République Française
Au nom du peuple français
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Cour d'appel de Nancy
Chambre de l'Exécution - JEX
Arrêt n° /23 du 09 FEVRIER 2023
Numéro d'inscription au répertoire général :
RG n°22/1251 - N° Portalis : DBVR-V-B7G-E7PX
Décision déférée à la Cour :
Jugement du juge de l'exécution du tribunal judiciaire de NANCY, R.G.n°18/114, en date du 12 mai 2022,
APPELANTE :
S.A. CREDIT IMMOBILIER DE FRANCE DEVELOPPEMENT
Société Anonyme au capital de 124 821 703 €, dont le siège social est [Adresse 2], immatriculée au RCS de PARIS sous le numéro 379 502 644, venant aux droits du CREDIT IMMOBILIER DE FRANCE ALSACE LORRAINE.
Représentée par Me Clarisse MOUTON de la SELARL LEINSTER WISNIEWSKI MOUTON LAGARRIGUE, avocat au barreau de NANCY
INTIME :
Monsieur [L] [Y]
né le [Date naissance 1] 1939 à [Localité 6] (Italie), domicilié [Adresse 4]
Représenté par Me François CAHEN, avocat au barreau de NANCY
COMPOSITION DE LA COUR :
L'affaire a été débattue le 12 Janvier 2023, en audience publique devant la Cour composée de :
Monsieur Francis MARTIN, président de chambre,
Madame Nathalie ABEL, conseillère,
Madame Fabienne GIRARDOT conseillère, chargée du rapport
qui en ont délibéré ;
Greffier, lors des débats : Madame Christelle CLABAUX-DUWIQUET ;
ARRÊT : contradictoire, prononcé publiquement le 09 février 2023 date indiquée à l'issue des débats, par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de Procédure Civile ;
signé par Monsieur Francis MARTIN président de chambre, et par Madame Christelle CLABAUX-DUWIQUET, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire;
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Copie exécutoire délivrée le à
Copie délivrée le à
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EXPOSE DU LITIGE
Suivant acte notarié reçu le 21 novembre 2002, le Crédit Immobilier de France Alsace Lorraine (filiale financière) a consenti à M. [L] [Y] un prêt dénommé ' PLH IN FINE REVISABLE 'd'un montant de 163 695 euros remboursable sur une durée de 180 mois au taux d'intérêts initial révisable de 5,50% l'an et au TAEG maximum de 6,28% (soit 179 échéances en intérêts et cotisations d'assurance et la dernière mensualité du 30 novembre 2017 comportant en outre le remboursement du capital emprunté), garanti par le privilège de prêteur de deniers et une hypothèque conventionnelle inscrits à la conservation des hypothèques de [Localité 8] le 2 janvier 2003 sur le bien immobilier financé sis à [Adresse 4], ainsi que par une délégation non signifiée des loyers de l'immeuble à usage locatif et par le nantissement d'un placement ' ESCA ' à hauteur de 45 000 euros à titre de gage, correspondant à une police d'assurance sur la vie ' PERLE '.
A son échéance du 30 novembre 2017, le rachat du contrat PERLE est intervenu pour un montant de 96 880,11 euros.
Par courrier recommandé avec demande d'avis de réception en date du 25 janvier 2018, le Crédit Immobilier de France Développement (ci-après le CIFD), venant aux droits du Crédit Immobilier de France Alsace Lorraine (filiale financière), a mis M. [L] [Y] en demeure de lui payer la créance résiduelle de 67 578,80 euros arrêtée au 7 décembre 2017.
Par acte d'huissier en date du 19 septembre 2018, le CIFD a fait signifier à M. [L] [Y] un commandement aux fins de saisie immobilière de sa propriété sise à [Adresse 4].
Ce commandement a été publié au service de la publicité foncière de [Localité 8] le 30 octobre 2018, volume 2018 S n°71, et sa validité a été prorogée pour une durée de deux ans par jugement du juge de l'exécution en date du 22 octobre 2020.
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Par acte d'huissier en date du 28 décembre 2018, le CIFD a fait assigner M. [L] [Y] à une audience d'orientation du 14 février 2019 afin de voir ordonner la vente forcée de son bien immobilier sis à [Localité 7] sur la mise à prix de 70 000 euros, et subsidiairement, de voir fixer le montant minimum du prix de vente en cas d'autorisation de vente amiable.
