ARRET No180
R.G : 16/03406
LW/KP
X...
C/
SAS CHARENTAISE DE MECANIQUE MARINE
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE POITIERS
2ème Chambre Civile
ARRÊT DU 27 FEVRIER 2018
Numéro d'inscription au répertoire général : 16/03406
Décision déférée à la Cour : jugement du 10 juin 2016 rendu(e) par le Tribunal de Commerce de La Rochelle.
APPELANT :
Monsieur Johnny X...
[...] - [...]
Ayant pour avocat plaidant Me Alexis Y... de la SCP D'AVOCATS TEN FRANCE, avocat au barreau de POITIERS.
INTIMEE :
SAS CHARENTAISE DE MECANIQUE MARINE, prise en la personne de ses représentants légaux domicilés en cette qualité audit siège.
[...]
Ayant pour avocat plaidant Me Valérie Z..., avocat au barreau de LA ROCHELLE-ROCHEFORT.
COMPOSITION DE LA COUR :
L'affaire a été débattue le 17 Janvier 2018, en audience publique, devant la Cour composée de :
Madame Béatrice SALLABERRY, Présidente de chambre
Monsieur Claude PASCOT, Conseiller
Monsieur Laurent WAGUETTE, Conseiller
qui en ont délibéré
GREFFIER, lors des débats : Madame Véronique DEDIEU,
ARRÊT :
- CONTRADICTOIRE
- Prononcé publiquement par mise à disposition au greffe de la Cour, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile,
- Signé par Madame Béatrice SALLABERRY, Présidente de chambre et par Madame Véronique DEDIEU, Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
EXPOSÉ DU LITIGE
M. Johnny X..., qui exerce une activité de marin-pêcheur sur l'île d'Oléron a confié en mars 2014 à la Société Charentaise de Mécanique Marine ( SCMM) différents travaux sur un bateau d'occasion dont il venait de faire l'acquisition.
Aucun devis n'a été établi et la société SCMM a procédé à la réalisation des travaux entre les mois de mars et de mai 2014 sous la surveillance de M. X... qui atteste de sa présence fréquente sur le chantier.
Le 23 mai 2014, la société SCMM a adressé à M. Johnny X... une facture no11797 pour un montant total de 10.243,34 € HT dont 5.056,34 € de pièces et fournitures et 5.187 € de main d'œoeuvre comptabilisée sur la base de 99,75 heures de travail.
Après plusieurs relances, M. X... a adressé à la société SCMM, le 5 août 2014, un chèque de 5.056,34 € correspondant au montant des pièces et fournitures en refusant de payer le solde de la facture dans la mesure où il contestait les heures de main d'oeœuvre comptabilisées qu'il n'estimait pas justifiées, et préconisait que la société SCMM se rapproche d'un expert indépendant afin qu'il effectue une estimation du temps d'exécution des travaux.
Par courrier en réponse daté du 8 août 2014, la société SCMM a adressé à M. X... le détail des prestations facturées et a, postérieurement, refusé de missionner un expert pour évaluer son travail qu'elle estimait parfaitement justifié ajoutant même qu'elle se serait abstenue de facturer l'intégralité des heures de main d'oeuvre qui avaient été rendues nécessaires pour l'exécution des travaux.
Le 22 août 2014, M. X... a procédé au règlement de la moitié du temps de main d'œoeuvre facturé, soit la somme de 2.593,50 €, correspondant au temps de main d'oeœuvre qu'il a estimé nécessaire sur son bateau pour les seuls travaux exécutés et commandés.
C'est dans ces circonstances que la société SCMM a déposé le 11 septembre 2014 une requête en injonction de payer portant sur le solde de la facture du 23 mai 2014, soit 2.593,50 €, à laquelle le président du tribunal de commerce de La Rochelle a fait droit par ordonnance du 17 octobre 2014 qui a fait l'objet d'une opposition régularisée par M. X... le 26 janvier 2015 devant le tribunal de commerce de La Rochelle qui a été saisi du litige.
M. X... a contesté les demandes de la société SCMM, estimant que des travaux non commandés avaient été effectués et arguant d'une surfacturation des prestations réalisées, et a formé des demandes reconventionnelles afférentes à la mauvaise exécution des travaux sur son bateau s'agissant de la réparation du turbo et du remplacement des tuyauteries.
Pour sa part, la société SCMM a formulé une demande d'expertise judiciaire qu'elle estimait opportune d'une part pour justifier du temps de main d'oeœuvre facturé à M. X... et d'autre part pour examiner les demandes reconventionnelles lui reprochant la mauvaise exécution des travaux réalisés.
