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14/06/2023 | FRANCE | N°19/08170

France | France, Cour d'appel de Montpellier, 1re chambre sociale, 14 juin 2023, 19/08170


Grosse + copie

délivrées le

à































COUR D'APPEL DE MONTPELLIER

1re chambre sociale

ARRET DU 14 JUIN 2023



Numéro d'inscription au répertoire général :

N° RG 19/08170 - N° Portalis DBVK-V-B7D-OOFE



Décision déférée à la Cour :

Jugement du 14 NOVEMBRE 2019

CONSEIL DE PRUD'HOMMES - FORMATION PARITAIRE DE PERPIGNAN N° RG 17/00105





APPELANTE :



SAS T

RESSOL CHABRIER

[Adresse 3]

[Localité 4]

Représentée par Me AKEL avocat pour Me Sylvain DONNEVE de la SCP DONNEVE - GIL, avocat au barreau de PYRENEES-ORIENTALES



INTIME :



Monsieur [U] [I]

[Adresse 1]

[Localité 2]

Représenté par Me Corine SER...

Grosse + copie

délivrées le

à

COUR D'APPEL DE MONTPELLIER

1re chambre sociale

ARRET DU 14 JUIN 2023

Numéro d'inscription au répertoire général :

N° RG 19/08170 - N° Portalis DBVK-V-B7D-OOFE

Décision déférée à la Cour :

Jugement du 14 NOVEMBRE 2019

CONSEIL DE PRUD'HOMMES - FORMATION PARITAIRE DE PERPIGNAN N° RG 17/00105

APPELANTE :

SAS TRESSOL CHABRIER

[Adresse 3]

[Localité 4]

Représentée par Me AKEL avocat pour Me Sylvain DONNEVE de la SCP DONNEVE - GIL, avocat au barreau de PYRENEES-ORIENTALES

INTIME :

Monsieur [U] [I]

[Adresse 1]

[Localité 2]

Représenté par Me Corine SERFATI-CHETRIT de la SCP D'AVOCATS SERFATI-CHETRIT, avocat au barreau de PYRENEES-ORIENTALES

Ordonnance de clôture du 29 Mars 2023

COMPOSITION DE LA COUR :

En application de l'article 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 19 AVRIL 2023, en audience publique, le magistrat rapporteur ayant fait le rapport prescrit par l'article 804 du même code, devant la cour composée de :

Monsieur Philippe DE GUARDIA, Président de chambre

Madame Caroline CHICLET, Conseillère

Madame Florence FERRANET, Conseillère

qui en ont délibéré.

Greffier lors des débats : M. Philippe CLUZEL

ARRET :

- contradictoire

- prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile ;

- signé par Monsieur Philippe DE GUARDIA, Président de chambre, et par M. Philippe CLUZEL, Greffier.

*

* *

FAITS ET PROCÉDURE

[U] [I] a été embauché par la société TRESSOL CHABRIER à compter du 3 février 2003. Il exerçait en dernier lieu les fonctions de magasinier vendeur confirmé avec un salaire mensuel brut de 1 740€ pour 150,14 heures de travail.

Il a été licencié par lettre du 30 janvier 2017 pour le motif économique suivant : '... au cours de l'année 2016, confronté aux difficultés globales rencontrées par ses marques, le groupe PSA a décidé de rationaliser son réseau de distributeur de pièces de rechange au travers de plaques régionales. Dans le cadre de ce projet, la société PSA PEUGEOT CITROËN a donc résilié, comme pour l'ensemble des concessions de France, le contrat de distributeur officiel de pièces de rechange qui la liait à notre société...

Afin de faire face à cette situation, notre groupe a décidé de s'associer à deux autres groupes de la région afin de créer une nouvelle structure destinée à gérer une plaque régionale de distribution de pièces de rechange conforme aux exigences du constructeur...

Au 1er janvier 2017, la commercialisation des pièces de rechange du groupe PSA s'effectue donc désormais, sur notre région, par l'intermédiaire d'une nouvelle plaque régionale gérée par la société A3PRO.

Dans ces conditions, notre société, et plus généralement l'ensemble des sociétés de la plaque PEUGEOT CITROËN du groupe TRESSOL CHABRIER, a été contrainte de se réorganiser afin de faire face à la suppression de l'activité de distributeur de pièces de rechange. Cette réorganisation est nécessaire pour sauvegarder la compétitivité de notre société et du groupe. ...

Cette réorganisation s'est traduite notamment par la suppression au sein de notre entreprise du poste de magasinier vendeur confirmé que vous occupiez jusqu'à présent.

Par un courrier en date du 30 septembre 2016, nous vous avons donc proposé d'intégrer à compter du 1er janvier 2017 la société A3PRO.

Vous n'avez toutefois pas souhaité acceptercette proposition.

