N° RG 23/00113 - N° Portalis DBVM-V-B7H-LU2K
C4
Minute N°
Copie exécutoire
délivrée le :
la SELARL LEXAVOUE GRENOBLE - CHAMBERY
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE GRENOBLE
CHAMBRE COMMERCIALE
ARRÊT DU JEUDI 29 JUIN 2023
Appel d'un jugement (N° RG 2022J00068)
rendu par le Tribunal de Commerce de GAP
en date du 16 décembre 2022
suivant déclaration d'appel du 09 janvier 2023
APPELANTE :
S.A.R.L. AUTO EXCELLENCE DES BARILLONS au capital de 5.000euros, immatriculée au registre du commerce et des sociétés de GAP sous le numéro 501.614.507, agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux en exercice, domiciliés en cette qualité audit siège
[Adresse 4]
[Localité 2]
représentée par Me Alexis GRIMAUD de la SELARL LEXAVOUE GRENOBLE - CHAMBERY, avocat au barreau de GRENOBLE, et par Me Franck MILLIAS, avocat au barreau des HAUTES-ALPES
INTIMÉ :
M. [Y] [U] [K]
[Adresse 3]
[Localité 1]
non représenté,
COMPOSITION DE LA COUR :
LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :
Madame Marie-Pierre FIGUET, Présidente,
Mme Marie-Pascale BLANCHARD, Conseillère,
M. Lionel BRUNO, Conseiller,
Assistés lors des débats de Alice RICHET, Greffière
DÉBATS :
A l'audience publique du 26 avril 2023, M. BRUNO conseiller, a été entendu en son rapport,
L'avocat de l'appelant a été entendu en ses conclusions,
Puis l'affaire a été mise en délibéré pour que l'arrêt soit rendu ce jour,
Faits et procédure :
1. La société Auto Excellence des Barillons exerce une activité de vente de véhicules neufs et d'occasion, outre les activités de garagiste. Son capital est détenu par madame [G] à hauteur de 2 parts sur 100, par monsieur [K] pour 50 parts, et par monsieur [R] pour 48 parts.
2. Au cours de l'année 2021, madame [G] et monsieur [R] ont constaté que monsieur [K] exerce les fonctions de cogérant, malgré une interdiction de gérer le frappant, et ils l'ont suspecté d'avoir détourné diverses sommes provenant de la vente de véhicule. En conséquence, selon exploit délivré le 26 août 2022, la société Auto Excellence des Barillons a assigné monsieur [K] devant le tribunal de commerce de Gap, afin de':
- voir constater les multiples infractions pénales et fautes de gestion commises par ce cogérant';
- le voir condamné à payer la somme de 5.000 euros pour les préjudices subis par la société du fait de la poursuite de sa gestion au mépris de l'interdiction de gérer le frappant';
- le voir condamné à payer les sommes de 15.497 euros, 457,76 euros, 3.900 euros, 218,76 euros, 86 euros, 6.000 euros, au titre de la valeur de véhicules Hilux, Modus et Aygo frauduleusement cédés, loués, ou détournés, et des frais de cartes grises et de contrôle technique';
- le voir condamné à payer la somme de 2.500 euros en applications de l'article 700 du code de procédure civile, outre dépens.
3. Par jugement réputé contradictoire du 16 décembre 2022, le tribunal de commerce de Gap :
- a constaté la non-comparution de monsieur [K] ni personne pour lui';
- a dit que la constatation des infractions pénales ne relève pas de la compétence du tribunal de commerce';
- s'est déclaré incompétent rationae materiae pour connaître de la demande introduite par la société Auto Excellence des Barillons à l'encontre de monsieur [K]';
- a désigné le tribunal judiciaire de Gap comme juridiction compétente pour connaître de l'exception';
- a ordonné la transmission par les soins du greffier des pièces du dossier au greffe du tribunal compétent conformément aux dispositions de l'article 97 du code de procédure civile';
- condamné la société Auto Excellence des Barillons aux entiers dépens.
4. La société Auto Excellence des Barillons a interjeté appel de cette décision le 9 janvier 2023. Par ordonnance du 11 janvier 2023, elle a été autorisée à assigner à jour fixe l'intimé pour l'audience du 26 avril 2023. Monsieur [K] a ainsi été assigné par exploit signifié le 17 janvier 2023, en application des articles 656 et 658 du code de procédure civile. Il ne s'est pas constitué devant la cour.
