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19/04/2024 | FRANCE | N°23NT00243

France | France, Cour administrative d'appel de NANTES, 4ème chambre, 19 avril 2024, 23NT00243


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Rennes l'annulation de l'arrêté du 24 avril 2020 par lequel le préfet d'Ille-et-Vilaine a déclaré cessible, au profit de la SADIV, les terrains désignés à l'état parcellaire annexé à l'arrêté de cessibilité du 15 octobre 2019, dont ceux lui appartenant.



Par un jugement n° 2002459 du 24 novembre 2022, le tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande.



Procédure devant

la cour :



Par une requête et un mémoire, enregistrés les 27 janvier et 13 décembre 2023, M. A..., représe...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Rennes l'annulation de l'arrêté du 24 avril 2020 par lequel le préfet d'Ille-et-Vilaine a déclaré cessible, au profit de la SADIV, les terrains désignés à l'état parcellaire annexé à l'arrêté de cessibilité du 15 octobre 2019, dont ceux lui appartenant.

Par un jugement n° 2002459 du 24 novembre 2022, le tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés les 27 janvier et 13 décembre 2023, M. A..., représenté par la SELAS Seban Armorique, demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Rennes du 24 novembre 2022 ;

2°) d'annuler l'arrêté de cessibilité pris par le préfet d'Ille-et-Vilaine le 24 avril 2020 ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- le jugement est irrégulier dès lors que la minute n'est pas revêtue des signatures exigées ;

- l'irrégularité de la déclaration d'utilité publique doit entraîner l'annulation, par voie de conséquence, de l'arrêté de cessibilité ;

- la déclaration d'utilité publique a été prise en méconnaissance de l'article R. 112-4 du code de l'expropriation pour cause d'utilité publique, dès lors que le document portant sur les caractéristiques principales des ouvrages les plus importants et l'estimation sommaire des dépenses sont insuffisants ;

- le projet en cause est dépourvu d'utilité publique.

Par des mémoires, enregistrés les 2 juin 2023 et 4 janvier 2024, la société Terre et Toit (anciennement SADIV), représentée par Me Heitzmann, conclut au rejet de la requête et demande à ce que soit mise à la charge de M. A... la somme de 2 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- les conclusions de M. A... portant sur l'annulation de l'arrêté de cessibilité en ce qu'il concerne des parcelles ne lui appartenant pas sont irrecevables ;

- aucun des moyens soulevés par M. A... n'est fondé.

Des mises en demeure ont été adressées au préfet d'Ille-et-Vilaine et à la commune de Hédé-Bazouges par des courriers du 29 septembre 2023 et sont restées sans réponse.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de l'expropriation pour cause d'utilité publique ;

- le code rural et de la pêche maritime ;

- le code de l'urbanisme :

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Picquet,

- les conclusions de Mme Rosemberg, rapporteure publique,

- et les observations de Me Treheux pour M. A..., de M. A..., et de Me Thomé, avec M. Tijou, avocat stagiaire, substituant Me Heitzmann, pour la société d'économie mixte Terre et Toit.

Une note en délibéré, présentée pour M. A..., a été enregistrée le 4 avril 2024.

Considérant ce qui suit :

1. Par une délibération du 9 décembre 2011, le conseil municipal de la commune de Hédé-Bazouges a entrepris la création d'une zone d'aménagement concerté (ZAC) composée de deux sites distincts, un premier au cœur de l'aire agglomérée et un second à l'est du bourg. La réalisation de cette opération d'aménagement a été confiée à la société d'aménagement et de développement d'Ille-et-Vilaine (SADIV). Par un arrêté du 1er décembre 2016, le préfet d'Ille-et-Vilaine a déclaré d'utilité publique le projet d'aménagement de cette ZAC, cet arrêté emportant en outre mise en compatibilité du plan local d'urbanisme de la commune avec le projet. Par un arrêté du 17 octobre 2019, le préfet d'Ille-et-Vilaine a déclaré cessibles, au profit de la commune de Hédé-Bazouges ou de son concessionnaire la SADIV, les terrains désignés à l'état parcellaire annexé à cet arrêté, dont ceux appartenant à M. A.... Enfin, par un arrêté de cessibilité modificatif du 24 avril 2020, le préfet d'Ille-et-Vilaine a déclaré cessibles au profit de la seule SADIV, les terrains désignés à l'état parcellaire annexé à l'arrêté du 17 octobre 2019, dont ceux appartenant à M. A.... Ce dernier a demandé au tribunal administratif de Rennes l'annulation de ce dernier arrêté. Par un jugement du 24 novembre 2022, le tribunal a rejeté sa demande. M. A... fait appel de ce jugement.

