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24/08/2023 | FRANCE | N°478278

France | France, Conseil d'État, Juge des référés, 24 août 2023, 478278


Vu la procédure suivante :

Mme B... A... a demandé au juge des référés du tribunal administratif de Nice, statuant sur le fondement de l'article L. 521-2 du code de justice administrative, d'une part, de l'admettre au bénéfice de l'aide juridictionnelle provisoire et, d'autre part, d'enjoindre au préfet des Alpes-Maritimes de lui attribuer, ainsi qu'à ses trois enfants, un hébergement d'urgence, sous astreinte de 100 euros par jour de retard à compter de la notification de l'ordonnance à intervenir. Par une ordonnance n° 2303579 du 25 juillet 2023, la juge des référés a,

en premier lieu, admis Mme A... au bénéfice de l'aide juridictionnel...

Vu la procédure suivante :

Mme B... A... a demandé au juge des référés du tribunal administratif de Nice, statuant sur le fondement de l'article L. 521-2 du code de justice administrative, d'une part, de l'admettre au bénéfice de l'aide juridictionnelle provisoire et, d'autre part, d'enjoindre au préfet des Alpes-Maritimes de lui attribuer, ainsi qu'à ses trois enfants, un hébergement d'urgence, sous astreinte de 100 euros par jour de retard à compter de la notification de l'ordonnance à intervenir. Par une ordonnance n° 2303579 du 25 juillet 2023, la juge des référés a, en premier lieu, admis Mme A... au bénéfice de l'aide juridictionnelle provisoire, en deuxième lieu, enjoint au département des Alpes-Maritimes de lui désigner un lieu d'hébergement d'urgence susceptible de l'accueillir avec ses trois enfants dans un délai de vingt-quatre heures à compter de la notification de cette ordonnance et, en dernier lieu, rejeté le surplus des conclusions de sa demande.

Par une requête, enregistrée le 7 août 2023 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, le département des Alpes-Maritimes demande au juge des référés du Conseil d'Etat, statuant sur le fondement de l'article L. 521-2 du code de justice administrative :

1°) d'annuler cette ordonnance ;

2°) de rejeter la demande présentée par Mme A... en tant qu'elle est dirigée contre lui.

Il soutient que :

- la condition d'urgence n'est pas satisfaite dès lors que Mme A... s'est elle-même placée dans la situation de précarité dans laquelle elle se trouve en n'accomplissant pas les démarches nécessaires à ce que son attestation de demande d'asile soit renouvelée, de sorte qu'elle a cessé de bénéficier des conditions matérielles d'accueil ;

- aucune carence dans la prise en charge de Mme A... et ses enfants ne lui est imputable dès lors que les services départementaux compétents n'ont jamais été saisis de sa situation, et que ni l'Etat ni l'Office français de l'immigration et de l'insertion (OFII) n'ont informé les services départementaux de l'interruption de leur prise en charge ;

- l'atteinte alléguée au droit à l'hébergement d'urgence de Mme A... et de ses enfants est imputable à l'Etat qui a brutalement interrompu leur prise en charge sans justification apparente, la reportant ainsi sur le département sans pour autant avoir accompli les diligences nécessaires.

Par deux mémoires en défense, enregistrés les 16 et 19 août 2023, l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII) conclut au rejet de la requête. Il soutient que ses moyens ne sont pas fondés.

Par deux mémoires en défense et appel provoqué, enregistrés les 16 et 17 août 2023, Mme A... conclut au rejet de la requête et, subsidiairement, par la voie de l'appel provoqué, à l'annulation de l'ordonnance attaquée en tant qu'elle a mis hors de cause l'OFII et à ce qu'il soit enjoint à cet office de lui attribuer, ainsi qu'à ses trois enfants, un hébergement d'urgence, sous astreinte de 100 euros par jour de retard à compter de la notification de l'ordonnance à intervenir. Elle soutient que les moyens de la requête ne sont pas fondés et, subsidiairement, que c'est à tort que l'ordonnance attaquée a retenu qu'aucune carence de l'OFII constitutive d'une atteinte manifestement illégale à une liberté fondamentale n'était caractérisée dès lors que, d'une part, sa situation de vulnérabilité n'a pas été prise en compte par l'OFII lorsqu'il a mis fin à son hébergement et, d'autre part, elle n'a pas été informée par une décision écrite et motivée de la fin de son droit à l'hébergement.

