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29/06/2022 | FRANCE | N°19/00645

France | France, Cour d'appel de Montpellier, 2e chambre sociale, 29 juin 2022, 19/00645


Grosse + copie

délivrées le

à































COUR D'APPEL DE MONTPELLIER

2e chambre sociale

ARRET DU 29 JUIN 2022



Numéro d'inscription au répertoire général :

N° RG 19/00645 - N° Portalis DBVK-V-B7D-N7ZR

ARRET N°



Décision déférée à la Cour :

Jugement du 05 DECEMBRE 2018

CONSEIL DE PRUD'HOMMES - FORMATION PARITAIRE DE CARCASSONNE N° RG 17/00139



APPELANTE :

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Madame [Z] [U]

[Adresse 2]

[Adresse 2]

Représentée par Me Marina OTTAN de l'ASSOCIATION ASSOCIATION D'AVOCATS OTTAN, avocat au barreau de MONTPELLIER

Représentée par Me Pascale BENHAMOU de la SCP CABINET DENJEAN ET ASSOCIES, avocat au barreau de ...

Grosse + copie

délivrées le

à

COUR D'APPEL DE MONTPELLIER

2e chambre sociale

ARRET DU 29 JUIN 2022

Numéro d'inscription au répertoire général :

N° RG 19/00645 - N° Portalis DBVK-V-B7D-N7ZR

ARRET N°

Décision déférée à la Cour :

Jugement du 05 DECEMBRE 2018

CONSEIL DE PRUD'HOMMES - FORMATION PARITAIRE DE CARCASSONNE N° RG 17/00139

APPELANTE :

Madame [Z] [U]

[Adresse 2]

[Adresse 2]

Représentée par Me Marina OTTAN de l'ASSOCIATION ASSOCIATION D'AVOCATS OTTAN, avocat au barreau de MONTPELLIER

Représentée par Me Pascale BENHAMOU de la SCP CABINET DENJEAN ET ASSOCIES, avocat au barreau de [Localité 9]

INTIMEES :

Association CGEA* UNEDIC Délégation AGS CGEA d'[Localité 6],

[Adresse 3]

[Adresse 3]

Représentée par Me CHATEL avocat pour Me Delphine CLAMENS-BIANCO de la SELARL CHATEL ET ASSOCIES, avocat au barreau de MONTPELLIER

S.C.P. BTSG prise en sa qualité de mandataire liquidateur de la société KIDILIZ GROUPE

[Adresse 4]

[Adresse 4]

Représentée par Me Cyrille AUCHE de la SCP VERBATEAM MONTPELLIER, avocat au barreau de MONTPELLIER - Me JARROSSON avocat pour le Cabinet FROMONT BRIENS avocat au barreau de LYON

S.E.L.A.F.A. MJA prise en sa qualité de mandataire liquidateur de la société KIDILIZ GROUPE

[Adresse 1]

[Adresse 1]

Représentée par Me Cyrille AUCHE de la SCP VERBATEAM MONTPELLIER, avocat au barreau de MONTPELLIER - Me JARROSSON avocat pour le Cabinet FROMONT BRIENS avocat au barreau de LYON

Ordonnance de clôture du 14 Avril 2022

COMPOSITION DE LA COUR :

En application de l'article 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 09 MAI 2022, en audience publique, le magistrat rapporteur ayant fait le rapport prescrit par l'article 804 du même code, devant la cour composée de :

M. Jean-Pierre MASIA, Président

Mme Véronique DUCHARNE, Conseillère

Monsieur Jacques FOURNIE, CONSEILLER

qui en ont délibéré.

Greffier lors des débats : M. Philippe CLUZEL

ARRET :

- CONTRADICTOIRE

- prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile ;

- signé par M. Jean-Pierre MASIA, Président, et par M. Philippe CLUZEL, Greffier.

*

**

EXPOSE DU LITIGE

Madame [Z] [U] a été initialement engagée par la société Chipie International à compter du 2 mai 2000 en qualité de styliste, statut cadre, position II, coefficient 4.20. Le contrat de travail était régi par la convention collective nationale des industries de l'habillement et le règlement intérieur de la société définissant les conditions d'exécution et de cessation du contrat de travail.