M. [L] [Y] a conclu au débouté des demandes du CIFD à défaut de disposer d'un titre exécutoire l'autorisant à engager la procédure de saisie immobilière, et a demandé au juge de l'exécution de déclarer nul et de nul effet le commandement valant saisie et l'assignation subséquente, et subsidiairement, de déchoir le CIFD de son droit aux intérêts au regard du caractère erroné du TEG et de lui enjoindre de produire un décompte actualisé de sa créance tenant compte de la déchéance des intérêts et des sommes saisies auprès de la CAF, et ce sous astreinte de 50 euros par jour de retard à compter de la décision.
Par jugement en date du 12 mai 2022, le juge de l'exécution du tribunal judiciaire de Nancy statuant en matière de saisie immobilière a :
- rejeté l'exception de nullité du commandement de payer valant saisie immobilière en date du 19 septembre 2018,
- constaté que les conditions des articles L. 311-2, L. 311-4 et L. 311-6 du code des procédures civiles d'exécution sont réunies et que le créancier poursuivant a satisfait au respect des articles R. 311-1 et suivants du code des procédures civiles d'exécution,
- prononcé la déchéance partielle du poursuivant du droit aux intérêts contractuels, à concurrence de la somme de 20 050,91 euros,
- fixé le montant de la créance du CIFD venant aux droits du Crédit Immobilier de France Alsace Lorraine (filiale financière), créancier poursuivant, à la somme de 47 527,89 euros suivant décompte arrêté au 7 décembre 2017, qui se décompose comme suit :
- créance échue au 30/11/2017 : 164 458,91 euros,
- à déduire règlements du 7/12/2017 : - 96 880,11 euros,
- à déduire déchéance partielle du droit aux intérêts : - 20 050,91 euros,
TOTAL : 47 527,89 euros, ladite somme produisant intérêts au taux contractuel de 5,30 % à compter du 7 décembre 2017,
- validé le commandement de payer valant saisie immobilière en date du 19 septembre 2018 à concurrence de la somme de 47 527,89 euros,
- constaté qu'il n'existe pas d'autre créancier inscrit,
- dit que les intérêts au taux contractuellement prévu continueront à courir jusqu'à la distribution du prix de la vente,
- ordonné la vente forcée des biens et droits immobiliers sis à [Adresse 4], cadastrés section AE n°[Cadastre 5], pour une contenance de 02 a 20 ca, lieudit ' [Adresse 4] ' concernant l'immeuble à usage d'habitation, et lieudit ' [Adresse 4] ' concernant le garage et le jardin, ledit bien cadastré section AE n°[Cadastre 5] provenant de la division de la parcelle AE [Cadastre 3] selon PV du cadastre du 29 novembre 1989, publié au service de la publicité foncière de [Localité 8] le 30 novembre 1989, volume A 3606 n°20,
- fixé le montant de la mise à prix à la somme de 70 000 euros conformément au cahier des conditions de vente,
- dit qu'il sera procédé à ladite vente forcée à l'audience du juge de l'exécution du présent tribunal à l'audience du jeudi 8 septembre 2022 à 14 heures,
- désigné la SCP Didry et Cunin, huissiers de justice associés à Nancy, pour assurer la visite des lieux, en se faisant assister, si besoin est, d'un serrurier et de la force publique, selon les modalités qu'il lui appartiendra de déterminer en accord avec le créancier poursuivant,
- dit que l'huissier de justice instrumentaire pourra se faire assister lors de la visite d'un ou plusieurs professionnels agréés chargés d'établir et de réactualiser les différents diagnostics immobiliers prévus par les réglementations en vigueur,
- dit que la présente décision désignant l'huissier pour assurer la visite devra être signifiée, trois jours au moins avant la visite, aux occupants des biens et droits immobiliers saisis,
- ordonné la publicité de la vente à intervenir conformément aux dispositions des articles R. 322-31 et suivants du code des procédures civiles d'exécution,
- débouté les parties de leurs demandes respectives formées au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,
- dit que les dépens sont compris dans les frais de saisie immobilière soumis à taxe.
