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08/04/2021 | FRANCE | N°19BX03052,19BX30053,19BX03054

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 7ème chambre (formation à 3), 08 avril 2021, 19BX03052,19BX30053,19BX03054


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société mahoraise de travaux publics et de construction (SMTPC) a demandé au tribunal administratif de Mayotte de condamner l'État à lui verser la somme de 714 633, 99 euros au titre du règlement des travaux de réalisation du lot n° 1 " installation de chantier, terrassements, gros oeuvre, charpentes métalliques, étanchéité et peinture extérieures " du marché de construction du collège de Ouangani.

Par un jugement n° 1701229 du 21 mai 2019, le tribunal administratif de Mayotte a d'une part

, condamné l'État à verser à la SMTPC la somme de 714 633,99 euros, et, d'autre part...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société mahoraise de travaux publics et de construction (SMTPC) a demandé au tribunal administratif de Mayotte de condamner l'État à lui verser la somme de 714 633, 99 euros au titre du règlement des travaux de réalisation du lot n° 1 " installation de chantier, terrassements, gros oeuvre, charpentes métalliques, étanchéité et peinture extérieures " du marché de construction du collège de Ouangani.

Par un jugement n° 1701229 du 21 mai 2019, le tribunal administratif de Mayotte a d'une part, condamné l'État à verser à la SMTPC la somme de 714 633,99 euros, et, d'autre part, condamné le groupement conjoint d'entreprises de maîtrise d'oeuvre composé des sociétés Terreneuve, mandataire, JVO3 Architectes et urbanistes, RPO, SATOBA Ingénierie, devenue Cetis, et monsieur B... F... à garantir l'État à hauteur de la moitié des sommes mises à sa charge.

Procédure devant la cour :

I° Par une requête et un mémoire, enregistrés les 19 juillet 2019 et 16 décembre 2020 sous le n° 19BX03052, la SARL Terreneuve, la SARL JVO Ingénierie urbaine, la SAS Axio, la SARL Bet F... et la SAS Cetis, représentés par Me A..., demandent à la cour :

1°) de réformer le jugement n° 1701229 du tribunal administratif de Mayotte du 21 mai 2019 en tant qu'il les a condamnées à garantir l'État ;

2°) de rejeter la demande de l'État tendant à être garanti des condamnations prononcées à son encontre ;

3°) à titre subsidiaire, de prononcer un partage des responsabilités entre les membres du groupement de maître d'oeuvre, à concurrence de leurs responsabilités respectives ;

4°) de mettre à la charge de l'État ou de toute autre partie perdante la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

La société Terreneuve et autres soutiennent que :

- l'État est seul responsable de l'acceptation tacite du décompte général et définitif, dès lors d'une part, qu'aux termes de l'article 13.4.2 du cahier des clauses administratives générales travaux, il appartient au seul représentant du pouvoir adjudicateur de notifier le décompte général du marché au titulaire, avec l'assistance du conducteur d'opération, et aucune intervention du maître d'oeuvre n'est prévue à ce stade ;

- en tant que conducteur d'opération, la DEAL de Mayotte est débitrice d'une obligation d'assistance générale à caractère administratif, financier et technique, définie par l'article 6 de la loi MOP ; ainsi, elle aurait dû rappeler au maître d'ouvrage les obligations au titre de la notification du décompte général, suivre la phase de réception de la première tranche des travaux de la société SMTPC, et alerter la maîtrise d'ouvrage des risques liés à l'établissement d'un décompte général et définitif tacitement accepté ; ceci est d'autant plus vrai que c'est la DEAL qui a inséré dans les documents contractuels la référence au CCAG Travaux ;

- la maîtrise d'oeuvre n'a commis aucune faute, dès lors que, par un courriel du 17 juillet 2017, elle a fait précisément état de l'analyse du mémoire en réclamation de la SMTPC ; l'analyse du projet de décompte final de la société SMTPC a donc bien été réalisée par le groupement de maîtrise d'oeuvre, et seuls deux sujets, relatifs aux taux d'octroi de mer et à l'indice bt01m, n'ont pas été examinés, dès lors que la maîtrise d'oeuvre ne disposait matériellement pas des éléments pour le faire ;