Le 19 avril 2002 un avenant au contrat de travail, prévoyant la mise en place d'une convention individuelle de forfait annuel en heures pour 1750 heures de travail effectif, par référence à un accord d'entreprise de réduction et d'aménagement du temps de travail des cadres et des itinérants non-cadres du 23 octobre 2001, était conclu entre les parties.

Le 1er mars 2011, un nouvel accord relatif à l'aménagement et au décompte du temps de travail se substituait aux accords collectifs existant au sein des sociétés composant l'UES financière Zannier.

Le 16 octobre 2012, la société Chipie International a intégré l'unité économique et sociale financière Zannier composée de dix-sept sociétés situées en France et appartenant au groupe Zannier, devenu groupe Kidiliz, lui-même composé de différentes sociétés situées en France et à l'étranger et dont la société Sofiza était la société holding.

Le 1er juin 2013 un accord de substitution prévoyait que les salariés de la société Chipie International, relevant d'un accord conclu au sein de la société Chipie International le 1er juin 2005, relèveraient à compter du 1er juin 2013 de l'accord relatif à l'aménagement du temps de travail conclu au sein de l'UES financière Zannier en date du 1er mars 2011.

En application de la loi du 30 juin 2004 relative à la solidarité pour l'autonomie des personnes âgées et des personnes handicapée la durée annuelle de travail était portée à 1757 heures.

Selon avenant du 1er décembre 2007 la salariée accédait au poste de chef de produit junior.

Le 19 novembre 2014 la direction de l'unité économique et sociale financière Zannier présentait à son comité d'entreprise un projet de réorganisation de ses activités et un projet de licenciement collectif pour motif économique et de plan de sauvegarde de l'emploi.

Un accord collectif encadrant le contenu du plan de sauvegarde de l'emploi a été signé le 26 février 2015 et validé par l'administration du travail le 12 mars 2015.

Par lettre recommandée avec demande d'avis de réception reçue le 13 mai 2015, la société Chipie International proposait à Madame [U], dans le délai de 15 jours calendaires à compter de la réception du courrier, une modification de son contrat de travail pour motif économique impliquant un transfert de son poste sur le site de [Localité 5] de la société Chipie International et lui indiquait également qu'un reclassement interne sur un poste de styliste à [Localité 8] et sur un poste de styliste à [Localité 10] de la société Chipie International était possible dans la mesure où aucun salarié ne se portait candidat sur ces postes, ou en cas de pluralité de candidatures, après départage des candidats en application des critères prévus par l'accord collectif du 26 février 2015.

Le 19 juin 2015, la salariée refusait la proposition de modification de son contrat de travail.

Par lettre recommandée avec demande d'avis de réception du 20 mai 2015, la société Chipie International demandait à la salariée de lui faire parvenir un curriculum vitae actualisé et à lui indiquer ses souhaits en termes de mobilité géographique.

La salariée adressait à l'employeur par courriel du même jour un questionnaire de mobilité aux termes duquel elle indiquait accepter de recevoir des postes de reclassement à l'étranger en précisant que les pays qui l'intéressaient étaient la Chine, l'Inde et la Turquie.

Le 19 juin 2015, la société Chipie International indiquait à la salariée qu'en dépit de ses recherches elle ne pouvait lui faire parvenir d'offres de reclassement portant sur une même catégorie professionnelle ou sur un emploi équivalent dans les pays sollicités et lui indiquait que la liste des postes disponibles au sein du groupe était diffusée sur le portail RH du groupe où elle était actualisée chaque semaine, l'invitant à se positionner sur un ou plusieurs postes de cette liste et attirant son attention sur la vacance d'un poste de chef de produit en Italie.

Le 26 juin 2015, la société Chipie International notifiait à la salariée son licenciement pour motif économique.

Contestant le bien-fondé de la rupture de son contrat de travail, la salariée a saisi le conseil de prud'hommes de Carcassonne, lequel par jugement du 5 décembre 2018 a condamné la société Kidiliz Group à payer à Madame [U] une somme de 6191,62 euros à titre de contrepartie des heures de déplacement professionnel ainsi qu'une somme de 1000 € au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, déboutant la salariée de l'ensemble de ses autres demandes.