Dans ces conditions, nous avons procédé à la consultation des délégués du personnel... afin de déterminer... les critères retenus pour le licenciement...

L'application de ces critères vous a malheureusement désigné comme étant concerné par la mesure de suppression du poste...

Conformément à notre obligation de reclassement, nous avons recherché des solutions en interne...

Vous avez refusé...

Étant dans l'impossibilité de vous proposer une autre solution de reclassement, nous sommes désormais contraints d'envisager votre licenciement pour motif économique...'

Contestant la légitimité de son licenciement, le salarié a saisi le conseil de prud'hommes de Perpignan qui, par jugement en date du 14 novembre 2019, a condamné la SAS TRESSOL CHABRIER à lui payer les sommes de 31 500€ à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et de 1 000€ sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et lui a ordonné de rembourser les indemnités de chômage.

Le 19 décembre 2019, la SAS TRESSOL CHABRIER a interjeté appel. Dans ses dernières conclusions enregistrées au greffe le 6 février 2020, elle conclut à l'infirmation, au rejet des prétentions adverses et à l'octroi de la somme de 3 000€ sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Dans ses dernières conclusions enregistrées au greffe le 28 mai 2020, [U] [I] demande de confirmer le jugement et de lui allouer la somme de 3 500€ sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure, des moyens et des prétentions des parties, il y a lieu de se reporter au jugement du conseil de prud'hommes et aux conclusions déposées.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur la lettre de licenciement :

Attendu que la lettre de licenciement, qui mentionne à la fois la raison économique prévue par la loi (la réorganisation de l'entreprise) et sa conséquence précise sur l'emploi ou le contrat de travail du salarié (la suppression du poste de magasinier vendeur confirmé), répond aux exigences des articles des articles L.1232-6 et L.1233-3 du code du travail ;

Sur la cause économique du licenciement :

Attendu qu'aux termes de l'article L. 1233-3 du code du travail, en sa version alors applicable, 'Constitue un licenciement pour motif économique le licenciement effectué par un employeur pour un ou plusieurs motifs non inhérents à la personne du salarié résultant d'une suppression ou transformation d'emploi ou d'une modification, refusée par le salarié, d'un élément essentiel du contrat de travail, consécutives notamment :

1° A des difficultés économiques caractérisées soit par l'évolution significative d'au moins un indicateur économique tel qu'une baisse des commandes ou du chiffre d'affaires, des pertes d'exploitation ou une dégradation de la trésorerie ou de l'excédent brut d'exploitation, soit par tout autre élément de nature à justifier de ces difficultés...

2° A des mutations technologiques ;

3° A une réorganisation de l'entreprise nécessaire à la sauvegarde de sa compétitivité...'

Attendu que la lettre de licenciement ne se fonde pas sur l'existence de difficultés économiques mais sur celle d'une réorganisation nécessaire à la sauvegarde de la compétitivité ;

Que répond à ce critère la réorganisation mise en oeuvre pour prévenir des difficultés économiques à venir liées à des évolutions technologiques et leurs conséquences sur l'emploi, sans être subordonnée à l'existence de difficultés économiques à la date du licenciement ;

Que c'est donc à tort que le conseil de prud'hommes s'est fondé sur le fait que l'existence de difficultés économiques n'étaient pas caractérisée ;

Attendu que lorsqu'elle n'est pas liée à des difficultés économiques ou à des mutations technologiques, une réorganisation de l'entreprise ne constitue un motif économique de licenciement que si elle est effectuée pour en sauvegarder la compétitivité en prévenant des difficultés économiques à venir et leurs conséquences sur l'emploi ;

Qu'il appartient donc à la cour de vérifier si la réorganisation invoquée étaient justifiée par la nécessité de sauvegarder la compétitive de l'entreprise, sachant qu'en présence d'un groupe, la menace sur la compétitivité s'apprécie au niveau du secteur d'activité du groupe auquel appartient l'entreprise ;

Attendu qu'en l'espèce, il résulte des différents éléments versés aux débats :

- qu'au moins depuis 2011, la SAS TRESSOL CHABRIER était liée à la société AUTOMOBILES CITROËN pour ses trois domaines d'activité : la vente sous concession de véhicules neufs, le contrat sous concession de réparateur agréé et le contrat de distributeur officiel de pièces de rechange ;

- que cette dernière activité l'avait conduite à la création d'un magasin pour le stockage et la vente de ces pièces, situé à [Localité 4], dans lequel était affecté [U] [I] ;

