La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

24/04/2024 | FRANCE | N°493346

France | France, Conseil d'État, Juge des référés, 24 avril 2024, 493346


Vu la procédure suivante :

Par une requête et un mémoire en réplique, enregistrés les 11 et 17 avril 2024 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la société d'exercice libéral par actions simplifiée (SELAS) Cabinet de la Grand Place demande au juge des référés du Conseil d'Etat, statuant sur le fondement de l'article L. 521-1 du code de justice administrative :



1°) de suspendre l'exécution de la décision du 15 février 2024 par laquelle la formation restreinte du Conseil national de l'ordre des chirurgiens-dentistes a c

onfirmé le retrait de son inscription au tableau de l'ordre des chirurgiens-dentis...

Vu la procédure suivante :

Par une requête et un mémoire en réplique, enregistrés les 11 et 17 avril 2024 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la société d'exercice libéral par actions simplifiée (SELAS) Cabinet de la Grand Place demande au juge des référés du Conseil d'Etat, statuant sur le fondement de l'article L. 521-1 du code de justice administrative :

1°) de suspendre l'exécution de la décision du 15 février 2024 par laquelle la formation restreinte du Conseil national de l'ordre des chirurgiens-dentistes a confirmé le retrait de son inscription au tableau de l'ordre des chirurgiens-dentistes des Hauts-de-Seine ;

2°) d'enjoindre au Conseil national de l'ordre des chirurgiens-dentistes d'enregistrer provisoirement la nouvelle répartition de son capital social, sous astreinte de 500 euros par jour de retard ;

3°) de mettre à la charge du Conseil national de l'ordre des chirurgiens-dentistes la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- la condition d'urgence est satisfaite dès lors que sa radiation du tableau de l'ordre l'oblige à cesser toute activité et lui interdit la prise en charge des patients faute d'objet social licite, ce qui a aussi pour conséquence d'entraîner la perte de ses revenus ainsi que la perte de sa patientèle, de son personnel et une atteinte à sa réputation dans la commune où elle exerce et finalement méconnaît l'objectif d'intérêt général de préservation de la santé publique ;

- il existe un doute sérieux quant à la légalité de la décision contestée ;

- la décision porte atteinte au principe du contradictoire dès lors, d'une part, qu'elle n'a pas été mise à même de présenter ses observations sur les motifs nouveaux retenus par le Conseil national de l'ordre qu'il a relevés d'office, que, d'autre part, ce Conseil s'est abstenu de la mettre préalablement en demeure de lui communiquer les documents qui faisaient défaut pour qu'il puisse apprécier la régularité de son fonctionnement au regard de ses statuts et qu'enfin, il s'est fondé sur des pièces qui ne figuraient pas au dossier ;

- la décision est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation et de plusieurs erreurs de fait dès lors qu'en premier lieu, les associés ont été consultés conformément aux dispositions de l'article 17 de ses statuts et ont approuvé l'augmentation de capital, qu'en deuxième lieu, les nouveaux retraits et intégrations d'associés minoritaires ont été validés par le conseil départemental de l'ordre des chirurgiens-dentistes des Hauts-de-Seine et qu'en dernier lieu, les règles de répartition des bénéfices figurant dans les statuts n'avaient pas à être communiquées ;

- le Conseil national a commis une erreur de droit en se fondant sur des circonstances de fait et de droit postérieures à sa décision du 21 juillet 2022 en méconnaissance de l'injonction contenue dans la décision du 4 octobre 2023 n° 468239 du Conseil d'Etat, statuant au contentieux.

Par un mémoire en défense, enregistré le 16 avril 2024, le Conseil national de l'ordre des chirurgiens-dentistes conclut au rejet de la requête et à ce qu'il soit mis à la charge de la SELAS Cabinet de la Grand Place la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Il fait valoir qu'il s'en rapporte à la sagesse du Conseil d'Etat en ce qui concerne la condition d'urgence et soutient que les moyens soulevés par la requête ne sont pas de nature à créer un doute sérieux quant à la légalité de la décision attaquée.