Le juge de l'exécution a constaté que la créance du CIFD était déterminée au regard de l'acte notarié et du tableau d'amortissement, et a retenu que le terme du prêt à l'échéance du 30 novembre 2017 avait eu pour effet de rendre la somme de 164 458,91 euros exigible, dont il convenait de déduire la somme de 96 880,11 euros par affectation du placement ESCA (selon le nantissement prévu à l'acte), tel que repris à la mise en demeure. Il a retenu que le caractère révisable du taux d'intérêts n'avait pas pour effet de rendre la créance non déterminée et a jugé que le CIFD disposait d'une créance liquide et exigible en vertu du titre exécutoire du 21 novembre 2002. Il s'est déclaré incompétent pour statuer sur la demande reconventionnelle en dommages et intérêts pour manquement du créancier poursuivant à son obligation de mise en garde. Il a jugé que par application des dispositions des articles L. 313-46 (L. 312-14-2 ancien) et L. 341-45 du code de la consommation, le CIFD ne justifiait pas du respect de son obligation d'information annuelle de modification du taux débiteur, et a prononcé la déchéance partielle du droit aux intérêts à concurrence du montant des intérêts perçus pour les années 2007 et 2008 au cours desquelles le taux d'intérêts a dépassé le taux initial de 5,50%. Il a constaté qu'aucun versement n'avait été effectué par la CAF dans le cadre de la mesure de saisie dénoncée. Il a constaté l'absence de demande de M. [L] [Y] tendant à procéder à la vente amiable de ses biens saisis.
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Le 30 mai 2022, le CIFD a formé appel du jugement tendant à son infirmation en ce qu'il a :
- prononcé la déchéance partielle du poursuivant du droit aux intérêts contractuels, à concurrence de la somme de 20 050,91 euros,
- fixé le montant de la créance du CIFD à la somme de 47 527,89 euros, ladite somme produisant intérêt au taux contractuel de 5,30% à compter du 7 décembre 2017,
- validé le commandement de payer valant saisie immobilière en date du 19 septembre 2018 à concurrence de la somme de 47 527,89 euros,
- débouté les parties de leurs demandes respectives formées au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.
Par ordonnance du président de la chambre de l'exécution de la cour d'appel en date du 13 juin 2022, le CIFD a été autorisé à assigner le créancier poursuivant à l'audience du 8 septembre 2022, au cours de laquelle le renvoi à la mise en état a été ordonné.
Dans ses dernières conclusions transmises le 27 octobre 2022, auxquelles il convient de se reporter pour l'exposé détaillé de ses prétentions et moyens, le CIFD, appelant,
demande à la cour sur le fondement des articles L. 312-14-2 (issu de la loi n°2008-3 du 3 janvier 2008) et L. 312-33 du code de la consommation :
- de réformer le jugement du 12 mai 2022 en ce qu'il a prononcé la déchéance du droit aux intérêts pour les années 2007 et 2008 déduisant ainsi de sa créance la somme de 20 050,91euros,
- de réformer le jugement en ce qu'il a fixé sa créance à la somme de 47 527,89 euros,
- de réformer le jugement également en ce qu'il a validé le commandement de payer valant saisie immobilière en date du 19 septembre 2018 à concurrence de la somme de 47 527 euros,
Statuant à nouveau,
A titre principal,
- de fixer sa créance à la somme de 86 039 euros suivant décompte actualisé au 20 mai 2021, sous réserve de toute somme due postérieurement à cette date,
A titre subsidiaire, si la cour devait considérer la déchéance du droit aux intérêts bien fondée au titre des années 2007 et 2008,
- de dire et juger qu'en ce qui concerne l'année 2008, le taux d'intérêts a été supérieur à 5,50 % seulement pour la période de janvier 2008 à mai 2008, soit uniquement sur 5 mois, représentant une somme totale de 4 767,60 euros,
- de fixer sa créance à la somme de 71 049,02 euros au 20 mai 2021, sous réserve de toute somme due postérieurement à cette date,
En tout état de cause,
- de débouter M. [L] [Y] de l'ensemble de ses demandes,
- de condamner M. [L] [Y] à lui régler la somme de 3 000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,
- de condamner M. [L] [Y] en tous les dépens.
