La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

10/04/2024 | FRANCE | N°488942

France | France, Conseil d'État, 7ème chambre, 10 avril 2024, 488942


Vu la procédure suivante :



Par une ordonnance n° 2306675 du 13 octobre 2023, enregistrée le 19 octobre 2023 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, le président du tribunal administratif de Strasbourg a transmis au Conseil d'Etat, en application de l'article R. 351-2 du code de justice administrative, la requête présentée à ce tribunal par M. A... C....



Par cette requête, enregistrée au greffe du tribunal administratif de Strasbourg le 25 septembre 2023, et par trois nouveaux mémoires, enregistrés les 1er et 8 déc

embre 2023 et 16 février 2024 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, M. C.....

Vu la procédure suivante :

Par une ordonnance n° 2306675 du 13 octobre 2023, enregistrée le 19 octobre 2023 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, le président du tribunal administratif de Strasbourg a transmis au Conseil d'Etat, en application de l'article R. 351-2 du code de justice administrative, la requête présentée à ce tribunal par M. A... C....

Par cette requête, enregistrée au greffe du tribunal administratif de Strasbourg le 25 septembre 2023, et par trois nouveaux mémoires, enregistrés les 1er et 8 décembre 2023 et 16 février 2024 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, M. C... demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler pour excès de pouvoir le décret du 7 juillet 2023 du Président de la République prononçant sa radiation des cadres par mesure disciplinaire ;

2°) d'enjoindre à l'autorité compétente de le réintégrer sans délai au sein de l'armée de terre.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code de la défense ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Alexandre Denieul, auditeur,

- les conclusions de M. Nicolas Labrune, rapporteur public ;

Considérant ce qui suit :

1. M. C..., entré en service le 1er septembre 2006, détient depuis le 1er aout 2013 le grade de capitaine de l'armée de terre. Affecté depuis le 1er août 2020 au 1er régiment d'infanterie stationné à Sarrebourg, où il sert en qualité d'officier tir - aguerrissement infanterie au sein du bureau opérations, il a fait l'objet d'une sanction de radiation des cadres par mesure disciplinaire par un décret du Président de la République du 7 juillet 2023. Par la présente requête, il demande l'annulation pour excès de pouvoir de ce décret et à ce qu'il soit enjoint à l'autorité compétente de le réintégrer sans délai dans l'armée de terre.

Sur la requête :

En ce qui concerne la légalité externe :

2. En premier lieu, l'ampliation du décret attaqué, certifiée conforme par la directrice, adjointe à la secrétaire générale du Gouvernement, bénéficiant d'une délégation de signature donnée par décret du 31 décembre 2021 visé ci-dessus, fait foi, contrairement à ce que soutient le requérant, de ce que ce décret a été signé par le président de la République, et contresigné par le Premier ministre et le ministre des armées. Par suite, les moyens tirés de l'incompétence et du vice de forme dont ce décret serait entaché ne peuvent qu'être écartés.

3. En second lieu, contrairement à ce que se borne à alléguer le requérant, il ne ressort pas des pièces du dossier que les membres du conseil d'enquête aient fait preuve d'animosité ou de partialité à son égard. Par suite, le moyen tiré de ce que la procédure disciplinaire au terme de laquelle a été prise la décision contestée serait entachée d'irrégularité ne peut qu'être écarté.

En ce qui concerne la légalité interne :

4. En premier lieu, aux termes du premier alinéa de l'article L. 4122-3 du code de la défense : " Le militaire est soumis aux obligations qu'exige l'état militaire conformément au deuxième alinéa de l'article L. 4111-1. Il exerce ses fonctions avec dignité, impartialité, intégrité et probité ", et aux termes de l'article L. 4137-2 du même code : " Les sanctions disciplinaires applicables aux militaires sont réparties en trois groupes : / (...) 3° Les sanctions du troisième groupe sont : / (...) b) La radiation des cadres ou la résiliation du contrat ".

5. Il appartient au juge de l'excès de pouvoir, saisi de moyens en ce sens, de rechercher si les faits reprochés à un agent public ayant fait l'objet d'une sanction disciplinaire constituent des fautes de nature à justifier une sanction et si la sanction retenue est proportionnée à la gravité de ces fautes.

