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30/04/2024 | FRANCE | N°465829

France | France, Conseil d'État, 5ème - 6ème chambres réunies, 30 avril 2024, 465829


Vu la procédure suivante :



M. A... C... et Mme B... C... ont demandé au tribunal administratif de Pau d'annuler la délibération du 12 avril 2018 par laquelle le conseil communautaire de la communauté de communes du Nord-Est Béarn a approuvé le plan local d'urbanisme de la commune de Saint-Castin (Pyrénées-Atlantique) en tant qu'il classe les parcelles cadastrées section A n° 978 et 980 en zone agricole, ainsi que la décision du 6 août 2018 par laquelle le président de la communauté de communes du Nord-Est Béarn a rejeté leur recours gracieux contr

e cette délibération.



Par un premier jugement n° 1802316 d...

Vu la procédure suivante :

M. A... C... et Mme B... C... ont demandé au tribunal administratif de Pau d'annuler la délibération du 12 avril 2018 par laquelle le conseil communautaire de la communauté de communes du Nord-Est Béarn a approuvé le plan local d'urbanisme de la commune de Saint-Castin (Pyrénées-Atlantique) en tant qu'il classe les parcelles cadastrées section A n° 978 et 980 en zone agricole, ainsi que la décision du 6 août 2018 par laquelle le président de la communauté de communes du Nord-Est Béarn a rejeté leur recours gracieux contre cette délibération.

Par un premier jugement n° 1802316 du 13 octobre 2020, le tribunal administratif a sursis à statuer sur leur demande, en application de l'article L. 600-9 du code de l'urbanisme, jusqu'à l'expiration d'un délai de trois mois à compter de la date de notification du jugement, imparti à la communauté de communes du Nord-Est Béarn pour notifier au tribunal une délibération régularisant l'insuffisance de la note explicative de synthèse transmise aux conseillers communautaires préalablement à l'adoption de cette délibération, puis, par jugement du 31 mars 2021, le tribunal administratif, après avoir constaté que le vice affectant la délibération du 13 octobre 2020 avait été régularisé par une délibération du 17 décembre 2020, a rejeté la demande de M. et Mme C....

Par un arrêt n° 21BX02005 du 17 mai 2022, la cour administrative d'appel de Bordeaux a rejeté l'appel formé par M. et Mme C... contre le premier et le second jugements.

Par un pourvoi sommaire et un mémoire complémentaire, enregistrés les 18 juillet et 14 octobre 2022 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, M. et Mme C... demandent au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler cet arrêt ;

2°) réglant l'affaire au fond, de faire droit à leur appel ;

3°) de mettre à la charge de la communauté de communes du Nord-Est Béarn la somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code général des collectivités territoriales ;

- le code de l'urbanisme ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Cyrille Beaufils, maître des requêtes,

- les conclusions de M. Maxime Boutron, rapporteur public.

La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SCP Rocheteau, Uzan-Sarano et Goulet, avocat de M. et Mme C... et à la SCP Gury et Maître, avocat de la communauté de communes du Nord-Est Béarn.

Considérant ce qui suit :

1. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que M. et Mme C... ont demandé au tribunal administratif de Pau d'annuler pour excès de pouvoir le plan local d'urbanisme (PLU) approuvé le 12 avril 2018 par le conseil communautaire de la communauté de communes Nord-Est Béarn qui a classé en zone agricole les parcelles cadastrées n° 978 et 980 leur appartenant, sur le territoire de la commune de Saint-Castin (Pyrénées-Atlantiques). Par un premier jugement du 13 octobre 2020, le tribunal administratif a sursis à statuer sur leur demande, en application de l'article L. 600-9 du code de l'urbanisme, jusqu'à l'expiration d'un délai de trois mois imparti à la communauté de communes du Nord-Est Béarn pour lui notifier une délibération régularisant l'insuffisance de la note explicative de synthèse transmise aux conseillers communautaires préalablement à l'adoption de cette délibération, puis, par jugement du 31 mars 2021, après avoir constaté que le vice affectant la délibération du 13 octobre 2020 avait été régularisé par une délibération du 17 décembre 2020, il a rejeté la demande de M. et Mme C.... Par l'arrêt attaqué du 17 mai 2022, la cour administrative d'appel de Bordeaux a rejeté l'appel formé par les intéressés contre ces deux jugements.