Au soutien de ses demandes, le CIFD fait valoir en substance :
- qu'elle n'a pas manqué à son devoir de conseil quant au principe et au choix du prêt in fine et du contrat d'assurance-vie adossé en garantie, qui ne relève d'aucune complexité particulière ; que pendant la durée du prêt ayant pour objet l'acquisition d'un immeuble à usage locatif, M. [L] [Y] devait rembourser les cotisations d'assurance et les intérêts, et que le capital emprunté devait être payé au terme du prêt notamment au moyen du contrat d'assurance-vie adossé au prêt, qu'il devait abonder sur quinze ans, compte tenu des loyers perçus sur cette durée, de sorte que l'impossibilité de faire face à l'échéance du prêt in fine résulte davantage d'une mauvaise gestion de son investissement locatif ; que M. [L] [Y] en déduit sans argument juridique que l'acte notarié ne peut constituer un titre exécutoire permettant la mise en oeuvre de voies d'exécution ; que M. [L] [Y] ne forme aucune demande indemnitaire relative au manquement allégué au devoir de mise en garde ou de conseil et que les sanctions évoquées par M. [L] [Y] ne reposent sur aucun fondement ; qu'en tout état de cause, le juge de l'exécution n'est pas compétent pour statuer sur une demande reconventionnelle en réparation formée contre le créancier poursuivant ;
- que la créance est déterminée au regard des caractéristiques claires et précises du prêt consenti, dont le terme était fixé dès le départ à la fin de la durée d'amortissement ; que la circonstance que le taux du prêt soit révisable n'a pas eu pour effet de rendre la créance non déterminée ;
- que le caractère erroné du TEG n'est pas démontré par M. [L] [Y] ; que le maximum du TEG prévu à 6,28% n'a pas été dépassé sur la moyenne de l'année 2007 (6,01% de janvier à juin puis 6,48% de juillet à décembre, soit une moyenne de 6,245%), s'agissant d'un taux calculé sur la base de 12 mois normalisés, ni sur la moyenne de l'année 2008 (6,99% de janvier à mai puis 5,30% de juin à décembre, soit une moyenne de 6,004%) ; que suite à un réaménagement en juin 2008, le taux a été invariablement de 5,30% ; que le TEG a été rappelé dans l'offre de prêt et dans l'acte notarié et que M. [L] [Y] ne peut se prévaloir de la violation des dispositions de l'article L. 312-8, 2° ter, du code de la consommation relative à la remise d'un document d'information contenant une simulation de l'impact d'une variation du taux, non applicable dans sa version en vigueur du 13 avril 1996 au 5 janvier 2008 indiquant que l'échéancier des amortissements ne concerne pas les offres de prêts à taux variable ;
- que subsidiairement, le premier juge ne pouvait pas prononcer la déchéance du droit aux intérêts pour une prétendue violation de l'article L. 312-14-2 du code de la consommation (entré en vigueur au 1er octobre 2008 et abrogé au 1er juillet 2016), qui n'était pas visée à l'article L. 312-33 (et non L. 341- 45) alors applicable au litige (pour les contrats régularisés entre le 1er janvier 2002 et le 19 mars 2014), prévoyant une telle sanction sur le fondement de l'article L. 312-14 alinéa 2 dudit code ; que la demande tendant à voir constater la déchéance du droit aux intérêts des créanciers en application des article L. 312-8 et L. 312-33 est soumise à la prescription décennale, devenue quinquennale, et que la prescription était acquise pour l'année 2007 en 2012 et pour l'année 2008 en 2013.
Dans ses dernières conclusions transmises le 19 novembre 2022, auxquelles il convient de se reporter pour l'exposé détaillé de ses prétentions et moyens, M. [L] [Y], intimé et appelant à titre incident, demande à la cour sur le fondement des articles L. 311-1 et suivants et L. 312-1 et suivants du code de la consommation :
- de réformer le jugement d'orientation du 12 mai 2022 en ce qu'il a :
* rejeté l'exception de nullité du commandement de payer valant saisie immobilière du 19 septembre 2018,
* constaté que les conditions des articles L. 311-2, L. 311-4 et L. 311-6 du code des procédures civiles d'exécution étaient réunies et que le créancier poursuivant avait satisfait au respect des articles R. 311-1 et suivants du code des procédures civiles d'exécution,
* validé le commandement de payer valant saisie immobilière en date du 19 septembre 2018 à concurrence de la somme de 47 527,89 euros,
* ordonné la vente forcé des biens et droits immobiliers sis [Adresse 4] cadastrés section AE n° [Cadastre 5],
* fixé le montant de la mise à prix à la somme de 70 000 euros conformément au
cahier des conditions de vente,
Statuant à nouveau,
- de débouter le CIFD de l'ensemble de ses demandes,
- de dire et juger que le CIFD ne bénéficie pas d'un titre exécutoire l'autorisant à engager la procédure de saisie immobilière,
- de déclarer nuls et de nul effet le commandement de payer valant saisie et l'assignation subséquente,
- de dire et juger que l'offre de prêt ne remplit pas les conditions de l'article L. 312-8 ancien du code de la consommation,
- de dire et juger que le TEG est erroné au regard du caractère révisable du prêt,
- de déchoir le CIFD de son droit aux intérêts,
- d'enjoindre au CIFD de verser aux débats, un décompte actualisé de sa créance compte tenu de la déchéance du droit aux intérêts sous astreinte de 500 euros par jour de retard à compter de la décision à intervenir,
A titre subsidiaire,
- de fixer la créance du CIFD à la somme de 47 527,89 euros,
- de condamner le CIFD à lui payer la somme de 2 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile,
- de condamner le CIFD aux entiers dépens.