Le 28 janvier 2019, la salariée a relevé appel de la décision du conseil de prud'hommes.

Aux termes de ses dernières écritures régulièrement notifiées et déposées au RPVA le 13 avril 2022, Madame [U] conclut à la confirmation du jugement rendu par le conseil de prud'hommes en ce qu'il a condamné la société Kidiliz Group à lui payer une somme de 6191,62 euros à titre de contrepartie des heures de déplacement professionnel ainsi qu'une somme de 1000 € au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile et à l'infirmation du jugement entrepris pour le surplus. Elle s'oppose à l'exception d'incompétence de la cour soulevée par l'UNEDIC délégation AGS. Elle estime son licenciement sans cause réelle et sérieuse en raison à la fois d'un motif économique infondé et d'un manquement de la société Chipie International à son obligation de recherche loyale et sérieuse de reclassement. Considérant par ailleurs que la convention de forfait en heures devait être annulée, elle sollicite en définitive la fixation de sa créance au passif de la liquidation judiciaire de la société KIDILIZ GROUP selon les montants suivants:

'108 700 € à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

'31 145,33 euros à titre de rappel de salaire sur heures supplémentaires 2013 et 2014, outre 3114,53 euros au titre des congés payés afférents,

'23 945,26 euros au titre des repos compensateurs 2013 et 2014, outre 2394,53 euros au titre des congés payés afférents,

'33 060,84 euros à titre de dommages-intérêts pour travail dissimulé,

'5000 € à titre de dommages-intérêts pour exécution fautive du contrat de travail,

'6000 € au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

Madame [U] conclut également à la condamnation de Me [K] [P] de la SCP BTSG et Me [C] [W] de la SELAFA MJA à lui remettre, sous astreinte de 240 € par jour de retard, des bulletins de salaire ainsi qu'une attestation à destination de pôle-emploi conformes à l'arrêt à intervenir.

Dans ses dernières écritures régulièrement notifiées et déposées au RPVA le 13 avril 2022, la société Kidiliz Group représentée par Me [K] [P] de la SCP BTSG et Me Julia Ruth de la SELAFA MJA conclut à l'infirmation du jugement rendu par le conseil de prud'hommes en ce qu'il l'a condamnée à payer à madame [U] une somme de 6191,62 euros à titre de contrepartie des heures de déplacement professionnel ainsi qu'une somme de 1000 € au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile et à la confirmation du jugement entrepris pour le surplus, au débouté de la salariée de ses demandes ainsi qu'à sa condamnation à lui payer une somme de 6000 € au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

L'UNEDIC, délégation AGS-CGEA de [Localité 7] a notifié et déposé ses dernières écritures au RPVA le 7 décembre 2021. Aux termes de celles-ci, elle conclut, à titre liminaire, à l'incompétence de la cour au profit du tribunal administratif en raison de l'existence d'un plan de sauvegarde de l'emploi validé par la direccte. Sur le fond, elle sollicite le débouté de la salariée de l'intégralité de ses demandes et revendique le bénéfice exprès et d'ordre public des textes légaux et réglementaires applicables.

L'ordonnance de clôture était rendue le 14 avril 2022.

SUR QUOI

$gt; Sur l'exception d'incompétence

En l'espèce, le litige n'a pour objet ni de contester le contenu du plan de sauvegarde de l'emploi, ni les décisions prises par l'administration au titre de l'article L 1233-57-5 du code du travail, ni la régularité de la procédure de licenciement collectif, et il ne vise pas davantage à contester la décision de validation ou d'homologation du plan de sauvegarde de l'emploi.

Partant, et alors qu'à aucun moment la contestation du licenciement ne vise à critiquer le contenu du plan de sauvegarde de l'emploi, l'exception d'incompétence soulevée par l'UNEDIC délégation AGS sera rejetée.