Sur la régularité de l'arrêt attaqué :

2. Devant les juridictions administratives et dans l'intérêt d'une bonne administration de la justice, le juge a toujours la faculté de rouvrir l'instruction, qu'il dirige, lorsqu'il est saisi d'une production postérieure à la clôture de celle-ci. Il lui appartient, dans tous les cas, de prendre connaissance de cette production avant de rendre sa décision et de la viser. Eu égard à l'objet de l'obligation ainsi prescrite, qui est de permettre à l'auteur de la production de s'assurer que la formation de jugement en a pris connaissance, la circonstance qu'un mémoire produit postérieurement à la clôture de l'instruction n'a pas été mentionné dans la décision, en méconnaissance de cette obligation, ne peut être utilement invoquée pour contester la décision rendue que par la partie qui a produit ce mémoire.

3. Il résulte des pièces du dossier soumis à la cour administrative d'appel de Bordeaux qu'un mémoire en défense a été produit par la communauté de communes Nord-Est Béarn et enregistré au greffe de la juridiction le 15 mars 2022, soit postérieurement à la clôture de l'instruction qui avait été fixée au 28 février 2022 par une ordonnance prise le 27 mai 2021 par le président de la 5ème chambre de la cour, et avant l'audience publique tenue le 5 avril 2022. Si, en omettant de viser ce mémoire, la cour administrative d'appel a méconnu les règles rappelées au point précédent, il résulte également de ces mêmes règles que, dès lors que M. et Mme C... ne sont pas les auteurs du mémoire dont il s'agit, leur moyen tiré de cette irrégularité ne peut qu'être écarté.

Sur le bien-fondé de l'arrêt attaqué :

En ce qui concerne les modifications apportées au projet après l'enquête publique :

4. Aux termes de l'article L. 123-10 du code de l'urbanisme, dans sa version applicable en l'espèce : " Le projet de plan local d'urbanisme arrêté est soumis à enquête publique réalisée conformément au chapitre III du titre II du livre Ier du code de l'environnement par le président de l'établissement public de coopération intercommunale ou, dans le cas prévu par le deuxième alinéa de l'article L. 123-6, le maire. Le dossier soumis à l'enquête comprend, en annexe, les avis recueillis en application des articles L. 121-5, L. 123-8, L. 123-9, et, le cas échéant, du premier alinéa de l'article L. 123-6. / (...) Après l'enquête publique réalisée conformément au chapitre III du titre II du livre Ier du code de l'environnement, le plan local d'urbanisme, éventuellement modifié pour tenir compte des avis qui ont été joints au dossier, des observations du public et du rapport du commissaire ou de la commission d'enquête, est approuvé par délibération du conseil municipal (...) ". Il résulte de ces dispositions que l'autorité compétente ne peut modifier le projet de PLU postérieurement à l'enquête publique qu'à la double condition que l'économie générale du projet ne soit pas remise en cause et que cette modification procède de l'enquête publique.

5. D'une part, si la création au sein de la zone N, d'une zone Ni, correspondant à des emprises exposées à un risque d'inondation, ne figurait pas dans le projet soumis à l'enquête publique, elle résulte, ainsi que l'énonce l'arrêt attaqué, de la prise en compte d'un avis des services de l'Etat émis le 11 octobre 2017, antérieur à l'enquête publique, prescrite par arrêté du 29 novembre 2017. Il ressort toutefois des pièces du dossier soumis aux juges du fond que le commissaire enquêteur, dans son avis du 12 mars 2018, a recommandé de suivre cet avis, qui était joint au dossier de l'enquête. Dans ces conditions, en jugeant que la création de la zone Ni devait être regardée comme résultant de l'enquête publique et qu'elle ne méconnaissait pas les dispositions citées au point 4, la cour administrative d'appel, dont l'arrêt est suffisamment motivé sur ce point, n'a ni commis une erreur de droit, ni dénaturé les faits et pièces du dossier.

6. D'autre part, pour juger que la création d'une nouvelle zone Ni et le reclassement des parcelles A n° 913, 915 et 257, auxquels il a été procédé postérieurement à l'enquête publique, ne modifiaient pas l'économie générale du projet et n'imposaient, dès lors, pas une nouvelle enquête, les juges du fond ont procédé, ainsi qu'il leur incombait, à une appréciation d'ensemble de la nature et de l'importance des modifications opérées au regard notamment de l'objet et du périmètre du plan ainsi que de leur effet sur le parti d'aménagement retenu, sans se fonder uniquement sur le caractère limité des surfaces en cause, et n'ont, par suite, pas commis d'erreur de droit sur ce point.

