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30/06/2023 | FRANCE | N°457884

France | France, Conseil d'État, 9ème - 10ème chambres réunies, 30 juin 2023, 457884


Vu la procédure suivante :

Par une requête sommaire, un mémoire complémentaire et deux nouveaux mémoires, enregistrés le 26 octobre 2021, les 21 janvier et 1er juillet 2022 et le 7 avril 2023 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la société Plüm Energie demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler pour excès de pouvoir la décision implicite du Premier ministre rejetant son recours gracieux dirigé contre les dispositions des 5° et 7° de l'article R. 221-3 du code de l'énergie dans leur rédaction issue du II de l'article 1er du décret n° 2021-712 du 3 ju

in 2021 relatif à la cinquième période du dispositif des certificats d'économie...

Vu la procédure suivante :

Par une requête sommaire, un mémoire complémentaire et deux nouveaux mémoires, enregistrés le 26 octobre 2021, les 21 janvier et 1er juillet 2022 et le 7 avril 2023 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la société Plüm Energie demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler pour excès de pouvoir la décision implicite du Premier ministre rejetant son recours gracieux dirigé contre les dispositions des 5° et 7° de l'article R. 221-3 du code de l'énergie dans leur rédaction issue du II de l'article 1er du décret n° 2021-712 du 3 juin 2021 relatif à la cinquième période du dispositif des certificats d'économie d'énergie, et d'annuler ces dispositions ;

2°) à titre subsidiaire, d'abroger ces mêmes dispositions des 5° et 7° de l'article R. 221-3 du code de l'énergie et d'enjoindre la fixation de seuils-franchises conformes à la loi ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code de l'énergie ;

- la loi n° 2005-781 du 13 juillet 2005 ;

- la loi n° 2015-992 du 17 août 2015 ;

- la loi n° 2019-1147 du 8 novembre 2019 ;

- le décret n° 2021-712 du 3 juin 2021 ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Olivier Saby, maître des requêtes,

- les conclusions de Mme Céline Guibé, rapporteure publique ;

Considérant ce qui suit :

1. La société Plüm Energie demande l'annulation de la décision implicite par laquelle le Premier ministre a rejeté sa demande tendant à l'abrogation des dispositions des 5° et 7° de l'article R. 221-3 du code de l'énergie dans leur rédaction issue du II de l'article 1er du décret du 3 juin 2021 relatif à la cinquième période du dispositif des certificats d'économies d'énergie, qui réduisent les seuils de volumes annuels d'électricité et de gaz naturel vendus sur le territoire national aux ménages et aux entreprises du secteur tertiaire, au-delà desquels les fournisseurs sont soumis aux obligations d'économies d'énergie. La société requérante demande également l'annulation de ces dispositions ou, à titre subsidiaire, leur abrogation.

Sur la légalité externe :

2. Lorsqu'un décret doit être pris en Conseil d'Etat, le texte retenu par le Gouvernement ne peut être différent à la fois du projet qu'il avait soumis au Conseil d'Etat et du texte adopté par ce dernier. En l'espèce, il ressort des pièces du dossier, en particulier de la copie de la minute de la section des travaux publics du Conseil d'Etat, telle qu'elle a été versée au dossier par la ministre de la transition énergétique, que le décret attaqué ne contient pas de dispositions qui diffèreraient à la fois du projet initial du Gouvernement et du texte adopté par la section des travaux publics. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des règles qui gouvernent l'examen par le Conseil d'Etat des projets de décret doit être écarté.

Sur la légalité interne :

3. Les articles L. 221-1 à L. 222-9 du code de l'énergie instituent un dispositif soumettant les fournisseurs d'énergie dont les ventes excèdent un certain seuil à des obligations d'économies d'énergie, dont ils s'acquittent par la détention, à la fin de chaque période de référence, de certificats d'économies d'énergie. Ces obligations d'économies d'énergie sont fixées par décret en fonction du type d'énergie considéré, des catégories de clients du fournisseur et du volume de son activité. Les fournisseurs d'énergie peuvent réunir les certificats soit en réalisant eux-mêmes des économies d'énergie, soit en obtenant de leurs clients qu'ils en réalisent, soit en les acquérant auprès d'un autre fournisseur d'énergie ou d'une personne morale qui, en application de l'article L. 221-7 du code de l'énergie, est susceptible d'obtenir des certificats en contrepartie de mesures d'économies d'énergie réalisées volontairement.