Au soutien de ses demandes, M. [L] [Y] fait valoir en substance :
- que le CIFD ne justifie pas de son devoir de conseil et de mise en garde en ce que les crédits in fine à taux révisable constituant un financement complexe présentent des risques d'endettement pour les emprunteurs non avertis, notamment du fait du coût de la charge des intérêts, et en ce que le montant du contrat d'assurance-vie était largement inférieur au montant du prêt, n'ayant pas été prévenu de la nécessité d'abonder ce contrat afin d'assurer un remboursement intégral lors de l'échéance finale ; que l'économie du montage financier n'a pas été respectée puisque le placement PERLE n'a pas permis de solder le prêt ; qu'il a été privé de la chance d'éviter le risque qui s'est réalisé par l'impossibilité de paiement des sommes exigibles au titre du prêt ;
- qu'en raison du caractère révisable du taux d'intérêt, le CIFD ne peut se prévaloir d'une créance déterminée, mais uniquement déterminable ; que l'acte notarié ne peut donc pas constituer un titre exécutoire permettant la mise en 'uvre de voies d'exécution ;
- qu'il n'est pas démontré que le TEG prévu correspond à celui réellement pratiqué selon le tableau d'amortissement ; que ni l'acte authentique ni l'offre annexée ne sont conformes aux dispositions de l'article L. 312-8, 2° ter, ancien du code de la consommation, à défaut de justifier des modalités de variation du taux pendant la période d'amortissement et des lettres l'informant de la variation du taux ; que selon les dispositions de l'article L. 312-33 du code de la consommation en vigueur du 1er janvier 2002 au 19 mars 2014, le prêteur doit être déchu de l'ensemble des intérêts ;
- qu'aucune prescription ne peut lui être opposé dans la mesure où c'est à l'occasion de la présente instance qu'il a pu prendre conscience du vice affectant l'offre de prêt ;
- qu'il a déposé en compte CARPA la somme de 50 000 euros permettant de solder la dette, telle que fixée par le premier juge, et que le CIFD a refusé le paiement.
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La clôture de l'instruction a été prononcée le 9 novembre 2022.
MOTIFS DE LA DECISION
Sur l'exception de nullité du commandement de payer valant saisie immobilière
L'article L. 311-2 du code des procédures civiles d'exécution dispose que ' tout créancier muni d'un titre exécutoire constatant une créance liquide et exigible peut procéder à une saisie immobilière dans les conditions fixées par le présent livre et par les dispositions qui ne lui sont pas contraires du livre Ier. '
L'article L. 111-6 dudit code précise que la créance est liquide lorsqu'elle est évaluée en argent ou lorsque le titre contient tous les éléments permettant son évaluation.
M. [L] [Y] soutient que le CIFD ne peut se prévaloir d'une créance déterminée, mais uniquement déterminable, en raison du caractère révisable du taux d'intérêt.
Or, il résulte des textes énoncés que le créancier est admis à engager une mesure d'exécution à un moment où l'obligation, certaine, n'est pas encore précisément chiffrée, pourvu qu'elle soit au moins déterminable.
En l'espèce, l'acte notarié et le tableau d'amortissement indicatif font référence aux éléments suivants permettant l'évaluation de la créance du CIFD :
- le montant du crédit in fine : 163 695 euros,
- la durée du crédit : 15 ans,
- le taux initial d'intérêt de 5,50% correspondant au taux de base pour le TIBEUR 6 mois, soit 3,50% majoré de 2,20%, stipulé révisable semestriellement à compter de l'échéance perçue au mois de janvier et juillet,
- les modalités de remboursement du prêt in fine : 179 mensualités comprenant les intérêts et les cotisations d'assurance, suivie d'une dernière mensualité au 30 novembre 2017 portant sur le montant du capital emprunté, outre les intérêts et l'assurance, tel qu'indiqué au tableau d'amortissement, soit 164 458,91 euros,
- le coût total du crédit (comprenant les intérêts, le coût des garanties et les frais d'assurance) : 146 447,20 euros,
- le taux maximum du TAEG : 6,28%.
