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22/04/2024 | FRANCE | N°493535

France | France, Conseil d'État, Juge des référés, 22 avril 2024, 493535


Vu la procédure suivante :

Le syndicat Confédération générale du travail santé et action sociale (CGT) du groupement hospitalier Portes de Provence a demandé au juge des référés du tribunal administratif de Grenoble, statuant sur le fondement de l'article L. 521-2 du code de justice administrative, en premier lieu, de suspendre l'exécution de la décision n° 24/801 par laquelle le directeur du groupement hospitalier Portes de Provence a collectivement réquisitionné les agents en vue d'instaurer un service complet et non un service minimum dans le cadre du mou

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Vu la procédure suivante :

Le syndicat Confédération générale du travail santé et action sociale (CGT) du groupement hospitalier Portes de Provence a demandé au juge des référés du tribunal administratif de Grenoble, statuant sur le fondement de l'article L. 521-2 du code de justice administrative, en premier lieu, de suspendre l'exécution de la décision n° 24/801 par laquelle le directeur du groupement hospitalier Portes de Provence a collectivement réquisitionné les agents en vue d'instaurer un service complet et non un service minimum dans le cadre du mouvement de grève en cours, et les mêmes décisions collectives remises aux agents et signées par la directrice-adjointe en charge des ressources humaines ainsi que les plannings dans le cadre du mouvement de grève qui a fait l'objet des préavis pour la période du 2 au 24 avril 2024, en deuxième lieu, d'enjoindre au directeur du groupement hospitalier Portes de Provence d'entrer en négociation avec la CGT en vue de trouver une solution relative aux réclamations mentionnées dans le préavis de grève et, en troisième et dernier lieu, d'ordonner une mesure de médiation entre les parties. Par une ordonnance n° 2402466 du 13 avril 2024, le juge des référés du tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande.

Par une requête et un nouveau mémoire, enregistrés les 18 et 19 avril 2024 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, le syndicat CGT du groupement hospitalier Portes de Provence demande au juge des référés du Conseil d'Etat, statuant sur le fondement de l'article L. 521-2 du code de justice administrative :

1°) d'annuler l'ordonnance du 13 avril 2024 du juge des référés du tribunal administratif de Grenoble ;

2°) de faire droit à sa demande de première instance ;

3°) de mettre à la charge du groupement hospitalier Portes de Provence la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- la condition d'urgence est satisfaite dès lors que l'hôpital assigne les personnels, dans le cadre des préavis courant jusqu'au 23 avril 2024, selon des modalités particulières qui limitent l'exercice de leur droit de grève ;

- il est porté une atteinte grave et manifestement illégale au droit de grève ;

- les décisions contestées sont entachées d'incompétence en ce que seul le directeur du directoire, directeur de l'établissement a qualité pour procéder aux assignations ;

- les tableaux d'assignation sont entachés d'un défaut de motivation ;

- les décisions contestées sont entachées d'illégalité dès lors que, d'une part, le directeur du directoire n'a pas justifié le caractère indispensable des réquisitions pour sauvegarder le service minimum et, d'autre part, des agents ont reçu des assignations avant même de s'être déclarés grévistes, d'autres ont été assignés par un simple courriel et d'autres durant leur temps de repos ;

- les décisions d'assignation sont entachées d'erreur manifeste d'appréciation en ce qu'elles visent " les intentions de grève des agents dont la direction des ressources humaines a été destinataire ", alors que celle-ci a refusé de les recenser.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la Constitution, notamment son préambule ;

- le code général de la fonction publique ;

- le code du travail ;

- le code de justice administrative ;

Considérant ce qui suit :

1. Aux termes de l'article L. 521-2 du code de justice administrative : " Saisi d'une demande en ce sens justifiée par l'urgence, le juge des référés peut ordonner toutes mesures nécessaires à la sauvegarde d'une liberté fondamentale à laquelle une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public aurait porté, dans l'exercice d'un de ses pouvoirs, une atteinte grave et manifestement illégale. (...) ". En vertu de l'article L. 522-3 du même code, le juge des référés peut, par une ordonnance motivée, rejeter une requête sans instruction ni audience lorsque la condition d'urgence n'est pas remplie ou lorsqu'il apparaît manifeste, au vu de la demande, que celle-ci ne relève pas de la compétence de la juridiction administrative, qu'elle est irrecevable ou qu'elle est mal fondée.

2. Le syndicat CGT du groupement hospitalier Portes de Provence relève appel de l'ordonnance du 13 avril 2024 par laquelle le juge des référés du tribunal administratif de Grenoble, statuant sur le fondement de l'article L. 521-2 du code de justice administrative, a rejeté sa demande tendant à la suspension de l'exécution, d'une part, de la décision n° 24/801 par laquelle le directeur du groupement hospitalier Portes de Provence a réquisitionné les agents en vue d'instaurer un service complet dans le cadre du mouvement de grève en cours et, d'autre part, des décisions individuelles de réquisition des agents pour la période du 2 avril au 24 avril 2024, signées par la directrice-adjointe en charge des ressources humaines.

3. Le droit de grève présente le caractère d'une liberté fondamentale au sens de l'article L. 521-2 du code de justice administrative.

