Grosses délivréesRÉPUBLIQUE FRANÇAISE
aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 5 - Chambre 8
ARRÊT DU 25 AVRIL 2017
(n° , 7 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : 16/08515
Décision déférée à la Cour : Jugement du 04 Mars 2016 -Tribunal de Commerce de PARIS - RG n° 2013000277
APPELANTES
SA SOGEBAIL Société générale pour le développement des opération de crédit-bail immobilier
immatriculée au RCS de Paris sous le n° 775 675 077
ayant son siège social [Adresse 1]
[Adresse 1]
prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège
Représentée par Me Anne GRAPPOTTE-BENETREAU de la SCP SCP GRAPPOTTE BENETREAU, avocats associés, avocat au barreau de PARIS, toque : K0111
ayant pour avocat plaidant Me Edgard VINCENSINI, avocat au barreau de PARIS, toque B496
SA NATIXIS BAIL
immatriculée au RCS de Paris sous le n° 309 112 605
ayant son siège social [Adresse 2]
[Adresse 2]
prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège
Représentée par Me Anne GRAPPOTTE-BENETREAU de la SCP SCP GRAPPOTTE BENETREAU, avocats associés, avocat au barreau de PARIS, toque : K0111
ayant pour avocat plaidant Me Edgard VINCENSINI, avocat au barreau de PARIS, toque B496
INTIMÉS
Maître [V] [X], ès qualités de liquidateur de la société EDEN ROC
demeurant [Adresse 3]
[Adresse 4]
Représenté par Me Didier JOURDAIN, avocat au barreau de PARIS, toque : E0196
SARL EDEN ROC
immatriculée au RCS de AJACCIO sous le n° 340 990 852
ayant son siège social [Adresse 5]
[Adresse 4]
Représentée par Me Didier JOURDAIN, avocat au barreau de PARIS, toque : E0196
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions des articles 786 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 30 Janvier 2017, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposé, devant Madame Marie-Christine HEBERT-PAGEOT, Présidente de chambre, chargé du rapport et Monsieur Laurent BEDOUET, Conseiller.
Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
Madame Marie-Christine HEBERT-PAGEOT, Présidente de chambre
Madame Isabelle ROHART-MESSAGER, Conseillère,
M. Laurent BEDOUET, Conseiller
Greffier, lors des débats : Mme Mariam ELGARNI-BESSA
MINISTÈRE PUBLIC : L'affaire a été communiquée au ministère public.
ARRÊT :
- contradictoire
- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
- signé par Madame Marie-Christine HEBERT-PAGEOT, président et par Mme Mariam ELGARNI-BESSA, greffier présent lors du prononcé.
*
Suivant acte authentique du 30 juin 1987, les sociétés Sogebail et Finextel (devenue Natexis Bail) ont conclu avec la Sarl Eden Roc un crédit-bail immobilier portant sur un immeuble à usage d'hôtel à [Adresse 4], d'une valeur de 1.829.388,20 euros, d'une durée de 15 ans, courant à compter du 18 mars 1987, assorti d'une promesse unilatérale de vente au terme conventionnel du contrat
Un financement complémentaire pour des travaux est intervenu le 1er février 1989. Un avenant du 15 avril 1996 a porté la durée du crédit-bail de 15 à 19 ans et a mis en place un plan d'apurement des loyers impayés.
Sur une première assignation en résiliation judiciaire du crédit-bail, délivrée le 28 novembre 2004, le tribunal de commerce de Paris a, par jugement du 10 décembre 2010, constaté la péremption d'instance
Pendant le cours de cette procédure, avant que ne soit constatée la péremption, la société Eden Roc a, le 16 mars 2006, notifié aux crédits- bailleurs la levée de l'option d'achat.
Par acte du 3 avril 2006, Sogebail et Natixis Bail ont assigné Eden Roc devant le tribunal de commerce de Paris pour voir déclarer caduque la promesse de vente contenue dans l'acte notarié du 30 juin 1987, tandis que le 4 avril 2006, Eden Roc faisait assigner les crédits-bailleurs devant le tribunal de grande instance d'Ajaccio pour voir juger la vente parfaite, s'offrant de payer le prix.
Par jugement du 31 janvier 2007, le tribunal de commerce de Paris s'est déclaré incompétent au profit du tribunal de grande instance d'Ajaccio. Sur contredit, la cour d'appel de Paris a, le 3 octobre 2007, dit le contredit fondé et renvoyé l'affaire devant le tribunal de commerce de Paris au vu de la clause attributive de compétence figurant dans le contrat de crédit-bail. Suivant jugement du 29 octobre 2009, le tribunal de grande instance d'Ajaccio a sursis à statuer en l'attente de la décision du tribunal de commerce de Paris saisi par assignation du 3 avril 2006 et dit que l'affaire sera remise au rôle à la requête de la partie la plus diligente.