Après avoir convoqué à une audience publique, d'une part, la SELAS Cabinet de la Grand Place et, d'autre part, le conseil national de l'ordre des chirurgiens-dentistes ;

Ont été entendus lors de l'audience publique du 17 avril 2024, à 15 heures :

- Me Maman, avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation, avocat de la SELAS Cabinet de la Grand Place ;

- le représentant de la SELAS Cabinet de la Grand Place ;

- le représentant de la SPFPL " Eurodonti France " ;

- Me Thiriez, avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation, avocat du conseil national de l'ordre des chirurgiens-dentistes ;

à l'issue de laquelle le juge des référés a différé la clôture de l'instruction au 18 avril 2024 à 12 heures ;

Par un mémoire après audience, enregistré le 18 avril 2024, la SELAS Cabinet de la Grand Place qui maintient l'ensemble de ses conclusions, produit des pièces au débat.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code civil ;

- le code de la santé publique ;

- la loi n° 90-1258 du 31 décembre 1990 ;

- l'ordonnance n° 2023-77 du 8 février 2023 ;

- le code de justice administrative ;

Considérant ce qui suit :

1. Aux termes de l'article L. 521-1 du code de justice administrative : " Quand une décision administrative, même de rejet, fait l'objet d'une requête en annulation ou en réformation, le juge des référés, saisi d'une demande en ce sens, peut ordonner la suspension de l'exécution de cette décision, ou de certains de ses effets, lorsque l'urgence le justifie et qu'il est fait état d'un moyen propre à créer, en l'état de l'instruction, un doute sérieux quant à la légalité de la décision ".

2. A la suite de l'intervention de plusieurs décisions de la société d'exercice libéral par actions simplifiée (SELAS) Cabinet de la Grand Place, inscrite au tableau de l'ordre des chirurgiens-dentistes des Hauts-de-Seine depuis 2017, mettant à jour l'article 8.2 des statuts de cette société répartissant le capital social, la société de participations financières de professions libérales (SPFPL) Eurodonti France, inscrite au tableau du même ordre, est devenue actionnaire majoritaire en détenant 200 983 des 201 000 actions figurant au capital social de la SELAS. Le conseil départemental des Hauts-de-Seine de l'ordre des chirurgiens-dentistes ayant, par sa décision du 30 mars 2022, refusé d'entériner cette nouvelle répartition du capital social de la SELAS, cette dernière a, sur recours administratif préalable obligatoire, saisi le conseil régional d'Ile-de-France de l'ordre des chirurgiens-dentistes puis le Conseil national de l'ordre des chirurgiens-dentistes qui, par leur décision respective du 10 mai 2022 et du 21 juillet 2022, ont confirmé ce refus. Par une décision n° 468239 du 4 octobre 2023, le Conseil d'Etat, statuant au contentieux, a annulé pour excès de pouvoir la décision du 21 juillet 2022 du Conseil national de l'ordre qui s'était substituée aux précédentes, et lui a enjoint de se prononcer à nouveau sur le recours formé par la SELAS Cabinet de la Grand Place. Par sa décision du 15 février 2024, dont la SELAS Cabinet de la Grand Place demande par la présente requête la suspension sur le fondement de l'article L. 521-1 du code de justice administrative, la formation restreinte du Conseil national a confirmé le retrait de l'inscription de cette société d'exercice libéral du tableau de l'ordre des chirurgiens-dentistes des Hauts-de-Seine au motif, nouveau, que les conditions de fonctionnement réel de la société ne permettent pas d'attester que les associés praticiens exercent le contrôle effectif de la société conformément aux statuts de la SELAS.

Sur la condition d'urgence :

3. L'urgence justifie la suspension de l'exécution d'un acte administratif lorsque celui-ci porte atteinte de manière suffisamment grave et immédiate à un intérêt public, à la situation du requérant ou aux intérêts qu'il entend défendre. Il appartient au juge des référés d'apprécier concrètement, compte tenu des justifications fournies par le requérant, si les effets de l'acte contesté sont de nature à caractériser une urgence justifiant que, sans attendre le jugement de la requête au fond, l'exécution de la décision soit suspendue. L'urgence doit être appréciée objectivement et compte tenu de l'ensemble des circonstances de l'affaire.

4. La radiation de la SELAS Cabinet de la Grand Place du tableau de l'ordre aura pour effet qu'elle devra cesser l'exercice de son activité. Par conséquent, les sept personnes en contrat en durée indéterminée ainsi que les dix praticiens qui exercent en son sein perdront à cette date leurs revenus professionnels et la société, qui, selon les pièces du dossier, suit, au cours des dix-huit derniers mois, 7 339 patients, dont certains pour des soins en urgence, et dont l'unique objet social est l'exercice de la profession de chirurgien-dentiste, devra cesser son activité. Dans ces conditions, et alors qu'il n'est fait état d'aucun motif d'intérêt général, notamment de santé publique, requérant la fermeture de ce cabinet, la SELAS Cabinet de la Grand Place justifie d'une atteinte grave et immédiate à sa situation et à celle des salariés et des praticiens travaillant en son sein.

