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06/12/2023 | FRANCE | N°469042

France | France, Conseil d'État, 9ème chambre, 06 décembre 2023, 469042


Vu la procédure suivante :



M. et Mme A... B... ont demandé au tribunal administratif de Paris de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales auxquelles ils ont été assujettis au titre des années 2007 à 2015 ainsi que des pénalités correspondantes. Par un jugement n° 1902519 du 23 novembre 2021, ce tribunal a rejeté leur demande.



Par un arrêt n° 21PA06668 du 21 septembre 2022, la cour administrative d'appel de Paris a rejeté l'appel formé par M. et Mme B... con

tre ce jugement.



Par un pourvoi sommaire et un mémoire complémentaire, ...

Vu la procédure suivante :

M. et Mme A... B... ont demandé au tribunal administratif de Paris de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales auxquelles ils ont été assujettis au titre des années 2007 à 2015 ainsi que des pénalités correspondantes. Par un jugement n° 1902519 du 23 novembre 2021, ce tribunal a rejeté leur demande.

Par un arrêt n° 21PA06668 du 21 septembre 2022, la cour administrative d'appel de Paris a rejeté l'appel formé par M. et Mme B... contre ce jugement.

Par un pourvoi sommaire et un mémoire complémentaire, enregistrés les 21 novembre 2022 et 21 février 2023 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat,

M. et Mme B... demandent au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler cet arrêt ;

2°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Ils soutiennent que la cour administrative d'appel de Paris :

- s'est méprise sur la portée de leurs écritures et a omis en conséquence de répondre au moyen qui lui était réellement soumis, tiré de l'absence de communication des données informatiques qui ont permis d'établir les fiches de synthèse individuelles en litige, en estimant qu'ils invoquaient le défaut de production de ces fiches ;

- a commis une erreur de droit au regard de l'article 1er du premier protocole additionnel à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales en écartant le moyen tiré de la méconnaissance des droits de la défense au motif que l'administration fiscale leur avait permis d'accéder aux pièces ayant fondé les redressements, alors que le respect des droits de la défense implique que les contribuables aient accès à tout élément de nature à influencer la position de l'administration ;

- a commis une erreur de droit au regard des dispositions de l'article L. 16 du livre des procédures fiscales en jugeant que le fait que les éléments qui leur étaient opposés ne portaient que sur les années 2006 et 2007 ne privait pas l'administration fiscale de la possibilité de leur adresser une demande de justifications au titre d'années postérieures ;

- a commis une erreur de droit au regard des dispositions de l'article L. 188 C du livre des procédures fiscales, dénaturé et inexactement qualifié les faits et les pièces du dossier en jugeant que l'administration était fondée à faire application du délai spécial de reprise de dix ans prévu par ces dispositions ;

- a commis une erreur de droit au regard des dispositions de l'article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales en jugeant que l'absence de rectification à l'issue d'une précédente procédure d'examen de leur situation fiscale personnelle, portant en partie sur les mêmes années, ne pouvait être regardée comme une décision d'acquittement au sens de ces dispositions et ne s'opposait pas à ce que des majorations leur soient infligées à l'issue d'une procédure ultérieure de contrôle sur pièces ;

- a commis une erreur de droit en jugeant que l'intérêt de retard qui leur a été réclamé en sus des impositions supplémentaires au titre des années 2007 à 2015 ne revêtait pas le caractère d'une sanction en tant qu'il dépassait un taux annuel de 2,4 %.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et son premier protocole additionnel ;

- la convention conclue entre la France et la Suisse le 9 septembre 1996 en vue d'éviter les doubles impositions en matière d'impôts sur le revenu et sur la fortune, modifiée notamment par l'avenant du 27 août 2009 ;

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- la loi n° 2011-1978 du 28 décembre 2011 ;

- la loi n° 2017-1775 du 28 décembre 2017 ;

- la loi n° 2018-898 du 23 octobre 2018 ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Vincent Mazauric, conseiller d'Etat,

- les conclusions de Mme Emilie Bokdam-Tognetti, rapporteure publique ;

La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SARL Matuchansky, Poupot, Valdelièvre, Rameix, avocat de M. et Mme B... ;

Considérant ce qui suit :

1. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond qu'à la suite d'un contrôle sur pièces portant sur les déclarations de revenus souscrites au titre des revenus des années 2007 à 2015, M. et Mme B... ont été imposés d'office au titre des neuf années vérifiées, sur le fondement des articles L. 16 et L. 69 du livre des procédures fiscales, à raison des revenus tirés des avoirs figurant sur des comptes ouverts en Suisse qui n'avaient pas été déclarés. M. et Mme B... se pourvoient en cassation contre l'arrêt du 21 septembre 2022 par lequel la cour administrative d'appel de Paris a rejeté l'appel qu'ils avaient formé contre le jugement du 23 novembre 2021 du tribunal administratif de Paris rejetant leur demande tendant à la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales auxquelles ils ont été assujettis à la suite de cette rectification, ainsi que des pénalités correspondantes.