Le 17 mars 2008, le tribunal de commerce d'Ajaccio a ouvert une procédure de redressement judiciaire à l'égard de la société Eden Roc, qui a été suivie de l'adoption d'un plan le 19 avril 2010, puis, le 21 mars 2011, de l'ouverture d'une procédure de liquidation judiciaire, Maître [X] étant désigné en qualité de mandataire judiciaire liquidateur.
Les 19 et 22 mai 2008, 'l'indivision' Sogebail et Natexis Bail a déclaré une créance de 4.445.850,52 euros au passif d'Eden Roc. Cette créance a été contestée et, dans le dernier état, a donné lieu à une décision de la cour d'appel de Bastia en date du 18 mai 2016 qui a notamment confirmé l'admission au passif d'Eden Roc d'une créance chirographaire de 600.179 euros au titre de la créance locative pour la période non prescrite du 17 mars 2003 au 17 mars 2006 et, infirmant l'ordonnance du juge-commissaire, a sursis à statuer sur la créance pour la période postérieure au 17 mars 2006 dans l'attente de la décision qui sera rendue par le tribunal de grande instance d'Ajaccio dans l'instance enrôlée sous le numéro 06-413.
Par assignations des 4 et 21 mars 2011 et du 27 février 2013, qui ont fait l'objet d'une jonction le 3 avril 2013, les crédits-bailleurs ont assigné devant le tribunal de commerce de Paris la société Eden Roc et son liquidateur pour voir prononcer la résiliation judiciaire du crédit-bail, de son avenant et du plan d'apurement conclu le 15 avril 1996 pour défaut de paiement des loyers avant l'ouverture de la procédure collective, défaut de justification d'une assurance pour l'immeuble, condamner Eden Roc au paiement de 5 millions d'euros au titre des arriérés de loyers et charges et voir ordonner son expulsion.
Par jugement du 4 mars 2016, dont appel, le tribunal de commerce de Paris a dit l'instance éteinte par péremption et a condamné in solidum Sogebail et Natixis Bail aux dépens de l'instance.
Sogebail et Natixis Bail ont relevé appel de cette décision selon déclaration du 12 avril 2016 et demandent à la cour, dans leurs conclusions signifiées le 4 juillet 2016, d'infirmer le jugement, de dire que l'instance n'est pas périmée, de constater qu'Eden Roc ne règle plus aucun loyer depuis 1995, ne justifie pas d'une assurance de l'immeuble, en conséquence, de prononcer la résiliation du crédit-bail, de son avenant et du plan d'apurement des loyers conclus le 15 avril 1996 et de condamner Eden Roc, représentée par Maître [X], au paiement de 2.500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile, de fixer cette somme au passif de Eden Roc, ainsi qu'aux dépens.
Dans leurs écritures signifiées le 31 août 2016, Eden Roc et Maître [X], es qualités de liquidateur, demandent à la cour de juger l'instance éteinte par péremption et de confirmer le jugement, subsidiairement, de constater que la demande de résolution du contrat pour défaut de paiement de prix est interdite en ce qu'elle a été formée le 4 mars 2011, postérieurement à l'ouverture de la procédure de redressement judiciaire, et la juger irrecevable, très subsidiairement au fond, de constater qu'aucune inexécution fautive ne peut être reprochée à Eden Roc et de débouter les appelants de toutes leurs prétentions, de condamner Sogebail et Natixis Bail à verser à Maître [X], es qualités, 20.000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens.
SUR CE
Sur la péremption d'instance
Selon l'article 386 du code de procédure civile, l'instance est périmée lorsqu'aucune des parties n'accomplit de diligences pendant deux ans.