- l'État ne démontre aucun préjudice ni lien de causalité, à défaut de démontrer qu'il n'aurait

- c'est à tort que le tribunal administratif a retenu qu'il existait un décompte général et définitif accepté tacitement par le maître d'ouvrage, dès lors qu'à la date du 7 juillet 2017, la SMTPC ne pouvait régulièrement établir un projet de décompte général, en raison de ce que les prestations relatives à la peinture de l'encadrement des portes du patio du CDI du bâtiment 2 n'étaient ni exécutées ni rémunérées au moment de la réception sous réserve du 16 janvier 2017 ;

- à titre subsidiaire, si la cour devait confirmer la condamnation du groupement de maîtrise d'oeuvre, elle fixera la répartition de la dette entre les codébiteurs.

Par des mémoires, enregistrés les 17 novembre et 11 décembre 2020, la société mahoraise de travaux publics et de construction (SMTPC) conclut au rejet de la requête et à ce que la somme de 3 000 euros soit mise à la charge de tout succombant au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

La SMTPC fait valoir que :

- les requérants ne sont pas recevables, faute d'intérêt à agir, à contester l'article 1er du jugement contesté, qui condamne l'État à lui verser 714 633,36 euros ;

- en tout état de cause, la réception prononcée le 16 janvier 2017 n'était pas une réception " sous réserve ".

Par un mémoire en défense, enregistré le 18 novembre 2020, le ministre de l'éducation nationale, de la jeunesse et des sports conclut au rejet de la requête, et fait valoir que :

- aux termes de l'article 13.3.2 du CCAG Travaux, il appartient au maître d'oeuvre de vérifier le projet de décompte final établi par l'entrepreneur et d'établir le décompte général ; or, la maîtrise d'oeuvre a eu une interprétation erronée des articles 41.5 et 41.6 du CCAG de sorte qu'il s'est mépris sur le point de départ du délai de trente jours à l'issue duquel l'entreprise était tenue de transmettre son projet de décompte final ; de plus, elle n'a ni vérifié le projet de décompte reçu le 2 juin 2017 ni alerté du risque d'application de l'article 13.4.2 du CCAG ;

- cette faute a causé à l'État un préjudice, dès lors qu'aucune des sommes en cause n'était due à la SPTPC.

Par ordonnance du 18 décembre 2020, la clôture de l'instruction a été fixée en dernier lieu au 31 janvier 2021.

II° Par une requête et un mémoire, enregistrés les 19 juillet 2019 et 16 décembre 2020 sous le n° 19BX03053, la SARL Terreneuve, représentée par Me A..., demande à la cour :

1°) prononcer le sursis à exécution du jugement du tribunal administratif de Mayotte du 21 mai 2019 ;

2°) de mettre à la charge de l'État ou de toute partie perdante la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

La SARL Terreneuve soutient que les moyens exposés sont sérieux et que l'exécution du jugement est susceptible d'entraîner des conséquences difficilement réparables.

Par un mémoire en défense, enregistré le 18 novembre 2020, le ministre de l'éducation, de la jeunesse, et des sports, conclut au rejet de la requête et fait valoir que les moyens ne sont pas fondés.

Par ordonnance du 17 décembre2020, la clôture de l'instruction a été fixée en dernier lieu au 31 janvier 2021.

III° Par une requête et un mémoire, enregistrés les 19 juillet 2019 et 16 décembre 2020 sous le n° 19BX03054, la SARL JVO Ingénierie urbaine, représentée par Me A..., demande à la cour :

1°) prononcer le sursis à exécution du jugement du tribunal administratif de Mayotte du 21 mai 2019 ;

2°) de mettre à la charge de l'État ou de toute partie perdante la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

La SARL JVO Ingénierie urbaine soutient que les moyens exposés sont sérieux et que l'exécution du jugement est susceptible d'entraîner des conséquences difficilement réparables.