$gt; Sur les demandes de rappel de salaire sur heures supplémentaires, de rappel sur repos compensateurs, d'indemnisation des temps de trajet

La conclusion de conventions individuelles de forfait en heures ou en jours, sur l'année est prévue par un accord collectif d'entreprise ou d'établissement ou, à défaut par une convention ou un accord de branche. Cet accord collectif préalable détermine les catégories de salariés susceptibles de conclure une convention individuelle de forfait, ainsi que la durée annuelle du travail à partir de laquelle le forfait est établi, et fixe les caractéristiques principales de ces conventions.

Madame [Z] [U] a été initialement engagée par la société Chipie International à compter du 2 mai 2000 en qualité de styliste, statut cadre, position II, coefficient 4.20. Le contrat de travail était régi par la convention collective nationale des industries de l'habillement et le règlement intérieur de la société définissant les conditions d'exécution et de cessation du contrat de travail.

Le 19 avril 2002 un avenant au contrat de travail, prévoyant la mise en place d'une convention individuelle de forfait annuel en heures pour 1750 heures de travail effectif, par référence à un accord d'entreprise de réduction et d'aménagement du temps de travail des cadres et des itinérants non-cadres du 23 octobre 2001, était conclu entre les parties.

Or, cet accord d'entreprise n'est pas produit aux débats. Le seul renvoi général fait dans le contrat de travail à un accord d'entreprise qui n'est pas produit et ne permet donc pas de déterminer ses conditions de mise en 'uvre ne peut constituer l'écrit permettant de caractériser l'existence d'une convention de forfait à laquelle le salarié serait soumis.

Le 1er mars 2011, un nouvel accord relatif à l'aménagement et au décompte du temps de travail se substituait aux accords collectifs existant au sein des sociétés composant l'UES financière Zannier.

Le 16 octobre 2012, la société Chipie International a intégré l'unité économique et sociale financière Zannier composée de dix-sept sociétés situées en France et appartenant au groupe Zannier, devenu groupe Kidiliz, lui-même composé de différentes sociétés situées en France et à l'étranger et dont la société Sofiza était la société holding.

Le 1er juin 2013 un accord de substitution prévoyait que les salariés de la société Chipie International, relevant d'un accord conclu au sein de la société Chipie International le 1er juin 2005, relèveraient à compter du 1er juin 2013 de l'accord relatif à l'aménagement du temps de travail conclu au sein de l'UES financière Zannier en date du 1er mars 2011.

En application de la loi du 30 juin 2004 relative à la solidarité pour l'autonomie des personnes âgées et des personnes handicapée la durée annuelle de travail était portée à 1757 heures.

Toutefois, faute d'une convention individuelle de forfait en heures valable dès l'origine ou d'une convention individuelle ultérieure valablement conclue, ni l'accord relatif à l'aménagement et au décompte du temps de travail conclu en 2011 au sein de l'unité économique et sociale financière Zannier, avant que la société Chipie International n'intègre l'unité économique et sociale financière Zannier, ni l'accord de substitution prévoyant que les salariés de la société Chipie International, relevant d'un accord conclu au sein de la société Chipie International le 1er juin 2005, relèveraient à compter du 1er juin 2013 de l'accord relatif à l'aménagement du temps de travail conclu au sein de l'UES financière Zannier en date du 1er mars 2011, ne peuvent davantage constituer l'écrit permettant de caractériser l'existence d'une convention de forfait à laquelle le salarié serait soumis.

De plus, alors que l'article 7.1.4 de l'accord relatif à l'aménagement et au décompte du temps de travail conclu en 2011 au sein de l'unité économique et sociale financière Zannier prévoit que notamment pour les cadres bénéficiant d'une convention de forfait annuel en heures soit établi par la direction et tenu par chaque intéressé un document de contrôle des horaires de travail faisant apparaître les durées quotidiennes et hebdomadaires, l'employeur tenu de s'assurer que le salarié ne soit pas soumis à des horaires de travail susceptibles de compromettre sa santé, ne justifie par aucun élément ni avoir établi ce document, ni avoir à aucun moment en fin de mois sollicité le salarié afin qu'il lui remette un décompte de ses durées quotidiennes et hebdomadaires de travail, si bien, que quand bien même aurait-il existé une convention individuelle de forfait en heures valide, le non-respect des dispositions de l'accord collectif qui prévoyait également un point à faire chaque fin de mois pour prendre toutes mesures nécessaires en accord avec l'intéressé dont il n'est pas justifié, l'aurait privée d'effet.

