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13/05/2024 | FRANCE | N°21NC02258

France | France, Cour administrative d'appel de NANCY, 2ème chambre, 13 mai 2024, 21NC02258


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



M. et Mme B... A... ont demandé au tribunal administratif de Strasbourg de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales ainsi que des pénalités correspondantes auxquelles ils ont été assujettis au titre des années 2013, 2014 et 2015.



Par un jugement no 2004910 du 8 juin 2021, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté leur demande.



Procédure devant la cour :

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Par une requête, enregistrée le 5 août 2021, M. et Mme A..., représentés par Me Ferretti et Me Heinrich du ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. et Mme B... A... ont demandé au tribunal administratif de Strasbourg de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales ainsi que des pénalités correspondantes auxquelles ils ont été assujettis au titre des années 2013, 2014 et 2015.

Par un jugement no 2004910 du 8 juin 2021, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté leur demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 5 août 2021, M. et Mme A..., représentés par Me Ferretti et Me Heinrich du cabinet Adven, demandent à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) de prononcer la décharge, en droits et pénalités, des impositions contestées ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 3 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Ils soutiennent que :

- l'administration ne pouvait pas retenir l'existence de revenus distribués sur le fondement de l'article 109-1-1° du code général des impôts, à raison des indemnités kilométriques prises en charge par la société Obernai Locations, dont le caractère de charges déductibles est établi ;

- l'imposition, en tant que revenus distribués, de la réintégration des primes d'assurances est excessive, celles-ci devant être limitée à 745 euros par année concernée ;

- l'administration ne pouvait pas retenir l'existence de revenus distribués sur le fondement de l'article 109-1-1° du code général des impôts, à raison des frais de réception pris en charge par la société Obernai Locations, dont le caractère de charges déductibles est établi conformément à l'article 39, 1. du code général des impôts ;

- l'administration ne pouvait pas retenir l'existence de revenus distribués sur le fondement de l'article 109-1-1° du code général des impôts, à raison des cadeaux pris en charge par la société Obernai Locations, dont le caractère de charges déductibles est établi ;

- conformément à la documentation administrative BOI-BIC-CHG-40-60-30 n° 20 et n° 30, le service aurait dû, avant de demander à l'entreprise de justifier que les dépenses de cadeaux avaient été exposées dans l'intérêt direct de l'exploitation, faire la démonstration de leur caractère excessif ;

- l'administration ne pouvait pas retenir l'existence de revenus distribués sur le fondement de l'article 109-1-1° du code général des impôts, à raison des indemnités forfaitaires de " grand déplacement " versées par la société Obernai Locations à M. A..., dont le caractère de charges déductibles est établi ;

- conformément à la doctrine administrative BOI-BIC-CHG-10-20-20, n° 50, l'administration ne peut pas rejeter systématiquement la déduction des frais de voyages et de déplacements au seul motif que leur montant n'est pas justifié par la production de documents formant preuve certaine ;

- l'administration ne pouvait pas remettre en cause la déductibilité comme charges des indemnités de " grands déplacements " versées en opposant les conditions définies au 1° de l'article 81 du même code, qui sont relatives à l'exonération d'impôt sur le revenu ;

- en imposant les indemnités forfaitaires de grands déplacements versées, l'administration a, à tort, fait application de l'article 80 ter du code général des impôts, dont M. A... ne remplit pas les conditions ;

- les contributions sociales, qui sont la conséquence du redressement en matière d'impôt sur le revenu, seront déchargées ;

- les intérêts de retard seront déchargés par voie de conséquence ;

- l'intention d'éluder l'impôt, retenue par le service pour appliquer la pénalité pour manquement délibéré, n'est pas démontrée.

Par un mémoire en défense, enregistré le 21 février 2022, le ministre de l'économie, des finances et de la relance conclut au rejet de la requête.

Il soutient que :

- le quantum du litige s'établit, en droits et pénalités, à 28 857 euros au titre de l'année 2013, à 29 353 euros au titre de l'année 2014 et à 8 526 euros au titre de l'année 2015 ;

- les moyens soulevés par M. et Mme A... ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Brodier, première conseillère,

- les conclusions de Mme Stenger, rapporteure publique.

