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07/03/2025 | FRANCE | N°492102

France | France, Conseil d'État, 4ème chambre, 07 mars 2025, 492102


Vu la procédure suivante :



Par une requête et trois mémoires en réplique, enregistrés les 24 février, 12 juillet, 20 et 30 août 2024 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, M. F... D... demande au Conseil d'Etat :



1°) d'annuler pour excès de pouvoir, d'une part, la décision du 19 octobre 2023 par laquelle le président de l'université de Haute-Alsace a proposé la promotion de M. C... B... en qualité de professeur des universités au titre de la 28ème section du Conseil national des universités (CNU), ainsi que l

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Vu la procédure suivante :

Par une requête et trois mémoires en réplique, enregistrés les 24 février, 12 juillet, 20 et 30 août 2024 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, M. F... D... demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler pour excès de pouvoir, d'une part, la décision du 19 octobre 2023 par laquelle le président de l'université de Haute-Alsace a proposé la promotion de M. C... B... en qualité de professeur des universités au titre de la 28ème section du Conseil national des universités (CNU), ainsi que la décision implicite de rejet née du silence gardé par la ministre de l'enseignement supérieur et de la recherche sur son recours gracieux contre cette première décision, d'autre part, du décret du Président de la République du 26 décembre 2023 en tant qu'il nomme M. B... au titre de la 28ème section du CNU ;

2°) d'enjoindre à l'université de Haute-Alsace de reprendre la procédure au stade de la constitution du comité de promotion dans un délai de deux mois à compter de la notification de la décision à intervenir ;

3°) de mettre à la charge solidairement de l'Etat et de l'université de Haute-Alsace la somme de 6 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code de l'éducation ;

- le code général de la fonction publique ;

- le décret n° 84-431 du 6 juin 1984 ;

- le décret n° 2021-1722 du 20 décembre 2021 ;

- le décret n° 2023-172 du 9 mars 2023 ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Laurent Cabrera, conseiller d'Etat,

- les conclusions de M. Raphaël Chambon, Rapporteur public ;

La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SCP Poupet et Kacenelenbogen, avocat de M. B... et à la SCP Spinosi, avocat de l'université de Mulhouse ;

Vu la note en délibéré, enregistrée le 21 janvier 2025, présentée par M. E... ;

Considérant ce qui suit :

1. Il ressort des pièces du dossier que M. F... D..., maître de conférences à l'université de Haute-Alsace, a présenté sa candidature, par la voie temporaire d'accès par promotion interne au corps des professeurs des universités, au poste de professeur des universités dans la 28ème section " milieux denses et matériaux " du Conseil national des universités (CNU). M. D... demande l'annulation pour excès de pouvoir de la décision du 19 octobre 2023 par laquelle le président de l'université de Haute-Alsace n'a pas retenu sa candidature et a proposé la promotion de M. B... en qualité de professeur des universités au titre de cette section, ainsi que de la décision implicite de rejet née du silence gardé par la ministre de l'enseignement supérieur et de la recherche sur son recours contre cette première décision. Il demande également l'annulation pour excès de pouvoir du décret du Président de la République du 26 décembre 2023 en tant qu'il nomme M. B..., professeur des universités, affecté à cette université.

2. Aux termes de l'article L. 523-1 du code général de la fonction publique : " Afin de favoriser la promotion interne, les statuts particuliers fixent, outre l'accès par concours interne, une proportion de postes qui peuvent être proposés aux fonctionnaires ou aux agents des organisations internationales intergouvernementales pour une nomination suivant l'une des modalités ci-après : / 1° Examen professionnel, donnant lieu à l'établissement d'une liste d'aptitude dans les fonctions publiques territoriale et hospitalière ; / 2° Liste d'aptitude établie par appréciation de la valeur professionnelle et des acquis de l'expérience professionnelle des candidats. Sans renoncer à son pouvoir d'appréciation, l'autorité chargée d'établir la liste d'aptitude tient compte des lignes directrices de gestion prévues au chapitre III du titre Ier du livre IV. / Les statuts particuliers peuvent prévoir l'application de ces deux modalités, sous réserve qu'elles bénéficient à des candidats placés dans des situations différentes. "

