RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
RG 21/01297 - N° Portalis DBVS-V-B7F-FQCP
Minute n° 22/00157
[O]
C/
[U]
Jugement du 19 avril 2018 du Tribunal Paritaire des Baux Rurraux de NANCY n° 51-15-2
Arrêt du 3 octobre 2019 de la Cour d'Appel de NANCY, n° 18/01200
Pourvoi du 1er avril 2021 de la Cour de Cassation n°B 19-25.078
COUR D'APPEL DE METZ
3ème CHAMBRE - Baux Ruraux
ARRÊT DU 28 AVRIL 2022
DEMANDEUR A LA REPRISE
Mme [C] [O]
[Adresse 1]
[Localité 4]
Non comparant, Représentée par Me Hervé HAXAIRE, avocat au barreau de METZ
DEFENDEUR A LA REPRISE
M. [J] [U]
[Adresse 2]
[Localité 3]
Non comparant, Représenté par Me Gaspard GARREL, avocat postulant au barreau de METZ et Me JT KROELL avocat plaidant au barreau de NANCY
DATE DES DÉBATS : A l'audience publique du 24 Février 2022 tenue par M. MICHEL, Magistrat Rapporteur qui a entendu les plaidoiries, les avocats ne s'y étant pas opposés et en a rendu compte à la Cour dans son délibéré pour l'arrêt être rendu le 28 Avril 2022.
GREFFIER PRÉSENT AUX DÉBATS : Mme Sophie GUIMARAES
COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :
PRÉSIDENT : Mme GUIOT-MLYNARCZYK, Président de Chambre
ASSESSEURS : Mme BASTIDE, Conseiller
M. MICHEL, Conseiller
FAITS ET PROCÉDURE
Par acte notarié du 25 novembre 1998, Mme [C] [O] alors séparée de corps et désormais divorcée de M. [T] [N] (ci-après Mme [N]) a consenti à M. [J] [U] un bail rural à long terme portant sur diverses parcelles situées sur les territoires des communes de [Localité 6], [Localité 5], [Localité 7] et [Localité 8], d'une superficie totale de 37 ha 13 a et 87 ca (ci-après dénommé bail n°1).
Par un second acte notarié du même jour, M. [T] [N], Mme [C] [N] et leur fils M. [E] [N] ont consenti à M. [U] un bail rural à long terme portant sur diverses parcelles situées sur le territoire de la commune de [Localité 8], d'une superficie totale de 13 ha 95 a et 87 ca.
Les deux baux d'une durée de 18 années ont été conclus rétroactivement à compter du 1er octobre 1998 pour se terminer le 30 septembre 2016.
Par acte d'huissier du 26 mars 2015, Mme [N] a fait délivrer à M. [U] congé à effet du 30 septembre 2016 pour les deux baux. L'acte précise que le congé est donné au motif qu'en application de l'article L.411-53 du code rural et de la pêche maritime, le renouvellement des baux est refusé pour :
- non-exploitation des terres par le fermier
- mauvaise exploitation des terres : pas de fumures, pas de traitement des plantes parasites
- changement non autorisé de la nature des terres (parcs retournés contrairement aux obligations de l'article L.411-29)
- clôtures négligées
- échanges de parcelles non autorisés par la bailleresse.
Par requête enregistrée au greffe le 6 mai 2015, M. [U] a fait convoquer Mme [N] devant le tribunal paritaire des baux ruraux de Nancy. Au dernier état de ses prétentions, il a demandé au tribunal de prononcer la nullité du congé délivré le 26 mars 2015, de débouter Mme [N] de toutes ses demandes contraires et de la condamner aux dépens ainsi qu'au paiement de la somme de 2.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
Mme [N] qui s'est opposée à ces prétentions a demandé au tribunal de :
- débouter M. [U] de toutes ses contestations et demandes
- valider le congé notifié le 26 mars 2015 pour l'échéance du 30 septembre 2016 et interdire à M. [U] ainsi qu'à tout exploitant de son chef de pénétrer dans les terres visées au congé sous peine d'une astreinte de 1.000 euros par infraction constatée
- condamner M. [U] à lui payer 5.000 euros au titre d'une indemnité d'occupation pour l'année culturale 2017 prenant fin le 31 août 2017 et une indemnité de 5.000 euros pour l'éventuelle année culturale suivante si les lieux ne sont pas restitués avant le 1er septembre 2017
- subsidiairement, si le tribunal ne s'estime pas assez informé sur les conditions d'exploitation du preneur enjoindre avant dire droit M. [U] de produire tout document utile relatif à sa situation administrative au regard de sa capacité physique à exploiter, enjoindre à la MSA de préciser le statut de M. [U] et ordonner le cas échéant une expertise contradictoire sur la qualité de l'exploitation constatable sur les parcelles visées dans le congé et sur la dégradation consécutive de sa propriété
- condamner M. [U] à lui payer la somme de 1.500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
Par jugement du 19 avril 2018, le tribunal paritaire des baux ruraux de Nancy a :
- débouté Mme [N] de ses demandes subsidiaires et avant dire droit
- prononcé la nullité du congé signifié à M. [U] à la demande de Mme [N] par acte d'huissier du 26 mars 2015
- débouté en conséquence Mme [N] de ses demandes tendant à ce qu'il soit interdit à M. [U] et à tout exploitant de son chef de pénétrer dans les terres visées au congé et de condamnation de paiement d'une indemnité d'occupation
- condamné Mme [N] à payer à M. [U] la somme de 1.500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et aux dépens.