4. Aux termes de l'article L. 221-1 du code de l'énergie : " Sont soumises à des obligations d'économies d'énergie : / (...) 2° Les personnes qui vendent de l'électricité, du gaz (...) aux consommateurs finals et dont les ventes annuelles sont supérieures à un seuil défini par décret en Conseil d'Etat. / Les personnes mentionnées aux 1° et 2° peuvent se libérer de ces obligations soit en réalisant, directement ou indirectement, des économies d'énergie, soit en acquérant des certificats d'économies d'énergie. / (...) ". Aux termes du dernier alinéa de l'article R. 221-1 de ce code : " La cinquième période d'obligation d'économies d'énergie s'étend du 1er janvier 2022 au 31 décembre 2025 ". Aux termes de l'article R. 221-2 du même code : " Les quantités d'énergie prises en compte pour la fixation des obligations d'économies d'énergie sont : (...) / 5° Les volumes d'électricité vendus sur le territoire national aux ménages et aux entreprises du secteur tertiaire ; (...) / 7° Les volumes de gaz naturel vendus sur le territoire national aux ménages et aux entreprises du secteur tertiaire ". Aux termes de l'article R. 221-3 du même code, dans sa rédaction issue du décret du 3 juin 2021 : " Pour chaque année civile des périodes mentionnées à l'article R. 221-1, sont soumises à des obligations d'économies d'énergie les personnes pour lesquelles au moins l'une des quantités définies à l'article R. 221-2 est supérieure, la même année, aux seuils suivants : (...) / 5° Pour la quantité d'électricité :

a) 400 millions de kilowattheures d'énergie finale pour les années civiles 2015 à 2021 ;

b) 300 millions de kilowattheures d'énergie finale pour l'année civile 2022 ; c) 200 millions de kilowattheures d'énergie finale pour l'année civile 2023 ; d) 100 millions de kilowattheures d'énergie finale pour l'année civile 2024 et les suivantes ; (...) / 7° Pour la quantité de gaz naturel : a) 400 millions de kilowattheures de pouvoir calorifique supérieur d'énergie finale pour les années civiles 2015 à 2021 ; b) 300 millions de kilowattheures de pouvoir calorifique supérieur d'énergie finale pour l'année civile 2022 ; c) 200 millions de kilowattheures de pouvoir calorifique supérieur d'énergie finale pour l'année civile 2023 ; d) 100 millions de kilowattheures de pouvoir calorifique supérieur d'énergie finale pour l'année civile 2024 et les suivantes ". Enfin, aux termes du III de l'article R. 221-4 de ce code : " Pour chaque année civile de la cinquième période mentionnée à l'article R. 221-1, chaque personne mentionnée à l'article R. 221-3 est soumise à une obligation d'économies d'énergie, exprimée en kilowattheures d'énergie finale cumulée actualisés (ou "kWh cumac"), qui est la somme, pour toutes les énergies, de la quantité mentionnée à l'article R. 221-2, excédant le seuil mentionné à l'article R. 221-3, multipliée par : / (...) 5° Pour l'électricité : 0,416 kWh cumac par kilowattheure d'énergie finale ; / (...) / 7° Pour le gaz naturel : 0,422 kWh cumac par kilowattheure de pouvoir calorifique supérieur d'énergie finale ".

5. S'il résulte de l'économie générale de la loi du 13 juillet 2005 de programme fixant les orientations de la politique énergétique, ayant institué le dispositif des certificats d'économies d'énergie, que le législateur a souhaité la contribution des principaux opérateurs de chacun des secteurs concernés à la réalisation de l'objectif national d'économies d'énergie, il n'en résulte pas qu'il ait entendu exclure, en renvoyant purement et simplement à un décret la fixation des seuils de ventes annuelles à partir desquels les fournisseurs d'énergies sont soumis aux obligations d'économies d'énergie, que le Gouvernement puisse, progressivement, eu égard à la taille et la structure de chacun des secteurs d'énergie concernés et compte tenu du développement du marché des certificats d'économies d'énergie, attraire dans le champ du dispositif un plus grand nombre d'opérateurs aux fins qu'ils participent aussi aux objectifs d'économies d'énergie énoncés à l'article L. 100-4 du code de l'énergie et renforcés notamment par la loi du 17 août 2015 de transition énergétique pour la croissance verte et par la loi du 8 novembre 2019 relative à l'énergie et au climat.

