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09/06/2023 | FRANCE | N°468241

France | France, Conseil d'État, 7ème chambre, 09 juin 2023, 468241


Vu la procédure suivante :

Par une ordonnance n° 1911298 du 12 octobre 2022, enregistrée le 13 octobre 2022 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, le président du tribunal administratif de Cergy-Pontoise a transmis au Conseil d'Etat, en application de l'article R. 351-2 du code de justice administrative, la requête présentée à ce tribunal par Mme A... B....

Par cette requête et un mémoire en réplique, enregistrés les 10 septembre 2019 et 1er juin 2021 au greffe de ce tribunal, Mme B... demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler pour excès de pouvoir

la décision du 28 juin 2019 par laquelle le ministre de l'intérieur a refusé de...

Vu la procédure suivante :

Par une ordonnance n° 1911298 du 12 octobre 2022, enregistrée le 13 octobre 2022 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, le président du tribunal administratif de Cergy-Pontoise a transmis au Conseil d'Etat, en application de l'article R. 351-2 du code de justice administrative, la requête présentée à ce tribunal par Mme A... B....

Par cette requête et un mémoire en réplique, enregistrés les 10 septembre 2019 et 1er juin 2021 au greffe de ce tribunal, Mme B... demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler pour excès de pouvoir la décision du 28 juin 2019 par laquelle le ministre de l'intérieur a refusé de l'autoriser à souscrire un contrat d'engagement en tant qu'élève officier de carrière de l'Ecole des officiers de la gendarmerie nationale, ainsi que les décisions des 15 et 22 juillet 2019 rejetant ses recours hiérarchique et gracieux ;

2°) d'enjoindre au ministre de l'intérieur de l'autoriser à souscrire un contrat d'engagement en tant qu'élève officier de carrière à l'Ecole des officiers de la gendarmerie nationale ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code de la défense ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- le décret n° 2008-946 du 12 septembre 2008 ;

- l'arrêté du 20 décembre 2012 relatif à la détermination et au contrôle de l'aptitude médicale à servir du personnel militaire ;

- l'arrêté du 20 décembre 2012 relatif à la détermination du profil médical d'aptitude en cas de pathologie médicale ou chirurgicale ;

- l'arrêté du 12 septembre 2016 fixant les conditions physiques et médicales d'aptitude exigées des personnels militaires de la gendarmerie nationale et des candidats à l'admission en gendarmerie ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. David Guillarme, maître des requêtes en service extraordinaire,

- les conclusions de M. Nicolas Labrune, rapporteur public ;

Considérant ce qui suit :

1. Mme B..., déclarée admise au concours de l'Ecole des officiers de la gendarmerie nationale le 27 juin 2019, demande l'annulation de la décision du 28 juin 2019 par laquelle le ministre de l'intérieur a refusé de l'autoriser à souscrire un contrat d'engagement en tant qu'élève officier de carrière dans le cadre de la scolarité à l'Ecole des officiers de la gendarmerie nationale en raison d'une inaptitude définitive à servir établie par un certificat médico-administratif daté du 26 juin 2019.

Sur la légalité externe de la décision attaquée :

2. En premier lieu, aucun texte ni aucun principe n'impose la motivation de la décision contestée, dès lors notamment que l'admission à l'état militaire ne saurait être regardée comme un avantage dont l'attribution constitue un droit. Par suite, le moyen tiré de ce que la décision contestée est insuffisamment motivée ne peut qu'être écarté.

3. En deuxième lieu, par une décision du 8 mars 2019 portant délégation de signature, la colonelle Frédérique Nourdin, cheffe du bureau des recrutements, des concours et des examens, a reçu délégation à l'effet de signer, au nom du ministre de l'intérieur, tous actes, arrêtés et décisions, à l'exclusion des décrets, dans la limite des attributions du bureau des recrutements, des concours et des examens. Il s'ensuit que le moyen tiré de l'incompétence de l'auteur de l'acte attaqué manque en fait.

Sur la légalité interne de la décision attaquée :