Sur la régularité de la procédure d'imposition :

2. Il ressort des énonciations de l'arrêt attaqué qu'à la suite d'une demande d'entraide judiciaire présentée par les autorités suisses, le procureur de la République près le tribunal judiciaire de Nice a fait procéder, le 20 janvier 2009, à une perquisition au domicile d'un ancien informaticien de la filiale suisse de l'établissement britannique HSBC Private Bank, soupçonné d'avoir dérobé des données de la " base client " de cet établissement. Sur le fondement de l'article L. 101 du livre des procédures fiscales, il a communiqué les données saisies à l'administration fiscale, qui, après avoir analysé les fichiers recueillis et retranscrit les éléments d'informations qu'ils contenaient dans des fiches de synthèse individuelles, a estimé qu'il existait une présomption que M. et Mme B... soient détenteurs de comptes ouverts en Suisse dans les livres de la banque HSBC Private Bank de Genève, soit directement via des profils client associés à des comptes bancaires, soit indirectement via quatre sociétés installées dans les Iles vierges britanniques et au Panama et associées chacune à plusieurs comptes bancaires. Sur avis conforme de la commission des infractions fiscales, l'administration fiscale a déposé plainte auprès du procureur de la République près le tribunal de grande instance de Paris le 19 octobre 2012 contre M. et Mme B... pour soupçons de minoration des déclarations d'impôt sur le revenu au titre des années 2008 à 2010 et défaut de dépôt des déclarations d'impôt de solidarité sur la fortune au titre des années 2009 à 2011. A l'issue de l'enquête préliminaire,

M. B... a été mis en examen le 31 août 2015 des chefs d'abus de biens sociaux, fraude fiscale et blanchiment de fraude fiscale. L'administration fiscale a exercé son droit de communication auprès des autorités judiciaires le 12 mai 2016. Le 14 octobre 2016, elle a adressé à M. et Mme B... une demande de justifications portant sur les avoirs et revenus d'avoirs détenus auprès de HSBC Private Bank au titre des années 2006 à 2015 et, en l'absence de réponse de leur part, a reconstitué, en application de l'article 151 du code général des impôts, le montant des revenus issus d'avoirs à l'étranger non déclarés au titre des années 2007 à 2015 et taxé ces revenus d'office sur le fondement de l'article L. 69 du livre des procédures fiscales.

3. En premier lieu, la cour a relevé, par une appréciation souveraine non arguée de dénaturation, que l'administration fiscale ne s'était pas fondée, pour établir les impositions en litige, sur la fiche de synthèse individuelle relative à M. B... qu'elle avait constituée mais sur les pièces de la procédure judiciaire qui le concernait, qu'elle avait obtenues par l'exercice de son droit de communication auprès du juge d'instruction en charge de l'enquête pénale et dont une copie avait été jointe en annexe de la demande de justifications adressée aux contribuables. En écartant pour ce motif le moyen tiré de ce que l'administration aurait entaché d'irrégularité la procédure d'imposition en omettant de communiquer aux contribuables les fichiers informatiques retranscrits dans cette fiche individuelle de synthèse, la cour, qui ne s'est pas méprise sur la portée des écritures d'appel et a suffisamment motivé sa décision, n'a, en tout état de cause, pas méconnu les stipulations de l'article 1er du premier protocole additionnel à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

4. En second lieu, aux termes de l'article L. 16 du livre des procédures fiscales : " En vue de l'établissement de l'impôt sur le revenu, l'administration peut demander au contribuable des éclaircissements. Elle peut, en outre, lui demander des justifications au sujet (...) des avoirs ou revenus d'avoirs à l'étranger (...) ". Aux termes de l'article L. 69 du même livre : " (...) sont taxés d'office à l'impôt sur le revenu les contribuables qui se sont abstenus de répondre aux demandes d'éclaircissements ou de justifications prévues à l'article L. 16 ". En jugeant que la circonstance que les éléments opposés à M. B... n'établissaient la disposition par celui-ci d'avoirs à l'étranger qu'au titre des années 2006 et 2007 ne faisait pas obstacle, en l'absence de tout indice permettant de considérer que ces avoirs auraient disparu ou que M. B... n'en aurait plus disposé, à ce qu'une demande de justifications lui soit adressée au titre des années ultérieures et à ce que, faute de réponse satisfaisante à cette demande, une procédure de taxation d'office soit mise en œuvre à son égard à raison des revenus de ces avoirs au titre de ces années, la cour n'a pas méconnu ces dispositions.