Considérant ce qui suit :

1. La société Obernai Locations, dont M. A... est le gérant et l'associé à 50% des parts et Mme A... la salariée, a fait l'objet d'une vérification de comptabilité au titre de la période du 1er avril 2012 au 31 mars 2015, au terme de laquelle l'administration fiscale a rehaussé ses résultats imposables à l'impôt sur les sociétés en y réintégrant diverses charges qu'elle estimait non justifiées ou non engagées dans l'intérêt de l'exploitation. Par une proposition de rectification du 25 août 2016, établie dans le cadre de la procédure contradictoire prévue à l'article L. 55 du livre des procédures fiscales, le service a porté à la connaissance de M. et Mme. A... ces constats effectués à l'occasion de la vérification de comptabilité de la SARL Obernai Locations et a imposé comme revenus distribués, sur le fondement des dispositions du 1-1° de l'article 109 du code général des impôts, d'une part, les montants correspondant aux indemnités de grand déplacement directement perçues par M. A..., d'autre part, en tant que maître de l'affaire, la fraction du bénéfice rehaussé de la société qu'il aurait appréhendée. Des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales au titre des années 2013, 2014 et 2015 ont été mises en recouvrement, le 30 avril 2018, pour des montants respectifs de 31 008 euros, de 31 499 euros et de 9 150 euros. Par une décision du 15 juin 2020, l'administration fiscale a partiellement admis la réclamation préalable formée par les intéressés, en leur accordant un dégrèvement partiel, à hauteur de 4 921euros en droits et pénalités, et a rejeté le surplus de leur demande. M. et Mme A... relèvent appel du jugement du 8 juin 2021 par lequel le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté leur demande tendant à la décharge des cotisations supplémentaires mises à leur charge.

Sur le bien-fondé de l'impôt sur le revenu :

2. Aux termes de l'article 12 du code général des impôts : " L'impôt est dû chaque année à raison des bénéfices ou revenus que le contribuable réalise ou dont il dispose au cours de la même année ". Aux termes de l'article 109 du code général des impôts : " 1. Sont considérés comme revenus distribués : 1° Tous les bénéfices ou produits qui ne sont pas mis en réserve ou incorporés au capital (...) ". Aux termes de l'article 110 du même code : " Pour l'application du 1° du 1 de l'article 109 les bénéfices s'entendent de ceux qui ont été retenus pour l'assiette de l'impôt sur les sociétés. / (...) ". Aux termes de l'article 47 de l'annexe II à ce code : " Toute rectification du bénéfice imposable à l'impôt sur les sociétés au titre d'une période sera prise en compte au titre de la même période pour le calcul des sommes distribuées ".

3. Les impositions en litige procèdent de l'inclusion dans les revenus imposables entre les mains de M. et Mme A... dans la catégorie des revenus de capitaux mobiliers, sur le fondement des dispositions précitées du 1° du 1 de l'article 109 du code général des impôts de sommes correspondant à un rehaussement des bénéfices de la SARL Obernai Locations au titre des exercices clos les 31 mars 2013, 2014 et 2015 et regardées comme des revenus distribués par cette société à l'intéressé, pour une partie de ces revenus au motif qu'il était l'unique maître de l'affaire, pour d'autres au motif qu'il les avait personnellement appréhendés en tant que salarié de la société.

En ce qui concerne la charge de la preuve :

4. Aux termes du premier alinéa de l'article R. 194-1 du livre des procédures fiscales : " Lorsque, ayant donné son accord à la rectification ou s'étant abstenu de répondre dans le délai légal à la proposition de rectification, le contribuable présente cependant une réclamation faisant suite à une procédure contradictoire de rectification, il peut obtenir la décharge ou la réduction de l'imposition, en démontrant son caractère exagéré. (...) ".

