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02/05/2018 | FRANCE | N°17PA03219

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 4ème chambre, 02 mai 2018, 17PA03219


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. E... B...a demandé au Tribunal Administratif de Paris d'annuler l'arrêté du

25 août 2017 par lequel le préfet de police lui a fait obligation de quitter le territoire français en refusant de lui accorder un délai de départ volontaire et en fixant son pays de destination.

Par un jugement n° 1713384/8 du 28 août 2017, le Tribunal Administratif de Paris a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête enregistrée le 11 octobre 2017, M. B..., représenté par

Me C..., demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement du Tribunal Administratif de Paris n° 1713384...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. E... B...a demandé au Tribunal Administratif de Paris d'annuler l'arrêté du

25 août 2017 par lequel le préfet de police lui a fait obligation de quitter le territoire français en refusant de lui accorder un délai de départ volontaire et en fixant son pays de destination.

Par un jugement n° 1713384/8 du 28 août 2017, le Tribunal Administratif de Paris a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête enregistrée le 11 octobre 2017, M. B..., représenté par Me C..., demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement du Tribunal Administratif de Paris n° 1713384/8 du

28 août 2017 ;

2°) d'annuler l'arrêté du préfet de police du 25 août 2017 ;

3°) d'enjoindre au préfet de police de lui délivrer une carte de séjour temporaire, dans un délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- l'arrêté a été signé par une autorité incompétente ;

- la décision portant obligation de quitter le territoire français est entachée d'un défaut de motivation ;

- elle méconnaît les dispositions de l'article L. 511-4 alinéa 6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dès lors qu'il est le père d'un enfant de nationalité française ;

- elle méconnaît les stipulations de l'article 3 et de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- elle méconnaît les stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant ;

- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ;

- la décision refusant de lui accorder un délai de départ volontaire est illégale ;

- elle méconnaît les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la décision fixant le pays de destination méconnaît les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

Par un mémoire en défense, enregistré le 6 décembre 2017, le préfet de police conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens soulevés par M. B...ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Le rapport de Mme Hamon a été entendu au cours de l'audience publique.

1. M.B..., ressortissant indien, est entré en France en octobre 2013 selon ses déclarations et s'y est maintenu jusqu'en mars 2014, date à laquelle il a fait l'objet d'une obligation de quitter le territoire français. Après avoir respecté cette décision, il est revenu en France sous couvert d'un permis de séjour italien, valable jusqu'au 4 septembre 2017. A la suite de son interpellation, le préfet de police lui a, par un arrêté du 25 août 2017, fait obligation de quitter le territoire français en refusant de lui accorder un délai de départ volontaire et a fixé le pays à destination duquel il pourrait être reconduit. M. B...relève appel du jugement du 28 août 2017 par lequel le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cette décision.

Sans qu'il soit besoin de statuer sur les autres moyens de la requête :

2. Aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. I1 ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".

3. Il ressort des pièces du dossier que M. B...était titulaire d'un titre de séjour italien valable jusqu'au 14 août 2017, qu'il n'a pas pu faire renouveler en raison de son assignation à résidence, qui l'a empêché de se rendre à convocation de l'office italien d'immigration

le 4 septembre 2017. Il est le père d'un enfant, né le 8 janvier 2016 en France, qu'il a eu avec

Mme D...A..., ressortissante pakistanaise, titulaire d'un titre de séjour français. Il ressort d'une ordonnance du juge des libertés du 27 août 2017, que M. B...qui travaillait légalement en Italie, aide financièrement sa compagne, plusieurs attestations circonstanciées indiquant qu'il est présent auprès de son enfant, ainsi qu'auprès du fils de sa compagne. Il ressort également de ces pièces que s'il ne logeait pas avec sa compagne et son enfant, c'est en raison de sa résidence en Italie et de l'hébergement de celle-ci dans un foyer où il ne peut être admis. Compte tenu de l'ensemble de ces circonstances, et alors qu'il ne ressort pas des pièces du dossier que la vie familiale de M. B...avec sa compagne et leurs enfants, qui n'ont pas la même nationalité, pourrait se poursuivre dans un autre pays que la France, M. B...est fondé à soutenir que l'arrêté attaqué porte une atteinte disproportionnée à sa vie privée et familiale et, par suite, méconnaît les stipulations précitées de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