Sur le bien-fondé des impositions :

5. Aux termes de l'article L. 188 C du livre des procédures fiscales, dans sa rédaction applicable au litige : " Même si les délais de reprise sont écoulés, les omissions ou insuffisances d'imposition révélées par une instance devant les tribunaux ou par une réclamation contentieuse peuvent être réparées par l'administration des impôts jusqu'à la fin de l'année suivant celle de la décision qui a clos l'instance et, au plus tard, jusqu'à la fin de la dixième année qui suit celle au titre de laquelle l'imposition est due ". Il résulte de ces dispositions que des informations ne peuvent être regardées comme ayant été révélées par une instance s'il est établi que l'administration fiscale disposait, avant de les recevoir, d'éléments suffisants lui permettant, par la mise en œuvre des procédures d'investigations dont elle dispose, d'établir ces insuffisances ou omissions d'imposition dans le délai normal de reprise prévu à l'article L. 169 du livre des procédures fiscales.

6. Pour écarter le moyen tiré de ce que le droit de reprise de l'administration était prescrit à la date du 13 avril 2017 à laquelle une proposition de rectification relative aux années 2007 à 2015 a été notifiée à M. et Mme B..., la cour s'est fondée sur ce que l'administration fiscale n'avait eu une connaissance des manquements commis par ces derniers qu'après l'exercice de son droit de communication auprès des autorités judiciaires le

12 mai 2016, de sorte que les insuffisances et omissions déclaratives rectifiées devaient être regardées comme ayant été révélées par une instance au sens des dispositions de l'article

L. 188 C du livre des procédures fiscales.

7. En statuant ainsi alors qu'il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que les éléments obtenus par l'administration fiscale après l'ouverture de l'information judiciaire en 2012 et l'exercice de son droit de communication auprès de l'autorité judiciaire en 2016 comportaient des informations substantiellement identiques à celles communiquées par l'autorité judiciaire, au plus tard en 2010, d'une part, retranscrites dans une fiche individuelle de synthèse comportant les noms et prénoms, la date et le lieu de naissance, la nationalité, le domicile et la profession de M. B..., les vingt-cinq comptes ouverts en Suisse à la banque HSBC Private Bank, directement via des profils client associés à des comptes bancaires et indirectement via les sociétés Bluebird Asset Amenagement Corp, Honeysand Overseas Ltd et Garve Investments Alliance Ltd, installées à Tortola, dans les Iles vierges britanniques, et la société Anniston Trading Ressources Inc installée au Panama, et, d'autre part, figurant dans des listes d'écritures retraçant des opérations bancaires au jour le jour au cours des années 2006 et 2007 et se rapportant à ces profils, la cour a dénaturé les pièces du dossier et, par suite, inexactement qualifié les faits.

8. Le ministre soutient toutefois, devant le Conseil d'Etat comme il l'avait fait depuis le début de la procédure contentieuse, que l'administration bénéficiait également du délai de reprise de dix ans prévu par l'article L. 169 du livre des procédures fiscales lorsque les obligations déclaratives prévues à l'article 1649 A du code général des impôts n'ont pas été respectées.

9. Aux termes de l'article L. 169 du livre des procédures fiscales dans sa rédaction antérieure à celle résultant de l'article 58 de la loi du 28 décembre 2011 de finances rectificative pour 2011 : " (...)/ Le droit de reprise de l'administration s'exerce jusqu'à la fin de la dixième année qui suit celle au titre de laquelle l'imposition est due, lorsque les obligations déclaratives prévues aux articles (...) 1649 A (...) du même code n'ont pas été respectées et concernent un Etat ou un territoire qui n'a pas conclu avec la France une convention d'assistance administrative en vue de lutter contre la fraude et l'évasion fiscales permettant l'accès aux renseignements bancaires. Ce droit de reprise concerne les seuls revenus ou bénéfices afférents aux obligations déclaratives qui n'ont pas été respectées ". Le a du 1° du I de l'article 58 de la loi de finances rectificative pour 2011, applicable aux délais de reprise venant à expiration postérieurement au 31 décembre 2011, a supprimé la condition tenant à ce que l'Etat ou le territoire concerné ait conclu avec la France une convention d'assistance administrative en vue de lutter contre la fraude et l'évasion fiscales permettant l'accès aux renseignements bancaires.