En outre, les conditions générales du prêt In Fine mentionnent que ' l'emprunteur s'oblige à rembourser mensuellement les intérêts, et lors de la dernière échéance, le prêt en totalité en une seule fois. L'assurance-vie et éventuellement l'assurance chômage seront à payer mensuellement. De convention expresse entre le prêteur et l'emprunteur, il est précisé que le prêt IN FINE n'est pas reconductible et que l'échéance fixée est un terme de rigueur.'
Or, la créance dont se prévaut le CIFD en vertu de l'acte notarié du 21 novembre 2002 correspond au montant du capital dû à échéance du 30 novembre 2017 à hauteur de 164 458,91 euros, dont a été déduite la somme de 96 880,11 euros au titre du nantissement de l'assurance-vie prévu à l'acte, soit à la somme en principal de 67 578,80 euros, outre les intérêts ayant couru à compter du 8 décembre 2017 au taux de 5,30%.
Aussi, tel que justement retenu par le premier juge, la circonstance que le taux du prêt soit révisable n'a pas pour effet de rendre la créance non déterminée.
Dans ces conditions, le commandement de payer valant saisie a été délivré en vertu d'un titre exécutoire constatant une créance liquide et exigible.
Dès lors, le jugement déféré sera confirmé sur ce point.
Sur le manquement au devoir de conseil, d'information et de mise en garde
L'article L. 213-6 du code de l'organisation judiciaire dispose que ' le juge de l'exécution connaît, de manière exclusive, des difficultés relatives aux titres exécutoires et des contestations qui s'élèvent à l'occasion de l'exécution forcée, même si elles portent sur le fond du droit.'
Aussi, le juge de l'exécution a compétence pour statuer sur toutes les exceptions établissant l'extinction totale ou partielle de la créance, le débiteur pouvant dès lors se prévaloir d'une compensation entre sa créance et celle du poursuivant.
En l'espèce, M. [L] [Y] soutient que le CIFD ne justifie pas de son devoir de conseil et de mise en garde, de sorte qu'il a été privé de la chance d'éviter le risque qui s'est réalisé par l'impossibilité de paiement des sommes exigibles au titre du prêt.
Or, M. [L] [Y] ne sollicite pas dans le cadre du dispositif de ses conclusions la condamnation du CIFD au paiement de dommages et intérêts, seule sanction possible en cas de manquement du prêteur à son devoir de conseil et de mise en garde.
Les manquements du prêteur invoqués par M. [L] [Y] ne sont donc pas sanctionnés par la nullité du commandement valant saisie immobilière ou par la déchéance du prêteur de son droit aux intérêts, tels que sollicités par M. [L] [Y].
Aussi, il y a lieu de constater que la cour, à l'instar du premier juge, n'est pas saisie d'une prétention tendant à voir sanctionner le CIFD pour manquement à son devoir de conseil et de mise en garde.
Dans ces conditions, il en résulte qu'à juste titre, le jugement déféré n'a pas tranché de prétention liée aux manquements allégués dans le cadre de son dispositif.
Dès lors, le jugement entrepris sera confirmé sur ce point.
Sur la déchéance du droit aux intérêts
L'article L. 312-8 du code de la consommation, dans sa version applicable issue de la loi n°96-314 du 12 avril 1996, dispose que ' l'offre définie à l'article précédent : (...) 2° bis. Comprend un échéancier des amortissements détaillant pour chaque échéance la répartition du remboursement entre le capital et les intérêts. Toutefois, cette disposition ne concerne pas les offres de prêts à taux variable ; (...) Toute modification des conditions d'obtention du prêt, notamment le montant ou le taux du crédit, donne lieu à la remise à l'emprunteur d'une nouvelle offre préalable. Toutefois, cette obligation n'est pas applicable aux prêts dont le taux d'intérêt est variable, dès lors qu'a été remise à l'emprunteur avec l'offre préalable une notice présentant les conditions et modalités de variation du taux. '
En outre, l'article L. 312-33 dudit code dans sa version applicable issue de l'ordonnance n°2000-916 du 19 septembre 2000 énonce que ' le prêteur ou le bailleur qui ne respecte pas l'une des obligations prévues aux articles L. 312-7 et L. 312-8, à l'article L. 312-14, deuxième alinéa, ou à l'article L. 312-26 sera puni d'une amende de 3 750 euros. (...) Dans les cas prévus aux alinéas précédents, le prêteur ou le bailleur pourra en outre être déchu du droit aux intérêts, en totalité ou dans la proportion fixée par le juge. '
Or, M. [L] [Y] ne peut utilement se prévaloir de la violation par le CIFD des dispositions postérieures de l'article L. 312-8, 2°ter, du code de la consommation (issues de la loi n°2010-737 du 1er juillet 2010) prévoyant que l'offre doit être accompagnée d'une notice présentant les conditions et modalités de variation du taux d'intérêt et d'un document d'information contenant une simulation de l'impact d'une variation de ce taux sur les mensualités, la durée du prêt et le coût total du crédit.