Le tribunal a rejeté le moyen de nullité tiré du fait que le congé ne portait pas sur l'intégralité des surfaces données à bail au motif que par acte notarié du 18 mars 2005, il avait été procédé à une résiliation partielle du bail rural portant sur trois parcelles et que si l'acte ne mentionnait la résiliation partielle que pour l'une de ces parcelles, l'oubli des deux autres était sans conséquence puisqu'en tout état de cause, ces deux parcelles ne pouvaient pas être concernées par le congé.
Sur le défaut de qualité de Mme [N] à faire délivrer seule un congé alors que le bail n°2 a été conclu avec deux autres personnes, il a observé d'une part qu'à l'époque de la notification la requérante n'était pas la seule propriétaire des parcelles louées et d'autre part, que le fait de mentionner que le congé portait sur les terres qui lui seraient attribuées dans le cadre du partage de l'indivision actuellement en cours, ne permettait pas à M. [U] de connaître les lieux concernés de façon certaine. Il en a déduit que le congé était nul pour la partie concernant le bail n°2. En revanche, le tribunal a estimé que cette irrégularité était sans effet sur la validité de l'acte relative au bail n°1, le congé n'étant pas indivisible.
Pour le bail n°1, sur le motif du congé relatif à l'absence d'exploitation personnelle, le tribunal a relevé que le fait pour M. [U] d'avoir mis les terres à la disposition du GAEC de Rapré comme le contrat l'y autorisait, ne signifiait pas qu'il ne participait pas personnellement à l'exploitation. Il a rappelé qu'une mesure d'instruction ne pouvait être ordonnée en vue de suppléer la carence de la partie dans l'administration de la preuve et débouté en conséquence Mme [N] de sa demande ayant pour objet d'enjoindre M. [U] de produire tout document utile relatif à sa situation administrative au regard de sa capacité physique à exploiter et à la MSA Lorraine de préciser son statut.
Pour le motif tenant à la mauvaise exploitation des terres et à l'absence d'entretien des clôtures, il a observé que le document produit par Mme [N] pour en justifier n'était pas contradictoire et sans valeur probante, que M. [U] produisait de nombreuses pièces se rapportant à l'exploitation et à l'entretien des lieux loués et a écarté ce motif et débouté Mme [N] de sa demande subsidiaire d'expertise. Il a également écarté le motif tiré du changement de la nature des parcelles en estimant que la transformation des prés en terres représentait une plus value pour la bailleresse et que Mme [N] dûment informée ne s'était pas opposée à cette transformation. Enfin, il a écarté le motif tenant à l'échange de parcelles non autorisé faute par la bailleresse de l'expliquer et d'en justifier
Le tribunal a en conséquence annulé le congé pour la partie concernant le bail n°1 et débouté Mme [N] de sa demande tendant à ce que M. [U] et tout exploitant de son chef soient interdits de pénétrer sur les terres visées au congé et de celle tendant au paiement d'une indemnité d'occupation.
Par lettre recommandée réceptionnée au greffe de la cour d'appel de Nancy le 16 mai 2018, Mme [N] a fait appel de tous les chefs de ce jugement.
Par arrêt du 3 octobre 2019, la cour d'appel de Nancy a déclaré l'appel recevable, confirmé le jugement déféré en toutes ses dispositions, débouté Mme [N] de sa demande sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et l'a condamnée à payer à M. [U] la somme de 1.300 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux dépens.