Par décision en date du 10 juin 2016, le tribunal de commerce de La Rochelle a statué ainsi :
Reçoit M. Johnny X... en son opposition à l'ordonnance d'injonction de payer du 26 janvier 2015, mais la dit mal fondée,
Reçoit la société Charentaise de Mécanique Marine en ses demandes, fins et conclusions, les dit bien fondées et y fait droit,
Déboute la société SCMM de sa demande d'expertise et M. X... de sa demande subsidiaire de même nature,
Dit mal fondée l'opposition formulée par M. Johnny X...,
Condamne M. Johnny X... à payer à la société Charentaise de Mécanique Marine la somme de 2.593,50 €, montant de sa facture impayée, majorée des intérêts au taux de 1,3% à compter du 24 juin 2014,
Déboute M. X... de ses demandes reconventionnelles,
Dit qu'il n'est pas fait application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,
Condamne M. Johnny X... en tous les dépens.
Par acte reçu au greffe le 22 septembre 2016, M. X... a interjeté appel de cette décision et par dernières conclusions signifiées le 22 décembre 2017, demande à la cour de :
Dire et juger son appel recevable et bien fondé,
Y faisant droit, et rejetant toutes demandes, fins et conclusions contraires,
Confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a déclaré M. X... recevable en son opposition à l'ordonnance d'injonction de payer du 26 janvier 2015,
Confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a débouté la société SCMM de sa demande d'expertise,
Infirmer le jugement entrepris en ce qu'il a dit l'opposition de M. X... mal fondée et en ce qu'il l'a condamné à payer à la société SCMM la somme de 2.593,50 € au titre de sa facture impayée, majorée des intérêts au taux de 1,3% à compter du 24 juin 2014,
Statuant à nouveau sur ce point,
Débouter la société SCMM de ses demandes à l'encontre de M. X... afférentes au solde de sa facture,
Infirmer le jugement entrepris en ce qu'il a débouté M. X... de ses demandes reconventionnelles,
Statuant à nouveau sur ce point,
Condamner la société SCMM à payer à M. X... la somme totale de 3.632,86 € TTC au titre du coût des réparations rendues nécessaires pour remettre le turbo en état,
Condamner la société SCMM. à payer à M. Johnny X... la somme de 2.416,80 € TTC sur la base du devis de la société Atelier Rochelais d'Hydraulique relatif au coût de remplacement des tuyauteries,
Infirmer le jugement entrepris en ce qu'il a dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile,
Statuant à nouveau sur ce point,
Condamner la société SCMM à payer à M. Johnny X... la somme de 5.000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile au titre de ses frais irrépétibles de première instance et d'appel,
Infirmer le jugement entrepris en ce qu'il a condamné M. X... aux entiers dépens ;
Statuant de nouveau sur ce point,
Condamner la société SCMM aux entiers dépens de première instance et d'appel.
Au soutien de son appel, M. X... fait principalement valoir que les travaux commandés consistaient au remplacement de la ligne d'arbre, à l'installation du vire-filet et du vire-ligne, préalablement démontés de son ancien bateau, la réparation du turbo, le montage d'une pompe hydraulique et la fabrication d'une barre franche alors que la société SCMM soutient, à tort, qu'elle aurait réalisé les vire-filet et vire ligne, simplement expertisé le turbo, alors qu'il était déjà hors d'usage et devait être remplacé, et que des travaux complémentaires auraient été demandés en cours de chantier.
Il soutient qu'en outre la facture litigieuse comprend des prestations jamais effectuées et omet la réparation du turbo et la fabrication de la barre-franche, comptabilise deux fois les mêmes prestations et qu'il résulte du courrier d'explications adressé par la société SCMM que seulement 29 heures 30 de main d'oeuvre ont reçu son accord et pas les 70 autres et que de nombreuses incohérences démontrent que la facture était nécessairement erronée notamment le fait que plusieurs ouvriers seraient intervenus alors que l'attestation de l'ancien salarié, M. A..., prouve qu'il a été le seul à intervenir.
Il estime que la surfacturation est évidente et considère avoir réglé les prestations réellement effectuées en fonction du temps nécessaire à leur réalisation, soit 51 heures, et ne plus rien devoir à la société SCMM à qui, en l'absence de devis, incombe la charge de la preuve, inversée par le tribunal, de la réalité des prestations facturées qui ont été contestées dés l'établissement de la facture contrairement à ce qu'a retenu la décision entreprise.