3. Aux termes du I de l'article 4 du décret du 20 décembre 2021 créant une voie temporaire d'accès au corps des professeurs des universités et aux corps assimilés, dans sa rédaction issue du décret n° 2023-172 du 9 mars 2023 : " I. - Chaque année, le conseil d'administration de chaque établissement répartit, soit par section soit au niveau de deux sections d'un même groupe de disciplines, les possibilités de promotions arrêtées conformément aux dispositions de l'article 3 sur proposition du chef d'établissement et dans le respect des priorités nationales. / (...) ". S'agissant de la composition du comité de promotion chargé d'émettre des avis sur les candidatures, les deux premiers alinéas du II du même article disposent que " Chaque comité de promotion relatif à un ou plusieurs postes ouverts dans une ou deux sections d'un même groupe de disciplines est présidé par un professeur des universités ou un membre d'un corps assimilé. Il doit comprendre en sus à minima quatre membres du corps des professeurs des universités (...) dont au moins deux membres de chaque discipline pour laquelle une ou plusieurs candidatures ont été déclarées recevables. Le président et les membres du comité de promotion, qui peuvent être extérieurs à l'établissement, sont désignés par le conseil académique (...), en formation restreinte aux professeurs d'université (...). / La composition du comité de promotion est rendue publique avant le début de ses travaux ". L'avant-dernier alinéa de ce II énonce ensuite que " Chaque comité de promotion rend deux avis sur le dossier de chaque candidat. L'un des avis porte sur l'aptitude professionnelle et l'autre sur les acquis de leur expérience professionnelle en prenant en compte, dans chaque cas, à la fois leur investissement pédagogique, la qualité de leur activité scientifique et leur investissement dans des tâches d'intérêt collectif. Chacun des deux avis est soit très favorable, soit favorable, soit réservé ". Il est ensuite prévu, par les dispositions du III et du IV de cet article, que " Dans la limite de quatre candidats par emploi ouvert à cette voie d'accès par promotion interne, les candidats ayant reçu les avis les plus favorables par les instances consultatives mentionnées au troisième alinéa du I et au II du présent article sont entendus par le comité de promotion. / (...) A l'issue des auditions, le comité de promotion établit, pour chaque possibilité de promotion, les comptes rendus de chacune des auditions et les adresse au chef d'établissement, accompagnés de la liste classée par ordre alphabétique des candidats auditionnés. / L'audition a pour objet d'éclairer la décision du chef de l'établissement sur la motivation du candidat et sur son aptitude à exercer les missions et responsabilités dévolues aux membres du corps des professeurs des universités ou des corps assimilés. / Le chef de l'établissement établit la liste des candidats dont la nomination est proposée dans l'un des corps mentionnés à l'article 1er. / La nomination, prononcée par décret du Président de la République, prend effet au 1er septembre de l'année au titre de laquelle elle est prononcée ".

4. Il résulte des dispositions citées aux points 2 et 3 que dans le cadre de la procédure de promotion interne de maîtres de conférences dans le corps des professeurs des universités résultant du décret du 20 décembre 2021, tel que modifié par le décret du 9 mars 2023, d'une part, le Conseil national des universités, après avoir entendu deux rapporteurs, puis le comité de promotion, rendent chacun, successivement, deux avis sur le dossier des candidats, l'un sur leur aptitude professionnelle et l'autre sur les acquis de leur expérience professionnelle, en prenant en compte, pour chacun de ces avis, l'investissement pédagogique, la qualité de l'activité scientifique et l'investissement dans des tâches d'intérêt collectif, d'autre part, le comité de promotion, après avoir entendu les candidats ayant eu les avis les plus favorables - dans la limite de quatre -, afin d'éclairer leur motivation et leur aptitude à exercer les missions et responsabilités dévolues aux membres du corps des professeurs des universités, établit les comptes rendus de chacune des auditions et les adresse au chef d'établissement, accompagnés de la liste classée par ordre alphabétique des candidats auditionnés. Le chef d'établissement dresse ensuite la liste des candidats dont la nomination est proposée dans le corps des professeurs des universités, au vu de l'ensemble de ces éléments et en tenant compte, sans pour autant renoncer à son pouvoir d'appréciation, des principes et critères fixés par les lignes directrices de gestion édictées par le ministre chargé de l'enseignement supérieur et par les autorités compétentes de l'université, le principe d'indépendance des enseignants-chercheurs s'opposant toutefois à ce qu'il use de ce pouvoir d'appréciation en se fondant sur des motifs étrangers à l'administration de l'université tels, en particulier, la qualification scientifique des candidats telle qu'évaluée par le Conseil national des universités et le comité de promotion. Enfin, la nomination intervient par décret du Président de la République.

