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26/04/2024 | FRANCE | N°467046

France | France, Conseil d'État, 6ème - 5ème chambres réunies, 26 avril 2024, 467046


Vu les procédures suivantes :



Par trois requêtes, la société Foncière Industrie a demandé au tribunal administratif de Lyon, d'une part, d'annuler l'arrêté du 4 janvier 2018 par lequel le préfet du Rhône l'a mise en demeure, au titre de la législation sur les installations classées pour la protection de l'environnement, soit de déclarer la cessation définitive de son activité de transit et regroupement de déchets non dangereux et de procéder à l'évacuation des déchets stockés dans l'entrepôt dont elle était locataire à Brignais soit de régu

lariser cette activité, et d'enjoindre au préfet d'adresser une mise en demeure à la...

Vu les procédures suivantes :

Par trois requêtes, la société Foncière Industrie a demandé au tribunal administratif de Lyon, d'une part, d'annuler l'arrêté du 4 janvier 2018 par lequel le préfet du Rhône l'a mise en demeure, au titre de la législation sur les installations classées pour la protection de l'environnement, soit de déclarer la cessation définitive de son activité de transit et regroupement de déchets non dangereux et de procéder à l'évacuation des déchets stockés dans l'entrepôt dont elle était locataire à Brignais soit de régulariser cette activité, et d'enjoindre au préfet d'adresser une mise en demeure à la société Alliance MJ, ès-qualité de liquidateur judiciaire de la société Collectors, d'autre part, d'annuler l'arrêté du 31 août 2018 par lequel le préfet du Rhône lui a infligé une astreinte administrative journalière de 50 euros jusqu'à la complète exécution des prescriptions de son arrêté de mise en demeure, enfin, d'annuler l'arrêté préfectoral du 26 décembre 2018 prononçant la liquidation partielle de l'astreinte administrative journalière qui lui a été infligée, à hauteur de 3 200 euros.

Par un jugement n° 1800620 - 1808050 - 1902079 du 10 octobre 2019, le tribunal administratif de Lyon a annulé les arrêtés préfectoraux des 4 janvier, 31 août et 26 décembre 2018 et a déchargé la société Foncière Industrie de l'obligation de payer la somme de 3 200 euros dont elle avait été constituée débitrice.

Par un arrêt n° 19LY04625 du 29 juin 2022, la cour administrative d'appel de Lyon a rejeté l'appel formé par le ministre de la transition écologique contre ce jugement.

1° Sous le n° 467046, par un pourvoi sommaire, un mémoire complémentaire et un mémoire en réplique, enregistrés les 29 août et 30 novembre 2022 et 11 mai 2023 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la société Marie Dubois, venant aux droits de la société Alliance MJ, agissant es-qualité de liquidateur judiciaire de la société Collectors, demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler cet arrêt ;

2°) de mettre à la charge de la société Foncière Industrie la somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

2° Sous le n° 467144, par un pourvoi, enregistré le 30 août 2022 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, le ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires demande au Conseil d'Etat d'annuler le même arrêt.

....................................................................................

Vu les autres pièces des dossiers ;

Vu :

- le code de l'environnement ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de Mme Nathalie Destais, conseillère d'Etat,

- les conclusions de M. Frédéric Puigserver, rapporteur public ;

La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SARL Matuchansky, Poupot, Valdelièvre, Rameix, avocat de la société Marie Dubois et à la SCP Le Guerer, Bouniol-Brochier, avocat de la société Foncière Industrie ;

Une note en délibéré, enregistrée le 20 mars 2024, a été présentée par la société Foncière Industrie sous les nos 467046 et 467144.

Considérant ce qui suit :

1. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que la société Foncière Industrie, qui exerce une activité de promotion immobilière, louait un entrepôt dont elle était propriétaire, dans la commune de Mornant, à la société Collectors qui y exploitait une activité de stockage de déchets non dangereux, constitués de cartouches d'encre et toners usagés. Après le placement en liquidation judiciaire, en juillet 2016, de la société Collectors, le préfet du Rhône a, par un arrêté du 6 avril 2017, mis en demeure cette société de déposer un dossier de cessation d'activité et de procéder à l'évacuation de l'ensemble des déchets présents dans l'entrepôt de Mornant vers les filières dûment autorisées. Auparavant, le 7 mars 2017, la société Foncière Industrie, qui souhaitait vendre cet entrepôt, a fait déplacer les déchets dans un local qu'elle a loué sur le territoire de la commune de Brignais. Lorsque le 4 août 2017, la société Alliance MJ, liquidatrice judiciaire de la société Collectors, a déposé un dossier de cessation d'activité, elle y a fait état de l'évacuation des déchets de l'entrepôt de Mornant, constatée par l'inspection des installations classées, laquelle a également constaté, le 3 octobre 2017, le stockage de ces mêmes déchets sur le site de Brignais occupé par la société Foncière Industrie. Par un arrêté du 4 janvier 2018, le préfet du Rhône a alors mis en demeure la société Foncière Industrie, soit de procéder à l'évacuation des déchets présents sur ce dernier site et de déposer un dossier de cessation d'activité dans un délai de trois mois, soit de régulariser, dans le même délai, la situation administrative de cette activité de transit et regroupement de déchets non dangereux, soumise à autorisation. Puis, par ses arrêtés du 31 août et du 26 décembre 2018, le préfet a prononcé à l'encontre de la société Foncière Industrie une astreinte de 50 euros par jour de retard à défaut d'exécution de ses prescriptions, et liquidé partiellement cette astreinte à hauteur de 3 200 euros. Par un jugement du 10 octobre 2019, le tribunal administratif de Lyon a annulé ces trois arrêtés. Par un arrêt du 29 juin 2022, la cour administrative d'appel de Lyon a admis l'intervention de la société Alliance MJ en sa qualité de liquidatrice judiciaire de la société Collectors et confirmé le jugement du tribunal administratif. Par deux pourvois, qu'il y a lieu de joindre pour statuer par une seule décision, le ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, d'une part, la société Marie Dubois venant aux droits de la société Alliance MJ, d'autre part, demandent au Conseil d'Etat l'annulation de cet arrêt.

2. Aux termes de l'article L. 511-1 du code de l'environnement : " Sont soumis aux dispositions du présent titre les usines, ateliers, dépôts, chantiers et, d'une manière générale, les installations exploitées ou détenues par toute personne physique ou morale, publique ou privée, qui peuvent présenter des dangers ou des inconvénients soit pour la commodité du voisinage, soit pour la santé, la sécurité, la salubrité publiques, soit pour l'agriculture, soit pour la protection de la nature, de l'environnement et des paysages, soit pour l'utilisation rationnelle de l'énergie, soit pour la conservation des sites et des monuments ainsi que des éléments du patrimoine archéologique ". Selon l'article L. 512-6-1 du même code : " Lorsqu'une installation autorisée avant le 1er février 2004 est mise à l'arrêt définitif, son exploitant place son site dans un état tel qu'il ne puisse porter atteinte aux intérêts mentionnés à l'article L. 511-1 et qu'il permette un usage futur du site déterminé conjointement avec le maire ou le président de l'établissement public de coopération intercommunale compétent en matière d'urbanisme et, s'il ne s'agit pas de l'exploitant, le propriétaire du terrain sur lequel est sise l'installation ". Aux termes de l'article R. 512-39-1 de ce code : " I.- Lorsqu'une installation classée soumise à autorisation est mise à l'arrêt définitif, l'exploitant notifie au préfet la date de cet arrêt trois mois au moins avant celui-ci. Ce délai est porté à six mois dans le cas des installations visées à l'article R. 512-35. (...) III.- En outre, l'exploitant doit placer le site de l'installation dans un état tel qu'il ne puisse porter atteinte aux intérêts mentionnés à l'article L. 511-1 et qu'il permette un usage futur du site déterminé selon les dispositions des articles R. 512-39-2 et R. 512-39-3 ". Selon l'article L. 171-7 du même code : " I. Indépendamment des poursuites pénales qui peuvent être exercées, lorsque des installations ou ouvrages sont exploités, des objets et dispositifs sont utilisés ou des travaux, opérations, activités ou aménagements sont réalisés sans avoir fait l'objet de l'autorisation, de l'enregistrement, de l'agrément, de l'homologation, de la certification ou de la déclaration requis en application du présent code, ou sans avoir tenu compte d'une opposition à déclaration, l'autorité administrative compétente met l'intéressé en demeure de régulariser sa situation dans un délai qu'elle détermine, et qui ne peut excéder une durée d'un an ".

3. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que la société Foncière Industrie, d'une part, a fait procéder de sa propre initiative, à l'évacuation des déchets non dangereux qui étaient stockés par la société Collectors dans l'entrepôt de Mornant dont celle-ci était l'exploitante, d'autre part, a fait entreposer ces déchets sur un autre site qu'elle a loué à cette fin à Brignais, et, enfin, a entrepris des démarches en vue de leur traitement en en faisant expédier une partie vers l'Allemagne. Dans ces circonstances, la cour, en estimant que le déplacement des déchets en cause était sans incidence sur leur qualification, et en jugeant que la société Foncière Industrie ne pouvait être regardée comme exerçant, de fait, sur le site qu'elle avait retenu à Brignais, une activité de transit et de regroupement de déchets lui conférant la qualité d'exploitant d'une installation relevant de la rubrique 2714 de la nomenclature des installations classées pour la protection de l'environnement, distincte de l'installation située à Mornant et faisant l'objet de la mise en demeure antérieure de remise en état du site adressée par le préfet à la société Collectors, a entaché l'arrêt attaqué d'une erreur de qualification juridique des faits.