En ce qui concerne l'information délivrée aux conseillers communautaires :

7. Aux termes du premier alinéa de l'article L. 2121-12 du code général des collectivités territoriales : " Dans les communes de 3 500 habitants et plus, une note explicative de synthèse sur les affaires soumises à délibération doit être adressée avec la convocation aux membres du conseil municipal. " Aux termes de l'article L. 5211-1 du même code : " Les dispositions du chapitre Ier du titre II du livre Ier de la deuxième partie relatives au fonctionnement du conseil municipal sont applicables au fonctionnement de l'organe délibérant des établissements publics de coopération intercommunale, en tant qu'elles ne sont pas contraires aux dispositions du présent titre. (...) / Pour l'application des articles L. 2121-11 et L. 2121-12, ces établissements sont soumis aux règles applicables aux communes de 3 500 habitants et plus (...) ". Il résulte de ces dispositions que les documents joints à la convocation doivent comprendre une note explicative de synthèse sur les affaires soumises à délibération afin de permettre aux membres de l'organe délibérant de disposer d'une information suffisante pour se prononcer en toute connaissance de cause.

8. D'une part, l'arrêt attaqué n'est pas entaché d'erreur de droit pour avoir retenu que la circonstance que la note adressée aux conseillers communautaires reproduisait une partie du rapport de présentation du PLU n'était pas à elle seule de nature à la faire regarder comme méconnaissant les dispositions citées au point 7. D'autre part, en jugeant que, dans les circonstances de l'espèce, cette note avait permis aux membres de l'organe délibérant de disposer d'une information suffisante pour se prononcer en toute connaissance de cause, les juges du fond ont porté sur les pièces du dossier qui leur était soumis une appréciation souveraine exempte de dénaturation.

Sur le classement en zone A des parcelles n° 978 et 980 :

9. Aux termes de l'article R. 151-22 du code de l'urbanisme : " Les zones agricoles sont dites " zones A ". Peuvent être classés en zone agricole les secteurs de la commune, équipés ou non, à protéger en raison du potentiel agronomique, biologique ou économique des terres agricoles ". Il résulte des articles L. 151-5, L. 151-9, R. 151-22 et R. 151-23 du code de l'urbanisme qu'une zone agricole, dite "zone A", du plan local d'urbanisme a vocation à couvrir, en cohérence avec les orientations générales et les objectifs du projet d'aménagement et de développement durables, un secteur, équipé ou non, à protéger en raison du potentiel agronomique, biologique ou économique des terres agricoles.

10. D'une part, en estimant que les parcelles A n° 978 et 980 présentaient le caractère de " prairies temporaires ", les juges du fond ont nécessairement estimé, par une appréciation souveraine, exempte de dénaturation, que ces terrains présentaient en eux-mêmes un intérêt agricole. Les requérants ne sont dès lors pas fondés à soutenir que l'arrêt attaqué serait, faute d'avoir relevé qu'ils présentaient un tel intérêt, insuffisamment motivé.

11. D'autre part, les juges du fond ont pu, sans dénaturer les faits et pièces du dossier qui leur étaient soumis, estimer que le classement en zone A des parcelles litigeuses, d'une superficie d'environ 2300 m², n'était pas entaché d'erreur manifeste d'appréciation, eu égard tant à leurs caractéristiques propres, comme il a été dit au point 10, qu'aux objectifs de modération de la consommation de l'espace, de lutte contre l'étalement urbain et de protection des espaces agricoles et naturels retenus par le plan d'aménagement et de développement durable du PLU, qu'à leur situation à la jonction de deux espaces cultivés.

12. Il résulte tout de ce qui précède que M. et Mme C... ne sont pas fondés à demander l'annulation de l'arrêt qu'ils attaquent.

13. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'une somme soit mise, à ce titre, à la charge de la communauté de communes du Nord-Est Béarn qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de M. et Mme C... la somme de 3 000 euros à verser, sur le fondement de ces dispositions, à la communauté de communes du Nord-Est Béarn.

