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11/01/2024 | FRANCE | N°23BX01582

France | France, Cour administrative d'appel, 1ère chambre, 11 janvier 2024, 23BX01582


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Bordeaux d'annuler l'arrêté en date du 6 février 2023 par lequel le préfet de la Gironde lui a fait obligation de quitter le territoire français, a fixé le pays de destination et lui a interdit le retour sur le territoire pour une durée de deux ans.



Par un jugement n° 2301020 du 4 mai 2023, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :


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Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Bordeaux d'annuler l'arrêté en date du 6 février 2023 par lequel le préfet de la Gironde lui a fait obligation de quitter le territoire français, a fixé le pays de destination et lui a interdit le retour sur le territoire pour une durée de deux ans.

Par un jugement n° 2301020 du 4 mai 2023, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés le 9 juin 2023 et le 9 octobre 2023, M. A..., représenté par Me Pather, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du 4 mai 2023 du tribunal administratif de Bordeaux ;

2°) d'annuler l'arrêté du préfet de la Gironde en date du 6 février 2023 ;

3°) d'enjoindre au préfet de la Gironde de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour, dans un délai d'une semaine à compter de la notification du jugement à venir, conformément aux dispositions de l'article L. 614-16 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et de procéder à l'effacement du signalement aux fins de non-admission dans le système d'information Schengen, sans délai ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Il soutient que :

- ce jugement est irrégulier en l'absence d'examen du moyen d'erreur de droit tirée du défaut d'examen réel et sérieux de sa situation s'agissant de l'obligation de quitter le territoire français et du moyen de défaut de motivation de l'interdiction de retour sur le territoire français pendant deux ans.

En ce qui concerne l'obligation de quitter le territoire français :

- cette décision est insuffisamment motivée en l'absence de mention de son concubinage ;

- elle est entachée d'un défaut d'examen de ce fait ;

- elle a été prise en méconnaissance de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- elle est entachée d'erreur manifeste d'appréciation des conséquences sur sa situation personnelle.

En ce qui concerne la décision fixant le pays de renvoi :

- elle est illégale en raison de l'illégalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français.

En ce qui concerne la décision lui interdisant le retour sur le territoire français :

- elle est insuffisamment motivée en l'absence de prise en compte de tous les critères prévus par la loi ;

- elle est illégale en raison de l'illégalité des décisions portant obligation de quitter le territoire français et fixant le pays de renvoi ;

- elle est entachée d'erreur d'appréciation au regard de l'article L. 612-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

Par un mémoire en défense enregistré le 4 septembre 2023, le préfet de la Gironde conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens soulevés ne sont pas fondés.

M. A... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 27 juillet 2023.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de Mme Christelle Brouard-Lucas a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. B... A..., né le 31 août 1999, de nationalité nigériane, déclare être entré en France le 15 décembre 2020. Sa demande d'asile présentée le 15 janvier 2021 a été définitivement rejetée par une décision du 8 décembre 2022 de la Cour nationale du droit d'asile. Par un arrêté du 6 février 2023 le préfet de la Gironde a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours, a fixé le pays de destination et a prononcé une interdiction de retour sur le territoire pour une durée de deux ans. M. A... a demandé au tribunal administratif de Bordeaux d'annuler cet arrêté en tant qu'il porte obligation de quitter le territoire français, fixation du pays de renvoi et interdiction de retour. Il fait appel du jugement du 4 mai 2023 par lequel le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande.

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. En premier lieu, le jugement attaqué a répondu dans son point 5 au moyen tiré du défaut d'examen réel et sérieux de sa situation personnelle articulé à l'encontre de la décision portant obligation de quitter le territoire français. Par suite, le moyen tiré de l'irrégularité du jugement en l'absence de réponse à ce moyen doit être écarté.

3. En revanche, il ressort des pièces du dossier soumis au tribunal administratif de Bordeaux que M. A... a soulevé, au soutien de ses conclusions dirigées contre la décision portant interdiction de retour, un moyen tiré de ce qu'elle était insuffisamment motivée. Le tribunal a rejeté la demande de M. A... sans répondre à ce moyen, qui n'était pas inopérant. Dès lors, il a insuffisamment motivé son jugement. Celui-ci doit donc être annulé, pour ce motif, en tant qu'il a statué sur les conclusions tendant à l'annulation de la décision portant interdiction de retour.

4. Il y a lieu pour la cour de se prononcer immédiatement sur ces conclusions par la voie de l'évocation et de statuer par l'effet dévolutif de l'appel sur les autres conclusions présentées par M. A... devant le tribunal administratif de Bordeaux.

Sur les conclusions à fin d'annulation :

En ce qui concerne la décision portant obligation de quitter le territoire français :

5. La décision attaquée, après avoir visé les textes applicables et notamment les dispositions de l'article L. 611-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, mentionne que la demande d'asile de M. A... a été rejetée par l'office français de protection des réfugiés et apatrides et la Cour nationale du droit d'asile et précise que l'intéressé n'a pas de charge de famille en France et qu'il ne fait valoir aucun élément justifiant son intégration dans la société française. Ce faisant, et alors que M. A... ne conteste pas les affirmations du préfet selon lesquelles il ne l'avait pas informé de sa situation de concubinage et de ce que sa compagne attendait un enfant, le préfet a suffisamment précisé les motifs de droit et de fait qui fondaient sa décision. Dans ces conditions, les moyens tirés de ce que, en l'absence de mention de sa vie de couple et de son enfant à naître, la décision serait entachée d'une insuffisance de motivation et d'un défaut d'examen réel et sérieux de sa situation doivent être écartés.

6. Aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".

7. M. A... se prévaut de sa présence en France depuis décembre 2020, de sa relation avec une compatriote bénéficiaire du statut de réfugié et de son enfant à naître. Toutefois, son séjour en France est récent et limité à la durée d'examen de sa demande d'asile. Alors que la vie commune d'un an et demi dont il fait état est également récente, la seule production d'un acte de reconnaissance anticipé n'est pas de nature à établir la réalité, l'intensité et la stabilité de la relation. Par ailleurs, il ne démontre aucune insertion particulière dans la société française. Dans ces conditions, l'arrêté attaqué n'a pas porté à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels il a été pris. Par suite, le moyen tiré de la violation de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté. Il en est de même du moyen tiré de l'erreur manifeste d'appréciation de sa situation personnelle.

En ce qui concerne la décision fixant le pays de renvoi :

8. Au vu de ce qui a été dit aux point précédents, M. A... ne saurait se prévaloir de l'illégalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français à l'appui de ses conclusions dirigées contre la décision fixant le pays de renvoi.

En ce qui concerne la décision lui interdisant le retour sur le territoire français :

9. En premier lieu, au vu de ce qui a été dit aux point précédents, M. A... ne saurait se prévaloir de l'illégalité des décisions portant obligation de quitter le territoire français et fixant le pays de destination à l'appui de ses conclusions dirigées contre la décision portant interdiction de retour sur le territoire français.

10. En deuxième lieu, l'article L. 612-6 du code de l'entrée et de séjour des étrangers et du droit d'asile prévoit que : " Lorsqu'aucun délai de départ volontaire n'a été accordé à l'étranger, l'autorité administrative assortit la décision portant obligation de quitter le territoire français d'une interdiction de retour sur le territoire français. Des circonstances humanitaires peuvent toutefois justifier que l'autorité administrative n'édicte pas d'interdiction de retour. Les effets de cette interdiction cessent à l'expiration d'une durée, fixée par l'autorité administrative, qui ne peut excéder trois ans à compter de l'exécution de l'obligation de quitter le territoire français. ". Aux termes de l'article L.612-10 du même code : " Pour fixer la durée des interdictions de retour mentionnées aux articles L. 612-6 et L. 612-7, l'autorité administrative tient compte de la durée de présence de l'étranger sur le territoire français, de la nature et de l'ancienneté de ses liens avec la France, de la circonstance qu'il a déjà fait l'objet ou non d'une mesure d'éloignement et de la menace pour l'ordre public que représente sa présence sur le territoire français. Il en est de même pour l'édiction et la durée de l'interdiction de retour mentionnée à l'article L. 612-8 ainsi que pour la prolongation de l'interdiction de retour prévue à l'article L. 612-11. ".

11. Il ressort de ces dispositions que l'autorité compétente doit, pour décider de prononcer à l'encontre de l'étranger soumis à l'obligation de quitter le territoire français une interdiction de retour et en fixer la durée, tenir compte, dans le respect des principes constitutionnels, des principes généraux du droit et des règles résultant des engagements internationaux de la France, des quatre critères qu'elles énumèrent, sans pouvoir se limiter à ne prendre en compte que l'un ou plusieurs d'entre eux.

12. La décision contestée rappelle les éléments propres à la situation de M. A..., vise les dispositions législatives appliquées et indique que l'examen de la situation de l'intéressé a été réalisé au regard de ces critères en précisant que sa présence sur le territoire constitue une menace à l'ordre public en raison notamment de violences sans incapacité par une personne étant ou ayant été conjoint ou concubin, qu'il n'a jamais fait l'objet d'une mesure d'éloignement, que sa présence en France n'était justifiée que par le délai nécessaire à l'examen de sa demande d'asile et qu'il ne justifie pas de la nature et de l'ancienneté de ses liens avec la France. Ainsi, elle comporte les considérations de droit et de fait qui fondent l'interdiction de retour et le moyen tiré de l'insuffisance de motivation doit être écarté.

13. En troisième lieu, au vu de ce qui a été dit au point 9, en se fondant sur ces motifs, le préfet n'a pas commis d'erreur d'appréciation en prenant une décision d'interdiction de retour sur le territoire français de deux ans.

14. Il résulte de tout ce qui précède que M. A..., d'une part, n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande dirigée contre les décisions portant obligation de quitter le territoire français et fixant le pays de destination et, d'autre part, n'est pas fondé à demander l'annulation de la décision d'interdiction de retour. Par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction, ainsi que celles présentées par son conseil au titre des dispositions de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 doivent être rejetées.

DECIDE :

Article 1er : Le jugement n° 2301020 du 4 mai 2023 du tribunal administratif de Bordeaux est annulé en tant qu'il statue sur les conclusions tendant à l'annulation de la décision du préfet de la Gironde portant interdiction de retour sur le territoire pour une durée de deux ans.

Article 2 : Le surplus des conclusions de la requête et la demande présentée par M. A... devant le tribunal administratif de Bordeaux tendant à l'annulation de la décision du préfet de la Gironde portant interdiction de retour sur le territoire pour une durée de deux ans sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.

Copie en sera adressée au préfet de la Gironde.

Délibéré après l'audience du 14 décembre 2023, à laquelle siégeaient :

M. Jean-Claude Pauziès, président,

Mme Christelle Brouard-Lucas, présidente-assesseure,

Mme Kolia Gallier, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 11 janvier 2024.

La rapporteure,

Christelle Brouard-LucasLe président,

Jean-Claude Pauziès

La greffière,

Marion Azam Marche

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne, ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

N° 23BX01582 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de BORDEAUX
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 23BX01582
Date de la décision : 11/01/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. PAUZIÈS
Rapporteur ?: Mme Christelle BROUARD-LUCAS
Rapporteur public ?: M. ROUSSEL CERA
Avocat(s) : SP AVOCATS

Origine de la décision
Date de l'import : 21/01/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-01-11;23bx01582 ?
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