10. Aux termes de l'article 1649 A du code général des impôts dans sa rédaction antérieure à celle résultant de l'article 7 de la loi du 23 octobre 2018 relative à la lutte contre la fraude : " (...) Les personnes physiques, les associations, les sociétés n'ayant pas la forme commerciale, domiciliées ou établies en France, sont tenues de déclarer, en même temps que leur déclaration de revenus ou de résultats, les références des comptes ouverts, utilisés ou clos à l'étranger (...) / Les sommes, titres ou valeurs transférés à l'étranger ou en provenance de l'étranger par l'intermédiaire de comptes non déclarés dans les conditions prévues au deuxième alinéa constituent, sauf preuve contraire, des revenus imposables ". Ces dispositions, qui instaurent l'obligation, pour tout contribuable domicilié en France, de déclarer à l'administration les références de tout compte bancaire ouvert, utilisé ou clos à l'étranger, prévoient qu'à défaut d'une telle déclaration, les fonds ayant transité par ce compte constituent des revenus imposables, sauf pour le contribuable à apporter la preuve que les sommes en question n'entraient pas dans le champ d'application de l'impôt ou en étaient exonérées, ou qu'elles constituaient des revenus qui avaient déjà été soumis à l'impôt. Entre dans le champ de l'obligation déclarative posée par ces dispositions tout compte bancaire ouvert, utilisé ou clos à l'étranger par une personne physique, une association ou une société n'ayant pas la forme commerciale, domiciliée ou établie en France, quel que soit le titulaire de ce compte, y compris notamment si ce titulaire est une société commerciale. Un compte bancaire ne peut être regardé comme ayant été utilisé pour une année donnée que si l'utilisateur du compte a, au cours de cette année, effectué au moins une opération de crédit ou de débit sur ce compte.

11. Eu égard à l'objet des dispositions mentionnées aux points 9 et 10, qui visent à lutter contre l'évasion et la fraude fiscales, lorsque l'administration fiscale dispose d'éléments établissant l'utilisation de comptes non déclarés à l'étranger au titre d'une ou plusieurs années, leurs détenteurs ou leurs ayants droit sont présumés, sauf preuve contraire, avoir continué de les utiliser les années suivantes et avoir méconnu, au titre de ces années, l'obligation déclarative prévue par l'article 1649 A du code général des impôts. L'administration fiscale est alors fondée à se prévaloir du délai de reprise spécial de dix ans prévu par l'article L. 169 du livre des procédures fiscales aux fins d'imposer, le cas échéant, au titre de ces années, tant les transferts réalisés en provenance ou au bénéfice de ces comptes dissimulés que les revenus issus des avoirs y figurant.

12. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que

M. et Mme B... n'ont pas répliqué à l'argumentation développée par le ministre dans son mémoire en défense enregistré le 11 mars 2022 au greffe de la cour, qui reprenait celle défendue depuis le début de la procédure contentieuse, selon laquelle, d'une part, les variations de solde constatées sur les comptes non déclarés et les opérations effectuées sur ces comptes attestaient d'une utilisation de ces comptes au sens des dispositions de l'article 1649 A du code général des impôts au titre des années 2006 et 2007, et d'autre part, il appartenait aux contribuables d'établir, eu égard à la présomption énoncée au point 11, l'absence d'utilisation de ces comptes au titre des années ultérieures. Dans ces conditions, il doit être tenu pour constant devant les juges du fond que les contribuables devaient être regardés comme ayant utilisé les comptes en litige au cours des années 2007 à 2015 et qu'ils étaient soumis à l'obligation de les déclarer. Il y a par suite lieu de substituer au motif erroné retenu par l'arrêté attaqué, tiré de ce que l'administration pouvait se prévaloir des dispositions de l'article L. 188 C du livre des procédures fiscales, celui, qui n'appelle l'appréciation d'aucune circonstance de fait et justifie le dispositif de l'arrêt sur ce point, tiré de ce que l'administration bénéficiait du délai de reprise de dix ans prévu par l'article L. 169 du livre des procédures fiscales en cas de méconnaissance de l'obligation déclarative prévue par l'article 1649 A du code général des impôts.

