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14/05/2024 | FRANCE | N°21NC00021

France | France, Cour administrative d'appel de NANCY, 3ème chambre, 14 mai 2024, 21NC00021


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



Mme B... A... a demandé au tribunal administratif de Strasbourg de condamner la commune de Fèves à lui verser une somme de 32 500 euros en réparation des préjudices subis du fait du non renouvellement de son contrat de travail.



Par un jugement n° 1906833 du 8 octobre 2020, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande.



Procédure devant la cour :



Par une requête et un mémoire, enregistrés le 4 jan

vier 2021 et le 12 octobre 2023, Mme A..., représentée par Me Perez, demande à la cour :



1°) d'annuler ce jugem...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme B... A... a demandé au tribunal administratif de Strasbourg de condamner la commune de Fèves à lui verser une somme de 32 500 euros en réparation des préjudices subis du fait du non renouvellement de son contrat de travail.

Par un jugement n° 1906833 du 8 octobre 2020, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés le 4 janvier 2021 et le 12 octobre 2023, Mme A..., représentée par Me Perez, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du 8 octobre 2020 du tribunal administratif de Strasbourg ;

2°) de condamner la commune de Fèves à lui verser une somme de 32 500 euros, assortie des intérêts au taux légal à compter du 27 mai 2019 ;

3°) de mettre à la charge de la commune de Fèves une somme de 3 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- le mémoire en défense de la commune est irrecevable faute de délégation donnée au maire par le conseil municipal l'habilitant à agir en justice pour le compte de la commune ;

- le jugement est irrégulier dès lors qu'il n'a pas statué sur le moyen tiré de ce que la décision de ne pas lui renouveler son contrat était motivée par la volonté de la municipalité de favoriser une autre personne ; elle n'a jamais soutenu que cette décision avait été justifiée par ses problèmes de santé ;

- le refus de renouveler son contrat n'est motivé que par la volonté de favoriser le recrutement d'une autre personne, épouse d'un des colistiers du successeur désigné du maire sortant aux dernières élections ; elle s'est toujours pleinement investie dans les missions confiées et son travail n'a jamais fait l'objet de reproches ; le compte-rendu du conseil municipal du 28 novembre 2018 ne mentionne pas le recrutement d'un agent titulaire ; la diminution de la quotité de travail s'explique par la diminution artificielle des tâches confiées, certaines prestations ayant été externalisées ; la responsabilité de la commune est engagée du fait de l'illégalité de la décision de non-renouvellement de son contrat ; il ne peut, par ailleurs, être exclu que ses problèmes de santé aient participé à la prise de cette décision ;

- elle a subi des préjudices importants dès lors qu'elle ne perçoit plus aucun revenu et que la famille vit avec les seuls revenus de son mari ; elle est ainsi fondée à solliciter le versement d'une somme globale de 32 500 euros au titre de son préjudice moral, de ses troubles dans ses conditions d'existence et du recours abusif à des contrats à durée déterminée.

Par des mémoires en défense, enregistrés le 2 mars 2021 et le 19 octobre 2023, la commune de Fèves, représentée par Me Levy, conclut au rejet de la requête et à ce que soit mise à la charge de Mme A... une somme de 2 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Elle fait valoir que :

- le maire a été habilité à agir en justice par délégation du conseil municipal du 23 mai 2020 ;

- le recrutement de Mme A... était justifié par la nécessité de remplacer un agent titulaire absent pour convenances personnelles et a été renouvelé à plusieurs reprises dans l'attente du recrutement d'un agent titulaire ; Mme A... ne produit aucun élément probant au soutien de son affirmation selon laquelle la décision de non renouvellement serait motivée par la volonté de favoriser un agent proche des élus, qui est contestée ; la circonstance que la décision de non-renouvellement de contrat d'un agent soit motivée, outre la volonté de le remplacer par un agent titulaire, par une externalisation d'une partie des tâches ne permet pas d'établir que cette mesure aurait été prise pour des considérations étrangères à l'intérêt du service ;

- les conclusions à fin d'indemnisation du préjudice tiré du prétendu renouvellement abusif des contrats à durée déterminée sont irrecevables dès lors qu'elles se rattachent à un fait générateur distinct de celui identifié dans la demande préalable qui ne se fondait que sur le non renouvellement de son contrat ; elles sont, pour le surplus, infondées en l'absence de toute illégalité fautive de l'administration ; le préjudice moral et les troubles dans les conditions d'existence ne sont pas justifiés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la loi n° 84-63 du 26 janvier 1984 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Bauer,

- les conclusions de M. Marchal, rapporteur public,

- et les observations de Me Tezenas du Montcel pour la commune de Fèves.

Considérant ce qui suit :

1. Mme A... a été recrutée par la commune de Fèves, en qualité d'agent contractuel technicien, dans le cadre de plusieurs contrats à durée déterminée conclus entre le 1er juillet 2013 et le 31 décembre 2018. Par un courrier du 19 octobre 2018, le maire de la commune de Fèves l'a informée qu'il ne sera pas procédé au renouvellement de son dernier contrat à durée déterminée et qu'elle sera ainsi radiée des effectifs de la commune à compter du 1er janvier 2019. La requérante a demandé au tribunal administratif de Strasbourg de condamner la commune de Fèves au versement d'une somme totale de 32 500 euros en réparation des préjudices qu'elle estime avoir subis du fait de l'illégalité entachant la décision de non-renouvellement de son contrat. Par la présente requête, elle relève appel du jugement du 8 octobre 2020 par lequel le tribunal a rejeté sa demande.