6. Il ressort des pièces du dossier que M. C... a été sanctionné, d'une part, pour avoir falsifié un formulaire de mobilité, qu'il a revêtu de l'avis dont son chef de corps avait assorti une précédente version de ce formulaire, qu'il a directement adressé à l'adjoint responsable des ressources humaines du 14e régiment d'infanterie et de soutien logistique parachutiste de Toulouse au sein duquel il recherchait à être affecté et, d'autre part, pour avoir fait preuve d'une attitude de défiance récurrente envers le commandement et manqué de respect à son chef de corps en proférant des menaces d'insubordination.

7. L'autorité investie du pouvoir disciplinaire n'a pas, dans les circonstances de l'espèce, inexactement qualifié les faits mentionnés au point 6, dont le requérant ne conteste au demeurant pas la matérialité, en retenant leur caractère fautif. Elle n'a pas non plus, compte tenu de la nature et de la particulière gravité des faits reprochés qui, au demeurant, faisaient suite à plusieurs autres sanctions disciplinaires, pris une sanction disproportionnée en lui infligeant, au regard du pouvoir d'appréciation dont elle disposait, la sanction du troisième groupe de la radiation des cadres.

8. En second lieu, il ne ressort des pièces du dossier ni que le détournement de pouvoir allégué serait établi, ni que les circonstances de fait que M. C... invoque seraient susceptibles de faire présumer l'existence d'un harcèlement moral.

9. Il résulte de ce qui précède que la requête de M. C... doit être rejetée, y compris ses conclusions accessoires à fin d'injonction.

Sur les conclusions du ministre des armées tendant à la suppression des passages des écritures de M. C... présentant un caractère injurieux, outrageants ou diffamatoires :

10. Aux termes de l'article L. 741-2 du code de justice administrative : " Sont également applicables les dispositions des alinéas 3 à 5 de l'article 41 de la loi du 29 juillet 1881 ci-après reproduites : " Art. 41, alinéas 3 à 5. - Ne donneront lieu à aucune action en diffamation, injure ou outrage, ni le compte rendu fidèle fait de bonne foi des débats judiciaires, ni les discours prononcés ou les écrits produits devant les tribunaux. Pourront néanmoins les juges, saisis de la cause et statuant sur le fond, prononcer la suppression des discours injurieux, outrageants ou diffamatoires, et condamner qui il appartiendra à des dommages-intérêts. (...) ".

11. Les passages de la requête de M. C... commençant par les mots : " Il poursuit son œuvre (...) " et se terminant par les mots : " (...) s'emploie à me salir " (page 4), ceux commençant par les mots : " tous les moyens sont bons (...) " et se terminant par les mots : " (...) l'esprit diabolique de ce colonel " (page 5), ceux commençant par les mots : " En réalité, l'homme est (...) " et se terminant par les mots : " (...) et salit ses détracteurs " (page 5), ceux commençant par les mots : " du fait de l'acharnement d'un homme maléfique (...) " et se terminant par les mots : " (...) le colonel B... " (page 6), ceux commençant par les mots : " l'égo démesuré (...) " et se terminant par les mots : " (...) cette entreprise diabolique " (page 6), ainsi que les mêmes passages des pages 5 à 7 de son mémoire enregistré le 8 décembre 2023, et ceux du même mémoire commençant par les mots : " quitte à mentir (...) " et se terminant par les mots : " (...) pour parvenir à ses fins " (page 6), ceux commençant par les mots : " En réalité, il s'est mis en tête (...) " et se terminant par les mots : " (...) des instances dirigeantes contre moi " (page 7), ainsi que ceux commençant par les mots : " La mauvaise foi du colonel (...) " et se terminant par les mots : " (...) résoudre cet incident relationnel " (page 7), présentent un caractère injurieux, outrageants ou diffamatoires et doivent être supprimés.

D E C I D E :

--------------

Article 1er : La requête de M. C... est rejetée.

Article 2 : Les passages des écritures de M. C... mentionnés au point 11 sont supprimés.

Article 3 : La présente décision sera notifiée à M. A... C..., au Premier ministre et au ministre des armées.


Synthèse
Formation : 7ème chambre
Numéro d'arrêt : 488942
Date de la décision : 10/04/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Publications
Proposition de citation : CE, 10 avr. 2024, n° 488942
Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Alexandre Denieul
Rapporteur public ?: M. Nicolas Labrune

Origine de la décision
Date de l'import : 14/04/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2024:488942.20240410
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award