- que par lettre du 22 mai 2015, la SA AUTOMOBILES CITROËN a informé la SAS TRESSOL CHABRIER de ce qu'en l'état des 'gros défis' qu'elle rencontrait 'dans un marché automobile extrêmement concurrentiel, particulièrement sur le marché de l'après-vente et des pièces de rechange', elle avait décidé de procéder à 'une réorganisation et une transformation de la distribution et de la logistique des pièces de rechange' et, par voie de conséquence, à la 'résiliation de la totalité des contrats de distributeur officiel de pièces de rechange' à compter du 1er juin 2017 ;

- que cette résiliation rendait inéluctable, dès cette date, la cessation du secteur d'activité de distributeur officiel de pièces de rechange, la fermeture du magasin de [Localité 4] qui leur était dédié et la suppression du poste de [U] [I] qui y était affecté ;

- que c'est dans ces conditions que la SAS TRESSOL CHABRIER a décidé de s'associer avec deux autres groupes et de créer une nouvelle structure conforme aux voeux du constructeur, destinée à gérer, à partir du 1er janvier 2017, une 'plaque' de distribution des pièces de rechange située à [Localité 5] ;

Attendu qu'ainsi, il est démontré, à la fois, l'existence d'un élément concret et objectif propre à caractériser l'existence d'une menace pesant sur la compétitivité du secteur d'activité du groupe lié à la distribution des pièces de rechange et que la nouvelle réorganisation procédait, d'une part, d'une gestion prévisionnelle destinée à prévenir des difficultés économiques à venir et leurs conséquences sur l'emploi, d'autre part, du souci d'adaptation de l'entreprise à l'évolution du marché des pièces de rechange conforme aux exigences du constructeur ;

Attendu que la cause économique du licenciement est dès lors établie ;

Sur l'obligation de reclassement :

Attendu que le licenciement pour motif économique n'a une cause réelle et sérieuse que si l'employeur s'est trouvé dans l'impossibilité de reclasser le salarié ; que, dans le cadre de son obligation de reclassement dans l'entreprise et, le cas échéant, dans le groupe auquel elle appartient, l'employeur doit rechercher s'il existe des possibilités de reclassement et proposer aux salariés concernés des emplois disponibles de même catégorie ou, à défaut, de catégorie inférieure, fût-ce par voie de modification des contrats de travail, en assurant au besoin l'adaptation de ces salariés à une évolution de leur emploi ;

Attendu qu'en conséquence de la lettre qu'elle avait reçue de la société CITROËN en date du 22 mai 2015 et de la création d'une société destinée à gérer, à partir du 1er janvier 2017, une 'plaque' de distribution des pièces de rechange, la SAS TRESSOL CHABRIER a d'abord proposé à [U] [I], par lettre du 30 septembre 2016, de transférer son contrat de travail, tel quel, à la nouvelle entité ;

Qu'en dépit du fait que sa rémunération ne subissait aucune modification et qu'il lui ait été ensuite précisé qu'un véhicule serait mis à sa disposition pour se rendre sur son lieu de travail, avec prise en charge du péage et du carburant, il a refusé cette proposition ;

Que dans le cadre de son obligation de reclassement, l'employeur lui a alors demandé de remplir un 'questionnaire en vue du reclassement' et, après avoir interrogé les autres sociétés du groupe afin de savoir si un ou plusieurs postes de la même catégorie ou d'une catégorie équivalente étaient disponibles et, au vu des réponses fournis, lui a proposé deux autres emplois qu'il a également refusés :

- un emploi à durée indéterminée de vendeur itinérant à temps plein au sein de la société A3PRO à [Localité 5] ;

- un emploi de magasinier vendeur confirmé en contrat à durée déterminée d'un mois à [Localité 4] ;

Attendu qu'il est produit les pages utiles du registre du personnel de la SAS TRESSOL CHABRIER, ce qui met la cour en mesure de vérifier qu'aucun autre emploi de même catégorie ou, à défaut, de catégorie inférieure, n'était disponible, fût-ce par voie de modification des contrats de travail, en assurant au besoin l'adaptation de ces salariés à une évolution de leur emploi ;

Attendu qu'il est ainsi établi que la SAS TRESSOL CHABRIER a, d'une part, procédé à une recherche effective des postes disponibles afin que soient faites au salarié plusieurs propositions personnalisées de reclassement que celui-ci a refusées, d'autre part, que son reclassement était impossible ;

Attendu qu'il y a donc lieu de réformer le jugement et de débouter [U] [I] de ses demandes ;

* * *

Attendu qu'enfin, l'équité ne commande pas de faire application de l'article 700 du code de procédure civile ;

PAR CES MOTIFS

LA COUR,

Infirmant le jugement et statuant à nouveau,

Déboute [U] [I] de ses demandes ;

Rejette toute autre demande ;

Condamne [U] [I] aux dépens.

LE GREFFIER LE PRESIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Montpellier
Formation : 1re chambre sociale
Numéro d'arrêt : 19/08170
Date de la décision : 14/06/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-06-14;19.08170 ?
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