Sogebail et Natixis Bail critiquent le jugement en ce qu'il a retenu qu'à la date de l'audience du 21 janvier 2016, plus de deux ans s'étaient écoulés sans que les parties n'aient accompli de diligences. Elles font valoir qu'en raison des liens unissant la présente instance et celle relative à la contestation de leur déclaration de créance, les diligences de l'une quelconque des parties dans ces instances interrompt le délai de péremption, qu'à l'audience du 18 septembre 2013 le tribunal a renvoyé l'affaire au 30 octobre 2013 à la demande des avocats des parties qui ont fait état qu'une instance devait se tenir devant le juge-commissaire du tribunal de commerce d'Ajaccio le 30 septembre 2013 pour fixer la créance des crédits-bailleurs, de sorte que l'affaire a été mise sur un rôle d'attente, cette décision s'analysant en un sursis à statuer en l'attente de la décision du juge-commissaire, seule la fixation de la créance permettant d'apprécier la gravité de l'inexécution du crédit preneur, de sorte que le point de départ correspond à la date à laquelle la créance a été fixée, soit au 18 mai 2016, date de l'arrêt de la cour d'appel de Bastia.
Tandis que les intimés soutiennent que le point de départ du délai de péremption est l'assignation du 23 février 2013, dernière diligence des parties. Ils précisent qu'il n'existe aucun lien de fait, faisant dépendre l'action en résiliation fondée sur des loyers impayés, de l'action en fixation de la créance de loyers impayés, que le crédit preneur ne contestait pas le défaut de paiement des loyers soutenant simplement devant le juge-commissaire qu'une partie des impayés était prescrite, qu'il n'a jamais été sollicité de sursis à statuer et qu'en outre les appelants ont expressément reconnu que l'instance en contestation de la créance devant le juge-commissaire ne pouvait avoir d'incidence sur la procédure de résiliation.
S'agissant des diligences alléguées dans le cadre de la présente instance, engagée par assignations des 4 et 21 mars 2011 et 27 février 2013 (assignation du liquidateur), les sociétés appelantes se prévalent de la décision de renvoi actée par le greffier comme diligences interrompant la péremption.
Il ressort de la note du greffier du tribunal de commerce de Paris et de l'historique du déroulement de la procédure que cette affaire a été évoquée à l'audience collégiale du tribunal de commerce de Paris du 18 septembre 2013, a fait l'objet d'un renvoi au 30 octobre 2013 'pour dépôt de conclusions et solution' à la demande des conseils des parties, au motif qu'une audience devait se tenir devant le juge-commissaire du tribunal de commerce d'Ajaccio le 30 septembre 2013 afin de statuer sur la contestation de la créance déclarée par les crédits-bailleurs au passif d'Eden Roc.
Cependant, une demande de renvoi, fût-elle présentée par l'ensemble des parties, ne constitue pas en elle-même une diligence au sens de l'article 386 du code de procédure civile.
Quant à l'avis de renvoi au 30 octobre 2013 transmis par le greffier, contrairement à ce que soutiennent les appelants, il ne s'analyse pas, en une décision de sursis à statuer et n'a pas eu davantage que la demande de renvoi, d'effet interruptif sur la péremption.
Il en est de même de la mise de l'affaire sur 'un rôle d'attente' du tribunal de commerce, le 11 décembre 2013, jusqu'à sa sortie pour renvoi devant la 16ème chambre le 21 janvier 2016, puis à l'audience du 11 février 2016, une telle mesure qui ne répond pas aux exigences de l'article 382 du code de procédure civile ne s'analysant pas en une mesure de retrait du rôle au sens de ces dispositions.
Il n'existe donc dans le cadre de cette seule procédure, ni sursis à statuer, ni retrait du rôle, ni aucune autre diligence intervenue postérieurement à l'assignation du 27 février 2013 ayant interrompu le délai de péremption.
Sogebail et Natixis Bail se prévalent, d'autre part, des diligences accomplies dans le cadre de la procédure parallèle de contestation de leur déclaration de créance devant le juge-commissaire, considérant que le délai de péremption n'a couru qu'à compter de l'arrêt de la cour d'appel de Bastia statuant sur leur créance, le 18 mai 2016.
Dans la procédure portant sur la contestation des créances déclarées par Sogebail et Natixis Bail au passif d'Eden Roc, le juge-commissaire du tribunal de commerce d'Ajaccio a :
- par ordonnance du 28 octobre 2009, sursis à statuer dans l'attente du résultat des instances pendantes devant le tribunal de grande instance d'Ajaccio et devant le tribunal de commerce de Paris,
- par ordonnance du 17 février 2015, dit recevable la demande de rétablissement de l'affaire au rôle, dit n'y avoir lieu de surseoir à statuer au titre des procédures en résiliation du crédit-bail en cours, a déclaré prescrite la créance locative antérieure au 17 mars 2003, admis la créance locative au passif de Eden Roc à hauteur de 600.179 euros pour la période du 17 mars 2003 au 17 mars 2006 et débouté Sogebail et Natixis Bail de leurs plus amples demandes d'admission.