5. Si, en vertu des règles gouvernant l'attribution de la charge de la preuve devant le juge administratif, applicables sauf loi contraire, il incombe, en principe, à l'administration d'apporter la preuve de la qualité de maître de l'affaire, laquelle suffit à faire regarder l'intéressé comme bénéficiaire des revenus distribués en application du 1° de l'article 109-1 du code général des impôts, la charge de la preuve de l'exagération de l'imposition incombe au contribuable, conformément aux règles de droit commun, lorsque celui-ci a accepté les redressements dans les conditions posées à l'article R. 194-1 du livre des procédures fiscales, lequel ne fait que tirer les conséquences des dispositions des articles L. 11, L. 54 B et L. 57 du livre des procédures fiscales.

6. Il résulte de l'instruction, et n'est pas contesté, que M. et Mme A... ont présenté des observations le 19 octobre 2016, soit au-delà du délai de trente jours qui leur était imparti dans la proposition de rectification du 24 août 2016, notifiée le 26 août. Par suite, en application des dispositions précitées de l'article R. 194-1 du livre des procédures fiscales, et alors au demeurant qu'ils ne contestent pas la qualité de maître de l'affaire de M. A... retenue par l'administration pour justifier de l'appréhension d'une partie des distributions concernées, il leur incombe de démontrer le caractère exagéré du montant des revenus distribués tels qu'ils ont été évalués par l'administration.

En ce qui concerne l'existence et le montant des revenus distribués :

S'agissant des indemnités kilométriques :

4. L'administration fiscale a réintégré dans les bénéfices imposables de la société Obernai Locations le montant des indemnités kilométriques comptabilisées au crédit du compte courant d'associé de M. A... au 31 mars de chacune des années en litige, dont elle a considéré qu'elles n'étaient pas justifiées ou qu'elles n'étaient pas engagées dans l'intérêt de la société.

5. D'une part, les requérants acceptent le redressement, en tant que revenus distribués, à hauteur de 2 712 euros au titre de l'année 2015. D'autre part, en se bornant à soutenir que les indemnités kilométriques indemnisées correspondent pour l'essentiel à des déplacements réalisés par Mme A... avec son véhicule personnel Audi Q5 et à produire, pour la première fois à hauteur d'appel, les agendas de cette dernière, sans au demeurant les corréler aux tableaux de frais kilométriques remis en cause, les requérants ne justifient aucunement de la réalité des déplacements que Mme A... aurait été amenée à réaliser à telle ou telle date dans le cadre de son emploi salarié.

S'agissant des primes d'assurance :

6. L'administration fiscale a réintégré dans les bases imposables de la société Obernai Locations les primes d'assurance relatives à un véhicule Audi Q5 appartenant à titre personnel à Mme A..., dont elle a estimé que ces charges n'avaient pas été engagées dans l'intérêt de l'entreprise. Ces primes d'assurance ont été évaluées de manière forfaitaire à 1 620 euros TTC au titre de chacun des exercices concernés.

7. M. et Mme A..., qui ne contestent pas que ces primes d'assurance devaient être imposées en tant que revenus distribués, sollicitent l'application d'un montant de prime limité à 745 euros au titre de chacune des années 2013, 2014 et 2015, en se prévalant du montant de cotisation appelée pour le même véhicule au titre de l'année 2017 par une autre compagnie d'assurance. Il ressort toutefois du document produit que ce montant, pratiqué au titre d'une autre année, résulte de l'application d'une réduction de bonus de 50 %, et ne permet pas de considérer que le montant retenu par l'administration, sur la base du contrat d'assurance en cours en 2014, serait excessif.

S'agissant des frais de réception et de cadeaux :

8. L'administration fiscale a réintégré dans les bénéfices imposables de la société Obernai Locations des frais de réception et de cadeaux d'un montant de 12 363 euros au titre de l'exercice clos le 31 mars 2013, de 22 958 euros au titre de l'exercice clos le 31 mars 2014 et de 14 341 euros au titre de l'exercice clos le 31 mars 2015, dont elle a considéré qu'ils n'étaient pas justifiés ou n'avaient pas été engagés dans l'intérêt de la société. Tenant compte des dates auxquels ces frais avaient été comptabilisés et par ailleurs d'une réintégration extra-comptable d'un montant de 14 019 euros pratiquée le 31 mars 2015, qu'elle a proratisée sur l'exercice, l'administration a mis à la charge de M. et Mme A... les revenus distribués correspondants à hauteur de 20 516 euros en 2013 et de 19 006 euros en 2014.