Sur la condition du moyen propre à créer, en l'état de l'instruction, un doute sérieux quant à la légalité de la décision attaquée :

5. Aux termes de l'article L. 4112-1 du code de la santé publique : " Les (...) chirurgiens-dentistes (...) qui exercent dans un département sont inscrits sur un tableau établi et tenu à jour par le conseil départemental de l'ordre dont ils relèvent. / (...) / Nul ne peut être inscrit sur ce tableau s'il ne remplit pas les conditions requises par le présent titre et notamment les conditions nécessaires de moralité, d'indépendance et de compétence. / La décision d'inscription ne peut être retirée que si elle est illégale et dans un délai de quatre mois. Passé ce délai, la décision ne peut être retirée que sur demande explicite de son bénéficiaire. / Il incombe au conseil départemental de tenir à jour le tableau et, le cas échéant, de radier de celui-ci les praticiens qui, par suite de l'intervention de circonstances avérées postérieures à leur inscription, ont cessé de remplir ces conditions. (...) ". Aux termes de l'article L. 4123-1 du même code : " Le conseil départemental de l'ordre exerce, dans le cadre départemental et sous le contrôle du conseil national, les attributions générales de l'ordre, énumérées à l'article L. 4121-2. / Il statue sur les inscriptions au tableau. / (...) ".

6. Aux termes de l'article R. 4113-4 du code de la santé publique, relatif aux sociétés d'exercice libéral dont l'objet social est l'exercice en commun de la profession de médecin, de chirurgien-dentiste ou de sage-femme : " La société est constituée sous la condition suspensive de son inscription au tableau de l'ordre. / La demande d'inscription de la société d'exercice libéral est présentée collectivement par les associés et adressée au conseil départemental de l'ordre du siège de la société par lettre recommandée avec demande d'avis de réception, accompagnée, sous peine d'irrecevabilité, des pièces suivantes : / 1° Un exemplaire des statuts et, s'il en a été établi, du règlement intérieur de la société ainsi que, le cas échéant, une expédition ou une copie de l'acte constitutif ; / 2° Un certificat d'inscription au tableau de l'ordre de chaque associé exerçant au sein de la société ou, pour les associés non encore inscrits à ce tableau, la justification de la demande d'inscription ; / 3° Une attestation du greffier du tribunal de commerce du lieu du siège social ou du tribunal judiciaire statuant commercialement constatant le dépôt au greffe de la demande et des pièces nécessaires à l'immatriculation ultérieure de la société au registre du commerce et des sociétés ; / 4° Une attestation des associés indiquant : / a) La nature et l'évaluation distincte de chacun des apports effectués par les associés ; / b) Le montant du capital social, le nombre, le montant nominal et la répartition des parts sociales ou actions représentatives de ce capital ; / c) L'affirmation de la libération totale ou partielle, suivant le cas, des apports concourant à la formation du capital social. / L'inscription ne peut être refusée que si les statuts ne sont pas conformes aux dispositions législatives et réglementaires en vigueur. Elle peut également être refusée dans le cas prévu à l'article L. 4113-11. / Toute modification des statuts et des éléments figurant au 4° ci-dessus est transmise au conseil départemental de l'ordre dans les formes mentionnées au présent article ".

7. Il résulte de ces dispositions que l'instance ordinale ne peut inscrire une société d'exercice libéral de chirurgiens-dentistes au tableau de l'ordre que si ses statuts sont conformes aux dispositions législatives et réglementaires relatives à l'exercice de la profession. De même, lorsque lui est transmise, en application des dispositions du dernier alinéa de l'article R. 4113-4 du code de la santé publique, une modification des statuts d'une telle société inscrite au tableau de l'ordre, il appartient à l'instance ordinale, si elle estime que cette modification n'est pas conforme aux dispositions législatives et réglementaires de la profession, de mettre en demeure la société de se conformer à ces dispositions et, si elle ne le fait pas, de la radier du tableau.

8. Pour apprécier la conformité des statuts de la société d'exercice libérale aux dispositions législatives et réglementaires relatives à l'exercice de la profession, au nombre desquelles figurent les conditions auxquelles la loi subordonne l'exercice de cette profession dans le cadre d'une société, les instances compétentes de l'ordre des chirurgiens-dentistes doivent également prendre en compte, le cas échéant, les accords passés entre les associés ou les engagements contractés par la société avec des tiers qui sont susceptibles de conduire les praticiens qui y exercent à méconnaître les règles de la profession, notamment en portant atteinte à leur indépendance professionnelle.

