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14/05/2024 | FRANCE | N°23NC01253

France | France, Cour administrative d'appel de NANCY, 3ème chambre, 14 mai 2024, 23NC01253


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



Mme A... B... a demandé au tribunal administratif de Strasbourg d'annuler l'arrêté du 8 novembre 2022 par lequel la préfète du Bas-Rhin a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel elle pourrait être éloignée.



Par un jugement n° 2208241 du 20 mars 2023, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande.

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Procédure devant la cour :



Par une requête, enregistrée le 21 avril 2023, Mme A... B..., repr...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme A... B... a demandé au tribunal administratif de Strasbourg d'annuler l'arrêté du 8 novembre 2022 par lequel la préfète du Bas-Rhin a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel elle pourrait être éloignée.

Par un jugement n° 2208241 du 20 mars 2023, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 21 avril 2023, Mme A... B..., représentée par Me Airiau, demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Strasbourg du 20 mars 2023 ;

2°) d'annuler l'arrêté du 8 novembre 2022 par lequel la préfète du Bas-Rhin lui a refusé la délivrance d'un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel elle pourrait être éloignée ;

3°) d'enjoindre à la préfète du Bas-Rhin de lui délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale ", dans un délai d'un mois suivant la notification de l'arrêt à intervenir et sous astreinte de 150 euros par jour de retard, subsidiairement d'enjoindre à la préfète du Bas-Rhin de l'admettre provisoirement au séjour dans les quinze jours suivant la notification de l'arrêt à intervenir et de procéder au réexamen de sa situation sous la même astreinte ;

4°) de mettre à la charge de l'État la somme de 2 000 euros, à verser à son conseil, en application des articles 37 de la loi du 10 juillet 1991 et L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

Sur la légalité de la décision portant refus de délivrance d'un titre de séjour :

- elle est entachée d'un défaut d'examen sérieux de sa situation personnelle ;

- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation au sens de

l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation et d'une erreur de droit au sens des dispositions des articles L. 423-23 et L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, et des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Sur la légalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours :

- elle doit être annulée en raison de l'illégalité du refus de titre de séjour ;

- elle est entachée d'un vice de droit en mettant fin de manière anticipée à l'autorisation provisoire de séjour ;

- elle n'est pas motivée ;

- elle est entachée d'un défaut d'examen sérieux de la situation de la requérante au sens des dispositions des articles L. 423-23, L. 435-1 et L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation au sens des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Sur la légalité de la décision fixant le pays de destination :

- elle doit être annulée en raison de l'illégalité de la décision portant refus de titre de séjour et de la décision portant obligation de quitter le territoire français.

La procédure a été communiquée à la préfète du Bas-Rhin qui n'a pas produit de mémoire en défense.

Mme B... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du bureau d'aide juridictionnelle du 22 mai 2023.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de Mme Bauer a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. Mme B..., ressortissante marocaine née en 1978, entrée régulièrement en France le 12 octobre 2014 selon ses déclarations, a sollicité le 8 janvier 2020 son admission au séjour en raison de son état de santé et a obtenu la délivrance d'une autorisation provisoire de séjour qui lui a été régulièrement renouvelée jusqu'au 24 novembre 2022. L'intéressée a sollicité le renouvellement de ce titre de séjour le 15 juillet 2021 et a complété cette demande le 13 décembre 2021 en sollicitant son admission au séjour sur le fondement des articles L. 423-23 et L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par un arrêté du 8 novembre 2022, la préfète du Bas-Rhin a refusé la demande d'admission au séjour de l'intéressée, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel elle pourrait être éloignée. Mme B... relève appel du jugement du 20 mars 2023 par lequel le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

2. Aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui. ". Aux termes de l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger qui n'entre pas dans les catégories prévues aux articles L. 423-1, L. 423-7, L. 423-14, L. 423-15, L. 423-21 et L. 423-22 ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, et qui dispose de liens personnels et familiaux en France tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, se voit délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " d'une durée d'un an, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 412-1. Les liens mentionnés au premier alinéa sont appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'étranger, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec sa famille restée dans son pays d'origine. L'insertion de l'étranger dans la société française est évaluée en tenant compte notamment de sa connaissance des valeurs de la République ".