Au surplus, il y a lieu de constater que les conditions et modalités de variation du taux figurent aux conditions générales et particulières de l'offre de prêt.
Par ailleurs, l'article L. 312-4-2 du code de la consommation, dans sa version issue de la loi n°2008-3 du 3 janvier 2008 s'appliquant aux contrats en cours à cette date jusqu'à son abrogation au 1er juillet 2016 (par l'ordonnance n°2016-301du 14 mars 2016), repris sous l'article L. 313-46 dudit code (issu de l'ordonnance n°2016-351 du 25 mars 2016), dispose que ' pour les prêts dont le taux d'intérêt est variable ou révisable, le prêteur est tenu, une fois par an, de porter à la connaissance de l'emprunteur le montant du capital restant à rembourser.'
En l'espèce, les modalités de remboursement du prêt IN FINE prévoient que le capital emprunté à hauteur de 163 695 euros sera remboursé au 30 novembre 2017, après paiement de 179 mensualités comprenant uniquement les intérêts (750,27 euros) et les cotisations d'assurance (40,92 euros), tel que prévu au tableau d'amortissement prévisionnel.
Aussi, il en résulte que les parties ont convenu que le montant du capital à rembourser ne pouvait évoluer en fonction de la révision du taux d'intérêts.
Dans ces conditions, M. [L] [Y] ne saurait utilement se prévaloir d'un préjudice subi sur le fondement des dispositions de l'article L. 312-4-2 dudit code (devenu L. 313-46) au regard des modalités prévues au contrat.
Par ailleurs, par l'effet de l'ordonnance n°2016-351 du 25 mars 2016 applicable à compter du 1er juillet 2016, il a été également énoncé à l'article L. 313-46 précité que, ' en cas de modification du taux débiteur, l'emprunteur en est informé par écrit ou sur un autre support durable, avant que la modification n'entre en vigueur. Cette information indique le montant des échéances après l'entrée en vigueur du nouveau taux débiteur ainsi que, le cas échéant, toute modification du nombre ou de la périodicité des échéances. Lorsque la modification du taux débiteur résulte d'une variation du taux de référence, que le nouveau taux de référence est rendu public par des moyens appropriés et que l'information relative au nouveau taux de référence est également disponible dans les locaux du prêteur, les parties peuvent convenir dans le contrat de crédit que cette information est communiquée périodiquement à l'emprunteur avec le montant des nouveaux paiements périodiques. '
Par suite, l'article L. 341-45 didut code (issu de l'ordonnance du 25 mars 2016) énonce que ' le prêteur qui n'a pas respecté l'obligation d'information de l'emprunteur en cas de modification du taux débiteur mentionnée à l'article L. 313-46 peut être déchu du droit aux intérêts, en totalité ou dans la proportion fixée par le juge. '
Or, le caractère automatique de la variation du TEG en fonction de la modification du taux de base décidée par la banque ne dispense pas celle-ci de d'une communication périodique à l'emprunteur du taux effectif appliqué.
En l'espèce, les conditions générales du prêt prévoient que ' le taux de base est le TIBEUR 6 mois majoré comme indiqué dans l'offre et connu le 20 juin et le 21 décembre, à 12 heures, de chaque année, arrondi au dixième de point supérieur. La révision du taux intervient à l'échéance de janvier et de juillet de chaque année. Le nouveau taux ainsi déterminé s'appliquera aux six échéances mensuelles. La première révision est appliquée au plus tôt à la 4ème échéance qui suit la date du premier déblocage ou la date de signature du contrat de prêt lorsque les fonds sont débloqués en une seule fois.'
Néanmoins, le CIFD ne justifie d'aucune information de l'emprunteur relative au nouveau taux de référence autre que la publication du TIBEUR.
En effet, la communication à M. [L] [Y] de courriers relatifs aux intérêts et charges d'emprunt pour les années 2015 à 2017 ne comportant pas le taux de référence révisé, et destinés à bénéficier le cas échéant d'un crédit d'impôt auprès de l'administration fiscale, ne saurait caractériser l'information de l'emprunteur requise.
En outre, le CIFD ne peut se prévaloir de la prescription quinquennale de la demande en déchéance du prêteur de son droit aux intérêts pour défaut d'information relative au nouveau taux de référence, dans la mesure où le contrat de crédit n'a pas prévu de communication périodique de cette information selon des modalités convenues par avance.