4. Il résulte de ce qui précède que le ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires et la société Marie Dubois sont fondés à demander l'annulation de l'arrêt de la cour administrative d'appel de Lyon qu'ils attaquent.

5. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la société Foncière Industrie une somme de 3 000 euros à verser à la société Marie Dubois au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Ces dispositions font obstacle à ce qu'une somme soit mise à ce titre à la charge de l'Etat et de la société Marie Dubois qui ne sont pas, dans la présente instance, les parties perdantes.

D E C I D E :

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Article 1er : L'arrêt du 29 juin 2022 de la cour administrative d'appel de Lyon est annulé.

Article 2 : L'affaire est renvoyée à la cour administrative d'appel de Lyon.

Article 3 : La société Foncière Industrie versera une somme de 3 000 euros à la société Marie Dubois au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Les conclusions présentées par la société Foncière Industrie au titre des mêmes dispositions sont rejetées.

Article 4 : La présente décision sera notifiée à la société Marie Dubois, au ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires et à la société Foncière Industrie.

Délibéré à l'issue de la séance du 20 mars 2024 où siégeaient : M. Rémy Schwartz, président adjoint de la section du contentieux, présidant ; Mme Isabelle de Silva, M. Jean-Philippe Mochon, présidents de chambre ; Mme Fabienne Lambolez, M. Alain Seban, M. Cyril Roger-Lacan, M. Stéphane Hoynck, M. Laurent Cabrera, conseillers d'Etat et Mme Nathalie Destais, conseillère d'Etat-rapporteure.

Rendu le 26 avril 2024.

Le président :

Signé : M. Rémy Schwartz

La rapporteure :

Signé : Mme Nathalie Destais

La secrétaire :

Signé : Mme Marie-Adeline Allain


Synthèse
Formation : 6ème - 5ème chambres réunies
Numéro d'arrêt : 467046
Date de la décision : 26/04/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

NATURE ET ENVIRONNEMENT - INSTALLATIONS CLASSÉES POUR LA PROTECTION DE L'ENVIRONNEMENT - RÉGIME JURIDIQUE - EXPLOITANT D’UNE ICPE – NOTION – INCLUSION – SOCIÉTÉ AYANT DÉPLACÉ DE SA PROPRE INITIATIVE - VERS UN NOUVEAU SITE - LES DÉCHETS QUI ÉTAIENT STOCKÉS DANS SES LOCAUX PAR UN EXPLOITANT D’UNE ACTIVITÉ DE STOCKAGE DE DÉCHETS.

44-02-02 Société louant un entrepôt dont elle est propriétaire à un tiers, qui y exploitait une activité de stockage de déchets non dangereux....Cette société, en déplaçant, de sa propre initiative, ces déchets sur un autre site qu’elle a loué à cette fin, doit être regardée comme exerçant, de fait, une activité de transit et de regroupement de déchets lui conférant la qualité d’exploitant d’une installation classée pour la protection de l’environnement (ICPE), distincte de l’installation située dans l’entrepôt.

NATURE ET ENVIRONNEMENT - SOCIÉTÉ AYANT DÉPLACÉ DE SA PROPRE INITIATIVE - VERS UN NOUVEAU SITE - LES DÉCHETS QUI ÉTAIENT STOCKÉS DANS SES LOCAUX PAR UN EXPLOITANT D’UNE ACTIVITÉ DE STOCKAGE DE DÉCHETS – SOCIÉTÉ EXERÇANT DE FAIT UNE ACTIVITÉ DE TRANSIT ET DE REGROUPEMENT DE DÉCHETS SOUMISE À LA LÉGISLATION SUR LES ICPE – EXISTENCE.

44-035-04 Société louant un entrepôt dont elle est propriétaire à un tiers, qui y exploitait une activité de stockage de déchets non dangereux....Cette société, en déplaçant, de sa propre initiative, ces déchets sur un autre site qu’elle a loué à cette fin, doit être regardée comme exerçant, de fait, une activité de transit et de regroupement de déchets lui conférant la qualité d’exploitant d’une installation classée pour la protection de l’environnement (ICPE), distincte de l’installation située dans l’entrepôt.


Publications
Proposition de citation : CE, 26 avr. 2024, n° 467046
Composition du Tribunal
Rapporteur ?: Mme Nathalie Destais
Rapporteur public ?: M. Frédéric Puigserver
Avocat(s) : SCP LE GUERER, BOUNIOL-BROCHIER ; SARL MATUCHANSKY, POUPOT, VALDELIEVRE, RAMEIX

Origine de la décision
Date de l'import : 01/05/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2024:467046.20240426
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