6. Les dispositions contestées des 5° et 7° de l'article R. 221-3 du code de l'énergie citées au point 4, dans leur rédaction issue du II de l'article 1er du décret du 3 juin 2021, abaissent progressivement le seuil au-delà duquel les fournisseurs d'électricité et de gaz naturel sont soumis aux obligations d'économies d'énergie. Ainsi, le seuil, fixé, jusqu'à l'intervention de ce décret, à 400 millions de kilowattheures d'énergie finale s'agissant de l'électricité ou de pouvoir calorifique supérieur d'énergie finale s'agissant du gaz naturel, est réduit, à compter de l'année 2022, de 100 millions par an pour atteindre 100 millions de kilowattheures le 1er janvier 2024.

7. Il ressort des pièces du dossier qu'eu égard d'une part, à la taille et à la structure des secteurs de l'électricité et du gaz naturel, caractérisés notamment par des volumes de vente très importants et par la création, dont le ministre n'a pas fait valoir le caractère frauduleux, de filiales de fournisseurs obligés non assujetties jusqu'alors au dispositif à raison de volumes de ventes propres inférieurs à l'ancien seuil de 400 millions de kilowattheures, ainsi que d'autre part, à la maturité du marché des certificats d'économies d'énergie, désormais aisément accessible aux opérateurs et limitant la charge opérationnelle et administrative des actions à mener pour satisfaire aux obligations associées, les abaissements de seuils prévus par les dispositions contestées sur la seule base du critère légal du volume de vente prévu à l'article L. 221-1 du code de l'énergie ne méconnaissent pas les dispositions de cet article et ne sont pas entachés d'une erreur manifeste d'appréciation.

8. Il résulte de ce qui précède que les conclusions de la société Plüm Energie tendant à l'annulation des dispositions des 5° et 7° de l'article R. 221-3 du code de l'énergie issues du II de l'article 1er du décret du 3 juin 2021, celles, en l'absence de circonstances nouvelles, tendant à leur abrogation, ainsi que, par voie de conséquence, celles tendant à l'annulation du refus du Premier ministre de les abroger, doivent être rejetées sans qu'il soit besoin de se prononcer sur la fin de non-recevoir soulevée par la ministre.

9. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'une somme soit mise à ce titre à la charge de l'Etat qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante.

D E C I D E :

--------------

Article 1er : La requête de la société Plüm Energie est rejetée.

Article 2 : La présente décision sera notifiée à la société Plüm Energie, à la Première ministre et à la ministre de la transition énergétique.

Délibéré à l'issue de la séance du 7 juin 2023 où siégeaient :

Mme Christine Maugüé, présidente adjointe de la section du contentieux, présidant ; M. Bertrand Dacosta, Mme Anne Egerszegi, présidents de chambre ; Mme Nathalie Escaut, M. Vincent Daumas, M. Nicolas Polge, M. Alexandre Lallet, M. Didier Ribes, conseillers d'Etat et M. Olivier Saby, maître des requêtes-rapporteur.

Rendu le 30 juin 2023.

La présidente :

Signé : Mme Christine Maugüé

Le rapporteur :

Signé : M. Olivier Saby

La secrétaire :

Signé : Mme Fehmida Ghulam

La République mande et ordonne à la Première ministre et à la ministre de la transition énergétique, chacune en ce qui la concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme,

Pour la secrétaire du contentieux, par délégation :


Synthèse
Formation : 9ème - 10ème chambres réunies
Numéro d'arrêt : 457884
Date de la décision : 30/06/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Publications
Proposition de citation : CE, 30 jui. 2023, n° 457884
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Olivier Saby
Rapporteur public ?: Mme Céline Guibé

Origine de la décision
Date de l'import : 10/08/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2023:457884.20230630
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