Par un mémoire, enregistré le 17 août 2023, la délégation interministérielle à l'hébergement et à l'accès au logement conclut au rejet de la requête. Elle soutient que ses moyens ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code de l'action sociale et des familles ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir convoqué à une audience publique, d'une part, le département des Alpes-Maritimes, et d'autre part, l'Office français de l'immigration et de l'intégration, Mme A... et la délégation interministérielle à l'hébergement et à l'accès au logement ;

Ont été entendus lors de l'audience publique du 21 août 2023, à 10 heures 30 :

- Me Sebagh, avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation, avocat du département des Alpes-Maritimes ;

- la représentante du département des Alpes-Maritimes ;

- Me Goulet, avocate au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation, avocate de Mme A... ;

- la représentante de l'Office français de l'immigration et de l'intégration ;

- les représentants de la délégation interministérielle à l'hébergement et à l'accès au logement ;

à l'issue de laquelle le juge des référés a clos l'instruction ;

Considérant ce qui suit :

1. Aux termes de l'article L. 521-2 du code de justice administrative : " Saisi d'une demande en ce sens justifiée par l'urgence, le juge des référés peut ordonner toutes mesures nécessaires à la sauvegarde d'une liberté fondamentale à laquelle une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public aurait porté, dans l'exercice d'un de ses pouvoirs, une atteinte grave et manifestement illégale. (...) "

2. Il résulte de l'instruction que Mme A..., ressortissante congolaise née en 1997, est entrée en France en septembre 2021 et a présenté une demande d'admission au statut de réfugié politique. Elle a bénéficié des conditions matérielles d'accueil et, à ce titre, d'un hébergement d'urgence à compter du 7 octobre 2021 et jusqu'au 14 juillet 2023. Ne bénéficiant plus, faute du renouvellement de sa demande d'asile en préfecture, d'une attestation de demandeur d'asile depuis le 3 mai 2022, et en l'absence de toute solution d'hébergement, Mme A... a saisi le juge des référés du tribunal administratif de Nice d'une demande, fondée sur l'article L. 521-2 du code de justice administrative. Par une ordonnance du 25 juillet 2023, le juge des référés du tribunal administratif a enjoint au département des Alpes-Maritimes de lui désigner un lieu d'hébergement d'urgence susceptible de l'accueillir avec ses trois enfants dans un délai de vingt-quatre heures à compter de la notification de cette ordonnance. Le département des Alpes-Maritimes fait appel de cette ordonnance.

3. Aux termes de l'article L. 221-1 du code de l'action sociale et des familles : " Le service de l'aide sociale à l'enfance est un service non personnalisé du département chargé des missions suivantes : / 1° Apporter un soutien matériel, éducatif et psychologique (...) aux mineurs et à leur famille ou à tout détenteur de l'autorité parentale, confrontés à des difficultés risquant de mettre en danger la santé, la sécurité, la moralité de ces mineurs ou de compromettre gravement leur éducation ou leur développement physique, affectif, intellectuel et social (...) / (...) / 3° Mener en urgence des actions de protection en faveur des mineurs mentionnés au 1° du présent article ; / (...) / 5° (...) organiser le recueil et la transmission, dans les conditions prévues à l'article L. 226-3, des informations préoccupantes relatives aux mineurs dont la santé, la sécurité, la moralité sont en danger ou risquent de l'être ou dont l'éducation ou le développement sont compromis ou risquent de l'être, et participer à leur protection (...) ". Aux termes de l'article L. 222-5 du même code : " Sont pris en charge par le service de l'aide sociale à l'enfance sur décision du président du conseil départemental : (...) 4° Les femmes enceintes et les mères isolées avec leurs enfants de moins de trois ans qui ont besoin d'un soutien matériel et psychologique, notamment parce qu'elles sont sans domicile. (...) " Enfin, il résulte de l'article L. 221-2 de ce code que le département doit notamment disposer de " possibilités d'accueil d'urgence " ainsi que de " structures d'accueil pour les femmes enceintes et les mères avec leurs enfants " et de son article L. 222-3 que les prestations d'aide sociale à l'enfance peuvent prendre la forme du versement d'aides financières.

