ARRET
N° 192
S.A.S. [10]
C/
CARSAT PAYS DE LA LOIRE
COUR D'APPEL D'AMIENS
TARIFICATION
ARRET DU 07 OCTOBRE 2022
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N° RG 22/01553 - N° Portalis DBV4-V-B7G-IMWI
PARTIES EN CAUSE :
DEMANDEUR
La société [10] (SAS), prise en son établissement situé [Adresse 2], agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège
( salarié : M. [Y] [K])
[Adresse 1]
[Localité 5]
Représentée et plaidant par Me Corinne POTIER de la SCP FLICHY GRANGÉ AVOCATS, avocat au barreau de PARIS
ET :
DÉFENDEUR
La CARSAT PAYS DE LA LOIRE, agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège
[Adresse 3]
[Localité 4]
Représentée et plaidant par Mme [R] [G] dûment mandatée
DÉBATS :
A l'audience publique du 01 Juillet 2022, devant Mme Jocelyne RUBANTEL, Président assisté de Monsieur Stéphane LANGLET et Madame Maud CHOQUENET, assesseurs, nommés par ordonnances rendues par Madame la Première Présidente de la Cour d'appel d'Amiens les 03 mars 2022, 07 mars 2022, 30 mars 2022 et 27 avril 2022.
Mme Jocelyne RUBANTEL a avisé les parties que l'arrêt sera prononcé le 07 Octobre 2022 par mise à disposition au greffe de la copie dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile.
GREFFIER LORS DES DÉBATS : Mme Audrey VANHUSE
PRONONCÉ :
Le 07 Octobre 2022, l'arrêt a été rendu par mise à disposition au greffe et la minute a été signée par Mme Jocelyne RUBANTEL, Président et Mme Marie-Estelle CHAPON, Greffier.
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DECISION
La société [10] est spécialisée dans le secteur d'activité de la construction de véhicules automobiles.
Le 19 mars 2019 M. [K], son salarié en qualité d'approvisionneur industriel de 1970 à 2008, a complété une déclaration de maladie professionnelle pour un carcinome bronchique, pathologie prise en charge par la caisse primaire au titre du tableau n°'30'bis.
Les conséquences financières de cette affection ont été imputées sur le compte employeur 2019, impactant ses taux de cotisation AT/MP 2021, 2022 et 2023.
Contestant le refus de la caisse d'assurance retraite et de la santé au travail Pays de la Loire (la CARSAT) de retirer cette maladie de son compte employeur, la société [10] l'a fait assigner devant la cour d'appel d'Amiens à l'audience du 24 janvier 2020 où l'affaire, enregistrée sous le numéro de répertoire général 20/00193, a fait l'objet d'un retrait du rôle.
A la réception de son taux de cotisation AT/MP 2021, et par acte d'huissier de justice délivré le 26 février 2021, la société [10] a fait assigner la CARSAT devant la présente cour à l'audience du 5 novembre 2021 où l'affaire, enregistrée sous le numéro de répertoire général 21/02015, a fait l'objet d'un retrait du rôle.
Par courrier du 19 janvier 2022, la société [10] a sollicité la réinscription de ces deux affaires et, par acte d'huissier de justice délivré le 16 février 2022 et visé par le greffe le 4'avril suivant, a fait assigner la CARSAT devant la cour d'appel d'Amiens à l'audience du 1er juillet 2022.
Aux termes de son assignation, soutenue oralement à l'audience, la société [10] demande à la cour de juger que les incidences financières de la maladie de M. [K] doivent être affectées au compte spécial.
Par conclusions communiquées au greffe le 13 juin 2022, soutenues oralement à l'audience, la CARSAT demande à la cour de :
-'juger que la société [10] est le dernier employeur ayant exposé M. [K] au risque de sa maladie professionnelle,
-'juger que les conditions de l'article 2, paragraphe 4, de l'arrêté du 16'octobre'1995 ne sont pas remplies,
-'confirmer en conséquence sa décision d'inscrire et de maintenir sur le compte employeur de la société [10] les conséquences financières de la maladie professionnelle de M.'[K],
-'débouter la société [10] de l'ensemble de ses demandes.
Conformément à l'article 455 du code de procédure civile, il est renvoyé aux écritures des parties s'agissant de la présentation plus complète de leurs demandes et des moyens qui les fondent.
MOTIFS
La société [10] soutient que son salarié a travaillé comme apprenti tôlier de 1962 à 1965 au sein de la société [6], comme ouvrier qualifié au moulage de pneus au sein de la société [9] de 1966 à 1967, comme chauffeur-chargeur au sein des [8] de 1967 à 1968 et comme chauffeur-livreur pour la société [7] en 1969.
Elle soutient, à l'appui d'un avis du directeur des risques professionnels de la CARSAT, qu'il aurait été exposé au risque de sa maladie au sein des [8] et de la société [9] et prétend que l'activité de mouleur de fonderie est également connue pour exposer au risque d'inhalation de poussières d'amiante.
La CARSAT réplique que les éléments produits aux débats, soit la déclaration de maladie professionnelle, le questionnaire salarié et les certificats de travail sont insuffisants et ne prouvent pas l'exposition multiple au risque amiante de M. [K].
Elle ajoute qu'il ressort de l'avis du directeur de la CARSAT que la seule période retenue s'agissant de l'exposition de M. [K] à l'amiante est celle durant laquelle il était salarié de la société [10].