Madame [U] peut par conséquent valablement prétendre au paiement des heures supplémentaires non rémunérées dans les conditions de droit commun.

$gt;

Aux termes de l'article L. 3171-2, alinéa 1er, du code du travail, lorsque tous les salariés occupés dans un service ou un atelier ne travaillent pas selon le même horaire collectif, l'employeur établit les documents nécessaires au décompte de la durée de travail, des repos compensateurs acquis et de leur prise effective, pour chacun des salariés concernés. Selon l'article L. 3171-3 du même code, dans sa rédaction antérieure à celle issue de la loi n° 2016-1088 du 8 août 2016, l'employeur tient à la disposition de l'inspecteur ou du contrôleur du travail les documents permettant de comptabiliser le temps de travail accompli par chaque salarié.

La nature des documents et la durée pendant laquelle ils sont tenus à disposition sont déterminées par voie réglementaire.

Enfin, selon l'article L. 3171-4 du code du travail, en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail accomplies, l'employeur fournit au juge les éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié. Au vu de ces éléments et de ceux fournis par le salarié à l'appui de sa demande, le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles. Si le décompte des heures de travail accomplies par chaque salarié est assuré par un système d'enregistrement automatique celui-ci doit être fiable et infalsifiable.

Il résulte de ces dispositions, qu'en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail accomplies, il appartient au salarié de présenter, à l'appui de sa demande, des éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu'il prétend avoir accomplies afin de permettre à l'employeur, qui assure le contrôle des heures de travail effectuées, d'y répondre utilement en produisant ses propres éléments.

Au soutien de ses prétentions, la salariée produit un décompte des temps de travail effectif qu'elle prétend avoir accomplis en 2013 et en 2014, faisant apparaître les heures de début et de fin d'activité par journée travaillée pour un total de 417,55 heures supplémentaires non payées en 2013 et de 390 heures non payées en 2014. Elle verse également aux débats les attestations de cinq collègues de travail faisant état d'une implication dans son activité professionnelle dépassant largement les durées de travail contractuellement fixées ainsi que des courriels établissant qu'elle disposait des clés de l'établissement afin d'être en mesure d'y travailler en dehors des heures d'ouverture.

L'employeur tenu d'assurer le contrôle des heures de travail effectuées ne produit pas élément probant à cet égard, et se limite à faire valoir que la salariée n'apporte aucune pièce permettant de vérifier l'exactitude des heures qu'elle prétend avoir accomplies alors qu'elle n'a jamais averti son supérieur hiérarchique d'une quelconque difficulté à respecter son forfait annuel en heures.

Ce faisant, au vu des pièces produites par l'une et l'autre des parties, et alors que la salariée justifie de courriels professionnels établissant au moins partiellement l'existence de périodes de travail sur les durées revendiquées, il convient de faire droit à la demande de rappel de salaire sur heures supplémentaires pour un montant de 7413 € au titre de l'année 2013, outre 741,30 euros au titre des congés payés afférents et de 7589, 50 € au titre de l'année 2014, outre 758,95 euros au titre des congés payés afférents. Soit au total 15 002,50 euros à titre de rappel sur heures supplémentaires, outre 1500,25 euros au titre des congés payés afférents.

$gt;

Tandis que selon les stipulations de la convention collective applicable à l'entreprise le contingent d'heures supplémentaires auquel peuvent recourir les entreprises ou établissements, sans autorisation de l'inspection du travail est limité à 130 heures sur 12 mois consécutifs, Madame [U] a réalisé 80 heures supplémentaires au-delà du contingent annuel de 130 heures en 2013 et 85 heures supplémentaires au-delà du contingent annuel de 130 heures en 2014. Elle peut par conséquent prétendre en application de l'article 3121-11 du code du travail à un rappel sur repos compensateurs d'un montant total de 3263,70 euros, outre 326,37 euros au titre des congés payés afférents.

