Grosses délivrées REPUBLIQUE FRANCAISE
aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 6 - Chambre 2
ARRET DU 04 JUILLET 2013
(n° , 5 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : 12/06930
Décision déférée à la Cour : Jugement du 13 Mars 2012 - Tribunal de Grande Instance de PARIS - RG n° 11/11662
APPELANTS
Monsieur [L] [J]
[Adresse 1]
[Localité 1]
représenté par Me Chantal-rodene BODIN CASALIS (avocat au barreau de PARIS, toque : L0066), avocat postulant
représenté par Me Roger KOSKAS de la SELARL SOCIETE D'AVOCATS GRUMBACH ET ASSOCIES (avocat au barreau de PARIS, toque : K0137), avocat plaidant
Syndicat SNPCA-CFE CGC (SYNDICAT NATIONAL DES PERSONNELS DE LA COMMUNICATION ET DE L'AUDIOVISUEL)
agissant en la personne de son secrétaire général
[Adresse 2]
Pièce V 139
[Localité 3]
représentés par Me Chantal-rodene BODIN CASALIS (avocat au barreau de PARIS, toque : L0066), avocat postulant
représentés par Me Roger KOSKAS de la SELARL SOCIETE D'AVOCATS GRUMBACH ET ASSOCIES (avocat au barreau de PARIS, toque : K0137), avocat plaidant
INTIMEE
SA FRANCE TELEVISIONS
agissant en la personne de ses représentants légaux
[Adresse 2]
[Localité 2]
représentée par Me Matthieu BOCCON GIBOD (avocat au barreau de PARIS, toque : C2477), avocat postulant
représentée par Me Joël GRANGE et Me Jeannie CREDOZ-ROSIER (avocat au barreau de PARIS, toque : P0461), avocats plaidants
COMPOSITION DE LA COUR :
L'affaire a été débattue le 23 mai 2013, en audience publique, devant la Cour composée de :
Madame Irène LEBÉ, Président
Madame Catherine BÉZIO, Conseiller
Madame Martine CANTAT, Conseiller
qui en ont délibéré
GREFFIER : Madame FOULON, lors des débats
ARRET :
- contradictoire
- prononcé publiquement par Madame Irène LEBÉ, Président
- signé par Madame Irène LEBÉ, Président et par Madame FOULON, Greffier présent lors du prononcé.
**********
Statuant sur l'appel formé par M.[L] [J] et le Syndicat National des Personnels de la Communication et de l'Audiovisuel (en abrégé SNPCA) CFE-CGC à l'encontre du jugement en date du 13 mars 2012 par lequel le tribunal de grande instance de Paris, saisi à la requête de la société FRANCE TELEVISIONS, a annulé la désignation de M.[L] [J], en qualité de représentant syndical au CFSCT du site des «'emprises parisiennes intra muros'» de la société FRANCE TELEVISIONS';
Vu les dernières conclusions du SNPCA-CGE CGC signifiées le 23 avril 2013 tendant à ce que la cour, réformant le jugement entrepris, dise que l'accord interprofessionnel du 17 mars 1975 est applicable à la société FRANCE TELEVISION et valide en conséquence la désignation de M.[J] en qualité de représentant syndical au CHSCT, se déclare incompétente pour statuer sur l'examen de la validité de l'arrêté d'extension de cet accord et rejette l'ensemble des demandes de la société FRANCE TELEVISION en condamnant cette dernière à lui verser la somme de 5000 € en vertu des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile';
Vu les dernières écritures de la société FRANCE TELEVISION, signifiées le 8 avril 2013, qui conclut à la confirmation du jugement entrepris t à l'allocation en sa faveur de la somme de 1500 € par application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile';
SUR CE LA COUR
Faits et procédure
Considérant qu'il n'est pas discuté qu' en application des dispositions de la loi du 5 mars 2009, les sociétés de télévision du secteur public (France 2, France 4France 5 et RFO) ont été absorbées par la société FRANCE TELEVISION qui est désormais l'employeur de près de 9000 salariés permanents';
que, conformément à ces dispositions légales, courant 2009,la société FRANCE TELEVISION a engagé avec les organisations représentatives, des négociations à l'effet de déterminer le nombre d'établissements distincts qui devaient être institués au sein de cette nouvelle entité juridique';
que seule la CGT approuvant le projet de la société FRANCE TELEVISION , c'est donc l'administration qui, par décision du 27 septembre 2010, a fixé les établissements à 15, pour la mise en place des comités d'établissement et à 45, pour celle des délégués du personnel';
que sur recours de plusieurs syndicats, dont l'organisation syndicale présentement appelante, un recours gracieux a été exercé contre cette décision, à l'issue duquel le nombre des comités , en ce qui concerne l'institution des délégués du personnel, a été réduit à 37';