Par arrêt du 1er avril 2021, la cour de cassation a cassé et annulé, sauf en ce qu'il prononce la nullité du congé en ce qu'il porte sur des portions de terre du bail n°2, l'arrêt rendu le 3 octobre 2019, a remis l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient et les a renvoyées devant la cour d'appel de Metz.
La Cour de cassation a dit qu'il résulte des articles L.331-2, L.411-46 et L. 411-58 du code rural et de la pêche maritime que le renouvellement du bail ne peut être accepté si le preneur n'est pas en règle avec le contrôle des structures et que, lorsque les terres louées sont destinées à être exploitées par une société ou ont été mises à sa disposition, la nécessité d'obtenir ou non une autorisation d'exploiter s'apprécie du chef de la société. Elle a estimé qu'en statuant sans rechercher, au besoin d'office, si le GAEC de Rapré, pour lequel elle avait constaté que les terres louées avaient été mise à disposition en cours de bail, était en règle avec les obligations du contrôle des structures, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision.
Par déclaration déposée au greffe le 25 mai 2021, Mme [N] a saisi la cour d'appel de renvoi.
Aux termes de ses dernières conclusions du 16 décembre 2021, Mme [N] demande à la cour d'infirmer le jugement et de :
- débouter M. [U] de toutes ses contestations et demandes
- subsidiairement valider le congé notifié le 26 mars 2015 pour l'échéance du 30 septembre 2016 et interdire à M. [U], ainsi qu'à tout exploitant de son chef, de pénétrer dans les terres visées au congé sous peine d'une astreinte de 1.000 euros par infraction constatée
- condamner M. [U] à lui payer la somme de 5.000 euros par an au titre d'une indemnité d'occupation pour les années culturales 2017, 2018, 2019, 2020 et 2021 prenant fin le 31 août 2021 en l'absence de restitution des terres louées et pour les années culturales suivantes jusqu'à la restitution des terres
- plus subsidiairement enjoindre avant dire droit M. [U] de produire tout document utile relatif à sa situation administrative au regard de sa capacité physique à exploiter, enjoindre à la MSA de préciser le statut de M. [U] et ordonner une expertise contradictoire sur la qualité de l'exploitation constatable sur les parcelles visées dans le congé et sur la dégradation consécutive de sa propriété
- condamner M. [U] à lui payer la somme de 3.000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile au titre de la procédure d'appel et la somme de 3.000 euros au titre de la procédure de première instance ainsi qu'aux entiers dépens.
Mme [N] expose que M. [U] a mis les parcelles louées à la disposition du GAEC de Rapré en 2004, les deux contrats de location prévoyant expressément l'autorisation du bailleur pour le faire, que la nécessité d'obtenir ou non une autorisation d'exploiter s'apprécie du chef de la société au profit de laquelle la mise à disposition a été attribuée et que M. [U] qui a la charge de démontrer que le groupement dont il est membre est en règle avec les obligations du contrôle des structures, est défaillant dans l'administration de cette preuve. Elle fait valoir que la décision préfectorale du 25 novembre 1998 dont se prévaut l'intimé est antérieure à la conclusion des baux litigieux et donc qu'elle ne saurait s'appliquer mais aussi que cette décision est relative à M. [U] lui-même et non au GAEC de Rapré.
Subsidiairement, sur le motif tiré de la non exploitation personnelle des terres par le fermier, l'appelante soutient que la mise à disposition des parcelles ne dispense pas le preneur de participer dans le cadre de sa société agricole, directement et personnellement, à leur exploitation, que le tribunal lui reproche à tort de ne pas démontrer que tel n'est pas le cas dans la mesure où la preuve d'un fait négatif est impossible à rapporter et ajoute que l'état de santé de M. [U] n'est plus compatible avec la bonne exploitation des biens loués et qu'il a cessé son activité laitière pour un motif de santé en mai 2012. Elle indique également que la MSA a refusé de lui préciser si l'intimé est encore exploitant effectif en invoquant le secret professionnel, que ces éléments essentiels à la solution du litige nécessitent que la cour demande avant dire droit à M. [U] de justifier de sa situation et qu'en tout état de cause, l'intimé demandeur au renouvellement, à qui il incombe de démontrer la réalité de son exploitation personnelle des terres, n'en justifie pas.