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. La minute du jugement attaqué comporte la signature du président de la formation de jugement, du rapporteur et du greffier d'audience. Par suite, elle est régulière au regard des dispositions de l'article R. 741-7 du code de justice administrative qui prévoit que la minute comporte ces trois signatures en cas de formation collégiale. Dès lors, M. A... n'est pas fondé à soutenir que le jugement est entaché d'une irrégularité sur ce point.

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

3. M. A... soutient que l'arrêté de cessibilité du 24 avril 2020 est illégal en raison de l'illégalité de la déclaration d'utilité publique du 1er décembre 2016.

4. En premier lieu, aux termes de l'article L. 311-1 du code de l'urbanisme : " Les zones d'aménagement concerté sont les zones à l'intérieur desquelles une collectivité publique ou un établissement public y ayant vocation décide d'intervenir pour réaliser ou faire réaliser l'aménagement et l'équipement des terrains, notamment de ceux que cette collectivité ou cet établissement a acquis ou acquerra en vue de les céder ou de les concéder ultérieurement à des utilisateurs publics ou privés. / (...) ". Aux termes de l'article R. 112-4 du code de l'expropriation pour cause d'utilité publique : " Lorsque la déclaration d'utilité publique est demandée en vue de la réalisation de travaux ou d'ouvrages, l'expropriant adresse au préfet du département où l'opération doit être réalisée, pour qu'il soit soumis à l'enquête, un dossier comprenant au moins : 1° Une notice explicative ; 2° Le plan de situation ; 3° Le plan général des travaux ; 4° Les caractéristiques principales des ouvrages les plus importants ; 5° L'appréciation sommaire des dépenses ". Il résulte de ces dispositions que, dans le cas de la création d'une zone d'aménagement concerté, l'appréciation sommaire des dépenses doit inclure les dépenses nécessaires à l'aménagement et à l'équipement des terrains et, le cas échéant, le coût de leur acquisition. En revanche, les dépenses relatives aux ouvrages qui seront ultérieurement construits dans le périmètre de la zone n'ont pas à être incluses. N'ont pas non plus à être incluses les recettes attendues de la vente future des terrains et de l'opération d'expropriation.

5. S'agissant du document relatif aux caractéristiques principales des ouvrages les plus importants, il ressort des pièces du dossier que le projet soumis à enquête publique porte sur le renouvellement urbain d'une partie du centre-bourg de la commune de Hédé-Bazouges, ainsi que sur l'aménagement de futures zones d'habitation en extension de ce centre-ville, pour une surface globale de plancher comprise entre 31 200 et 31 900 m2, sur une zone d'une superficie totale de 14,5 hectares. Il est constant que le bâtiment D/ Grange Sarciaux incluant la médiathèque représentera une surface de plancher d'environ 400 m2, soit seulement 1,3 % de la surface de plancher totale du projet. En outre, contrairement à ce qu'indique le requérant, il ne ressort pas des pièces du dossier que la médiathèque projetée représente un élément essentiel pour la reconnaissance de l'utilité publique de l'opération. En tout état de cause, le dossier soumis à enquête publique précisait, à la page 34 de la notice explicative, que la médiathèque/bibliothèque prendra place dans le cadre de la réhabilitation de la grange Sarciaux, ce qui permettait d'informer le public de manière suffisante, à ce stade, sur les caractéristiques principales de cet ouvrage. Par suite, le requérant n'est pas fondé à soutenir que le projet de médiathèque avait vocation à être recensé parmi les ouvrages les plus importants de ce projet et que ses caractéristiques principales devaient figurer à ce titre au document prévu à cette fin dans le dossier d'enquête publique.

6. Par ailleurs, le dossier d'enquête publique comprenait une estimation sommaire et globale des dépenses faisant état d'un coût total du projet de 8 015 000 euros, dont 590 000 euros pour les coûts des éléments sous maîtrise d'ouvrage communale et 7 425 000 euros pour les éléments sous maîtrise d'ouvrage concédée, comprenant notamment les études pré-opérationnelles, les acquisitions foncières et certains travaux. Contrairement à ce que soutient le requérant, cette estimation n'avait pas à distinguer selon que les dépenses ont déjà été engagées en vue des acquisitions ou seront réalisées pour des acquisitions futures et pouvait les englober dans une rubrique unique. En outre, il ressort des pièces du dossier que le coût des équipements d'infrastructure a été intégré dans le poste " Travaux " de l'estimation sommaire des dépenses. Le rapport du commissaire enquêteur indique que " Les modalités d'approvisionnement énergétique font l'objet d'une étude particulière annexée au dossier de création. (Orientation bioclimatique des constructions, implantation d'un réseau de chaleur collectif, implantation de panneaux photovoltaïques) " et il est constant que postérieurement la chaufferie bois et le réseau de chaleur n'ont finalement pas été retenus. Dès lors que cette production d'énergie collective présentait un caractère secondaire, facultatif et hypothétique, nécessitant des études ultérieures, elle n'avait pas à figurer dans l'estimation sommaire des dépenses. Enfin, si M. A... soutient que cette renonciation impacte substantiellement le montant global des participations de l'aménageur aux équipements publics, ces éléments relatifs à l'équilibre financier de la concession d'aménagement n'avaient pas à figurer dans l'appréciation sommaire des dépenses du dossier d'enquête publique préalable à la déclaration d'utilité publique. Ainsi, le moyen tiré de ce que l'estimation sommaire des dépenses serait insuffisante doit être écarté.