9. En premier lieu, s'agissant des frais de réception, l'administration avait remis en cause la déductibilité d'un certain nombre des frais déduits en tant que charges au motif que les factures de restaurant présentées, dès lors qu'elles ne mentionnaient pas l'indication des personnes invitées, celles annotées " personnel " et celles correspondant à des repas pris les week-ends ou les jours fériés notamment, ou comportaient des anomalies sur le nombre d'invités, ne permettaient pas d'attester l'engagement des frais de réception dans l'intérêt de l'entreprise. Si les requérants soutiennent, en produisant pour la première fois à hauteur d'appel des copies de ce qu'ils présentent comme étant les agendas de Mme A... pour les années 2013 à 2015, que leurs mentions correspondent aux annotations portées sur les factures ainsi qu'avec les tableaux justificatifs de frais élaborés par la société dans le cadre de sa réclamation préalable, ils ne l'établissent pas. Par ailleurs, à supposer même que tel soit le cas, il est constant que ces agendas, dont les mentions sont peu précises, ont été produits près de cinq années après la proposition de rectification, et pour les besoins de la cause. Ils ne peuvent être regardés comme établissant le caractère professionnel des frais exposés, pas plus que la réalité de la contrepartie attendue par la société. La circonstance alléguée que la majorité des frais engagés l'aurait été en faveur des dirigeants du principal client de la société Obernai Locations, que le caractère fréquent des invitations relèverait d'une pratique courante dans le domaine du BTP et que le montant des frais déduits serait dérisoire par rapport au chiffre d'affaires réalisé avec ledit client n'est pas non plus de nature à établir l'existence de cette contrepartie.

10. En deuxième lieu, s'agissant des frais de cadeaux exposés, l'administration avait remis en cause la déductibilité de certains d'entre eux au motif que les factures présentées comportaient des indications insuffisamment précises quant au bénéficiaire exact des cadeaux, voire ne comportaient aucune désignation de bénéficiaire. Les requérants se bornent à renvoyer aux tableaux récapitulatifs produits par la société Obernai Locations et aux annotations portées sur les factures présentées, en soutenant que la majorité des frais en litige visait à s'assurer de la fidélité de son client primordial, avec lequel elle réalise 90 % de son chiffre d'affaires. Ils se prévalent aussi du caractère modique des sommes concernées au regard de ce même chiffre d'affaires. Ils ne produisent toutefois aucun élément de nature à justifier, pour chacune des dépenses engagées, de l'intérêt direct qu'il y avait, pour l'activité présente ou future de la société Obernai Locations, à financer ces cadeaux.

11. En dernier lieu, d'une part, M. et Mme A... ne sont pas fondés à se prévaloir, sur le terrain de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales, pour contester la réintégration des dépenses de cadeaux, du paragraphe n° 20 de la documentation administrative référencée BOI-BIC-CHG-40-60-30 du 12 septembre 2012, qui ne comporte pas d'interprétation différente de la loi fiscale que celle dont il a été fait application ci-dessus. D'autre part, ils ne sauraient se prévaloir de la doctrine exprimée dans le paragraphe 30 de la même documentation administrative, qui est relative à la charge de la preuve et donc à la procédure contentieuse et ne constitue pas dès lors une interprétation de la loi fiscale au sens cette disposition.

S'agissant des indemnités forfaitaires de " grand déplacement " :

12. A l'issue de la vérification de comptabilité de la SARL Obernai Locations, l'administration fiscale a réintégré dans ses bénéfices imposables le montant des allocations forfaitaires attribuées à M. A... pour indemniser les vingt-trois " grands déplacements " qu'il aurait réalisés mensuellement au titre des exercices contrôlés. Elle a remis en cause l'intérêt pour la société du versement de ces allocations, calculées sur une base forfaitaire, que les pièces justificatives produites, incomplètes et non concordantes, ne permettaient pas de justifier. Ont ainsi été imposés en tant que revenus distribués à M. A... un montant de 11 214 euros correspondant à deux cent soixante-seize " grands déplacements " en 2013, un montant de 13 762 euros correspondant à deux cent cinquante-et-un " grands déplacements " comptabilisés en 2014 et 3 728 euros correspondant à soixante-huit " grands déplacements " remis en cause pour l'année 2015.