M. X... prétend démontrer que les pièces versées aux débats établissent la réalité des malfaçons des travaux réalisés sur le turbo qui a montré des signes de défectuosité 3 mois après l'intervention qui n'était pas provisoire, comme l'affirme à tort la société SCMM, mais tendait à une réparation définitive et ne peut résulter d'un défaut d'entretien qui n'a pas été signalé par le réparateur, tenu à un devoir de conseil et à une obligation de résultat auxquels il a failli.
Il estime également que la rouille prématurée des tuyauteries inox posées par la société SCMM lui est imputable en ce qu'elle a , contrairement aux règles de l'art, posé des raccords en acier sur les tuyauteries inox ce qui a entraîné une corrosion qui s'est généralisée.
Il considère, en conséquence, que la société SCMM devra être condamnée au paiement des sommes justifiées nécessaires pour remédier aux désordres.
La Société Charentaise de Mécanique Marine ( SCMM ), en ses dernières conclusions signifiées le 19 décembre 2017, demande à la cour de :
Vu l'article 1315 du code civil dans son ancienne rédaction,
Vu les articles R 721-1 et R 721-6 du code de commerce,
Vu les articles 39, 143, 696, 699 et 700 du code de procédure civile,
Déclarer irrecevable l'appel interjeté par M. X...,
Subsidiairement,
Confirmer le jugement du tribunal de commerce de La Rochelle du 10 juin 2016,
Débouter M. X... de l'ensemble de ses demandes reconventionnelles,
Très subsidiairement,
Ordonner une mesure d'expertise judiciaire et la confier à tel expert qu'il plaira à la cour de céans de nommer, avec la mission suivante :
- Convoquer les parties dans le respect du principe du contradictoire
- Se faire remettre tout document relatif au bateau appartenant à M. X...,
- Déterminer l'existence d'éventuels désordres sur le turbo compresseur ainsi que sur les raccords de la tuyauterie du bateau de M. X...,
- Le cas échéant les décrire, en déterminer la ou les causes,
- Indiquer et chiffrer les travaux de remise en état éventuellement nécessaires,
- Donner tous éléments de nature à permettre au Juge de se prononcer sur les responsabilités encourues,
- Fournir tous éléments de nature à permettre au Juge de se prononcer sur l'éventuelle existence et l'ampleur de la surfacturation de main d'oeœuvre alléguée,
- Réserver les dépens
En tout état de cause,
Condamner M. X... à payer à la société SCMM la somme de 4 500 € au titre des frais irrépétibles ainsi qu'aux entiers frais et dépens de la présente instance.
La société intimée fait valoir en substance qu'aucun devis n'a été réalisé conformément à l'habitude et à raison du fait que le démontage était nécessaire pour évaluer l'ensemble des réparations nécessaires sur le bateau qui ont été décidées au fur et à mesure de l'avancement des investigations et avec l'accord de M. X... qui reconnaît lui même sa présence constante sur le chantier durant les travaux.
Elle considère qu'en l'absence de devis et alors qu'elle justifie des prestations et du détail des heures effectuées, il appartient à M. X..., ce qu'a retenu à bon droit le tribunal, d'apporter la preuve contraire ce qu'il n'établit pas, rappelant qu'il n'a pas immédiatement contesté la facturation litigieuse et aurait pu solliciter lui même l'expertise qu'il voulait faire prendre en charge par la société SCMM et à laquelle elle ne s'opposait pas.
Quant à la demande reconventionnelle, elle fait valoir que M. X... ne s'est pas rapproché d'elle quand il a constaté les désordres sur le turbo dont il a reconnu dans ses conclusions qu'il présentait, antérieurement aux travaux, une fuite des gaz d'échappement. Elle ajoute que le turbo a été déposé de manière non contradictoire et que M. X... a attendu trois ans pour présenter un devis de réparation vraisemblablement de complaisance puisqu'il résulte de ses dires qu'il a lui même déposé et remplacé ce turbo.
La société SCMM conclut également au rejet de la demande concernant la corrosion des tuyauteries faisant valoir que la pose de raccords acier est d'usage, compte tenu de son coût moins élevé et qu'il appartenait à M. X... de s'assurer d'une protection antirouille efficace en installant des bandes grasses au lieu de faire le choix d'une peinture antirouille moins efficace. Elle ajoute qu'en tout état de cause le matériau utilisé était visible et n'a pas fait l'objet de réserves et que s'il devait être apporté crédit aux demandes reconventionnelles une expertise préalable s'avérerait nécessaire.