Par un mémoire en défense, enregistré le 29 décembre 2020, le ministre de l'éducation, de la jeunesse, et des sports, conclut au rejet de la requête et fait valoir que les moyens ne sont pas fondés.

Par ordonnance du 7 octobre 2020, la clôture de l'instruction a été fixée en dernier lieu au 18 novembre 2020.

Vu les autres pièces de ces dossiers.

Vu :

- le code des marchés publics ;

- le décret n° 2020-1406 du 18 novembre 2020 portant adaptation des règles applicables devant les juridictions de l'ordre administratif ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme K...,

- les conclusions de Mme D... E...,

- et les observations de Me C..., représentant la SARL Terreneuve, la SARL JVO Ingénierie Urbaine, la SAS Axio, la SAS Bet F..., et la SAS Cetis ainsi que les observations de Me H..., représentant la société mahoraise de travaux publics et de construction.

Considérant ce qui suit :

1. Par acte d'engagement signé le 22 novembre 2013, l'État, agissant par le vice-recteur de Mayotte, a confié la maîtrise d'oeuvre du projet de construction du collège de Ouangani à un groupement conjoint d'entreprises composé des sociétés Terreneuve, mandataire, JVO3 Architectes et urbanistes, RPO, SATOBA Ingénierie, devenue Cetis, et M. B... F..., pour un montant de 2 053 988, 90 euros. Le lot n° 1 du marché de travaux, " installation de chantier, terrassements, gros oeuvre, charpentes métalliques, étanchéité, peinture extérieure ", d'un montant de 6 999 675 euros, porté par avenant à 7 076 648,81 euros, a été confié à la société mahoraise de travaux publics et de construction (SMTPC). Par décision du 16 janvier 2017, les travaux ont été réceptionnés.

2. Le 1er juin 2017 la SMTPC a adressé au maître d'oeuvre et au maître d'ouvrage son projet de décompte final, accompagné d'un mémoire de réclamation portant sur la somme de 7 791 282,80 et un net à payer de 714 633,99 euros. En l'absence de toute réponse, le 7 juillet 2017, la SMTPC a de nouveau notifié au vice-recteur de Mayotte son projet de décompte général. Le vice-recteur ne lui ayant pas notifié le décompte général dans le délai de dix jours à compter de la réception, la SMTPC, considérant que son projet de décompte final était devenu le décompte général du marché en application de l'article 13-4-4 du cahier des clauses administratives générales applicables au marchés de travaux, a saisi le tribunal administratif d'une demande tendant à ce que l'État soit condamné à lui verser la somme de 714 633,99 euros correspondant au solde de ce décompte.

3. Dans le jugement attaqué du 21 mai 2019, le tribunal administratif de Mayotte a, d'une part, condamné l'Etat à verser à la SMTPC la somme de 714 633,99 euros et, d'autre part, condamné le groupement conjoint d'entreprises maître d'oeuvre à garantir l'État à hauteur de la moitié des sommes mise à sa charge. Les entreprises ainsi condamnées relèvent appel de ce jugement.

4. Les requêtes n° 19BX03052, n° 19BX03053 et n° 19BX03054 sont dirigées contre un même jugement et ont fait l'objet d'une instruction commune. Il y a lieu de les joindre pour statuer par un même arrêt.

Sur la fin de non-recevoir opposée par la SMTPC :

5. La SMTPC soutient qu'en vertu de la règle qui veut que les conclusions dirigées contre un article du dispositif qui ne fait pas grief à l'appelant sont irrecevables, les conclusions de la requête n° 19BX03052 tendant à l'annulation de l'article 1er du jugement attaqué, qui porte condamnation de l'État à lui verser la somme de 714 633,99 euros, sont irrecevables. Toutefois, la requête ne contient que des conclusions tendant à l'annulation de l'article 4 du jugement attaqué, lequel condamne les appelants à garantir l'État à concurrence de la moitié des condamnations mises à sa charge. À l'appui de ces conclusions, les appelants peuvent invoquer tout moyen tendant à établir le mal-fondé de la condamnation de l'État à payer la somme de 714 633,99 euros à la SMPTC. Par suite, la fin de non-recevoir doit être écartée.