Sur les motifs tenant à la mauvaise exploitation des terres louées, au changement non autorisé de leur nature et à l'absence d'entretien des clôtures, l'appelante rappelle qu'un expert agricole a constaté que les parcelles louées en nature de pairies avaient été retournées à son insu, qu'elles ne sont pas cultivées de façon conforme aux règles de l'art, que les bâtiments sont laissés à l'abandon et que les cultures ne sont pas correctes. Elle soutient que le changement de culture est soumis à une procédure particulière d'autorisation qui n'a pas été respectée et qu'il ne peut lui être reproché de ne pas avoir protesté pour légitimer a posteriori une violation de la loi.
Mme [N] fait valoir que les manquements du preneur sont nuisibles pour le fond qui s'en trouve dévalorisé et qu'elle n'a pas accès aux documents permettant de vérifier qui exploite effectivement ses parcelles, ce qui impose des investigations ordonnées par le juge, la cour pouvant faire vérifier si les conditions d'exploitation par le preneur sont conformes à ses intérêts.
Elle indique par ailleurs que l'expert qu'elle a mandaté a établi un nouveau rapport qui confirme les énonciations du précédent, que même si la cour considère que ce document ne s'analyse pas en un rapport d'expertise contradictoire, il a au moins a minima valeur de constat et donc de preuve, d'autant qu'un procès-verbal de constat d'huissier confirme les énonciations de l'expert .
Aux termes de ses dernières conclusions du 9 septembre 2021, M. [U] demande à la cour de:
- débouter Mme [N] de toutes ses prétentions
- confirmer le jugement entrepris en ses dispositions remises en cause par l'arrêt de la cour de cassation
- à titre superfétatoire rejeter toutes les demandes de Mme [N] qui a continué à encaisser sans réserve les fermages
- rejeter la demande d'expertise
- condamner l'appelante au paiement de la somme de 2.500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens.
Il fait valoir que le bail du 25 novembre 1998 stipule que 'les présentes ne sont pas soumises à autorisation préalable du préfet' et que 'le preneur a bénéficié d'une décision de recevabilité de son projet d'installation en date du 27 août 1998" et en déduit qu'aucune autorisation n'était imposée au Gaec de Rapré dans le cadre du contrat et que le grief n'est pas légitime, ajoutant qu'il ne se trouve pas dans une situation nécessitant une autorisation administrative d'exploiter.
M. [U] rappelle que l'arrêt de la cour d'appel de Nancy n'a pas été cassé sur l'appréciation des motifs du congés et que l'argumentation développée par Mme [N] à cet égard n'est pas recevable. Il expose que la mise à disposition des terres au GAEC est autorisée, qu'il justifie participer à l'exploitation par de multiples pièces, que la transformation des prés en terre constitue une plus value à laquelle la bailleresse ne s'est jamais opposée et que les parcelles sont exploitées et entretenues. Il affirme que le congé est un prétexte et que la véritable motivation de Mme [N] qui est de mauvaise foi, est de lui nuire, un contentieux les opposant par ailleurs.
Il ajoute qu'outre l'absence de validité du congé, Mme [N] a continué à encaisser les fermages ce qui s'interprète selon lui en une renonciation aux effets de l'acte et subsidiairement comme la mise en place d'un bail verbal, le paiement des loyers ayant été accepté sans réserve. Il conteste les travaux de l'expert mandaté par Mme [N] qui ne sont pas contradictoires, soutient que la note complémentaire est partiale, traduit un manque de professionnalisme et est dépourvue de valeur probante en ne faisant que reproduire l'opinion illégitime de Mme [N].
A l'audience du 24 février 2022, Mme [N] et M. [U] représentés se sont référés à leurs conclusions écrites développées oralement.
MOTIFS DE LA DÉCISION
Sur la validité du congé et ses conséquences
Il résulte de l'article L.416-1 du code rural et de la pêche maritime que le bail à long terme est renouvelable par période de 9 ans dans les conditions prévues à l'article L.411-46. Le bailleur qui entend s'opposer au renouvellement doit notifier congé au preneur dans les conditions prévues à l'article L.147.
Selon l'article L.411-46 du même code, le preneur a droit au renouvellement du bail, nonobstant toutes clauses, stipulations ou arrangements contraires à moins que le bailleur ne justifie de l'un des motifs graves et légitimes mentionnés à l'article L.411-31 ou n'invoque le droit de reprise dans les conditions prévues aux articles L.411-57 à L.411-63, L.411-66 et L.411-67. Le preneur doit réunir les mêmes conditions d'exploitation et d'habitation que celles exigées du bénéficiaire du droit à la reprise en fin de bail à l'article L.411-59.
Les conditions cumulatives d'exploitation et d'habitation prévues par l'article L.411-59 ont notamment pour objet le respect des obligations concernant le contrôle des structures.