Il est expressément référé aux écritures des parties pour plus ample exposé des faits ainsi que de leurs moyens et prétentions.
L'ordonnance de clôture a été rendue le 10 janvier 2018.
MOTIFS DE LA DÉCISION
La recevabilité de l'appel n'est pas contestée.
Sur la demande en paiement du solde de la facture.
En l'absence d'un marché écrit ou d'un devis accepté, il appartient à la société SCMM, qui demande paiement du solde de sa facture, de rapporter la preuve du marché de travaux, de la réalisation des dits travaux et de leur coûts étant précisé que M. X... a payé le montant des fournitures ainsi qu'environ la moitié des travaux facturés en adressant d'abord un chèque de 5.056,34 € puis une somme de 2.593,50 € sur le total de 10.243,34 € qui lui était réclamé et qu'il a attendu deux mois après l'émission de la facture pour la contester
M. X... démontre qu'il existe des contradictions dans les éléments de facturation qui lui ont été fournis par la société SCMM notamment au regard du courrier que celle-ci lui a adressé le 8 août 2014 par lequel elle indique en premier lieu qu'il existait un accord sur 29 h 30 de main d'oeuvre et qu'elle a facturé, en outre, 70 autres heures qui correspondraient à la mise en place d'un embrayage pompe hydraulique, au tuyautage de la cuve à pompe, à celui de la pompe vanne 3 voies et alimentation vire-filet, vire-casier puis retour en cuve hydraulique, ainsi qu'à la modification des pied de vire-filet et de vire-casier et leur pose à bord.
Toutefois, la facture ne porte mention d'aucun travail effectué concernant un vire-casier et il est également comptabilisé des heures de main d'oeuvre concernant la fabrication de pieds de vire-ligne et de vire filet, qui est contestée, alors que le courrier n'évoque plus qu'une modification et non pas la fabrication de tels éléments. En outre, alors que, pour justifier des heures facturées, la société SCMM fait valoir que des heures doubles ont été comptées du fait de l'intervention de deux ouvriers sur le chantier, l'ancien employé atteste qu'il a été le seul à travailler sur le bateau de M. X....
Ainsi, il apparaît que des contestations sérieuses sont élevées et que la preuve des heures facturées n'est pas certaine en l'absence de devis et d'une évaluation par un expert qui ne saurait être ordonnée aujourd'hui alors que 4 années se sont écoulées depuis la date des travaux litigieux.
C'est donc à tort que le premier juge a fait droit à la demande de la société SCMM alors qu'il convenait, au contraire, de se limiter aux heures reconnues par le débiteur.
La décision entreprise sera donc infirmée et la société SCMM sera déboutée de sa demande.
Sur les demandes reconventionnelles.
C'est à bon droit que le premier juge a rejeté les demandes de M. X... qui prétend voir engager la responsabilité de la société SCMM du fait de malfaçons qui affecteraient les travaux exécutés voilà maintenant prés de 4 ans alors même que, malgré la demande réitérée de la société SCMM, M. X... s'est curieusement opposé à toute expertise contradictoire, que l'expert de sa propre compagnie d'assurance a conclu à un défaut d'entretien avéré et n'a jamais mis en cause les travaux effectués, qu'un constat d'huissier a été réalisé, s'agissant du problème affectant le turbo, plus de deux ans après la réalisation des travaux et qu'en tout état de cause M. X... échoue à apporter une quelconque preuve, dans ces conditions, de la responsabilité qu'il impute à la société SCMM.
La décision entreprise sera confirmée sur ce point.
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Compte tenu de ce que chacune des parties succombe partiellement en ses prétentions, il y aura lieu de laisser à leur charge les dépens personnellement exposés tant en première instance qu'en cause d'appel.
Pour les mêmes motifs, il n'y a pas lieu à application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS
La Cour,
- Infirme le jugement déféré en ce qu'il a condamné M. X... à payer à la Société Charentaise de Mécanique Marine la somme de 2.593,50 € majorée des intérêts à compter du 24 juin 2014 ainsi qu'aux dépens,
Statuant à nouveau et y ajoutant,
- Déboute la société Charentaise de Mécanique Marine de sa demande en paiement du solde de sa facture,
- Dit n'y avoir lieu à application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,
- Laisse à chacune des parties la charge des dépens personnellement exposés tant en première instance qu'en cause d'appel.
LE GREFFIER, LE PRÉSIDENT,