Sur le caractère définitif du décompte général de la SMTPC :

6. D'une part, aux termes de l'article 13 du cahier des clauses administratives générales applicable aux marchés publics de travaux, auquel se réfère l'article 2 du cahier des clauses administratives particulières du marché conclu entre l'État et la SMTPC : " 13.3 Demande de paiement finale : / 13.3.1. Après l'achèvement des travaux, le titulaire établit le projet de décompte final, concurremment avec le projet de décompte mensuel afférent au dernier mois d'exécution des prestations ou à la place de ce dernier. Ce projet de décompte final est la demande de paiement finale du titulaire, établissant le montant total des sommes auquel le titulaire prétend du fait de l'exécution du marché dans son ensemble, son évaluation étant faite en tenant compte des prestations réellement exécutées. (...) 13.3.2. Le titulaire transmet son projet de décompte final, simultanément au maître d'oeuvre et au représentant du pouvoir adjudicateur, par tout moyen permettant de donner une date certaine, dans un délai de trente jours à compter de la date de notification de la décision de réception des travaux telle qu'elle est prévue à l'article 41.3 ou, en l'absence d'une telle notification, à la fin de l'un des délais de trente jours fixés aux articles 41.1.3 et 41.3. / Toutefois, s'il est fait application des dispositions de l'article 41.5, la date du procès-verbal constatant l'exécution des travaux visés à cet article est substituée à la date de notification de la décision de réception des travaux comme point de départ des délais ci-dessus. / S'il est fait application des dispositions de l'article 41.6, la date de notification de la décision de réception des travaux est la date retenue comme point de départ des délais ci-dessus. / 13.3.3. Le maître d'oeuvre accepte ou rectifie le projet de décompte final établi par le titulaire. Le projet accepté ou rectifié devient alors le décompte final. / (...) 13.4. Décompte général. - Solde : / 13.4.1. Le maître d'oeuvre établit le projet de décompte général (...) / Le maître d'oeuvre transmet le projet de décompte général au représentant du pouvoir adjudicateur dans un délai compatible avec les délais de l'article 13.4.2. / 13.4.2. Le projet de décompte général est signé par le représentant du pouvoir adjudicateur et devient alors le décompte général. / Le représentant du pouvoir adjudicateur notifie au titulaire le décompte général à la plus tardive des deux dates ci-après : / - trente jours à compter de la réception par le maître d'oeuvre de la demande de paiement finale transmise par le titulaire ; / - trente jours à compter de la réception par le représentant du pouvoir adjudicateur de la demande de paiement finale transmise par le titulaire. (...) 13.4.4. si le représentant du pouvoir adjudicateur ne notifie pas au titulaire le décompte général dans les délais stipulés à l'article 13.4.2, le titulaire notifie au représentant du pouvoir adjudicateur, avec copie au maître d'oeuvre, un projet de décompte général signé, composé : / - du projet de décompte final tel que transmis en application de l'article 13.3.1 ; / - du projet d'état du solde hors révision de prix définitive, établi à partir du projet de décompte final et du dernier projet de décompte mensuel, faisant ressortir les éléments définis à l'article 13.2.1 pour les acomptes mensuels ; / - du projet de récapitulation des acomptes mensuels et du solde hors révision de prix définitive. / Dans un délai de dix jours à compter de la réception de ces documents, le représentant du pouvoir adjudicateur notifie le décompte général au titulaire. Le décompte général et définitif est alors établi dans les conditions fixées à l'article 13.4.3. / Si, dans ce délai de dix jours, le représentant du pouvoir adjudicateur n'a pas notifié au titulaire le décompte général, le projet de décompte général transmis par le titulaire devient le décompte général et définitif ".

