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18/10/2023 | FRANCE | N°468888

France | France, Conseil d'État, 9ème chambre, 18 octobre 2023, 468888


Vu la procédure suivante :

Par une requête sommaire et un mémoire complémentaire, enregistrés le

14 novembre 2022 et le 3 février 2023 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, l'association Fédération Environnement Durable et l'association Vent de Colère ! Fédération nationale demandent au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler pour excès de pouvoir l'instruction du Gouvernement du

16 septembre 2022 relative à l'organisation de la répartition et du délestage de la consommation de gaz naturel et de l'électricité dans la perspective du passage de

l'hiver 2022-2023 et à l'accélération du développement des projets d'énergie renouvelable...

Vu la procédure suivante :

Par une requête sommaire et un mémoire complémentaire, enregistrés le

14 novembre 2022 et le 3 février 2023 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, l'association Fédération Environnement Durable et l'association Vent de Colère ! Fédération nationale demandent au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler pour excès de pouvoir l'instruction du Gouvernement du

16 septembre 2022 relative à l'organisation de la répartition et du délestage de la consommation de gaz naturel et de l'électricité dans la perspective du passage de l'hiver 2022-2023 et à l'accélération du développement des projets d'énergie renouvelable ;

2°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elles soutiennent que l'instruction qu'elles attaquent :

- est entachée d'illégalité en ce qu'elle ne définit pas avec une précision suffisante la " situation très exceptionnelle " dans laquelle, alors qu'il est demandé aux préfets d'accélérer l'instruction des projets de production d'énergie renouvelable, le traitement d'un dossier pourrait excéder vingt-quatre mois ;

- est entachée du même défaut de précision et méconnait les dispositions de l'article L. 511-1 du code de l'environnement ainsi que le principe de non-régression protégé par son article L. 110-1 en ce qu'elle demande aux préfets d'examiner les moyens d'optimiser la production électrique éolienne en allégeant les dispositions de bridage en période hivernale ;

- est entachée du même défaut de précision et méconnait le principe de non-régression protégé par l'article L. 110-1 du code de l'environnement en ce qu'elle informe les préfets que le Gouvernement ne formera plus automatiquement de pourvoi en cassation contre les décisions des juridictions administratives délivrant des autorisations aux projets de production d'énergie renouvelable ;

- est entachée d'illégalité en ce qu'elle invite les services chargés de l'instruction des projets de production d'énergie renouvelable à se référer systématiquement à des guides, tels que le guide des études d'impact des projets des parcs éoliens terrestres, et qu'elle confère, dès lors, à de tels guides une portée normative dont ils sont dépourvus.

Par un mémoire en défense enregistré le 25 septembre 2023, la ministre de la transition énergétique conclut au rejet de la requête. Elle soutient, à titre principal, que la requête est irrecevable, et à titre subsidiaire, que les moyens soulevés ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code de l'environnement ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Olivier Saby, maître des requêtes,

- les conclusions de Mme Emilie Bokdam-Tognetti, rapporteure publique ;

La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SCP Marlange, de la Burgade, avocat de l'association Fédération Environnement Durable et de l'association Vent de Colère ! Fédération Nationale ;

Considérant ce qui suit :

1. Par une instruction du 16 septembre 2022 prise sous le timbre du ministère chargé de la transition énergétique et signée du ministre de l'intérieur et des outre-mer, du ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, de la ministre de la transition énergétique et du ministre délégué auprès du ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, chargé de l'industrie, le Gouvernement a demandé aux préfets, d'une part, de préparer d'éventuelles mesures de répartition ou de délestage de la fourniture de gaz ou d'électricité au cours de l'hiver 2022-2023 et, d'autre part, d'accélérer le développement des énergies renouvelables, notamment éolienne. Eu égard aux moyens qu'elles soulèvent, les associations requérantes doivent être regardées comme se bornant à demander l'annulation de la seconde partie de cette instruction.

2. Les documents de portée générale émanant d'autorités publiques, matérialisés ou non, tels que les circulaires, instructions, recommandations, notes, présentations ou interprétations du droit positif peuvent être déférés au juge de l'excès de pouvoir lorsqu'ils sont susceptibles d'avoir des effets notables sur les droits ou la situation d'autres personnes que les agents chargés, le cas échéant, de les mettre en œuvre. Ont notamment de tels effets ceux de ces documents qui ont un caractère impératif ou présentent le caractère de lignes directrices.

3. En sa seconde partie, l'instruction attaquée demande plus précisément aux préfets de faire en sorte que l'instruction des projets de production d'énergie renouvelable n'excède pas vingt-quatre mois, sauf situation très exceptionnelle, et de prendre, dans le respect de la réglementation, toute disposition de nature à faciliter et accélérer le traitement des dossiers, notamment en se référant systématiquement, pour apprécier leur caractère complet et recevable, au guide des études d'impact des projets des parcs éoliens terrestres. Elle leur demande également, afin de dégager toutes les marges de manœuvre pouvant l'être, d'examiner en lien avec les exploitants, dans le respect de la réglementation existante et en connaissance des enjeux environnementaux et des impacts sur les riverains, les moyens d'optimiser la production électrique éolienne en allégeant les dispositions de bridage des éoliennes en période hivernale. Enfin, elle informe les préfets que l'Etat ne formera plus automatiquement de pourvoi en cassation contre les décisions des juridictions administratives délivrant des autorisations aux projets de production d'énergie renouvelable.

4. La seconde partie de l'instruction attaquée se borne ainsi, d'une part, à prescrire aux préfets, dans le cadre de la réglementation existante, différentes tâches en lien avec l'action administrative en matière d'énergie renouvelable et, d'autre part, à porter à leur connaissance une orientation de l'action contentieuse de l'Etat en cette matière. Eu égard à ce contenu, elle n'est pas susceptible d'avoir des effets notables sur les droits ou la situation d'autres personnes que les préfets chargés de la mettre en œuvre ou d'en prendre connaissance. Par suite, cette instruction ne peut faire l'objet d'un recours pour excès de pouvoir.

5. Il résulte de ce qui précède que les associations requérantes ne sont pas recevables à demander l'annulation de l'instruction litigieuse. Par suite, leur requête doit être rejetée, y compris leurs conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

D E C I D E :

--------------

Article 1er : La requête de l'association Fédération Environnement Durable et de l'association Vent de Colère ! Fédération nationale est rejetée.

Article 2 : La présente décision sera notifiée à l'association Fédération Environnement Durable, représentante unique des requérantes, et à la ministre de la transition énergétique.

Copie en sera adressée à la Première ministre.

Délibéré à l'issue de la séance du 28 septembre 2023 où siégeaient :

Mme Anne Egerszegi, présidente de chambre, présidant ; M. Vincent Daumas, conseiller d'Etat et M. Olivier Saby, maître des requêtes-rapporteur.

Rendu le 18 octobre 2023.

La présidente :

Signé : Mme Anne Egerszegi

Le rapporteur :

Signé : M. Olivier Saby

La secrétaire :

Signé : Mme Katia Nunes


Synthèse
Formation : 9ème chambre
Numéro d'arrêt : 468888
Date de la décision : 18/10/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Publications
Proposition de citation : CE, 18 oct. 2023, n° 468888
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Olivier Saby
Rapporteur public ?: Mme Emilie Bokdam-Tognetti
Avocat(s) : SCP MARLANGE, DE LA BURGADE

Origine de la décision
Date de l'import : 22/10/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2023:468888.20231018
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