D E C I D E :

--------------

Article 1er : Le pourvoi de M. et Mme C... est rejeté.

Article 2 : M. et Mme C... verseront à la communauté de communes du Nord-Est Béarn une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : La présente décision sera notifiée à M. A... C..., représentant unique désigné, à la communauté de communes Nord-Est Béarn et à la commune de Saint-Castin.

Délibéré à l'issue de la séance du 25 mars 2024 où siégeaient : M. Rémy Schwartz, président adjoint de la section du contentieux, présidant ; Mme Isabelle de Silva, présidente de chambre ; M. Jean-Philippe Mochon, président de chambre ; Mme Fabienne Lambolez, conseillère d'Etat ; M. Alain Seban, M. Cyril Roger-Lacan, M. Laurent Cabrera, M. Stéphane Hoynck, conseillers d'Etat et M. Cyrille Beaufils, maître des requêtes-rapporteur.

Rendu le 30 avril 2024.

Le président :

Signé : M. Rémy Schwartz

Le rapporteur :

Signé : M. Cyrille Beaufils

Le secrétaire :

Signé : M. Bernard Longieras


Synthèse
Formation : 5ème - 6ème chambres réunies
Numéro d'arrêt : 465829
Date de la décision : 30/04/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

PROCÉDURE - JUGEMENTS - RÉDACTION DES JUGEMENTS - VISAS - DÉFAUT DE MENTION - DANS LA DÉCISION JURIDICTIONNELLE ATTAQUÉE - D’UN MÉMOIRE PRODUIT POSTÉRIEUREMENT À LA CLÔTURE DE L’INSTRUCTION – MOYEN NE POUVANT ÊTRE UTILEMENT INVOQUÉ QUE PAR LA PARTIE QUI A PRODUIT CE MÉMOIRE [RJ1].

54-06-04-01 Devant les juridictions administratives et dans l’intérêt d’une bonne administration de la justice, le juge a toujours la faculté de rouvrir l’instruction, qu’il dirige, lorsqu’il est saisi d’une production postérieure à la clôture de celle-ci. Il lui appartient, dans tous les cas, de prendre connaissance de cette production avant de rendre sa décision et de la viser. Eu égard à l’objet de l’obligation ainsi prescrite, qui est de permettre à l’auteur de la production de s’assurer que la formation de jugement en a pris connaissance, la circonstance qu’un mémoire produit postérieurement à la clôture de l’instruction n’a pas été mentionné dans la décision, en méconnaissance de cette obligation, ne peut être utilement invoquée pour contester la décision rendue que par la partie qui a produit ce mémoire.

PROCÉDURE - POUVOIRS ET DEVOIRS DU JUGE - QUESTIONS GÉNÉRALES - MOYENS - MOYENS INOPÉRANTS - MOYEN TIRÉ DU DÉFAUT DE MENTION - DANS LA DÉCISION JURIDICTIONNELLE ATTAQUÉE - D’UN MÉMOIRE PRODUIT POSTÉRIEUREMENT À LA CLÔTURE DE L’INSTRUCTION - SOULEVÉ PAR UNE AUTRE PARTIE QUE CELLE QUI A PRODUIT CE MÉMOIRE [RJ1].

54-07-01-04-03 Devant les juridictions administratives et dans l’intérêt d’une bonne administration de la justice, le juge a toujours la faculté de rouvrir l’instruction, qu’il dirige, lorsqu’il est saisi d’une production postérieure à la clôture de celle-ci. Il lui appartient, dans tous les cas, de prendre connaissance de cette production avant de rendre sa décision et de la viser. Eu égard à l’objet de l’obligation ainsi prescrite, qui est de permettre à l’auteur de la production de s’assurer que la formation de jugement en a pris connaissance, la circonstance qu’un mémoire produit postérieurement à la clôture de l’instruction n’a pas été mentionné dans la décision, en méconnaissance de cette obligation, ne peut être utilement invoquée pour contester la décision rendue que par la partie qui a produit ce mémoire.


Publications
Proposition de citation : CE, 30 avr. 2024, n° 465829
Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Cyrille Beaufils
Rapporteur public ?: M. Maxime Boutron
Avocat(s) : SCP ROCHETEAU, UZAN-SARANO & GOULET ; SCP GURY & MAITRE

Origine de la décision
Date de l'import : 17/05/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2024:465829.20240430
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