7. D'autre part, aux termes de l'article 41 du même cahier : " Réception. 41.1. Le titulaire avise, à la fois, le maître de l'ouvrage et le maître d'oeuvre, par écrit, de la date à laquelle il estime que les travaux ont été achevés ou le seront. / Le maître d'oeuvre procède, le titulaire ayant été convoqué, aux opérations préalables à la réception des ouvrages dans un délai qui est de vingt jours à compter de la date de réception de l'avis mentionné ci-dessus ou de la date indiquée dans cet avis pour l'achèvement des travaux, si cette dernière date est postérieure. (...) 41.1.3. À défaut de la fixation de cette date par le représentant du pouvoir adjudicateur, la réception des travaux est réputée acquise à l'expiration du délai de trente jours susmentionné. (...) 41.5. S'il apparaît que certaines prestations prévues par les documents particuliers du marché et devant encore donner lieu à règlement n'ont pas été exécutées, le maître de l'ouvrage peut décider de prononcer la réception, sous réserve que le titulaire s'engage à exécuter ces prestations dans un délai qui n'excède pas trois mois. La constatation de l'exécution de ces prestations doit donner lieu à un procès-verbal dressé dans les mêmes conditions que le procès-verbal des opérations préalables à la réception prévu à l'article 41.2. / 41.6. Lorsque la réception est assortie de réserves, le titulaire doit remédier aux imperfections et malfaçons correspondantes dans le délai fixé par le représentant du pouvoir adjudicateur ou, en l'absence d'un tel délai, trois mois avant l'expiration du délai de garantie défini à l'article 44.1. (...) ".

8. Il résulte des stipulations citées aux points 6 et 7 que lorsque le pouvoir adjudicateur entend prononcer la réception en faisant application des dispositions de l'article 41.6 du cahier des clauses administratives générales applicable aux marchés de travaux, relatives à la réception avec réserve des travaux, la date de notification de la décision de réception des travaux constitue le point de départ des délais prévus au premier alinéa de l'article 13.3.2, quelle que soit l'importance des réserves émises par le pouvoir adjudicateur. En revanche, cette date est celle de la levée des réserves lorsque la réception a été prononcée sous réserves en application de l'article 41.5 de ce cahier.

9. La décision de réception des travaux du lot n° 1 du 16 janvier 2017 mentionne une réception prononcée, non seulement " avec réserves ", s'agissant des malfaçons et imperfections énumérées à l'annexe 1, mais également " sous réserve " de l'exécution des travaux et prestations énumérées à cette même annexe 1, laquelle, établie à la suite d'une visite sur place le 2 janvier 2017, ne fait aucune distinction entre les deux catégories de réserves. La SARL Terreneuve et autres font valoir que les réserves n° 26 et n° 27 de cette liste du 2 janvier 2017, relatives à la réalisation de la peinture de l'encadrement de la porte du patio du CDI, constituent non des imperfections, mais des prestations non exécutées, au sens de l'article 41.5 du cahier des clauses administratives générales, de sorte que le délai ouvert au titulaire pour transmettre son projet de décompte final ne courait qu'à compter de la date du procès-verbal constatant l'exécution de ces prestations. Toutefois, il résulte de la lecture de la décision de réception du 16 janvier 2017, qu'elle mentionne une réception sous réserve de l'exécution des travaux avant le 6 janvier 2017, soit antérieurement à la décision, et retient cette dernière date comme date d'achèvement des travaux, ce que, au demeurant, l'État ne conteste pas. Ainsi, il ne résulte pas de l'instruction qu'à la date du 16 janvier 2017, certaines prestations prévues par le marché n'avaient pas été exécutées. La SARL Terreneuve et autres ne sont, dès lors, pas fondées à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif a considéré que le délai de trente jours ouvert au titulaire du marché pour transmettre son projet de décompte final au maître d'oeuvre et au représentant du pouvoir adjudicateur avait commencé à courir le jour de la notification de la décision de réception des travaux.