4. Aux termes de l'article L. 121-7 du code de l'action sociale et des familles : " Sont à la charge de l'Etat au titre de l'aide sociale : (...) 8° Les mesures d'aide sociale en matière de logement, d'hébergement et de réinsertion, mentionnées aux articles L. 345-1 à L. 345-3 ". Aux termes de l'article L. 345-1 du même code : " Bénéficient, sur leur demande, de l'aide sociale pour être accueillies dans des centres d'hébergement et de réinsertion sociale publics ou privés les personnes et les familles qui connaissent de graves difficultés, notamment économiques, familiales, de logement, de santé ou d'insertion, en vue de les aider à accéder ou à recouvrer leur autonomie personnelle et sociale (...) ". Aux termes de l'article L. 345-2 de ce code : " Dans chaque département est mis en place, sous l'autorité du représentant de l'Etat, un dispositif de veille sociale chargé d'accueillir les personnes sans abri ou en détresse, de procéder à une première évaluation de leur situation médicale, psychique et sociale et de les orienter vers les structures ou services qu'appelle leur état. Cette orientation est assurée par un service intégré d'accueil et d'orientation, dans les conditions définies par la convention conclue avec le représentant de l'Etat dans le département prévue à l'article L. 345-2-4. (...) " Aux termes de l'article L. 345-2-2 du même code : " Toute personne sans abri en situation de détresse médicale, psychique ou sociale a accès, à tout moment, à un dispositif d'hébergement d'urgence. (...) "

5. S'il résulte des dispositions citées au point 4 que sont en principe à la charge de l'Etat les mesures d'aide sociale relatives à l'hébergement des personnes qui connaissent de graves difficultés, notamment économiques ou de logement, ainsi que l'hébergement d'urgence des personnes sans abri en situation de détresse médicale, psychique ou sociale, il résulte des dispositions citées au point 3 que la prise en charge, qui inclut l'hébergement, le cas échéant en urgence, des femmes enceintes ou des mères isolées avec leurs enfants de moins de trois ans qui ont besoin d'un soutien matériel et psychologique, notamment parce qu'elles sont sans domicile, incombe au département en vertu de l'article L. 222-5 du code de l'action sociale et des familles. Si toute personne peut s'adresser au service intégré d'accueil et d'orientation prévu par l'article L. 345-2 du même code et si l'Etat ne pourrait légalement refuser à ces femmes un hébergement d'urgence au seul motif qu'il incombe en principe au département d'assurer leur prise en charge, l'intervention de l'Etat ne revêt qu'un caractère supplétif, dans l'hypothèse où le département n'aurait pas accompli les diligences qui lui reviennent.

6. Si le département des Alpes-Maritimes soutient que Mme A... a elle-même contribué à sa situation de précarité en n'effectuant pas les démarches requises pour obtenir le renouvellement de son attestation de demandeur d'asile et en quittant sans motif valable le centre d'hébergement qui lui avait été assigné par l'Office français de l'immigration et de l'intégration, alors qu'elle aurait pu continuer à bénéficier des conditions matérielles d'accueil attachées à ce statut, et qu'elle n'a effectué aucune démarche auprès de ses services afin de bénéficier d'un hébergement d'urgence avant de saisir le juge des référés du tribunal administratif, il résulte de l'instruction que l'intéressée est mère célibataire et a trois enfants à sa charge, dont le dernier est âgé de moins de trois ans et que, sans l'intervention de l'ordonnance de première instance, elle ne disposait d'aucune solution d'hébergement pour elle-même et ses enfants. Il suit de là qu'elle remplit tant la condition d'urgence pour présenter une demande en référé sur le fondement des dispositions citées ci-dessus de l'article L. 521-2 du code de justice administrative, que les conditions prévues au 4° de l'article L. 222-5 du code de l'action sociale et des familles. Par suite, le département des Alpes-Maritimes n'est pas fondé à demander l'annulation de l'ordonnance qu'il attaque.

O R D O N N E :

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Article 1er : La requête du département des Alpes-Maritimes est rejetée.

Article 2 : La présente ordonnance sera notifiée au département des Alpes-Maritimes, à Mme B... A..., à l'Office français de l'immigration et de l'intégration et à la délégation interministérielle à l'hébergement et à l'accès au logement.

Fait à Paris, le 24 août 2023

Signé : Alain Seban


Synthèse
Formation : Juge des référés
Numéro d'arrêt : 478278
Date de la décision : 24/08/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Publications
Proposition de citation : CE, 24 aoû. 2023, n° 478278
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Avocat(s) : SCP ROCHETEAU, UZAN-SARANO et GOULET ; SCP BAUER-VIOLAS - FESCHOTTE-DESBOIS - SEBAGH

Origine de la décision
Date de l'import : 03/09/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2023:478278.20230824
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