13. En premier lieu, M. et Mme A... se prévalent des tableaux établis par la société Obernai Locations pour justifier de la déductibilité comme charges des allocations forfaitaires versées à ses salariés. D'une part, il ressort de ces éléments que le nombre de déplacements attribués à M. A..., dont la société a cherché à établir la réalité, à savoir cent quatre déplacements en 2013, cent soixante en 2014 et onze en 2015, est très inférieur aux " grands déplacements " comptabilisés en charges. D'autre part, les indications qui figurent sur ces tableaux, à savoir la destination du déplacement, dont il y a lieu de constater qu'il s'agit principalement de lieux situés en Alsace, et l'amplitude horaire de travail, ne permettent pas, en l'absence de toute autre précision, de justifier que le salarié n'avait pas été en mesure, aux dates indiquées, de regagner son domicile ni qu'il aurait engagé des frais d'hôtel et de repas à l'occasion de ses déplacements. Par suite, les requérants n'établissent pas la réalité des " grands déplacements " attribués à M. A... pour lesquels la société a versé les montants d'indemnités en litige.

14. En deuxième lieu, compte tenu des éléments retenus par l'administration pour considérer que les indemnités de " grand déplacement " comptabilisées n'avaient pas été engagées dans l'intérêt direct de la société Obernai Locations et eu égard à ce qui a été dit au point précédent, le service pouvait remettre en cause la déductibilité de ces charges en application de l'article 39 du code général des impôts et considérer que les sommes réintégrées dans les bénéfices imposables de la société constituaient, à hauteur des montants versés à M. A..., des revenus distribués au sens des dispositions du 1° du 1. de l'article 109 du code général des impôts. C'est ainsi à bon droit que l'administration a imposé ces indemnités en tant que revenus de capitaux mobiliers, et non comme compléments de salaires. Contrairement à ce que les requérants soutiennent, l'administration n'a, d'ailleurs, pour fonder le redressement en litige, pas mis en œuvre les critères de l'article 81-1° du même code, dont les dispositions sont relatives à l'exonération des allocations spéciales destinées à couvrir les frais inhérents à l'emploi.

15. En troisième lieu, et contrairement à ce que M. et Mme A... soutiennent, l'administration n'a pas, pour imposer les revenus distribués en litige, fait application de l'article 80 ter du code général des impôts, qui est relatif à l'imposition des indemnités versés aux dirigeants de société dans la catégorie des traitements et salaires, et dont elle avait précisé qu'il n'aurait trouvé à s'appliquer que s'il avait été justifié du caractère déductible des indemnités de grands déplacements versées au gérant. Par suite, le moyen tiré de l'erreur de droit à avoir appliqué cette disposition et le moyen tiré de ce que M. A... n'en remplit pas les conditions ne peuvent qu'être écartés comme inopérants.

16. En dernier lieu, M. et Mme A... ne sauraient se prévaloir, sur le terrain de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales, du paragraphe 50 de la doctrine administrative référencée BOI-BIC-CHG-10-20-20 du 19 mai 2014, qui ne comporte pas d'interprétation différente de la loi fiscale que celle dont il a été fait application au point 13 ci-dessus.

17. Il résulte de ce qui précède que les requérants ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que le service a réintégré le montant des indemnités de grand déplacement attribuées à M. A... ainsi les frais de réception et de cadeaux, les indemnités kilométriques et les primes d'assurances en litige dans les bénéfices imposables de la société Obernai Location. Par suite, et alors que les requérants ne contestent pas avoir appréhendé ces montants, c'est à bon droit que l'administration a imposé comme revenus distribués sur le fondement du 1-1° de l'article 109 du code général des impôts les sommes ainsi réintégrées dans les bénéfices de la société Obernai Locations.