Sur la responsabilité du maître d'oeuvre :

En ce qui concerne la faute :

10. L'article 1.4 du cahier des clauses particulières du marché de maîtrise d'oeuvre conclu le 22 novembre 2013 par l'État avec le groupement conjoint d'entreprises précise que la mission confiée au groupement comprend une mission relative à la direction de l'exécution des contrats de travaux (DET). L'article 7 de ce même cahier, relatif aux délais et pénalités, mentionne, au titre de la mission DET, la tâche de " Vérifier les projets de décomptes finaux des marchés de travaux et établir les décomptes généraux et soldes ". Ce décompte général doit, en application de l'article 13.4.1 du cahier des clauses administratives générales applicables en matière de marchés de travaux rappelé au point 6, être transmis au représentant du pouvoir adjudicateur dans un délai compatible avec les délais de l'article 13.4.2 de ce même cahier.

11. En vertu de ces stipulations, il appartenait au maître d'oeuvre d'établir le décompte général, après avoir vérifié le projet de décompte final transmis par l'entrepreneur, en veillant à ce que l'écoulement des délais n'entraîne pas la transformation de ce projet de décompte final en décompte général et définitif, nonobstant la circonstance que la notification du décompte général au titulaire relève de la compétence du seul représentant du pouvoir adjudicateur. La SARL Terreneuve et autres ne peuvent, pour se décharger de toute responsabilité, faire valoir que la DEAL de Mayotte, en qualité de conducteur d'opération, était débitrice d'une obligation d'assistance générale à caractère administratif, financier et technique.

12. En l'espèce, il résulte de l'instruction que la SMTPC a adressé au maître d'oeuvre et au maître d'ouvrage son projet de décompte final, accompagné d'un mémoire de réclamation portant sur un net à payer de 714 633,99 euros, le 1er juin 2017. En l'absence de toute réponse dans le délai de trente jours, la SMTPC a notifié un projet de décompte général le 7 juillet 2017. Les appelants se réfèrent, afin d'établir la réalité du contrôle exercé sur ce projet de décompte, au courriel adressé le 17 juillet 2017 par M. J..., ingénieur architecte de la société JVO3 Architectes et urbanistes, à un agent de l'académie de Mayotte, demandant à ce dernier, dans le cadre de l'instruction du mémoire de réclamation de la SMTPC, de transmettre des éléments relatifs à certains éléments de cette réclamation, relatif à l'application de l'indice BT01 pour l'actualisation des prix et la modification des taux d'octroi de mer. Toutefois, ce courriel, envoyé à la toute fin du délai de dix jours, mentionné à l'article 13.4.4 du cahier des clauses administratives générales applicable aux marchés publics de travaux, à l'expiration duquel le projet de décompte général de la SMTPC devenait le décompte général et définitif du marché, démontre que le maître d'oeuvre n'a pas transmis le projet de décompte général au représentant du pouvoir adjudicateur dans un délai compatible avec les délais de l'article 13.4.2 de ce même cahier et a ainsi commis une faute de nature à engager sa responsabilité contractuelle.

En ce qui concerne le préjudice et le lien de causalité :

13. Il résulte de l'instruction que les sommes dont le mémoire de réclamation de la SMTPC demandait le paiement et qu'elle a inscrites dans son projet de décompte général, devenu le décompte général et définitif du marché, sont relatives, à concurrence de 14 750 euros, au paiement d'études supplémentaires, dont l'État soutient qu'elles n'étaient pas nécessaires, à concurrence de 362 904,79 euros, à la mobilisation d'une grue supplémentaire, dont l'État soutient qu'elle n'a été nécessaire qu'en raison du retard de la SMTPC sur le planning EXE indice 1, à concurrence de 148 999,19 euros, à la modification des taux d'octroi de mer, qui selon le ministre ne peut être regardée comme une situation d'imprévision en l'absence de bouleversement de l'équilibre financier du marché, à concurrence de 88 458,11 euros, à l'utilisation de l'indice BT01M pour l'actualisation des prix, alors que le ministre fait valoir que le contrat prévoit l'utilisation de l'indice BT01, à concurrence de 80 243,09 euros, à des travaux supplémentaires, alors que, selon l'État, ces travaux n'ont pas été demandés à l'entreprise, à concurrence de 9 840,70 euros, à des intérêts de retard sur retards de paiement, alors qu'aucun retard n'est établi, et enfin, à concurrence de 9 438,11 euros, à des intérêts de retard appliqués à la SMTPC pour retenue sur situation et dont elle demande remboursement, alors que le ministre soutient que ces intérêts étaient justifiés en application de l'article 4.3.1 du cahier des clauses administratives particulières.