3. Mme B..., célibataire et sans enfant, a déclaré être entrée régulièrement sur le territoire français le 12 octobre 2014 à l'âge de 36 ans, pour la durée de ses soins. Il ressort des pièces du dossier que l'intéressée souffre notamment d'une tumeur hypophysaire fonctionnelle avec des complications ophtalmologiques, de valvulopathies et d'hypertension artérielle, pathologies ayant motivé sa demande d'admission au séjour sur le fondement de l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et des demandeurs d'asile. Si dans son avis du 4 novembre 2021, le collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration a estimé que l'intéressée pouvait bénéficier d'un traitement approprié dans son pays d'origine et voyager sans risque, il ressort des certificats médicaux produits qu'outre les pathologies susmentionnées, la requérante, fortement malvoyante en raison de la tumeur hypophysaire inopérable dont elle souffre, présente notamment un état dépressif et souffre d'un retard de développement avec déficience intellectuelle. Elle a ainsi besoin d'une assistance, assurée en l'espèce par son père, titulaire d'une carte de résident algérien, et son frère de nationalité française, qui l'hébergent et l'assistent dans les gestes de la vie quotidienne, l'accomplissement de ses démarches administratives et ses rendez-vous médicaux. Il ressort également des pièces du dossier que Mme B... serait totalement isolée au Maroc, plus aucun membre de sa famille n'y résidant, et qu'elle y serait ainsi dépourvue de l'assistance quotidienne qu'elle requiert. Dans ces conditions et nonobstant la circonstance qu'elle puisse bénéficier d'une prise en charge médicale adaptée au Maroc, Mme B... est fondée à soutenir que l'arrêté attaqué a porté une atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée et familiale eu égard aux buts en vue desquels il a été pris et qu'il a, par suite, méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et les dispositions de l'article L.423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

4. Il résulte de tout ce qui précède, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête, que Mme B... est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif a rejeté ses conclusions à fin d'annulation de l'arrêté attaqué.

Sur les conclusions à fin d'injonction :

5. Eu égard aux motifs du présent arrêt, il y a lieu d'enjoindre à la préfète du Bas-Rhin de délivrer à l'intéressée une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt et, dans cette attente, de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, d'assortir cette injonction d'une astreinte.

Sur l'application des dispositions de l'article L.761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 :

6. Il résulte des dispositions combinées de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique et de l'article L. 761-1 du code de justice administrative que l'avocat du bénéficiaire de l'aide juridictionnelle peut demander au juge de condamner la partie perdante à lui verser la somme correspondant à celle qu'il aurait réclamée à son client, si ce dernier n'avait pas eu l'aide juridictionnelle, à charge pour l'avocat qui poursuit, en cas de condamnation, le recouvrement de la somme qui lui a été allouée par le juge, de renoncer à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'État à la mission d'aide juridictionnelle qui lui a été confiée.

7. Il y a lieu, en application des dispositions précitées, de mettre à la charge de l'État une somme de 1 000 euros à verser à Me Airiau, avocat de Mme B..., sous réserve qu'il renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'État à l'aide juridictionnelle.

D E C I D E:

Article 1er : Le jugement n° 2208241 du tribunal administratif de Strasbourg du 20 mars 2023 est annulé.

Article 2 : L'arrêté du 8 novembre 2022 par lequel la préfète du Bas-Rhin a refusé à Mme B... la délivrance d'un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays de destination est annulé.

Article 3 : Il est enjoint à la préfète du Bas-Rhin de délivrer à l'intéressée une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt et, dans cette attente, de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour.

Article 4 : L'État versera à Me Airiau, avocat de Mme B..., une somme de 1 000 euros en application des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique, sous réserve qu'il renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'État à l'aide juridictionnelle.

Article 5 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.

Article 6 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B..., à Me Steven Airiau et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.

Copie en sera adressée à la préfète du Bas-Rhin.

Délibéré après l'audience du 9 avril 2024, à laquelle siégeaient :

M. Wurtz, président,

Mme Bauer, présidente-assesseure,

M. Meisse, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 14 mai 2024.

La rapporteure,

Signé : S. BAUER Le président,

Signé : Ch. WURTZ Le greffier,

Signé : F. LORRAIN La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme,

Le greffier,

F. LORRAIN

N° 23NC01253 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de NANCY
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 23NC01253
Date de la décision : 14/05/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. WURTZ
Rapporteur ?: Mme Sandra BAUER
Rapporteur public ?: M. MARCHAL
Avocat(s) : AIRIAU

Origine de la décision
Date de l'import : 19/05/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-05-14;23nc01253 ?
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