Sur les majorations pour manœuvres frauduleuses :

13. En jugeant que l'absence de rectification, non motivée, à l'issue de l'examen de la situation fiscale personnelle, engagé en 2010 au titre des années 2007 et 2008, de

M. et Mme B... qui n'avaient pas déclaré les comptes qu'ils avaient ouverts à l'étranger ne constituait pas une décision d'acquittement au sens et pour l'application du paragraphe 2 de l'article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, faisant obstacle, à l'issue du contrôle sur pièces ultérieur portant notamment sur les mêmes années, à ce que des sanctions fiscales majorent l'imposition des revenus d'avoirs figurant sur ces comptes qui n'avaient toujours pas été déclarés, la cour n'a, en tout état de cause, pas commis d'erreur de droit.

Sur les intérêts de retard :

14. Aux termes de l'article 1727 du code général des impôts, dans sa rédaction applicable aux années d'imposition en litige : " I. - Toute créance de nature fiscale, dont l'établissement ou le recouvrement incombe aux administrations fiscales, qui n'a pas été acquittée dans le délai légal donne lieu au versement d'un intérêt de retard. (...) III- Le taux de l'intérêt de retard est de 0,40 % par mois. Il s'applique sur le montant des créances de nature fiscale mises à la charge du contribuable ou dont le versement a été différé. (...) ". Le II de l'article 55 de la loi du 28 décembre 2017 de finances rectificative pour 2017 a ramené à 0,20 % par mois le taux de l'intérêt de retard à compter du 1er janvier 2018.

15. Après avoir rappelé que l'intérêt de retard institué par l'article 1727 du code général des impôts visait essentiellement à réparer les préjudices de toute nature subis par l'Etat à raison du non-respect par les contribuables de leurs obligations de déclarer et payer l'impôt aux dates légales, la cour a jugé que la circonstance que l'évolution des taux du marché ait conduit, dans les années précédant la réduction, par la loi de finances rectificative pour 2017, du taux de l'intérêt de retard de 0,40 % à 0,20 % par mois, à une hausse relative de cet intérêt par rapport à ces taux, ne conférait pas pour autant à l'intérêt de retard la nature d'une sanction dès lors que son niveau n'était pas devenu manifestement excessif au regard du taux moyen pratiqué par les prêteurs privés pour un découvert non négocié. La cour en a déduit qu'il n'y avait pas lieu de faire application du principe selon lequel la loi pénale nouvelle doit, lorsqu'elle prononce des peines moins sévères que la loi ancienne, s'appliquer aux infractions commises avant son entrée en vigueur lorsqu'elles n'ont pas donné lieu à des condamnations passées en force de chose jugée, et d'appliquer le taux de 0,20 % fixé par l'article 55 de la loi de finances rectificative pour 2017 pour les intérêts courant à compter du 1er janvier 2018, au lieu du taux de 0,40 % appliqué aux contribuables. En statuant ainsi, la cour n'a pas commis d'erreur de droit.

16. Il résulte de tout ce qui précède que M. et Mme B... ne sont pas fondés à demander l'annulation de l'arrêt qu'ils attaquent. Leurs conclusions présentées au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent, par suite, qu'être rejetées.

D E C I D E :

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Article 1er : Le pourvoi de M. et Mme B... est rejeté.

Article 2 : La présente décision sera notifiée à M. et Mme A... B... et au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.

Délibéré à l'issue de la séance du 16 novembre 2023 où siégeaient :

Mme Anne Egerszegi, présidente de chambre, présidant ; M. Vincent Daumas, conseiller d'Etat et M. Vincent Mazauric, conseiller d'Etat-rapporteur.

Rendu le 6 décembre 2023.

La présidente :

Signé : Mme Anne Egerszegi

Le rapporteur :

Signé : M. Vincent Mazauric

La secrétaire :

Signé : Mme Fehmida Ghulam

La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme,

Pour la secrétaire du contentieux, par délégation :


Synthèse
Formation : 9ème chambre
Numéro d'arrêt : 469042
Date de la décision : 06/12/2023
Type de recours : Plein contentieux

Publications
Proposition de citation : CE, 06 déc. 2023, n° 469042
Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Vincent Mazauric
Rapporteur public ?: Mme Emilie Bokdam-Tognetti
Avocat(s) : SARL MATUCHANSKY, POUPOT, VALDELIEVRE, RAMEIX

Origine de la décision
Date de l'import : 12/01/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2023:469042.20231206
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