Prétentions et moyens de la société Auto Excellence des Barillons':
5. Selon ses conclusions remises le 23 janvier 2023, elle demande à la cour, au visa des articles L.223-22, L241.3 et L.721-3 du code de commerce':
- de réformer le jugement déféré,
- de renvoyer l'affaire devant le tribunal de commerce de Gap.
Elle soutient':
6. - qu'aux termes de l'article L.223-22 du code de commerce, le gérant d'une Sarl est responsable personnellement envers la société des infractions aux dispositions législatives ou réglementaires applicables à la Sarl, des violations des statuts, ainsi que des fautes commises dans la gestion sociale'; que par principe, les tribunaux de commerce sont compétents pour statuer sur les contestations relatives aux engagements entre commerçants, celles relatives aux sociétés commerciales et celles relatives aux actes de commerce entre toutes personnes, selon l'article L 721-3'; qu'il est de principe constant que l'action en responsabilité contre le gérant en réparation du préjudice causé par ses fautes à la société peut être portée aussi bien devant les juridictions répressives que devant les juridictions civiles'; que les manquements commis par le gérant d'une société commerciale à l'occasion de l'exécution d'un contrat se rattachent par un lien direct à la gestion de celle-ci, peu important que le gérant n'ait pas la qualité de commerçant ou n'ait pas accompli d'actes de commerce';
7. - qu'en l'espèce, contrairement à ce qu'a retenu le tribunal, la concluante a seulement demandé de voir condamner l'intimé à indemniser le préjudice subi du fait des fautes de gestion commises par celui-ci en sa qualité de gérant, précision étant faite dans l'assignation que ces fautes pouvaient par ailleurs constituer des fautes pénales'; que la concluante n'a pas entendu engager des poursuites pénales, mais à être indemnisée du préjudice subi par les fautes commises par ce gérant'; que les fautes commises par l'intimé, bien que pouvant par ailleurs caractériser des infractions pénales, ont été commises dans le cadre de sa gestion et ont causé un préjudice certain à la concluante, qui est fondée à en demander la réparation devant les juges consulaires.
*****
8. Il convient en application de l'article 455 du code de procédure civile de se référer aux conclusions susvisées pour plus ample exposé des prétentions et moyens des parties.
MOTIFS DE LA DÉCISION:
9. Le tribunal, après avoir rappelé les dispositions de l'article L721-3 du code de commerce concernant la compétence du tribunal de commerce, a estimé que la demanderesse sollicite qu'il soit statué sur des infractions pénales commises par monsieur [K], de sorte qu'il doit se déclarer incompétent.
10. Cependant, les demandes formulées par l'appelante ne concernent que l'octroi de dommages et intérêts en raison des manquements commis par son cogérant à l'occasion de l'exercice de ses fonctions, et non au prononcé de condamnations pénales. Les fautes alléguées ont bien été commises dans le cadre de sa gestion de la société. Il en résulte que s'agissant d'un litige relatif au fonctionnement d'une société commerciale, le tribunal de commerce est compétent pour connaître de l'action en responsabilité civile diligentée contre l'un de ses dirigeants.
11. En conséquence, le jugement déféré ne peut qu'être infirmé en toutes ses dispositions soumises à la cour. L'affaire sera ainsi renvoyée devant le tribunal de commerce de Gap.
12. Les dépens seront réservés, et liquidés en même temps que ceux de l'instance poursuivie au fond.
PAR CES MOTIFS
La Cour statuant publiquement, par défaut, par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile, après en avoir délibéré conformément à la loi,
Vu les articles L.223-22, L241.3 et L.721-3 du code de commerce';
Infirme le jugement déféré en ses dispositions soumises à la cour ;
statuant à nouveau,
Déclare la juridiction commerciale compétente pour apprécier les demandes de la société Auto Excellence des Barillons dirigées contre monsieur [K]';
Renvoie l'affaire devant le tribunal de commerce de Gap';
Réserve les dépens, qui seront liquidés en même temps que ceux de l'instance poursuivie au fond.
SIGNÉ par Mme FIGUET, Présidente et par Mme RICHET, Greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
La Greffière La Présidente