En application de ces dispositions, le preneur qui s'oppose au congé donné en fin de bail doit réunir les mêmes conditions que celles exigées du bénéficiaire du droit de reprise et en particulier la condition tenant au respect de la réglementation du contrôle des structures et ces conditions s'apprécient à la date pour laquelle le congé a été donné.
En l'espèce, la cour étant saisie dans les termes de l'arrêt de la Cour de cassation du 1er avril 2021, le litige se limite au congé délivré le 26 mars 2015 en ce qu'il porte sur le bail n°1 et à ses conséquences.
Il ressort des pièces figurant au dossier que les parcelles objets de ce contrat de location ont été mises à disposition du GAEC de Rapré. C'est en vain que l'intimé soutient que ce groupement n'était soumis à aucune autorisation en vertu du contrat selon lequel (page 2) 'les présentes ne sont pas soumises à autorisation préalable du préfet. Etant précisé que le preneur a bénéficié d'une décision préfectorale de recevabilité de son projet d'installation, en date du 27 août 1998 sous le n°1393 bis'. En effet, outre le fait que la décision préfectorale alléguée n'est pas versée aux débats, elle est en tout état de cause uniquement relative au preneur et donc à M. [U]. En application de l'alinéa 7 de l'article L.411-58 du code rural et de la pêche maritime, les terres devant être exploitées par le GAEC de Rapré, le respect des obligations du contrôle des structures s'apprécie du chef de cette société et il est inopérant de faire valoir que M. [U] lui-même ne se trouve pas dans une situation nécessitant une autorisation administrative d'exploiter.
Il n'est établi ni que le GAEC de Rapré serait dispensé d'une autorisation administrative d'exploiter, ni qu'il est en règle avec les obligations du contrôle des structures. M. [U], associé de ce groupement et qui reste seul titulaire du contrat de location comme le rappelle expressément la convention de mise à disposition du 15 décembre 2014, ne justifie d'aucun élément susceptible de rapporter cette preuve à l'échéance du bail, date d'effet du congé. Il ne peut dès lors prétendre au renouvellement de ce bail faute de remplir les conditions prévues par l'article L.411-59 du code rural et partant la bailleresse a valablement refusé ce renouvellement par la notification du congé contesté et ce indépendamment des autres motifs visés par l'acte.
En conséquence, M. [U] est débouté de sa demande tendant à la nullité du congé qui lui a été délivré le 26 mars 2015 en ce qu'il porte sur le bail n°1 et le congé est déclaré valable en ce qui porte sur ce même bail, le jugement étant infirmé de ces chefs.
M. [U] ne peut valablement soutenir qu'en continuant à encaisser sans réserve les fermages, Mme [N] a renoncé à ce congé ou qu'un bail verbal aurait été conclu entre les parties, alors que la renonciation du bailleur à un congé ne se présume pas et ne peut résulter que d'actes non équivoques et incompatibles avec le maintien du congé. Il n'est pas démontré que des règlements sont effectivement intervenus après la date d'échéance du bail du 30 septembre 2016, les décomptes manuscrits produits aux débats (pièces n°34, n°35 et n°36) étant insuffisamment probants à eux seuls pour établir la réalité d'un règlement. En outre, la seule circonstance selon laquelle postérieurement à la date d'effet du congé la bailleresse aurait encaissé des paiements comme le soutient M. [U], ne suffit pas à caractériser le règlement de fermages alors qu'en se maintenant dans les lieux, l'intimé était redevable d'une indemnité d'occupation dont la bailleresse lui a réclamé le paiement par voie de conclusions dès le 10 février 2017. Il s'en déduit que faute d'établir que Mme [N] a encaissé des fermages et les a considérés comme tels après la date d'échéance du contrat, l'intimé ne prouve pas qu'elle a renoncé de manière non équivoque au congé, ni que les règlements effectués s'assimilent à des loyers caractérisant la conclusion d'un bail verbal entre les parties.
En conséquence, le jugement est infirmé et il est fait interdiction à M. [U] ainsi qu'à tout exploitant de son chef de pénétrer sur les terres relatives au bail n°1 dans le délai d'un mois suivant la signification de l'arrêt sous peine d'astreinte de 80 euros par infraction constatée et ce pendant trois mois.