que, c'est ainsi, qu'a été conclu, le 4 avril 2011, au niveau de l'établissement dénommé «'Maison de France Télévision'» -qui regroupe les salariés des anciennes sociétés parisiennes et franciliennes, absorbées par la société FRANCE TELEVISION- un accord atypique , signé entre le comité d'établissement et le chef d'établissement, fixant à 4, le nombre de comités d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail (CHSCT), compris dans le périmètre de l'établissement,'soit, un comité pour le site [Localité 6], un pour le site d'[Localité 5], un pour le site d'[Localité 4] et un pour les emprises strictement parisiennes «'intra muros'»';
que par lettre du 3 mai 2011, adressée à la direction de la société FRANCE TELEVISION, le SNPCA-CGE CGC a désigné M.[J], en qualité de représentant syndical auprès du CHSCT du site des «'emprises parisiennes'»';
que la société FRANCE TELEVISION a contesté cette désignation, faite par le SNPCA-CGE CGC en vertu des dispositions de l'accord national interprofessionnel (ANI) du 17 mars 1975';
qu'elle a soutenu que cet accord ne lui est pas applicable et a obtenu gain de cause aux termes du jugement présentement déféré à la cour'par lequel le tribunal de grande instance de Paris a annulé la désignation de M.[J]';
Considérant qu'en cause d'appel le SNPCA-CGE CGC rappelle que le 17 mars 1975 a été signé par le CNPF -aujourd'hui MEDEF- du côté des organisations patronale, un ANI prévoyant en son article 23 la désignation possible au CHSCT, par les organisations syndicales représentatives, d'un représentant siégeant avec voix consultative';
qu'il a ainsi désigné M.[J] en qualité de représentant syndical au CHSCT'[Localité 7] «'intra muros'»;
que l'appelant soutient que cette désignation est contestée à tort par la société FRANCE TELEVISION dans la mesure où, contrairement aux prétentions de cette dernière, l'accord précité du 17 mars 1975 est applicable au sein de la société FRANCE TELEVISION, d'une part, en vertu de l'arrêté d'extension ministériel en date du 23 janvier 1996 et, d'autre part, en raison de l'usage non dénoncé, en vigueur jusqu'à la création de la «'nouvelle'» société FRANCE TELEVISION par la loi du 5 mars 2009,'tant au sein de FRANCE TELEVISION qu'au sein des sociétés absorbées par celle-ci';
Considérant que la société FRANCE TELEVISION conteste que l' ANI du 17 mars 1975 lui soit applicable'; qu'elle objecte, en outre, que l'usage invoqué n'existe pas, ou du moins, n'existe plus en son sein';
Motivation
Considérant qu'il n'est pas contesté que l'accord du 17 mars 1975 est intitulé «'accord cadre, sur l'amélioration des conditions de travail'»';
qu'il a été signé par la Confédération Nationale du Patronal Français (CNPF) aux droits duquel vient désormais le MEDEF et plusieurs Confédérations syndicales de salariés';
que ce texte conventionnel a fait l'objet d'une extension selon arrêté ministériel du 12 janvier 1996, lui-même, intitulé «'arrêté portant extension d'un accord national interprofessionnel'»';
que l'article 23 de cet accord , issu d'un avenant en date du 16 octobre 1984, a institué le droit pour les syndicats représentatifs de désigner un représentant au CHSCT';
que, conformément aux dispositions de cet article, la CFE CGC a désigné M.[J], comme représentant au CHSCT de la société FRANCE TELEVISION, laquelle, refusant de tenir pour valable cette désignation, a saisi le tribunal de grande instance à l'effet de voir juger que l'accord du 17 mars 1975 ne lui est pas applicable et annuler, en conséquence, la désignation de M.[J]';
que le tribunal , retenant l'argumentation de la société FRANCE TELEVISION selon laquelle l'accord litigieux «'s'applique aux organisations non signataires de l'accord ni adhérentes à une organisation signataire que si celles-ci relèvent d'une activité économique représentée par une organisation patronale signataire de l'accord'»';
qu'en l'espèce, la société FRANCE TELEVISION n'étant ni adhérente de l'accord , ni adhérente d'une organisation signataire, la CFE CGC ne peut revendiquer l'application de cet accord au sein de FRANCE TELEVISION ';
qu'en outre, le MEDEF n'est pas, de plein droit, représentatif dans tous les secteurs d'activité de l'industrie, du commerce et des services'; qu'il n'est ni démontré ni allégué qu'il soit représentatif au sein du secteur de l'audiovisuel, présentement en cause';