9. Ayant été enjoint, comme il a été dit au point 2, par la décision du 4 octobre 2023 du Conseil d'Etat, statuant au contentieux, de procéder au réexamen du recours administratif préalable obligatoire dont la SELAS Cabinet de la Grand Place l'avait saisi, le Conseil national de l'ordre des chirurgiens-dentistes a, en formation restreinte, à nouveau confirmé le retrait de l'inscription de la SELAS du tableau de l'ordre des Hauts-de-Seine, en retenant cette fois que les conditions de fonctionnement réels de la société ne permettaient pas d'attester que les associés exerçant au sein de celle-ci et qui détiennent moins de la moitié du capital social de la SELAS, exercent le contrôle effectif de la société dans des conditions conformes à ses statuts, portant ainsi atteinte à leur indépendance professionnelle. Pour parvenir à cette conclusion, l'instance ordinale s'est fondée, en premier lieu, sur le constat qu'aucun élément ne permet de vérifier qu'une décision d'agrément d'un nouvel associé a été prise par la collectivité des associés conformément à l'article 17 des statuts de la SELAS, la rédaction du procès-verbal d'assemblée générale ne permettant pas de savoir s'ils avaient pu participer au vote, en deuxième lieu, sur le constat que les décisions transmises depuis décembre 2021 relatives aux modifications du capital social de la SELAS ne respectent pas les stipulations de l'article 17.2 des statuts selon lesquelles la consultation par écrit des associés destinée à recueillir, dans un délai de huit jours, leur volonté, doit être accompagnée d'un formulaire de vote par correspondance et des résolutions proposées à l'adoption et qu'en outre, à la suite de la consultation écrite du 29 novembre 2022, l'adoption des résolutions figurant au procès-verbal du 16 décembre 2022, aurait été déduite du silence des associés, en troisième lieu, sur le fait qu'aucun élément n'est communiqué concernant la répartition des bénéfices et, en dernier lieu, sur le fait qu'entre novembre 2023 et janvier 2024, la SELAS a communiqué sept actes d'intégration / retrait d'associés minoritaires sans qu'aucun document ne permette d'apprécier l'agrément par la collectivité des cessions de part.

10. Il résulte ainsi des termes mêmes de la décision attaquée que le Conseil national de l'ordre des chirurgiens-dentistes ne s'est pas fondé sur l'absence de conformité des statuts de la SELAS Cabinet de la Grand Place aux dispositions législatives et réglementaires de la profession, ni sur l'existence d'accords passés entre les associés ou d'engagements contractés par la société avec des tiers qui auraient été susceptibles de conduire les praticiens y exerçant à méconnaître les règles de la profession, notamment en portant atteinte à leur indépendance professionnelle. Il a, en revanche, procédé, de sa propre initiative et sans d'ailleurs qu'aucun grief n'ait été jusque-là soulevé à ce sujet, notamment par le conseil départemental qui a produit dans le cadre de la procédure de réexamen du recours administratif, à l'examen de la conformité aux statuts de la SELAS de décisions prises par la collectivité des associés en matière de modification du capital social ou d'agrément des associés, en vertu des stipulations de l'article 17 et des règles de majorité des décisions collectives prévues par l'article 18, ou à la vérification des règles de répartition des bénéfices.

11. Les actes dont la régularité ou l'absence a été prise en considération par le Conseil national de l'ordre ne sont cependant pas au nombre de ceux qu'une société d'exercice libérale, inscrite au tableau départemental de l'ordre des chirurgiens-dentistes, doit, en vertu des dispositions du dernier alinéa de l'article R. 4113-4 du code de la santé publique citées au point 6, obligatoirement transmettre au conseil départemental de l'ordre pour toute modification de ses statuts ou des éléments figurant dans l'attestation des associés énumérés au 4° du même article. Il ne résulte pas non plus de la décision contestée ou de l'instruction que la SELAS aurait été préalablement à la décision que la formation restreinte a prise le jour même de la séance orale à laquelle la SELAS a été conviée, invitée à compléter en tant que de besoin son dossier.