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. Il résulte de l'instruction que le tribunal a répondu à l'ensemble de l'argumentation développée en première instance au soutien du moyen tiré de ce que la décision de non-renouvellement aurait été inspirée par un motif étranger à l'intérêt du service, alors notamment que, contrairement à ce qu'elle allègue, Mme A... n'avait pas soutenu que cette décision était motivée par la volonté de favoriser une autre personne. Il ne saurait par ailleurs lui être reproché de s'être prononcé sur l'allégation émise par la requérante dans ses écrits selon laquelle son état de santé n'était pas étranger à cette décision. Il s'ensuit que le moyen tiré de l'irrégularité du jugement attaqué doit être écarté.

Sur les conclusions indemnitaires :

3. Aux termes de l'article 3-3 de la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984, dans sa rédaction alors en vigueur : " Par dérogation au principe énoncé à l'article 3 de la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 précitée et sous réserve de l'article 34 de la présente loi, des emplois permanents peuvent être occupés de manière permanente par des agents contractuels dans les cas suivants : (...) 2° Lorsque les besoins des services ou la nature des fonctions le justifient et sous réserve qu'aucun fonctionnaire n'ait pu être recruté dans les conditions prévues par la présente loi (...) Les agents ainsi recrutés sont engagés par contrat à durée déterminée d'une durée maximale de trois ans. Ces contrats sont renouvelables par reconduction expresse, dans la limite d'une durée maximale de six ans (...) ". L'article 34 de la même loi disposait alors que : " Les emplois de chaque collectivité ou établissement sont créés par l'organe délibérant de la collectivité ou de l'établissement. La délibération précise le grade ou, le cas échéant, les grades correspondant à l'emploi créé. Elle indique, le cas échéant, si l'emploi peut également être pourvu par un agent contractuel sur le fondement de l'article 3-3 (...) ".

4. Un agent public qui a été recruté par un contrat à durée déterminée ne bénéficie d'aucun droit au renouvellement de son contrat. Toutefois, l'administration ne peut légalement décider, au terme de son contrat, de ne pas le renouveler que pour un motif tiré de l'intérêt du service. Un tel motif s'apprécie au regard des besoins du service ou de considérations tenant à la personne de l'agent. Lorsqu'un agent public sollicite le versement d'une indemnité en réparation du préjudice subi du fait de l'illégalité de la décision de ne pas renouveler son contrat ou de le modifier substantiellement sans son accord, sans demander l'annulation de cette décision, il appartient au juge de plein contentieux, forgeant sa conviction au vu de l'ensemble des éléments produits par les parties, de lui accorder une indemnité versée pour solde de tout compte et déterminée en tenant compte notamment de la nature et de la gravité de l'illégalité, de l'ancienneté de l'intéressé, de sa rémunération antérieure, et des troubles dans ses conditions d'existence.

5. Ainsi que l'a relevé le tribunal, il résulte de l'instruction que la décision par laquelle la commune a décidé de ne pas renouveler le contrat de Mme A... à l'expiration de son terme au 31 décembre 2018 s'explique par la volonté, d'une part, de procéder au recrutement d'un fonctionnaire titulaire sur son poste et, d'autre part, de réduire la dotation horaire du poste jusqu'alors occupé par l'intéressée afin de le rendre plus adapté aux besoins de la commune. Un tel motif justifie à lui seul la décision de non-renouvellement.

6. Il est par ailleurs constant que ce poste a effectivement été pourvu par une fonctionnaire titulaire, la circonstance que son entrée en fonctions soit intervenue dès le 3 décembre 2018 étant sans incidence sur la légalité de la décision en cause. La requérante ne produit aucun élément permettant d'établir que la décision litigieuse aurait été inspirée, comme elle le soutient pour la première fois en appel, par la volonté de favoriser le recrutement d'une personne proche des élus ou qu'elle aurait été guidée par des raisons tenant à son état de santé. Dès lors et nonobstant la circonstance qu'en 2020, soit deux ans après son départ, la quotité horaire du poste ait à nouveau été modifiée, Mme A... n'établit pas que la décision de la commune de ne pas renouveler son contrat à son terme aurait été prise pour des considérations étrangères à l'intérêt du service. Elle n'est ainsi pas fondée à demander la réparation du préjudice subi du fait de l'illégalité de cette décision.

7. Il résulte de tout ce qui précède que Mme A... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué du 8 octobre 2020, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté ses conclusions indemnitaires. Par suite, sa requête doit être rejetée en toutes ses conclusions y compris celles tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

8. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de Mme A... une somme au titre du même article.

D E C I D E :

Article 1er : La requête de Mme A... est rejetée.

Article 2 : Les conclusions présentées par la commune de Fèves sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B... A... et à la commune de Fèves.

Délibéré après l'audience du 9 avril 2024, à laquelle siégeaient :

- M. Wurtz, président,

- Mme Bauer, présidente-assesseure,

- M. Meisse, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 14 mai 2024.

La rapporteure,

Signé : S. BAUER Le président,

Signé : Ch. WURTZ

Le greffier,

Signé : F. LORRAIN

La République mande et ordonne au préfet de la Moselle en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme,

Le greffier,

F. LORRAIN

N° 21NC00021 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de NANCY
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 21NC00021
Date de la décision : 14/05/2024
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : M. WURTZ
Rapporteur ?: Mme Sandra BAUER
Rapporteur public ?: M. MARCHAL
Avocat(s) : PEREZ

Origine de la décision
Date de l'import : 19/05/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-05-14;21nc00021 ?
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