4. Il résulte dès lors de ce qui précède que M. B...est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande, et à obtenir l'annulation de l'arrêté du 25 août 2017 par lequel le préfet de police l'a obligé à quitter le territoire français en refusant de lui accorder un délai de départ volontaire, ainsi que, par voie de conséquence, la décision du même jour fixant le pays de destination.

Sur les conclusions à fin d'injonction :

5. Aux termes de l'article L. 911-1 du code de justice administrative : " Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public prenne une mesure d'exécution dans un sens déterminé, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision, cette mesure assortie, le cas échéant, d'un délai d'exécution ". L'article L. 911-2 du même code dispose que : " Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public prenne à nouveau une décision après une nouvelle instruction, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision juridictionnelle, que cette nouvelle décision doit intervenir dans un délai déterminé ". L'article L. 512-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dispose que : " Si l'obligation de quitter le territoire français est annulée [...] l'étranger est muni d'une autorisation provisoire de séjour jusqu'à ce que l'autorité administrative ait à nouveau statué sur son cas ".

6. A la suite de l'annulation d'un arrêté portant obligation de quitter le territoire français, il incombe à l'autorité administrative, en application des dispositions précitées de l'article L. 512-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, non seulement de munir l'intéressé d'une autorisation provisoire de séjour mais aussi, qu'il ait été ou non saisi d'une demande en ce sens, de se prononcer sur son droit à un titre de séjour. Dès lors, il appartient au juge administratif, lorsqu'il prononce l'annulation d'une obligation de quitter le territoire français et qu'il est saisi de conclusions en ce sens, d'user des pouvoirs qu'il tient de l'article L. 911-2 du code de justice administrative pour fixer le délai dans lequel la situation de l'intéressé doit être réexaminée, au vu de l'ensemble de la situation de droit et de fait existant à la date de ce réexamen. En l'espèce il y a lieu d'enjoindre au préfet de police de réexaminer la situation de M.B..., dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt, et de lui délivrer pendant cet examen une autorisation provisoire de séjour.

Sur les frais de justice :

7. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par M. B...et non compris dans les dépens.

DECIDE :

Article 1er : Le jugement du Tribunal Administratif de Paris n° 1713384/8 du 28 août 2017 et l'arrêté du 25 août 2017 par lequel le préfet de police a fait obligation à M. E...B...de quitter le territoire français, en refusant de lui accorder un délai de départ volontaire et fixant son pays de destination, sont annulés.

Article 2 : Il est enjoint au préfet de police de réexaminer la situation de M.B..., dans un délai de deux mois à compter du présent arrêt, et de lui délivrer pendant la durée de cet examen une autorisation provisoire de séjour.

Article 3 : L'Etat versera à M. B...une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M. E... B..., au préfet de police et au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur.

Délibéré après l'audience du 10 avril 2018, à laquelle siégeaient :

- M. Even, président de chambre,

- Mme Hamon, président assesseur,

- Mme d'Argenlieu, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 2 mai 2018.

Le rapporteur,

P. HAMON

Le président,

B. EVEN

Le greffier,

S. GASPAR

La République mande et ordonne au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 17PA03219


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 17PA03219
Date de la décision : 02/05/2018
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-01 Étrangers. Séjour des étrangers.


Composition du Tribunal
Président : M. EVEN
Rapporteur ?: Mme Perrine HAMON
Rapporteur public ?: Mme ORIOL
Avocat(s) : GRUOSSO

Origine de la décision
Date de l'import : 08/05/2018
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2018-05-02;17pa03219 ?
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