$gt;

Il résulte des dispositions de l'article L. 3121-4 du code du travail dans sa rédaction applicable au litige, que le temps de trajet pour se rendre du domicile au lieu de travail n'est pas un temps de travail effectif, que lorsqu'il excède le temps nécessaire à un travailleur pour se rendre de son domicile à son lieu de travail habituel, il doit faire l'objet d'une contrepartie soit sous forme de repos, soit sous forme financière, qu'en l'absence d'accord collectif ou d'engagement unilatéral pris conformément à l'article L. 3121-4 du code du travail, il appartient au juge de déterminer cette contrepartie.

En l'espèce, la salariée réclame une indemnisation des temps de trajet sur la base de l'article 8.1 de l'accord collectif relatif à l'aménagement du temps de travail conclu en 2011 au sein de l'unité économique et sociale financière Zannier lequel prévoyait, pour les salariés ne disposant pas d'une convention individuelle de forfait en jours, une contrepartie en repos fixée à 30 % du temps excédant le temps normal de trajet et à 50 % du temps excédant le temps normal de trajet si ce temps de trajet excède six heures sur une journée, étant précisé que la part de ce temps de déplacement professionnel coïncidant avec l'horaire de travail n'entraîne aucune perte de salaire.

En l'espèce, la salariée verse aux débats un planning de ses temps de trajet pour la période 2013-2015, accompagnée des billets d'avion relatifs à ses déplacements sans que l'employeur ne produise d'éléments susceptibles de la contredire. Madame [U] a toutefois omis dans son calcul de tenir compte d'une part du temps qui lui était nécessaire pour se rendre de son domicile à son lieu de travail habituel ainsi que des périodes rémunérées comme un temps de travail, ces temps venant en déduction des durées de trajet indemnisables au titre des dispositions susvisées.

C'est pourquoi, sur la base des prévisions de l'accord collectif auquel les parties se réfèrent, tenant compte des éléments énoncés ci-avant, il y a lieu d'infirmer le jugement entrepris quant au montant alloué à la salariée à ce titre, et de fixer à la somme de 4225,32 euros le montant de la contrepartie des temps de déplacement professionnel excédant le temps de trajet pour se rendre du domicile au lieu de travail habituel.

$gt; Sur la demande d'indemnité forfaitaire pour travail dissimulé

Les conditions dans lesquelles les heures supplémentaires ont été accomplies et la négligence de l'employeur dans le contrôle des temps de travail de la salariée, ne suffisent pas à eux seuls, à établir l'élément intentionnel du travail dissimulé.

Aussi convient-il de confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a débouté la salariée de sa demande à ce titre.

$gt; Sur la demande de dommages-intérêts pour exécution fautive du contrat de travail

Le contrat de travail prévoyait la fixation d'une prime conditionnelle sur objectifs déterminée par l'employeur, lequel devait fixer de façon unilatérale les objectifs assignés à la salariée dont dépendait sa rémunération variable. Madame [U] verse aux débats des courriels des années 2011 et 2012 invitant l'employeur à lui fixer ses objectifs après le début des périodes considérées. L'employeur qui ne produit aucun élément à cet égard ne soutient pas avoir fixé régulièrement ses objectifs à la salariée et ne prétend pas avoir rempli ses obligations à ce titre, se limitant à faire valoir que la demande n'est pas motivée et que la preuve du préjudice allégué n'est pas rapportée. Madame [U] fait cependant valoir valoir que l'employeur a ainsi porté atteinte à la part variable de sa rémunération. Elle établit par des courriels du 26 novembre 2012 et du 16 décembre 2012 adressés au supérieur hiérarchique le préjudice moral résultant de l'incertitude dans laquelle elle était laissée sur sa rémunération variable, affectant sa motivation, et par conséquent les résultats dont dépendait une partie du salaire, ce qui justifie qu'il soit fait droit à sa demande de dommages-intérêts pour exécution fautive du contrat de travail à concurrence d'un montant de 1000 €.

$gt; Sur le licenciement

L'article L.1233-4 du code du travail, dans sa rédaction issue de la loi n°2010-499 du 18 mai 2010, en vigueur jusqu'au 8 août 2015 prévoyait :

' Le licenciement pour motif économique d'un salarié ne peut intervenir que lorsque tous les efforts de formation et d'adaptation ont été réalisés et que le reclassement de l'intéressé ne peut être opéré dans l'entreprise ou dans les entreprises du groupe auquel l'entreprise appartient.