7. En second lieu, il appartient au juge, lorsqu'il se prononce sur le caractère d'utilité publique d'une opération nécessitant l'expropriation d'immeubles ou de droits réels immobiliers, de contrôler successivement qu'elle répond à une finalité d'intérêt général, que l'expropriant n'était pas en mesure de réaliser l'opération dans des conditions équivalentes sans recourir à l'expropriation et, enfin, que les atteintes à la propriété privée, le coût financier et, le cas échéant, les inconvénients d'ordre social ou économique que comporte l'opération ne sont pas excessifs au regard de l'intérêt qu'elle présente. Il lui appartient également, s'il est saisi d'un moyen en ce sens, de s'assurer, au titre du contrôle sur la nécessité de l'expropriation, que l'inclusion d'une parcelle déterminée dans le périmètre d'expropriation n'est pas sans rapport avec l'opération déclarée d'utilité publique.

8. Si M. A... soutient qu' " en raison de l'incorrecte évaluation des estimations financières du projet, l'appréciation de l'utilité publique n'en est que compromise ", cet argument, pour les motifs indiqués au point 6 doit être écarté. Le requérant fait également valoir qu'il avait sur les parcelles dont il est propriétaire, représentant 85% de la zone, un projet d'aménagement foncier compatible avec les documents d'urbanisme et présentant de fortes convergences avec les objectifs poursuivis par la ZAC, de sorte que l'opération d'aménagement projetée par la commune pouvait être réalisée avec des expropriations nettement moindres. Toutefois, il ne ressort pas des pièces du dossier que son projet permettait d'atteindre des objectifs équivalents à ceux poursuivis par la commune à travers l'opération d'aménagement déclarée d'utilité publique. En outre, la candidature de l'intéressé pour la concession de l'aménagement de la ZAC a été rejetée comme irrecevable car incomplète. Il ne ressort pas davantage des pièces du dossier que l'inclusion des parcelles appartenant, en indivision, à M. A..., dans le périmètre d'expropriation serait sans rapport avec cette opération. Par conséquent, le moyen tiré de ce que le projet en cause serait dépourvu d'utilité publique doit être écarté.

9. Il résulte de ce qui a été dit aux points 4 à 8 que doit être écarté le moyen tiré, par M. A..., de l'exception d'illégalité de la déclaration d'utilité publique du 1er décembre 2016.

10. Il résulte de tout ce qui précède, sans qu'il soit besoin d'examiner la fin de non-recevoir partielle opposée à la demande de première instance, que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande.

Sur les frais liés au litige :

11. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que M. A... demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Il y a lieu, en revanche, de faire application de ces dispositions et de mettre à la charge de M. A... la somme de 1 500 euros à verser à la société Terre et Toit au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens.

DECIDE :

Article 1er : La requête de M. A... est rejetée.

Article 2 : M. A... versera à la société Terre et Toit une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A..., au préfet d'Ille-et-Vilaine, à la société Terre et Toit et à la commune de Hédé-Bazouges.

Délibéré après l'audience du 2 avril 2024, à laquelle siégeaient :

- M. Lainé, président de chambre,

- M. Derlange, président assesseur,

- Mme Picquet, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 19 avril 2024.

La rapporteure,

P. PICQUET

Le président,

L. LAINÉ

Le greffier,

C. WOLF

La République mande et ordonne au préfet d'Ille-et-Vilaine en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 23NT00243


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de NANTES
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 23NT00243
Date de la décision : 19/04/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. LAINÉ
Rapporteur ?: Mme Pénélope PICQUET
Rapporteur public ?: Mme ROSEMBERG
Avocat(s) : SEBAN ARMORIQUE

Origine de la décision
Date de l'import : 28/04/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-04-19;23nt00243 ?
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