En revanche, le jugement est confirmé en ce qu'il a débouté Mme [N] de ses demandes subsidiaires et avant dire droit, tendant respectivement à ce qu'il soit enjoint à M. [U] de produire tout document relatif à situation administrative au regard de sa capacité physique à exploiter, qu'il soit enjoint à la MSA de Lorraine de préciser le statut de M. [U] et à ce qu'il soit ordonné une expertise.
Sur l'indemnité d'occupation
Le congé étant validé, M. [U] occupe depuis le 1er octobre 2016 les parcelles objets du bail n°1 sans droit ni titre et cette occupation est constitutive d'une faute. En application de l'ancien article 1382 du code civil (devenu 1240) applicable au litige, il est redevable d'une indemnité d'occupation que la cour est en mesure d'évaluer au vu des éléments de l'espèce à 5.000 euros par année culturale, à compter du 1er octobre 2016 et jusqu'à la restitution effective des parcelles concernées. En conséquence, M. [U] est condamné à payer à Mme [N] la somme de 5.000 euros par an à titre d'indemnité d'occupation des parcelles objet du bail n°1 pour les années culturales 2017, 2018, 2019, 2020 et 2021 prenant fin le 31 août 2021 et pour les années culturales suivantes jusqu'à la restitution des terres.
Sur l'article 700 du code de procédure civile et les dépens
Les parties ayant l'une et l'autre succombé partiellement dans leurs prétentions selon le bail concerné, chacune d'entre elles gardera à sa charge ses dépens d'instance et d'appel.
Sur les frais irrépétibles, il convient en équité de dire n'y avoir lieu à application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile tant en première instance qu'en appel.
PAR CES MOTIFS :
LA COUR, statuant par arrêt contradictoire, prononcé publiquement par mise à disposition au greffe, conformément aux dispositions de l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile,
CONFIRME le jugement déféré en ce qu'il a :
- débouté Mme [C] [O] divorcée [N] de ses demandes subsidiaires et avant dire droit tendant à ce qu'il soit enjoint à M. [J] [U] de produire tout document utile relatif à sa situation administrative au regard de sa capacité physique à exploiter et enjoint à la MSA Lorraine de préciser le statut de M. [J] [U], et que soit ordonnée une expertise contradictoire portant sur les qualités de l'exploitation et sur la dégradation des biens donnés à bail
- débouté Mme [C] [O] divorcée [N] de sa demande fondée sur l'article 700 du code de procédure civile ;
L'INFIRME en ce qu'il a :
- prononcé la nullité du congé signifié à M. [J] [U] à la demande de Mme [C] [O] divorcée [N] par acte d'huissier en date du 26 mars 2015 en ce qu'il porte sur le bail n°1
- débouté Mme [C] [O] divorcée [N] de ses demandes tendant à ce qu'il soit interdit à M. [J] [U], ainsi qu'à tout exploitant de son chef, de pénétrer dans les terres visées au congé portant sur le bail n°1 et de condamnation de M. [J] [U] à lui payer une indemnité d'occupation portant sur le bail n°1
- condamné Mme [C] [O] divorcée [N] à payer à M. [J] [U] la somme de 1.500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et aux dépens ;
Statuant à nouveau,
DEBOUTE M. [J] [U] de sa demande de nullité du congé signifié à la demande de Mme [C] [O] divorcée [N] par acte d'huissier en date du 26 mars 2015 en ce qu'il porte sur le bail n°1 et déclare valable ce congé ;
FAIT interdiction à M. [J] [U] ainsi qu'à tout exploitant de son chef de pénétrer sur les terres relatives au bail n°1 dans le délai d'un mois suivant la signification de l'arrêt, sous peine d'une astreinte de 80 euros par infraction constatée et ce pendant trois mois ;
CONDAMNE M. [J] [U] à payer à Mme [C] [O] divorcée [N] la somme de 5.000 euros par an à titre d'indemnité d'occupation des parcelles objet du bail n°1 pour les années culturales 2017, 2018, 2019, 2020 et 2021 prenant fin le 31 août 2021 et pour les années culturales suivantes jusqu'à la restitution des terres ;
DÉBOUTE M. [J] [U] de sa demande fondée sur l'article 700 du code de procédure civile ;
Y ajoutant,
DÉBOUTE M. [J] [U] et Mme [C] [O] divorcée [N] de leur demande présentée sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel ;
DIT que chacune des parties supportera la charge de ses propres dépens de première instance et d'appel.
Le présent arrêt a été signé par Madame GUIOT-MLYNARCZYK, présidente de chambre à la cour d'appel de Metz et par Madame GUIMARAES, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
LE GREFFIER LE PRESIDENT