Le reclassement du salarié s'effectue sur un emploi relevant de la même catégorie que celui qu'il occupe ou sur un emploi équivalent assorti d'une rémunération équivalente.

A défaut, et sous réserve de l'accord exprès du salarié, le reclassement s'effectue sur

un emploi d'une catégorie inférieure.

Les offres de reclassement proposées au salarié sont écrites et précises.'

En l'espèce, la société Chipie International proposait à Madame [U], le 13 mai 2015, dans le délai de 15 jours calendaires à compter de la réception du courrier, une modification de son contrat de travail pour motif économique impliquant un transfert de son poste sur le site de [Localité 5] de la société Chipie International et lui indiquait également qu'un reclassement interne sur un poste de styliste à [Localité 8] et sur un poste de styliste à [Localité 10] de la société Chipie International était possible dans la mesure où aucun salarié ne se portait candidat sur ces postes, ou en cas de pluralité de candidatures, après départage des candidats en application des critères prévus par l'accord collectif du 26 février 2015.

Le 19 juin 2015, la salariée refusait la proposition de modification de son contrat de travail.

Par lettre recommandée avec demande d'avis de réception du 20 mai 2015, la société Chipie International demandait à la salariée de lui faire parvenir un curriculum vitae actualisé et à lui indiquer ses souhaits en termes de mobilité géographique.

La salariée adressait à l'employeur par courriel du même jour le questionnaire de mobilité aux termes duquel elle indiquait accepter de recevoir des postes de reclassement à l'étranger en précisant que les pays qui l'intéressaient étaient la Chine, l'Inde et la Turquie.

Le 19 juin 2015, la société Chipie International indiquait à la salariée qu'en dépit de ses recherches elle ne pouvait lui faire parvenir d'offres de reclassement portant sur une même catégorie professionnelle ou sur un emploi équivalent dans les pays sollicités et lui indiquait que la liste des postes disponibles au sein du groupe était diffusée sur le portail RH du groupe où elle était actualisée chaque semaine, l'invitant à se positionner sur un ou plusieurs postes de cette liste et attirant son attention sur la vacance d'un poste de chef de produit en Italie.

Le 26 juin 2015, la société Chipie International notifiait à la salariée son licenciement pour motif économique en raison de son refus de modification du contrat de travail, de son absence de positionnement sur les différentes offres de reclassement interne en France, et de l'absence d'emploi de même catégorie disponible au sein du groupe en Chine, en Inde et en Turquie.

Or, la société Chipie International s'est limitée le 13 mai 2015 à proposer à la salariée une modification de son contrat de travail passant par un transfert de son poste sur le site de [Localité 5].

Aux termes du même courrier, il était indiqué qu'un reclassement interne sur un poste de styliste à [Localité 8] et sur un poste de styliste à [Localité 10] de la société Chipie International était possible. Toutefois, cette proposition était conditionnée à l'absence d'autre candidature susceptible de prévaloir sur la sienne. De plus la société Chipie International ne justifie par aucun élément d'une absence d'autres emplois vacants disponibles en son sein relevant de la même catégorie que celui qu'occupait madame [U] en sa qualité de chef de produit ou de l'absence d'un emploi équivalent assorti d'une rémunération équivalente.

Si l'employeur produit une liste de postes disponibles à l'étranger au sein du groupe, il ne rapporte pas la preuve que cette liste respecte les engagements pris dans le cadre du plan de sauvegarde de l'emploi et ne justifie par aucun élément d'une recherche complète et exhaustive des postes vacants disponibles au sein du groupe dès lors que les postes diffusés par l'employeur ne concernent que quatre des dix-sept sociétés du groupe.

La diffusion de cette liste ou la possibilité offerte à la salariée de consulter une liste de postes vacants sur le portail intranet de la société ne caractérise pas non plus la preuve que l'employeur ait procédé à un examen individuel des possibilités de reclassement de la salariée.