4. En indiquant dans le préambule de la Constitution du 27 octobre 1946, auquel se réfère le préambule de la Constitution du 4 octobre 1958, que le droit de grève s'exerce dans le cadre des lois qui le réglementent, l'Assemblée Constituante a entendu inviter le législateur à opérer la conciliation nécessaire entre la défense des intérêts professionnels dont la grève constitue l'une des modalités et la sauvegarde de l'intérêt général, auquel elle peut être de nature à porter atteinte. La reconnaissance du droit de grève ne saurait avoir pour conséquence d'exclure les limitations qui doivent être apportées à ce droit, comme à tout autre, en vue d'en éviter un usage abusif, ou bien contraire aux nécessités de l'ordre public ou aux besoins essentiels de la Nation ou du pays.

5. Aux termes de l'article L. 114-1 du code général de la fonction publique : " Les agents publics exercent le droit de grève dans le cadre des lois qui le réglementent ". Aux termes de l'article L. 114-2 du même code : " Les dispositions relatives à la cessation concertée du travail mentionnées aux articles L 2512-2 à L. 2512-4 du code du travail s'appliquent aux agents publics de l'Etat, des autorités administratives indépendantes, des autorités publiques indépendantes et des établissements publics de l'Etat, des collectivités territoriales autres que les communes comptant au plus 10 000 habitants et de leurs établissements publics ainsi que des établissements publics mentionnés à l'article L. 5 du présent code ". Aux termes de l'article L. 5 de ce même code : " Les fonctionnaires hospitaliers sont les personnes qui ont été nommées dans un emploi permanent à temps complet ou à temps non complet dont la quotité de travail est au moins égale au mi-temps et ont été titularisées dans un grade de la hiérarchie administrative des établissements ci-après énumérés : / 1° Etablissements publics de santé relevant du titre IV du livre Ier de la sixième partie du code de la santé publique ; (...) ".

6. Il appartient à l'autorité administrative responsable du bon fonctionnement d'un service public de fixer elle-même, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, la nature et l'étendue des limitations à apporter au droit de grève en vue d'en éviter un usage abusif ou contraire aux nécessités de l'ordre public et d'assurer la continuité des services dont l'organisation lui incombe.

7. Pour rejeter la requête du syndicat requérant, le juge des référés du tribunal administratif de Grenoble a considéré, en premier lieu, que s'il invoque l'incompétence des signataires des décisions contestées et soutient que celles-ci seraient insuffisamment motivées, ces éventuelles irrégularités sont sans rapport direct avec la gravité de leurs effets au regard de l'exercice du droit de grève, qui constitue la liberté fondamentale dont la violation est invoquée. En deuxième lieu, il a relevé qu'en l'absence de déclaration préalable des agents grévistes permettant d'identifier à l'avance le nombre d'agents qui seront présents à leur poste chaque jour, la mention des agents assignés sur des plannings destinés à être ajustés en fonction des agents présents et la notification sans délai et sous diverses formes aux intéressés des assignations ne peuvent être regardées comme des atteintes à l'exercice du droit de grève. En troisième et dernier lieu, le juge des référés de première instance a relevé, d'une part, au vu des plannings produits à l'instance, que les assignations ont été délivrées à certains seulement des agents dont la présence avait été antérieurement programmée pour chacune des journées concernées dans les services des urgences, de la réanimation, du bloc opératoire et de l'EHPAD du groupement hospitalier Portes de Provence et, d'autre part, que les représentants de cet établissement public de santé ont fait valoir lors de l'audience, sans que cette affirmation soit sérieusement contestée, que les assignations en litige ont pour seul but d'assurer la continuité des soins et la sécurité des patients, et n'ont nullement pour objet de permettre la réalisation d'interventions pouvant être différées sans risques pour la santé des patients. Le juge des référés du tribunal administratif de Grenoble a estimé qu'ainsi, le mode de fonctionnement adopté par le groupement hospitalier Portes de Provence permet de limiter au strict nécessaire l'atteinte au droit de grève résultant de la réquisition de certains agents. Le syndicat requérant n'apporte aucun élément nouveau en appel susceptible d'infirmer l'appréciation retenue par le juge des référés de première instance.

8. Il résulte de ce qui précède qu'il est manifeste que l'appel du syndicat CGT du groupement hospitalier Portes de Provence ne peut être accueilli. Sa requête, y compris les conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, ne peut dès lors qu'être rejetée, selon la procédure prévue par l'article L. 522-3 du même code.

O R D O N N E :

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Article 1er : La requête du syndicat CGT du groupement hospitalier Portes de Provence est rejetée.

Article 2 : La présente ordonnance sera notifiée au syndicat Confédération générale du travail santé et action sociale (CGT) du groupement hospitalier Portes de Provence.

Copie en sera adressée au groupement hospitalier Portes de Provence.

Fait à Paris, le 22 avril 2024

Signé : Benoît Bohnert


Synthèse
Formation : Juge des référés
Numéro d'arrêt : 493535
Date de la décision : 22/04/2024
Type de recours : Plein contentieux

Publications
Proposition de citation : CE, 22 avr. 2024, n° 493535
Origine de la décision
Date de l'import : 28/04/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2024:493535.20240422
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