qu'enfin, ni la généralité de l'accord, ni l'absence de représentativité d'un autre syndicat dans ce secteur, ne sauraient faire échec à la conclusion que l'accord du 17 mars 1975, en dépit de son extension, n'est pas applicable au sein de la société FRANCE TELEVISION';
Mais considérant que cette argumentation, reprise en cause d'appel par la société FRANCE TELEVISION , n'apparaît pas conforme à la lettre et à l'esprit des dispositions légales sur l'application des accords et conventions collectifs';
Considérant qu'en effet, que ces textes conventionnels soient, de branche -visant donc une seule branche d'activité- ou interprofessionnels -c'est à dire communs à toutes les professions- il n'est pas contestable que le champ d'application est déterminé en fonction de l'activité économique des entreprises auxquelles les signataires de l'accord souhaitent que celui-ci soit applicable';
que, pour être valables, ces textes doivent être signés par des organisations patronales et salariales représentatives dans le champ d'activité économique ainsi visé'; qu'à défaut seulement d'indications expresses par les signataires de cette activité celle-ci peut être recherchée et confirmée à travers l'identité de ces signataires et leur représentativité';
Mais considérant qu'en l'espèce, l'autorité administrative, elle-même, -conférant force obligatoire de l'accord- a estimé approprié de qualifier d' «'interprofessionnel'» l'accord du 17 mars 1975'; que la société FRANCE TELEVISION ne soutient pas que ce qualificatif serait erroné'; qu'il s'ensuit que l'accord litigieux revêt donc la nature d'un accord interprofessionnel, applicable dans tous les secteurs d'activité', conformément à l'interprétation qu'a estimé pouvoir en faire le ministre dans son arrêté';
qu'ainsi, la généralité des dispositions dont ont usé les parties à l'accord, exclusive de toute restriction quant au champ d'application de celui-ci, n'apparaît pas fortuite et traduit bien la volonté des parties d'embrasser l'ensemble des secteurs ou branches de l'économie, qu'elles ont estimé pouvoir représenter';
Et considérant que, dans ces conditions, la discussion instaurée par la société FRANCE TELEVISION sur la prétendue absence de représentativité du MEDEF, s'avère sans objet pour trancher le strict débat que cette société instaure, fondé sur un défaut d'applicabilité de l'accord à son endroit, précisément pour défaut de représentativité par le MEDEF du secteur de l'audiovisuel';
que les dispositions de l'accord interprofessionnel du 17 mars 1975 étant applicables à la société FRANCE TELEVISIO , la désignation par l'appelant de son représentant syndical au CHSCTde cette société est valable';
Considérant qu'au demeurant, l'exigence qui tendrait, selon la société FRANCE TELEVISION, à vérifier l'applicabilité d'un accord collectif à une société, au regard de l'adhésion d'une société à cet accord, -soit, à titre personnel, soit à travers son adhésion auprès de l'un des signataires- dénie le caractère normatif spécifique des accords et conventions collectives';
que si ce ou ces signataires étaient prétendus sans qualité pour conclure de semblables accords, singulièrement interprofessionnels, le bien fondé de cette assertion devrait, à tout le moins, être établi par celui qui refuse de faire application du texte litigieux -ce qui ne résulte d'aucune pièce aux débats';
Considérant que le jugement entrepris sera donc infirmé et la société FRANCE TELEVISION, déboutée de sa demande d'annulation de la désignation contestée';
Considérant qu' en vertu des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile la société FRANCE TELEVISION versera aux appelants la somme de 3000 €';
PAR CES MOTIFS
Infirme le jugement entrepris,
Statuant à nouveau,
Déboute la société FRANCE TELEVISION de toutes ses demandes';
Déclare en conséquence valable la désignation de M,[J] en qualité de représentant syndical au CHSCT de Paris intra muros ,
La condamne aux dépens ainsi qu'au paiement de la somme globale de 3000 € au profit des appelants en vertu des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;
Dit que les dépens seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile par Me BODIN CASALIS, avocat.
LE GREFFIER LE PRESIDENT