Sur le bien-fondé des contributions sociales :

18. Compte tenu de ce qui précède, M. et Mme A... ne sont pas fondés à demander la décharge des contributions sociales mises à leur charge au titre des années 2013 à 2015.

Sur les pénalités :

19. En premier lieu, compte tenu de ce qui a été dit relativement au bien-fondé de l'imposition contestée, M. et Mme A... ne sont pas fondés à demander la décharge des intérêts de retard dont les cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales ont été assorties.

20. En deuxième lieu, aux termes des dispositions de l'article 1729 du code général des impôts : " Les inexactitudes ou les omissions relevées dans une déclaration ou un acte comportant l'indication d'éléments à retenir pour l'assiette ou la liquidation de l'impôt ainsi que la restitution d'une créance de nature fiscale dont le versement a été indûment obtenu de l'Etat entraînent l'application d'une majoration de : a. 40 % en cas de manquement délibéré ; (...) ". Aux termes de l'article L. 195 A du livre des procédures fiscales : " En cas de contestation des pénalités fiscales appliquées à un contribuable au titre des impôts directs (...), la preuve de la mauvaise foi (...) incombe à l'administration ". La majoration de 40 % pour manquement délibéré prévue au a. de l'article 1729 du code général des impôts sanctionne la méconnaissance par le contribuable de ses obligations déclaratives. Pour établir le manquement délibéré, l'administration fiscale doit apporter la preuve de l'insuffisance, de l'inexactitude ou du caractère incomplet des déclarations du contribuable, et de son intention délibérée d'éluder l'impôt.

21. Pour justifier l'application de la pénalité pour manquement délibéré prévue au a. de l'article 1729 du code général des impôts, l'administration fiscale a retenu que les distributions dont il est le bénéficiaire, pour une grande partie en tant que seul maître de l'affaire et pour le surplus à raison des indemnités de " grand déplacement " qu'il a perçues, proviennent d'un rehaussement des résultats de la société dont il est le gérant à raison de charges non justifiées ou non engagées dans l'intérêt de la société, qui présentent, par leur nature, le caractère de dépenses présentant un caractère personnel. Elle a également relevé que M. A... ne pouvait ignorer, en tant que chef d'entreprise, qu'il lui appartenait de justifier de l'ensemble des opérations réalisées et de leur engagement dans le cadre d'une gestion normale compte tenu notamment de la nature des charges concernées. Elle a enfin retenu que la récurrence et l'importance des sommes en question permettaient d'écarter un comportement de bonne foi de la part du gérant de la société. Contrairement à ce que M. et Mme A... soutiennent, l'administration établit, par ces motifs, l'intention de M. A... d'éluder l'impôt dû à raison tant des revenus distribués appréhendées en tant que maître de l'affaire, que des sommes qu'il a perçues à titre d'indemnisation de " grands déplacements " en tant que salarié de la société dont il ne pouvait ignorer que leur caractère professionnel n'était pas établi. Par suite, c'est à bon droit que les cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales ont été majorées des pénalités pour manquement délibéré.

22. Il résulte de tout ce qui précède que M. et Mme A... ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté leur demande. Par suite, leur requête doit être rejetée en toutes ses conclusions, y compris celles tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

D E C I D E :

Article 1er : La requête de M. et Mme A... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. et Mme B... A... et au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.

Délibéré après l'audience du 4 avril 2024, à laquelle siégeaient :

M. Martinez, président,

M. Agnel, président-assesseur,

Mme Brodier, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 13 mai 2024.

La rapporteure,

Signé : H. Brodier Le président,

Signé : J. Martinez

La greffière,

Signé : C. Schramm

La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme,

La greffière,

C. Schramm

2

No 21NC02258


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de NANCY
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 21NC02258
Date de la décision : 13/05/2024
Type de recours : Autres

Composition du Tribunal
Président : M. MARTINEZ
Rapporteur ?: Mme Hélène BRODIER
Rapporteur public ?: Mme STENGER
Avocat(s) : ADVEN AVOCATS

Origine de la décision
Date de l'import : 19/05/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-05-13;21nc02258 ?
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