Ordonnance N°23/631
N° RG 23/00674 - N° Portalis DBVH-V-B7H-I3WC
J.L.D. NIMES
24 juin 2023
[F]
C/
LE PREFET DU GARD
COUR D'APPEL DE NÎMES
Cabinet du Premier Président
Ordonnance du 27 JUIN 2023
Nous, Madame Alexandra BERGER, Conseillère à la Cour d'Appel de NÎMES, conseiller désigné par le Premier Président de la Cour d'Appel de NÎMES pour statuer sur les appels des ordonnances des Juges des Libertés et de la Détention du ressort, rendues en application des dispositions des articles L 742-1 et suivants du Code de l'Entrée et du Séjour des Etrangers et du Droit de l'Asile (CESEDA), assisté de Mme Emmanuelle PRATX, Greffière,
Vu l'arrêté de Mme Le Préfet du Gard portant obligation de quitter le territoire national en date du 22 juin 2023 notifié le même jour, ayant donné lieu à une décision de placement en rétention en date du 22 juin 2023, notifiée le même jour à 14h30 concernant :
M. [O] [F]
né le 01 Janvier 2003 à [Localité 2]
de nationalité MALIENNE
Vu la requête reçue au Greffe du Juge des Libertés et de la Détention du Tribunal Judiciaire de Nîmes le 23 juin 2023 à 09h58, enregistrée sous le N°RG 23/3193 présentée par Mme le Préfet du Gard ;
Vu la requête présentée par M. [O] [F] le 23 juin 2023 à 11h27 tendant à voir contester la mesure de placement en rétention prise à son égard le 22 juin 2023 et reprise oralement à l'audience ;
Vu l'ordonnance rendue le 24 Juin 2023 à 11h35 notifiée au retenu à 16h30 par le Juge des Libertés et de la Détention du Tribunal de NÎMES, qui a :
* Déclaré la requête recevable ;
* Ordonné la jonction des requêtes ;
* Rejeté les exceptions de nullité soulevées ;
* Ordonné pour une durée maximale de 28 jours commençant 48H après la notification de la décision de placement en rétention, le maintien dans les locaux ne relevant pas de l'administration pénitentiaire, de M. [O] [F];
* Dit que la mesure de rétention prendra fin à l'expiration d'un délai de 28 jours à compter du 24 juin 2023 à 14h30,
Vu l'appel de cette ordonnance interjeté par Monsieur [O] [F] le 26 Juin 2023 à 15h10 ;
Vu l'absence du Ministère Public près la Cour d'appel de NIMES régulièrement avisé ;
Vu l'absence du Préfet du Gard, régulièrement convoqué,
Vu la comparution de Monsieur [O] [F], régulièrement convoqué;
Vu la non comparution Monsieur [C] [U], interprète en langue bambara, qui a été convoqué, mais a fait savoir ce jour qu'il ne pouvait être présent ;
Vu la présence de Me Alexandre ZWERTVAEGHER, avocat de Monsieur [O] [F] qui a été entendu en sa plaidoirie ;
MOTIFS
Monsieur [O] [F] a reçu notification le 22 juin 2023 d'un arrêté du Préfet du Gard du même jour lui faisant obligation de quitter le territoire national sans délai avec interdiction de retour pendant trois ans.
Monsieur [O] [F] a fait l'objet d'un contrôle d'identité le 21 juin 2023, à [Localité 3], à 14h00.
Par arrêté de la même préfecture en date du 22 juin 2023 et qui lui a été notifié le jour même à 14h30, il a été placé en rétention administrative aux fins d'exécution de la mesure d'éloignement.
Par requêtes du 23 juin 2023, Monsieur [O] [F] et le Préfet du Gard ont respectivement saisi le Juge des libertés et de la détention du tribunal judiciaire de Nîmes d'une contestation de ce placement en rétention et d'une demande en prolongation de la mesure.
Par ordonnance prononcée le 24 juin 2023, à 11h35, le Juge des libertés et de la détention de Nîmes a rejeté les exceptions de nullité soulevées ainsi que les moyens présentés par Monsieur [O] [F] et ordonné la prolongation de sa rétention administrative pour vingt-huit jours.
Monsieur [O] [F] a interjeté appel de cette ordonnance le 26 juin 2023, à 15h10.
A l'audience de ce jour, constatons l'absence d'interprète en langue BAMBARA, lequel n'était pas disponible et donc l'existence de circonstances insurmontables au regard des délais pour statuer sur le recours du retenu rendant impossible le renvoi du dossier.
Sur l'audience, Monsieur [O] [F] indique ne pas comprendre le français.
Son avocat soutient que :
- il est constaté l'absence de l'interprète à cette audience mais également devant le juge des libertés et de la détention, donc il n'a pas été en mesure de comprendre la procédure,
- sur le fond du dossier, il y a le problème de mineur, sa date de naissance fait débat et les investigations ont été diligentées sur la date de naissance,
- le motif déloyale la convocation par la Préfecture, il a été convoqué pour une prise d'empreinte et il a été arrêté par les services de police,
- sur le fond, il s'en rapporte à la déclaration d'appel.
Madame le Préfet du Gard n'est pas représentée.
SUR LA RECEVABILITE DE L'APPEL :
L'appel interjeté par Monsieur [O] [F] à l'encontre d'une ordonnance du Juge des libertés et de la détention du Tribunal judiciaire de Nîmes prononcée en sa présence a été relevé dans les délais légaux et conformément aux dispositions des articles L.743-21, R.743-10 et R.743-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
Il est donc recevable.
