La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

17/12/2021 | FRANCE | N°21BX01589

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 1ère chambre, 17 décembre 2021, 21BX01589


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... A... a demandé au tribunal administratif de Bordeaux d'annuler l'arrêté du 15 mars 2021 par lequel la préfète de la Gironde a décidé son transfert aux autorités espagnoles en vue de l'examen de sa demande d'asile.

Par un jugement n° 2101558 du 8 avril 2021, la magistrate désignée par la présidente du tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 13 avril 2021, M. A..., représenté par Me Sanchez Rodr

iguez, demande à la cour :

1°) de surseoir à statuer pour transmettre à la Cour de justice de l'...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... A... a demandé au tribunal administratif de Bordeaux d'annuler l'arrêté du 15 mars 2021 par lequel la préfète de la Gironde a décidé son transfert aux autorités espagnoles en vue de l'examen de sa demande d'asile.

Par un jugement n° 2101558 du 8 avril 2021, la magistrate désignée par la présidente du tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 13 avril 2021, M. A..., représenté par Me Sanchez Rodriguez, demande à la cour :

1°) de surseoir à statuer pour transmettre à la Cour de justice de l'Union européenne une question préjudicielle concernant l'interprétation des articles 3-2 et 17-1 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 combinés aux articles 19, 19-2 et 35 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;

2°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Bordeaux du 8 avril 2021 ;

3°) d'annuler l'arrêté de la préfète de la Gironde du 15 mars 2021 ;

4°) d'enjoindre à la préfète de la Gironde de procéder à l'enregistrement de sa demande d'asile, dans un délai de huit jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 50 euros par jour de retard ;

5°) de mettre à la charge de l'État une somme de 1 400 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Il soutient que :

- l'arrêté litigieux n'est pas suffisamment motivé, dès lors qu'il ne fait pas état de la situation liée à l'épidémie de Covid-19 dans l'État responsable de sa demande d'asile ;

- il n'a pas bénéficié de la notice d'information faisant apparaitre la raison pour laquelle les données devaient être traitées par Eurodac ;

- l'arrêté méconnaît l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales dès lors qu'il existe un risque qu'il soit renvoyé dans son pays d'origine avant même que sa demande d'asile ne soit examinée par les autorités espagnoles ;

- l'Espagne présente des défaillances quant aux conditions d'accueil des demandeurs d'asile, ainsi que des difficultés dans la gestion opérationnelle de la crise de la Covid-19.

Par un mémoire en défense enregistré le 25 octobre 2021, la préfète de la Gironde conclut au rejet de la requête.

Elle fait valoir que les moyens de M. A... ne sont pas fondés.

M. A... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle par une décision du 27 mai 2021.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;

- le règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européenne et du Conseil du 26 juin 2013 ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

La présidente de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Le rapport de Mme Charlotte Isoard a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. A..., ressortissant malien né le 1er janvier 1995, qui a déclaré être entré irrégulièrement sur le territoire français le 16 février 2021, a déposé une demande d'asile le 16 février 2021. Après avoir constaté, à la suite de la consultation du fichier Eurodac, que les empreintes digitales de M. A... avaient été relevées par les autorités espagnoles lors de son entrée sur le territoire des États-membres par l'Espagne, la préfète de la Gironde a adressé aux autorités espagnoles, le 1er mars 2021, une demande de prise en charge de la demande d'asile de M. A..., qui ont fait connaître leur accord le 4 mars suivant. Par un arrêté du 15 mars 2021, la préfète de la Gironde a décidé du transfert de M. A... aux autorités espagnoles pour l'examen de sa demande d'asile. M. A... relève appel du jugement du 8 avril 2021 par lequel la magistrate désignée par la présidente du tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté. M. A... a été transféré vers l'Espagne le 21 juillet 2021.