5. En premier lieu, M. D... soutient que la composition du comité de promotion arrêtée pour le recrutement litigieux est contraire au principe d'impartialité en raison des liens existant entre, d'une part, Mme A..., professeure des universités au sein de l'institut de science des matériaux de Mulhouse de l'université de Haute-Alsace et membre du comité de promotion, d'autre part, M. B..., candidat promu. Or la seule présence au sein d'un tel organisme chargé d'émettre un avis sur les candidatures à une promotion au choix d'une personne ayant entretenu ou entretenant des relations professionnelles avec un candidat ne peut être regardée, par elle-même, comme caractérisant un défaut d'impartialité. En l'espèce, bien que Mme A... ait, entre 2015 et 2021, cosigné des articles avec plusieurs auteurs, dont M. B..., et " animé " avec ce dernier diverses conférences, ces liens ne suffisent pas à eux seuls à caractériser un défaut d'impartialité de la première en faveur du second. Par ailleurs, si M. D... fait également valoir que Mme A... et lui-même avaient entretenu des relations conflictuelles au sujet de la succession de cette dernière en tant que responsable pédagogique de la deuxième année de licence de physique-chimie de l'université de Haute-Alsace, ces allégations, qui ne sont ni étayées ni justifiées, ne peuvent qu'être écartées. S'il soutient enfin que Mme A... ne pouvait ignorer la contestation de la validité scientifique des résultats des travaux menés par M. B..., cette circonstance, à la supposer avérée, est sans incidence sur la régularité de la composition du comité de promotion. Par suite, le moyen tiré de ce que les décisions attaquées ont été prises au terme d'une procédure irrégulière en raison de la présence de Mme A... au sein du comité de promotion doit être écarté.

6. En second lieu, il résulte de ce qui a été dit au point précédent que M. D... ne saurait sérieusement soutenir qu'en s'abstenant d'informer le comité de promotion des critiques qu'il avait formulées à l'encontre des travaux de M. B..., Mme A..., à qui il n'appartenait pas de faire état au sein du comité de promotion des éléments de controverse scientifique opposant un candidat à un autre, aurait eu un comportement frauduleux entachant d'illégalité les décisions attaquées. En tout état de cause, il ressort des pièces du dossier qu'à la suite de son audition par le comité de promotion, M. D... a, le 3 octobre 2023, fait part de ses doutes concernant l'intégrité des travaux scientifiques de M. B... au président de ce comité, qui a transmis ce signalement au président de l'université de Haute-Alsace, qui en a lui-même saisi le référent à l'intégrité scientifique de l'université, lequel a conclu qu'aucun des faits " dénoncés " ne permettait de caractériser une atteinte à l'intégrité scientifique ou à la déontologie universitaire et scientifique de la part de M. B....

7. Il résulte de tout ce qui précède, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur la fin de non-recevoir opposée par l'université de Haute-Alsace, que M. D... n'est pas fondé à demander l'annulation pour excès de pouvoir des décisions qu'il attaque. Les conclusions qu'il présente à fin d'injonction doivent, par suite, également être rejetées.

8. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit aux conclusions présentées par M. B... au titre des dispositions de l'article 41 de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse, reproduites à l'article L. 741-2 du code de justice administrative, dès lors que les passages litigieux figurant dans les écritures de M. D... n'excèdent pas les limites de la controverse entre parties dans le cadre d'une procédure contentieuse et ne présentent pas un caractère injurieux, outrageant ou diffamatoire.

9. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'une somme soit mise à ce titre à la charge de l'Etat et de l'université de Haute-Alsace qui ne sont pas, dans la présente instance, les parties perdantes. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de M. D... une somme de 3 000 euros à verser à M. B... au titre des mêmes dispositions. En revanche, il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit aux conclusions présentées par l'université de Haute-Alsace au même titre.

D E C I D E :

--------------

Article 1er : La requête de M. D... est rejetée.

Article 2 : M. D... versera à M. B... une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 7611 du code de justice administrative.

Article 3 : Le surplus des conclusions de M. B... et les conclusions de l'université de Haute-Alsace présentées au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetés.

Article 4 : La présente décision sera notifiée à M. F... D..., à l'université de Haute-Alsace, au Premier ministre, à la ministre d'Etat, ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche et à M. C... B....


Synthèse
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 492102
Date de la décision : 07/03/2025
Type de recours : Excès de pouvoir

Publications
Proposition de citation : CE, 07 mar. 2025, n° 492102
Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Laurent Cabrera
Rapporteur public ?: M. Raphaël Chambon
Avocat(s) : SCP SPINOSI ; SCP POUPET & KACENELENBOGEN

Origine de la décision
Date de l'import : 09/03/2025
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2025:492102.20250307
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