SUR LES MOYENS NOUVEAUX ET ÉLÉMENTS NOUVEAUX INVOQUÉS EN CAUSE D'APPEL:
L'article 563 du code de procédure civile dispose : « Pour justifier en appel les prétentions qu'elles avaient soumises au premier juge, les parties peuvent invoquer des moyens nouveaux, produire de nouvelles pièces ou proposer de nouvelles preuves. »
L'article 565 du même code précise : « Les prétentions ne sont pas nouvelles dès lors qu'elles tendent aux mêmes fins que celles soumises au premier juge même si leur fondement juridique est différent ».
Sauf s'ils constituent des exceptions de procédure, au sens de l'article 74 du code de procédure civile, les moyens nouveaux sont donc recevables en cause d'appel.
A l'inverse, pour être recevables en appel, les exceptions de nullité relatives aux contrôle d'identité, conditions de la garde à vue ou de la retenue et d'une manière générale celles tenant à la procédure précédant immédiatement le placement en rétention doivent avoir été soulevées in « limine litis » en première instance.
Par ailleurs, le contentieux de la contestation de la régularité du placement en rétention (erreur manifeste d'appréciation de administration ou défaut de motivation) ne peut être porté devant la cour d'appel que s'il a fait l'objet d'une requête écrite au juge des libertés et de la détention dans les 48 heures du placement en rétention, sauf à vider de leur sens les dispositions légales de l'article R.741.3 du CESEDA imposant un délai strict de 48h et une requête écrite au Juge des libertés et de la détention.
En l'espèce, Monsieur [O] [F] soulève des moyens de nullité de la procédure soulevés in limine litis devant le juge de première instance. Ces moyens sont recevables.
SUR LES EXCEPTIONS DE NULLITÉ AU TITRE D'IRRÉGULARITÉS DE LA PROCÉDURE ANTÉRIEURE A L'ARRÊTÉ :
L'article L.743-12 du Code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dispose: « En cas de violation des formes prescrites par la loi à peine de nullité ou d'inobservation des formalités substantielles, le juge des libertés et de la détention saisi d'une demande sur ce motif ou qui relève d'office une telle irrégularité ne peut prononcer la mainlevée de la mesure de placement en rétention que lorsque celle-ci a eu pour effet de porter atteinte aux droits de l'étranger »
Ainsi une irrégularité tirée de la violation des formes prescrites par la loi à peine de nullité ou d'inobservation de formalités substantielles ne peut conduire à une mainlevée de la rétention que si elle a eu pour effet de porter atteinte aux droits de l'étranger.
Sur le caractère déloyale de l'interpellation :
Il ressort du procès verbal dressé le 21 juin 2023 à 14h00 que :
- les services de police ont été saisis par le référent fraude documentaire de la Préfecture du Gard des agissement de Monsieur [O] [F] suite à la convocation de ce dernier à la Préfecture.
Par conséquent, sans avoir examiner les autres moyens soulevés, il y a lieu de dire caractérisé le caractère déloyale de l'interpellation du retenu, dans des conditions qui le lui ont pas permis de penser qu'il serait appréhendé en se rendant à une convocation de la Préfecture.
Ainsi, les droits de Monsieur [O] [F] n'ont pas été préservés durant la procédure antérieure à l'arrêté de rétention et que cette carence lui a porté grief.
En conséquence, l'ordonnance entreprise doit être infirmée et il convient d'ordonner la mise en liberté immédiate de Monsieur [O] [F] et de lui rappeler qu'il a obligation de quitter le territoire national français en vertu de l'arrêté d'obligation de quitter le territoire national français du 22 juin 2023 par la Préfecture du Gard.
PAR CES MOTIFS
Statuant publiquement, en matière civile et en dernier ressort,
Vu l'article 66 de la constitution du 4 octobre 1958,
Vu les articles L.741-1, L.742-1 à L.743-9 ; R.741-3 et R.743-1 à R.743-19, L.743.21 du Code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile,
DÉCLARONS recevable l'appel interjeté par Monsieur [O] [F] ;
INFIRMONS l'ordonnance déférée en toutes ses dispositions ;
DISONS n'y avoir lieu à prolongation de la rétention administrative de Monsieur [O] [F] ;
ORDONNONS la mise en liberté immédiate de Monsieur [O] [F] ;
RAPPELONS à Monsieur [O] [F] qu'il a l'obligation de quitter le territoire national français en application de l'arrêté préfectoral du 22 juin 2023 ;
RAPPELONS que, conformément à l'article R.743-20 du Code de l'Entrée et du Séjour des Etrangers et du Droit d'Asile, les intéressés peuvent former un pourvoi en cassation par lettre recommandée avec accusé de réception dans les deux mois de la notification de la présente décision à la Cour de cassation [Adresse 1].
Fait à la Cour d'Appel de NÎMES,
le 27 Juin 2023 à
LE GREFFIER, LE PRESIDENT,
' Notification de la présente ordonnance a été donnée ce jour au Centre de rétention administrative de [Localité 3] à M. [O] [F].
Le à H
Signature du retenu
Copie de cette ordonnance remise, ce jour, par courriel, à :
- Monsieur [O] [F], par le Directeur du centre de rétention de [Localité 3],
- Me Alexandre ZWERTVAEGHER, avocat
(de permanence),
- Mme Le Préfet du Gard
,
- M. Le Directeur du CRA de [Localité 3],
- Le Ministère Public près la Cour d'Appel de NIMES
- Mme/M. Le Juge des libertés et de la détention,