12. A supposer même, au regard des dispositions de l'article R. 4113-4 du code de la santé publique rappelées au point 6, que l'instance ordinale pouvait légalement, pour refuser l'inscription au tableau de l'ordre de la SELAS en cause, procéder à l'examen rappelé au point 10, il résulte de l'instruction que cette société a été en mesure de justifier, devant le juge des référés du Conseil d'Etat, de l'existence et de la régularité des décisions prises par la collectivité des associés tant en ce qui concerne la modification du capital social que de l'agrément des nouveaux associés. Le conseil du Conseil national de l'ordre des chirurgiens-dentistes a d'ailleurs, lors de l'audience en référé, donné acte à la SELAS de ce qu'elle avait produit les pièces attestant du respect des stipulations de l'article 17 des statuts concernant la procédure de consultation écrite. La SELAS a également fait valoir sans être contredite que lors de la consultation écrite du 29 novembre 2022 relative à une augmentation de capital, l'absence d'un seul bulletin de vote d'un des docteurs associés a été assimilée à un vote contre, en l'absence même de précision dans les statuts, en référence à une bonne pratique, comme étant la plus rigoureuse pour les sociétés concernées. Il n'est pas davantage contesté, dans le cadre de l'instruction de la présente requête, que la répartition des bénéfices entre les associés se déduit suffisamment des stipulations de l'article 10.4 des statuts de la SELAS en vertu de laquelle chaque action confère à son propriétaire un droit égal dans les bénéfices de la société. Enfin, la SELAS a produit les pièces non remises en cause relatives à l'agrément des derniers associés entre novembre 2023 et janvier 2024.

13. Il s'en déduit que les moyens tirés, d'une part, de ce que la décision contestée a été prise sans que la SELAS ait été mise à même de produire les pièces de nature à répondre aux griefs qui lui ont été opposés pour la première fois lors du réexamen de sa demande et, d'autre part, de ce que ces griefs n'étaient matériellement pas fondés et, enfin, de ce que les modalités de fonctionnement réel ne révélaient pas une atteinte à l'indépendance professionnelle des praticiens associés quoique minoritaires dans la répartition du capital social, sont, en l'état de l'instruction, de nature à créer un doute sérieux quant à la légalité de la décision contestée.

14. En revanche, le moyen d'erreur de droit tiré de ce que le Conseil national de l'ordre se serait, pour mettre en œuvre l'injonction, à tort placé à la date de sa nouvelle décision pour apprécier les circonstances de droit et de fait applicables, n'est pas de nature à créer un doute sérieux quant à la légalité de la décision contestée.

15. Il résulte de tout ce qui précède que la SELAS Cabinet de la Grand Place est fondée à demander la suspension de l'exécution de la décision 15 février 2024 par laquelle la formation restreinte du Conseil national de l'ordre des chirurgiens-dentistes a confirmé son retrait du tableau de l'ordre des chirurgiens-dentistes des Hauts-de-Seine. L'injonction sollicitée par la SELAS Cabinet de la Grand Place n'est pas de la nature de celle que le juge du référé suspension a le pouvoir de prononcer en vertu des dispositions de l'article L. 521-1 du code de justice administrative.

16. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge du Conseil national de l'ordre des chirurgiens-dentistes une somme de 3 000 euros à verser à la société requérante au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, lesquelles font, en revanche, obstacle à ce qu'il soit fait droit aux conclusions présentées par le Conseil national de l'ordre des chirurgiens-dentistes au même titre.

O R D O N N E :

------------------

Article 1er : L'exécution de la décision du 15 février 2024 du Conseil national de l'ordre des chirurgiens-dentistes est suspendue.

Article 2 : Le Conseil national de l'ordre des chirurgiens-dentistes versera à la SELAS Cabinet de la Grand Place une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le surplus des conclusions de la SELAS Cabinet de la Grand Place est rejeté.

Article 4 : Les conclusions présentées par le Conseil national de l'ordre des chirurgiens-dentistes au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, sont rejetées.

Article 5 : La présente ordonnance sera notifiée à la SELAS Cabinet de la Grand Place ainsi qu'au Conseil national de l'ordre des chirurgiens-dentistes.

Fait à Paris, le 24 avril 2024

Signé : Olivier Yeznikian


Synthèse
Formation : Juge des référés
Numéro d'arrêt : 493346
Date de la décision : 24/04/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Publications
Proposition de citation : CE, 24 avr. 2024, n° 493346
Composition du Tribunal
Avocat(s) : SCP BOUCARD-MAMAN ; SCP LYON-CAEN, THIRIEZ

Origine de la décision
Date de l'import : 28/04/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2024:493346.20240424
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award