "manifestement anciennes" et des étiquettes d'identification "biffées" et "rayées à coup d'outils", il n'avait pas connaissance des réparations non conformes effectuées viciant le véhicule objet de la vente."

M. [W] sollicite confirmation à cet égard, alors que M. [P] réfute point par point les arguments conduisant à cette conclusion.

S'agissant du prix de vente entre M. [P] et M. [L], il n'est pas contesté qu'il était de 8 500 euros. L'expert relève en page 27 de son rapport que "ce montant de vente de 8 500 euros reste encore en dessous du prix du marché pour un tel modèle de véhicule. Le véhicule avait été estimé par l'Expert de la compagnie d'assurance de Monsieur [T] 10 500 euros le 20 octobre 2011". Ce seul élément ne saurait valoir preuve de la connaissance de vices affectant le véhicule, notamment au regard du fait que M. [P] l'a revendu 5 mois plus tard au prix de 9 000 euros, après s'être acquitté d'une facture de réparation d'un montant de 1 198,75 euros (pièce no22 jointe à l'expertise), de sorte qu'il n'a réalisé aucune plus-value lors de cette vente, y compris dans l'hypothèse, non démontrée, d'un prix de vente à hauteur de 9 400 euros au lieu de 9 000 euros.

S'agissant des éléments visibles de réparation non conformes tels que qualifiés par le tribunal, l'expert judiciaire a relevé ceci :
- "un examen très attentif permet de déceler quelques défaut de peinture et des ajustements approximatifs entre les différents éléments de carrosserie à l'avant" ;
- "les étiquettes d'identification et de référencement de nombreuses pièces sont "biffées" "rayées à coup d'outils" et rendues illisibles" ;
- "dans l'habitacle les ceintures de sécurité sont manifestement "anciennes". Les boucles des prétensionneurs sont datées de 2006".

L'expert ajoute que "tous les défauts proviennent de réparations de l'accident du 20 octobre 2011 réalisées sans aucun respect des règles de l'art".
Ces défauts ne sont donc pas imputables à M. [P].
Sur le caractère visibles des vices, s'ils ne l'étaient pas pour M. [W] qui bénéficie de la reconnaissance de l'existence de vices cachés, ils ne l'étaient pas davantage pour M. [P], vendeur profane.
Au surplus, pour la carrosserie, l'expert lui-même indique qu'il est nécessaire de faire un "examen attentif" pour constater les défauts de carrosserie, ce qui rend la tâche d'autant plus difficile pour un profane. S'agissant des étiquettes rendues illisibles, il ne peut être affirmé qu'un acheteur profane d'un véhicule d'occasion prête habituellement attention à celles-ci. Enfin, s'agissant des ceintures de sécurité l'expert, avec son oeil de professionnel, les décrit comme manifestement anciennes, sans indiquer si cette conclusion pouvait être tirée par un acheteur profane. Quant à la date figurant sur les boucles, il ne peut être affirmé que cela fait partie des éléments que vérifierait un acheteur profane. Au total, il n'est pas établi que ces défauts étaient visibles pour un non professionnel et donc qu'ils l'étaient pour M. [P].

Enfin, en ce qui concerne la présence du tampon rouge "Véhicule Endommagé-réparation avec suivi d'expert", recouverte par le tampon de M [L], si l'expert indique que cette mention était "bien lisible" pour M. [P], on ne peut en déduire qu'elle était nécessairement intelligible. En effet cette mention ne permet pas de savoir si des réparations sont à réaliser avec suivi d'expert, ou si elles ont été réalisées avec suivi d'expert. En revanche, la mention "véhicule endommagé" peut expliquer une vente à un prix inférieur à celui du marché.

Au total, il n'est pas démontré que M. [P], non professionnel, avait connaissance des vices affectant le véhicule.

En vertu de l'article 1646 du code civil, si le vendeur ignorait les vices de la chose, il ne sera tenu qu'à la restitution du prix, et à rembourser à l'acquéreur les frais occasionnés par la vente. Ces frais s'entendent des dépenses directement liées à la conclusion du contrat.
M. [W] peut ainsi à bon droit solliciter la condamnation de M. [P] à lui payer les sommes suivantes :
- 10 euros de frais d'établissement du chèque de banque ;
- 584,50 euros au titre des frais d'immatriculation du véhicule.

Les honoraires du premier expert ne constituent pas des frais liés à la conclusion du contrat, mais des frais consécutifs à la découverte du vice.
Il en va de même des frais d'acquisition du véhicule de remplacement retenue au titre du préjudice de jouissance.
S'agissant des frais d'assurance, M. [W] qui avait besoin d'un véhicule, aurait nécessairement engagé des frais pour s'assurer.
Il sera débouté de ces trois chefs de demandes.

2/ Sur l'action récursoire de M. [P] contre M. [L]

L'action récursoire doit remplir les conditions de fond de l'action en garantie des vices cachés.
Ainsi, sur le fondement des dispositions de l'article 1641 du code civil, M. [P] doit démontrer que le véhicule qu'il a acheté à M. [L] le 27 avril 2012 au prix de 8 500 euros présentait un vice, lequel n'était pas apparent au moment de la vente et revêt une certaine gravité.