14. En se bornant à soutenir que " l'État ne démontre pas en quoi il n'aurait pas été, en toute hypothèse, débiteur des sommes inscrites au décompte général et définitif tacitement accepté ", et qu'ainsi ni l'existence d'un préjudice ni celle d'un lien de causalité ne sont établis, les appelantes, membres du groupement de maîtrise d'oeuvre du marché en cause, ne contestent pas sérieusement l'appréciation portée par les premiers juges qui les ont condamnées à garantir l'État à concurrence de la moitié des condamnations prononcées à son encontre.

Sur les conclusions subsidiaires :

15. Les appelants demandent à la cour, au cas où elle confirmerait la condamnation à garantir l'État décidée en première instance, de prononcer un partage des responsabilités entre les membres du groupement de maîtrise d'oeuvre. S'ils soutiennent que ce partage doit intervenir à concurrence de leurs responsabilités respectives, ce moyen, en tout état de cause, n'est pas assorti des précisions suffisantes pour permettre à la cour d'en apprécier le bien-fondé.

Sur les conclusions à fin de sursis à exécution du jugement :

16. Le présent arrêt statuant au fond sur la demande d'annulation du jugement, il n'y a plus lieu à statuer sur les conclusions des requêtes n° 19BX03053 et n° 19BX03054 tendant à ce qu'il soit sursis à l'exécution de ce même jugement.

Sur les conclusions au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

17. Il y a lieu de mettre à la charge des appelants, sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, la somme de 1 500 euros au profit de la SMTPC, et de rejeter leurs conclusions présentées sur ce fondement.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête n° 19BX03052 de la SARL Terreneuve et autres est rejetée.

Article 2 : Il n'y a pas lieu de statuer sur les requêtes n° 19BX03053 et n° 19BX03054.

Article 3 : La somme de 1 500 euros est mise à la charge de la SARL Terreneuve et autres, au profit de la SMTPC, au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à la SARL Terreneuve, à la SARL JVO Ingénierie urbaine, à la SAS Axio, à la SARL BET F..., à la SAS Cetis, à la société Mahoraise de travaux publics et de construction et au ministre de l'éducation nationale, de la jeunesse et des sports.

Délibéré après l'audience du 11 mars 2021 à laquelle siégeaient :

M. Éric Rey-Bèthbéder, président,

Mme Munoz-Pauziès, présidente-assesseure,

Mme G... I..., première conseillère.

Rendu public par dépôt au greffe le 8 avril 2021

Le président de chambre,

Éric Rey-Bèthbéder

La République mande et ordonne au ministre de l'éducation nationale, de la jeunesse et des sports en ce qui le concerne et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

4

N° 19BX03052-19BX03053-19BX03054


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 7ème chambre (formation à 3)
Numéro d'arrêt : 19BX03052,19BX30053,19BX03054
Date de la décision : 08/04/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

39-02 Marchés et contrats administratifs. Formation des contrats et marchés.


Composition du Tribunal
Président : M. REY-BETHBEDER
Rapporteur ?: Mme Frédérique MUNOZ-PAUZIES
Rapporteur public ?: Mme CHAUVIN
Avocat(s) : CLL AVOCATS

Origine de la décision
Date de l'import : 04/05/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2021-04-08;19bx03052.19bx30053.19bx03054 ?
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