Aux termes des articles D.242-6-5 et D.242-6-7 du code de la sécurité sociale fixant les règles de tarification des risques des accidents du travail et maladies professionnelles, il est prévu que les dépenses engagées par les caisses d'assurance maladie par suite de la prise en charge de maladies professionnelles constatées ou contractées dans des conditions fixées par un arrêté ministériel ne sont pas comprises dans la valeur du risque ou ne sont pas imputées au compte employeur mais inscrites à un compte spécial.
L'article 2, paragraphe 4, de l'arrêté du 16 octobre 1995 dispose que «'sont inscrites au compte spécial conformément aux dispositions de l'article D.246-6-5, les dépenses afférentes à des maladies professionnelles constatées ou contractées dans les conditions suivantes': (...)
4) La victime de la maladie professionnelle a été exposée au risque successivement dans plusieurs établissements d'entreprises différentes sans qu'il soit possible de déterminer celle dans laquelle l'exposition au risque a provoqué la maladie'».
Les articles susvisés imposent à l'employeur de démontrer que le salarié a été exposé au risque chez les employeurs précédents sans qu'il y ait lieu de lui imposer de rapporter la preuve de la non exposition au risque de sa maladie dans son entreprise.
Il ressort donc des articles ci-dessus cités deux conditions cumulatives pour que soit possible l'inscription au compte spécial':
-'Le salarié doit avoir été exposé au risque successivement dans plusieurs établissements d'entreprises différentes,
-'Il est impossible de déterminer l'entreprise au sein de laquelle l'exposition au risque a provoqué la maladie
Dans le cas d'une demande d'inscription au compte spécial, la charge de la preuve de la réunion de ces deux conditions incombe à l'employeur.
Pour en justifier la société [10] produit notamment aux débats la déclaration de maladie professionnelle, le certificat médical initial, quatre certificats de travail des anciens employeurs du salarié, le questionnaire assuré ainsi qu'un avis du directeur de la CARSAT Pays de la Loire sur la demande de reconnaissance de maladie professionnelle de M.'[K].
La cour rappelle de prime abord que la seule mention des postes précédemment exercés par un salarié, figurant généralement dans la déclaration de maladie professionnelle, ne constitue, ni la preuve des conditions de travail réelles qu'il a pu rencontrer, ni celle de l'exposition au risque de sa pathologie chez de précédents employeurs.
Il est en outre relevé que M. [K] a exercé des emplois très variés, soit apprenti tôlier, mouleur pièce, chauffeur-chargeur et approvisionneur industriel. Ces métiers distincts impliquent nécessairement des conditions de travail différentes et en conséquence une exposition au risque différente.
Les certificats de travail produits aux débats ne permettent pas non plus d'apprécier les conditions de travail rencontrées par M. [K] chez ses précédents employeurs, ces documents faisant seulement état de la période d'embauche du salarié en leur sein.
Pareillement le questionnaire assuré, qui ne contient que les seules déclarations du salarié recherchant la prise en charge de sa pathologie, est insuffisant et ne permet pas à la cour d'apprécier, à l'aide d'éléments objectifs et concrets, quelles étaient les conditions de travail effectives rencontrées par M. [K] chez ses autres employeurs.
Enfin, il ressort expressément de l'avis du Directeur de la CARSAT du 1er juillet 2019 que M. [K] n'a été exposé à l'inhalation de poussières d'amiante qu'au sein de la société [10].
Les autres expositions du salarié mentionnées dans cet avis ne sont pas en rapport avec la maladie prise en charge au titre du tableau n°30 bis, soit le risque d'inhalation de silice (tableau n°25 des maladies professionnelles) ou de fumées de vulcanisation et nitrosamines (cancer de la vessie, poumon et leucémie).
Partant, à défaut de tout autre élément de preuve sur les activités exercées chez les différents employeurs de M. [K], sur les moyens mis à sa disposition ou encore les sur différents sites où il réalisait ses missions, il est impossible pour la cour d'apprécier la réalité d'une exposition au risque amiante au sein d'établissements d'entreprises différentes.
Ainsi, il est constaté que la société [10] ne produit aucun élément pertinent pour justifier du bien-fondé de sa demande d'inscription au compte spécial, au titre de l'article 2, paragraphe 4, de l'arrêté du 16 octobre 1995, des conséquences financières de la maladie professionnelle de M. [K]. Elle sera par conséquent déboutée de l'ensemble de ses demandes.
Le recours est rejeté.
La société [10], succombant totalement, sera condamnée aux entiers dépens de l'instance.
PAR CES MOTIFS
La cour, statuant par arrêt contradictoire, rendu publiquement par sa mise à disposition au greffe, après débats publics, en premier et dernier ressort,
Dit que les conditions d'application de l'article 2, paragraphe 4, de l'arrêté du 16'octobre'1995 ne sont pas réunies,
Dit bien fondée la décision de la caisse d'assurance retraite et de la santé au travail Pays de la Loire de maintenir sur le compte employeur de l'établissement du Mans de la société [10] les incidences financières de la maladie professionnelle de M. [K],
Rejette par conséquent la demande d'inscription au compte spécial de la société [10] et la déboute du surplus de ses demandes,
Condamne la société [10] aux entiers dépens de l'instance.
Le Greffier,Le Président,