L'expert écrit en page 23 de son rapport ceci :
"Les désordres provenant d'une réparation douteuse d'un accident survenu en octobre 2011 et ayant reçu une attestation de conformité levant l'interdiction administrative de circuler le 22 mars 2012, il ne fait aucun doute quant à l'antériorité des désordres à l'achat de Monsieur [W]".
Cette conclusion permet d'affirmer d'une part que les désordres sont également nécessairement antérieurs à l'achat du véhicule par M. [P], d'autre part qu'ils présentent une certaine gravité.
Quant à leur caractère caché au moment de l'achat par M. [P], s'ils n'étaient pas visibles par M. [W], acheteur profane, ils ne pouvaient d'avantage l'être pour M. [P] placé dans la même situation que lui cinq mois plus tôt, étant ici rappelé que la mention tamponnée en rouge "Véhicule Endommagé-réparation avec suivi d'expert" et surchargée par M. [L] n'était pas nécessairement compréhensible pour lui, ainsi que cela a été dit plus avant.

La démonstration d'un vice caché est ainsi faite.
A la demande de M. [P], elle emporte résolution de la vente avec obligation pour M. [L] de lui restituer la somme de 8 500 euros, et obligation pour M. [P] de restituer le véhicule à M. [L].

M. [P] demande à la cour d'ordonner la compensation des sommes dues au titre du remboursement des prix d'achat et de condamner M. [L] à verser directement à M. [W] la somme de 9 000 euros. Il demande également que M. [L] le relève indemne du solde de 500 euros de différence entre les deux ventes consécutives.
Ces demandes seront rejetées, M. [W] et M. [L] n'ayant aucun lien contractuel et M. [W] ne formulant aucune demande à l'encontre de M. [L]. En outre, au stade de la résolution de la vente et de la restitution des sommes, M. [L] ne saurait être tenu de rembourser plus que le prix de vente qu'il a perçu.
Le même raisonnement sera appliqué pour la restitution du véhicule.

M. [P] sollicite en outre la condamnation de M. [L] à lui payer les sommes suivantes :
- 584,50 euros au titre des frais d'immatriculation ;
- 311,58 euros au titre des frais d'assurance pendant la période durant laquelle il a été propriétaire du véhicule de mai 2012 à octobre 2012.
Sur le fondement des dispositions de l'article 1646 précité, sa demande au titre des frais d'immatriculation sera accueillie.
En revanche, et pour les mêmes raisons que celles opposées à M. [W], la demande au titre de l'assurance sera rejetée.

3/ Sur les dispositions de l'article 700 du code de procédure civile et les dépens

La présente décision réformant partiellement celle critiquée, il convient de statuer de nouveau de ce chef et de dire que M. [P] sera condamné à payer à M. [W] une somme de 3 000 euros au titre des frais irrépétibles engagés en première instance et en appel.
M. [L] sera condamné à verser la même somme à M. [P].
Les dépens, comprenant les frais d'expertise judiciaire, seront mis à la charge de M. [L].

PAR CES MOTIFS :

La cour, statuant par mise à disposition au greffe, contradictoirement et en dernier ressort ;

Confirme la décision en ce qu'elle a :

- prononcé la résolution de la vente intervenue le 22 septembre 2012 entre M. [M] [W] et M. [I] [P] et concernant le véhicule d'occasion de marque Renault Mégane, sauf à indiquer que l'immatriculation du véhicule est [Immatriculation 8] au lieu de [Immatriculation 7] comme indiqué dans le jugement querellé ;

- condamné M. [I] [P] à restituer à M. [M] [W] le prix de cession arrêté à la somme de 9 000 euros et M. [W] à restituer à M. [P] le véhicule litigieux ;

Infirme la décision pour le surplus ;

Statuant à nouveau :

- condamne M. [I] [P] à payer à M. [M] [W] les sommes suivantes :
? 10 euros au titre des frais d'établissement du chèque de banque ;
? 584,50 euros au titre des frais d'immatriculation du véhicule ;

- déboute M. [M] [W] de ses autres demandes indemnitaires ;

- ordonne la résolution de la vente intervenue le 27 avril 2012 entre M. [I] [P] et M. [G] [L] et concernant le véhicule d'occasion de marque Renault Mégane immatriculé [Immatriculation 8] ;

- condamne M. [G] [L] à restituer à M. [I] [P] le prix de cession de 8 500 euros et M. [I] [P] à restituer à M. [G] [L] le véhicule litigieux, dès lors que lui-même en aura obtenu restitution des mains de M. [M] [W] ;

- condamne M. [G] [L] à payer à M. [I] [P] la somme de 584,50 euros au titre des frais d'immatriculation du véhicule litigieux ;

- déboute M. [G] [L] de sa demande au titre des frais d'assurance ;

- déboute M. [I] [P] de sa demande de compensation des sommes due au titre de la restitution des prix de vente, de sa demande de condamnation de M. [G] [L] à verser la somme de 9 000 euros directement à M. [W], ainsi que de sa demande visant à ce que M. [G] [L] le relève indemne de toute condamnation prononcée à son encontre ;

- condamne M. [I] [P] à payer à M. [M] [W] la somme de 3 000 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile pour l'ensemble de la procédure de première instance et d'appel ;

- condamne M. [G] [L] à payer à M. [M] [W] la somme de 3 000 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile pour l'ensemble de la procédure de première instance et d'appel ;

- dit que les dépens de la procédure de première instance et d'appel, comprenant les frais d'expertise judiciaire, seront mis à la charge de M. [G] [L].

Le greffier, Le président,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de riom
Formation : Co
Numéro d'arrêt : 20/004931
Date de la décision : 05/01/2022
Sens de l'arrêt : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée

Références :

Décision attaquée : DECISION (type)


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.riom;arret;2022-01-05;20.004931 ?
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