2. En premier lieu, l'arrêté litigieux, qui vise les textes applicables, indique que M. A..., entré sur le territoire français le 16 février 2021, a déposé une demande d'asile le même jour, que la consultation du fichier Eurodac avait révélé qu'il est entré sur le territoire des États-membres par l'Espagne, qui était ainsi considérée comme responsable de sa demande d'asile, et que, saisies le 1er mars 2021, les autorités espagnoles ont fait connaître explicitement leur accord le 4 mars suivant. Par ailleurs, cet arrêté fait état de ce que M. A... ne peut se prévaloir d'une vie privée et familiale en France. Il comporte ainsi l'énoncé des considérations de droit et de fait qui en constituent le fondement, permettant à l'intéressé d'en contester utilement le bien-fondé. Contrairement à ce que soutient M. A..., cet arrêté n'avait pas à faire état de la situation liée à l'épidémie de Covid-19 dans l'État responsable de sa demande d'asile, alors qu'aucune des orientations de la Commission relatives à la mise en œuvre des dispositions pertinentes de l'Union européenne régissant les procédures d'asile et de retour et à la réinstallation dont M. A... se prévaut, qui sont au demeurant de simples recommandations, n'impose la motivation des décisions de transfert à l'État-membre responsable de la demande d'asile sur ce point.

3. En deuxième lieu, à la différence de l'obligation d'information instituée par le règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013, qui prévoit un document d'information sur les droits et obligations des demandeurs d'asile, dont la remise doit intervenir au début de la procédure d'examen des demandes d'asile pour permettre aux intéressés de présenter utilement leur demande aux autorités compétentes, l'obligation d'information prévue par l'article 29, paragraphe 1, du règlement (UE) n° 603/2013 du 26 juin 2013, a uniquement pour objet et pour effet de permettre d'assurer la protection effective des données personnelles des demandeurs d'asile concernés, laquelle est garantie par l'ensemble des États membres relevant du régime européen d'asile commun. Le droit d'information des demandeurs d'asile contribue, au même titre que le droit de communication, le droit de rectification et le droit d'effacement de ces données, à cette protection. Par suite, c'est à bon droit que la magistrate désignée par la présidente du tribunal administratif de Bordeaux a estimé que M. A..., qui ne précise au demeurant pas son moyen devant la cour, ne pouvait utilement se prévaloir de la méconnaissance de cet article à l'encontre de l'arrêté litigieux.

4. Enfin, aux termes de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants ".

5. Si M. A... fait valoir qu'il n'est pas garanti que sa demande d'asile sera examinée en Espagne et que les conditions d'accueil des demandeurs d'asile dans ce pays sont détériorées du fait de l'afflux de migrants et de la pandémie de Covid 19, la seule capture d'écran du site Internet du ministère de l'intérieur espagnol, qui n'est pas datée et indique seulement que les rendez-vous pris en vue d'une demande d'asile internationale sont annulés dans certaines provinces pendant une période donnée, ne permet pas de considérer qu'il existerait un risque sérieux que sa demande ne soit pas traitée par les autorités espagnoles dans des conditions conformes à l'ensemble des garanties exigées par le respect du droit d'asile, alors que l'Espagne est un État membre de l'Union européenne, partie à la convention de Genève du 28 juillet 1951 sur le statut des réfugiés et à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, et alors que les autorités espagnoles ont expressément accepté la demande de prise en charge de M. A... le 4 mars 2021. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et le moyen tiré de l'erreur d'appréciation qu'aurait commise la préfète doivent être écartés.

6. Il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin de transmettre une question préjudicielle à la Cour de justice de l'Union européenne, que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, la magistrate désignée par la présidente du tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande. Sa requête doit ainsi être rejetée, y compris ses conclusions à fin d'injonction et d'astreinte et celles présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

DECIDE :

Article 1er : La requête de M. A... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... A... et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée à la préfète de la Gironde.

Délibéré après l'audience du 2 décembre 2021, à laquelle siégeaient :

Mme Marianne Hardy, présidente,

Mme Fabienne Zuccarello, présidente-assesseure,

Mme Charlotte Isoard, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 17 décembre 2021.

La rapporteure,

Charlotte IsoardLa présidente,

Marianne Hardy

La greffière,

Sophie Lecarpentier

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

N° 21BX01589 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 21BX01589
Date de la décision : 17/12/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

095-02-03


Composition du Tribunal
Président : Mme HARDY
Rapporteur ?: Mme Charlotte ISOARD
Rapporteur public ?: M. ROUSSEL
Avocat(s) : SANCHEZ-RODRIGUEZ

Origine de la décision
Date de l'import : 28/12/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2021-12-17;21bx01589 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award