Dans ces conditions, le premier juge a retenu à juste titre que le prêteur peut être déchu de son droit aux intérêts dans la proportion fixée par le juge, au regard notamment du préjudice subi par l'emprunteur.
Néanmoins, force est de constater que les dispositions issues de l'ordonnance du 25 mars 2016 ne trouvent à s'appliquer qu'à compter du 1er juillet 2016, de sorte que le premier juge ne pouvait, sur le fondement des dispositions précitées applicable en la cause, évaluer le préjudice de M. [L] [Y] résultant du manquement du CIFD à son obligation d'information relative au nouveau taux de référence au regard des années 2007 et 2008.
En outre, il ressort du tableau d'amortissement réel édité le 15 juin 2018 que les intérêts perçus mensuellement au titre du prêt à compter du 1er janvier 2009 sont demeurés inférieurs (722,99 euros) au montant prévu au tableau d'amortissement initial calculé sur la base du taux de 5,50% prévu au contrat (750,27 euros).
Aussi, il en résulte que M. [L] [Y] ne justifie d'aucun préjudice lié au manquement du prêteur à son obligation d'information relative au nouveau taux de référence ressortant des dispositions de l'ordonnance n°2016-351 du 25 mars 2016.
Dès lors, le jugement sera infirmé sur ce point.
Sur la fixation du montant de la créance du CIFD
Suivant décompte actualisé au 20 mai 2021, le montant de la créance du poursuivant sera fixé à la somme de 79 942,94 euros comme suit :
- créance échue au 30 novembre 2017 : 164 458,91 euros,
- à déduire : règlements au 7 décembre 2017 : 96 880,11 euros
- intérêts échus du 8 décembre 2017 au 20 mai 2021 : 12 364,14 euros.
Aussi, il y a lieu de valider le commandement de payer valant saisie immobilière en date du 19 septembre 2018 à concurrence de la somme de 79 942,94 euros.
Le jugement déféré sera infirmé sur ce point.
Pour le surplus, le premier juge a retenu à juste titre que les frais de poursuite feront l'objet d'une taxation spéciale par le juge de l'exécution et seront réglés par l'adjudicataire ou l'acquéreur amiable.
Sur les demandes accessoires
Le jugement déféré sera confirmé en ses dispositions relatives aux dépens et aux frais irrépétibles.
M. [L] [Y] qui succombe en ses prétentions sera condamné aux dépens d'appel et débouté de sa demande au titre des frais irrépétibles.
Eu égard à la situation respective des parties, il n'y a pas lieu de faire application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS :
LA COUR, statuant publiquement, par arrêt contradictoire prononcé par mise à disposition au greffe, conformément aux dispositions de l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile,
INFIRME partiellement le jugement déféré et, statuant à nouveau,
DIT n'y avoir lieu à déchéance du droit du créancier poursuivant aux intérêts contractuels,
FIXE le montant de la créance du CIFD, créancier poursuivant, à la somme de 79 942,94 € (soixante dix neuf mille neuf cent quarante deux euros et quatre vingt quatorze centimes) suivant décompte arrêté au 20 mai 2021 qui se décompose comme suit :
- créance échue au 30 novembre 2017 : 164 458,91 euros,
- à déduire : règlements au 7 décembre 2017 : 96 880,11 euros,
- intérêts échus du 8 décembre 2017 au 20 mai 2021 au taux contractuel de 5,30% : 12 364,14 euros,
VALIDE le commandement de payer valant saisie immobilière en date du 19 septembre 2018 à concurrence de la somme de 79 942,94 € (soixante dix neuf mille neuf cent quarante deux euros et quatre vingt quatorze centimes),
DIT que les intérêts au taux contractuellement prévu continueront à courir à compter du 21 mai 2021 sur la somme de 67 578,80 € (soixante sept mille cinq cent soixante dix huit euros et quatre vingt centimes) jusqu'à la distribution du prix de vente,
CONFIRME le jugement déféré pour le surplus,
Y ajoutant,
DEBOUTE M. [L] [Y] de sa demande sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
DIT n'y avoir lieu à application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,
CONDAMNE M. [L] [Y] aux dépens.
Le présent arrêt a été signé par Monsieur MARTIN, président de chambre à la Cour d'Appel de NANCY, et par Madame Christelle CLABAUX-DUWIQUET, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
LE GREFFIER, LE PRESIDENT,
Minute en quatorze pages.