Par arrêt du 18 mai 2016, la cour d'appel de Bastia a confirmé l'ordonnance du juge-commissaire ayant déclaré recevable la demande de rétablissement au rôle, dit prescrite la créance locative antérieure au 17 mars 2003 et admis au passif d'Eden Roc une créance de 600.179 euros au titre de la créance locative pour la période non prescrite du 17 mars 2003 au 17 mars 2006 et, l'infirmant pour le surplus, a sursis à statuer sur la créance pour la période postérieure au 17 mars 2006 dans l'attente de la décision qui sera rendue par le tribunal de grande instance d'Ajaccio dans l'instance enrôlée sous le numéro 06-413.
S'il est admis que la péremption d'instance est interrompue par les actes intervenus dans une instance différente lorsqu'il existe entre les deux procédures un lien de dépendance directe et nécessaire, la caractérisation d'un tel lien ne saurait résulter du seul fait que les deux procédures se rapportent l'une et l'autre au contrat de crédit-bail et à son avenant.
La cour d'appel de Bastia, qui avait été saisie d'une demande de sursis à statuer à deux titres, sur le fondement de la présente instance en résiliation et sur le fondement de l'instance pendante devant le tribunal de grande instance d'Ajaccio, a rejeté cette demande de sursis en ce qu'elle était fondée sur la procédure en résiliation du crédit-bail , au motif que l'influence de l'action en résiliation et de ses avenants sur la contestation de créance était toute théorique, cette action ayant été introduite plus de cinq ans après le terme du crédit-bail fixé par l'avenant au 17 mars 1996,et après qu'ait été rendu, le 10 décembre 2010, un jugement constatant la péremption de l'instance précédemment engagée aux mêmes fins, ajoutant que s'il était fait droit à la demande de crédits-bailleurs et en considération de leur renoncement au bénéfice de la clause résolutoire que visait un commandement de payer du 2 mars 2000, acté le 8 avril 2004, l'issue de ce litige ne porterait que sur la date de la rupture du contrat et n'aurait d'incidence que sur la nature des sommes dues et non sur leur montant. La cour n'a ainsi accueilli la demande de sursis à statuer pour la période postérieure au 17 mars 2006 qu' à raison de l'instance pendante devant le tribunal de grande instance d'Ajaccio, saisi de la validité de la levée de l'option, cette instance étant susceptible de valider un transfert de la propriété de l'immeuble, objet du crédit-bail.
Il n'existe pas davantage de lien de dépendance directe et nécessaire entre les deux procédures, du point de vue de la présente instance, dès lors que le tribunal de commerce avait toute la latitude pour apprécier les manquements imputés à Eden Roc, et n'était aucunement dans la nécessité juridique d'attendre la fixation de la créance par le juge-commissaire, pour statuer sur la résiliation du crédit-bail aux torts du preneur.
Les sociétés Sogebail et Natixis Bail, en formalisant leur demande de sursis à statuer devant le juge-commissaire et non dans la présente instance, ont d'ailleurs considéré que c'était la procédure de contestation de créance qui dépendait de l'instance en résiliation et non l'inverse, étant observé qu'ayant laissé se périmer une précédente instance en résiliation du crédit-bail (jugement du 10 décembre 2010), leur vigilance 'imposait particulièrement dans cette seconde procédure.
Ainsi, il n'est justifié d'aucune diligence dans les deux ans qui ont suivi la délivrance de l'assignation du 27 février 2013, de sorte, comme l'a exactement jugé le tribunal de commerce, qu'au jour de l'audience en première instance, la péremption était acquise.
Le jugement sera en conséquence confirmé en ce qu'il a dit éteinte l'instance pour cause de péremption.
Sur les dépens et l'article 700 du code de procédure civile
Aucune considération d'équité ne justifie de faire application de l'article 700 du code de procédure civile, ni en première instance, ni en cause d'appel.
Les sociétés Sogebail et Natixis Bail seront condamnées aux dépens de première instance et d'appel, le jugement étant confirmé de ce chef.
PAR CES MOTIFS
Confirme le jugement en toutes ses dispositions,
Y ajoutant,
Déboute toutes les parties de leurs demandes au titre des frais irrépétibles exposés en appel,
Condamne les sociétés Sogebail et Natixis Bail aux entiers dépens, qui pourront être recouvrés directement par Maître Didier Jourdain qui en a fait la demande, conformément à l'article 699 du code de procédure civile.
LE GREFFIER LA PRÉSIDENTE
Mariam ELGARNI-BESSA Marie-Christine HEBERT-PAGEOT