En outre, si aux termes du questionnaire de mobilité qui lui a été adressé, la salariée qui acceptait de recevoir des offres de reclassement à l'étranger a rempli les trois cases disponibles de l'imprimé qui lui était remis en y faisant figurer respectivement : la Chine, l'Inde et la Turquie, elle n'a exprimé aucune restriction quant aux autres propositions de poste qui pouvaient lui être faites à l'étranger.

C'est pourquoi, tandis qu'aucune autre proposition précise et personnalisée ne lui a été faite, l'employeur ne pouvait limiter ses offres de reclassement à ces seuls pays et prétendre ainsi s'être acquitté de son obligation de recherche loyale et sérieuse de reclassement au motif qu'il avait évoqué l'existence d'un poste vacant disponible de chef de produit en Italie dans son courrier du 19 juin 2015.

La rupture du contrat de travail intervenue dans ces conditions est par conséquent sans cause réelle et sérieuse.

À la date de la rupture du contrat de travail, la salariée était âgée de 51 ans et elle avait une ancienneté de 15 années révolues dans une entreprise employant habituellement au moins 11 salariés. Elle bénéficiait d'un salaire mensuel moyen des 12 derniers mois précédant la rupture du contrat de travail d'un montant de 4560,41 euros. Elle justifie d'une longue période de chômage suivie de la création de sa propre entreprise dont elle démontre qu'elle dégage des bénéfices réduits à 2192 € pour l'exercice clos au 30 septembre 2020 et à 9939 € pour l'exercice clos au 30 septembre 2021. C'est pourquoi, il convient de fixer à 70 000 € le montant de l'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.

$gt; Sur les demandes accessoires

La remise d'une attestation à destination de pôle-emploi et de bulletins de salaire rectifiés conformément au présent arrêt étant de droit, il convient de l'ordonner, sans pour autant qu'il y ait lieu au prononcé d'une astreinte.

Il convient de dire n'y avoir lieu à application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

Les dépens de l'instance d'appel seront supportés par la société Kidiliz Group représentée par Me [K] [P] de la SCP BTSG et Me [C] [W] de la SELAFA MJA, et il convient de les déclarer frais privilégiés au passif de la liquidation judiciaire de la société Kidiliz Group.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant publiquement par arrêt contradictoire mis à disposition greffe,

Rejette l'exception d'incompétence,

Infirme le jugement rendu le 5 décembre 2018 par le conseil de prud'hommes de Carcassonne sauf en ce qu'il a débouté la salariée de sa demande au titre d'une indemnité forfaitaire pour travail dissimulé et en ce qu'il a fait droit au principe d'une contrepartie des heures de déplacement professionnel;

Et statuant à nouveau des chefs infirmés,

Fixe la créance de Madame [Z] [U] au passif de la liquidation judiciaire de la société KIDILIZ GROUP selon les montants suivants:

'70 000 euros à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

'15 002,50 euros à titre de rappel sur heures supplémentaires 2013 et 2014, outre 1500,25 euros au titre des congés payés afférents,

' 3263,70 euros au titre des repos compensateurs 2013 et 2014, , outre 326,37 euros au titre des congés payés afférents,

'4225,32 euros au titre de la contrepartie des heures de déplacement professionnel,

'1000 € à titre de dommages-intérêts pour exécution fautive du contrat de travail,

Ordonne la remise par par Me [K] [P] de la SCP BTSG et Me [C] [W] de la SELAFA MJA, es-qualités de mandataire liquidateur de société KIDILIZ GROUP, à Madame [Z] [U] d'une attestation à destination de pôle-emploi et de bulletins de salaire rectifiés conformément au présent arrêt;

Dit n'y avoir lieu à condamnation au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile;

Déclare le présent arrêt commun à l'UNEDIC, délégation AGS CGEA de [Localité 9];

Dit que les dépens de l'instance d'appel seront supportés par lla société Kidiliz Group représentée par Me [K] [P] de la SCP BTSG et Me Julia Ruth de la SELAFA MJA, et les déclare frais privilégiés au passif de la liquidation judiciaire de la société Kidiliz Group;

Le greffier,Le président,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Montpellier
Formation : 2e chambre sociale
Numéro d'arrêt : 19/00645
Date de la décision : 29/06/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-06-29;19.00645 ?
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