4. En premier lieu, aux termes de l'article L. 4132-1 du code de la défense : " Nul ne peut être militaire : (...) / 3° S'il ne présente les aptitudes exigées pour l'exercice de la fonction ; (...) ". Aux termes de l'article 1-1 du décret du 12 septembre 2008 portant statut particulier du corps des officiers de gendarmerie : " Un arrêté du ministre de l'intérieur fixe les conditions médicales et physiques d'aptitude exigées pour servir en qualité d'officier de gendarmerie lors de l'admission dans le corps ou en cours de carrière, ainsi que les possibilités de dérogation à ces conditions d'aptitude permettant aux militaires d'être maintenus dans l'emploi d'officier de gendarmerie ". Selon l'article 5 de l'arrêté du 20 décembre 2012 relatif à la détermination et au contrôle de l'aptitude médicale à servir du personnel militaire : " L'expertise médicale initiale a pour objectif de vérifier l'adéquation de l'état de santé du candidat avec les impératifs des métiers militaires. Elle conduit à l'établissement du profil médical et à une conclusion d'ordre médico-militaire d'appréciation de l'aptitude médicale à servir dans la ou les spécialités postulées. Elle est déterminée en se référant strictement à des normes ou conditions particulières d'emploi définies par le commandement ". Aux termes de l'article 3 de l'arrêté du 12 septembre 2016 fixant les conditions physiques et médicales d'aptitude exigées des personnels militaires de la gendarmerie nationale et des candidats à l'admission en gendarmerie alors en vigueur : " Sept sigles définissent le profil médical. Ils correspondent respectivement : (...) O : aux oreilles et à l'audition. (...) Les sigles S, I, G, Y, O peuvent être affectés de 6 coefficients (de 1 à 6) (...) / La cotation des affections ou de leurs séquelles est déterminée selon des modalités fixées par le service de santé des armées ". Aux termes de l'article 7 de cet arrêté : " Les normes médicales d'aptitude requises des candidats à l'admission en gendarmerie sont fixées par corps ou statut d'appartenance en annexe I. (...) ". L'annexe I du même arrêté prévoit un coefficient maximum de 2 affecté au sigle O pour les candidats à un recrutement en qualité d'officier de gendarmerie. Enfin, l'annexe II de l'arrêté du 20 décembre 2012 relatif à la détermination du profil médical d'aptitude en cas de pathologie médicale ou chirurgicale précise les coefficients susceptibles d'être attribués au sigle O en fonction de l'acuité auditive mesurée et des affections diagnostiquées.

5. L'appréciation de l'aptitude médicale pour l'admission à l'état de militaire ne peut porter que sur la capacité de chaque candidat, estimée au moment de l'admission, à exercer les fonctions auxquelles ce corps donne accès. Si l'appréciation de l'aptitude physique à exercer ces fonctions peut prendre en compte les conséquences sur cette aptitude de l'évolution prévisible d'une affection déclarée, elle doit également tenir compte de l'existence de traitements permettant de guérir l'affection identifiée ou de remédier à son évolution.

6. Si Mme B... soutient que la baisse de l'acuité auditive à l'oreille gauche constatée lors des examens médicaux réalisés à la suite de son admission au concours de l'Ecole des officiers de la gendarmerie nationale n'a pas été détectée au cours des stages qu'elle a effectués au sein de la gendarmerie nationale et ne lui occasionnerait aucune gêne dans la vie quotidienne, ces circonstances ne sont pas de nature à établir que la norme d'aptitude médicale relative à l'ouïe fixée à un coefficient maximum de 2 par l'arrêté du 12 septembre 2016 ne serait pas en adéquation avec les exigences inhérentes aux missions confiées aux officiers de gendarmerie, alors d'ailleurs que, selon l'annexe II de l'arrêté du 20 décembre 2012 mentionné au point 3, l'attribution d'un coefficient numérique 4 au sigle O du profil médical peut traduire l'existence d'une lésion auriculaire grave par son évolution possible et se manifestant seulement, à la date de l'expertise médicale, par une hypoacousie légère.

7. En second lieu, aux termes de l'article 11 de l'arrêté du 12 septembre 2016 : " Un militaire peut, en cas d'altération de ses capacités physiques, demander à être autorisé à servir par dérogation aux conditions médicales et physiques d'aptitude définies aux annexes II, III, IV et V. Cette autorisation ne peut lui être délivrée qu'après avis du conseil régional de santé ". L'annexe III de cet arrêté prévoit un coefficient maximum de 3 affecté au sigle O pour les officiers de gendarmerie en cours de carrière.

8. Le principe d'égalité ne s'oppose pas à ce que l'autorité investie du pouvoir réglementaire règle de façon différente des situations différentes ni à ce qu'elle déroge à l'égalité pour des raisons d'intérêt général pourvu que, dans l'un comme l'autre cas, la différence de traitement qui en résulte soit en rapport direct avec l'objet de la norme qui l'établit et ne soit pas manifestement disproportionnée au regard des motifs susceptibles de la justifier.

9. Les officiers de gendarmerie en cours de carrière sont placés dans une situation différente de celle des lauréats du concours de l'Ecole des officiers de la gendarmerie nationale au regard des conditions physiques et médicales d'aptitude à servir eu égard à l'éventuelle incidence de leurs années de service sur leurs capacités physiques, à leur expérience professionnelle antérieure et à la circonstance qu'ils occupent déjà, au moment de l'évaluation de leur aptitude médicale, un emploi au sein de la gendarmerie nationale dont les exigences opérationnelles sont connues. Par suite, Mme B... n'est, en tout état de cause, pas fondée à soutenir que la fixation de normes d'aptitude médicale différentes pour les officiers en cours de carrière méconnaitrait le principe d'égalité, pas plus que la possibilité qui leur est réservée de continuer à servir par dérogation à ces conditions d'aptitude sur autorisation de l'autorité militaire, laquelle n'est par ailleurs jamais tenue d'accorder une telle dérogation.

10. Il résulte de ce qui précède que Mme B... n'est pas fondée à demander l'annulation de la décision contestée.

Sur les conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

11. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'une somme soit mise à ce titre à la charge de l'Etat qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante.

D E C I D E :

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Article 1er : La requête de Mme B... est rejetée.

Article 2 : La présente décision sera notifiée à Mme A... B... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.


Synthèse
Formation : 7ème chambre
Numéro d'arrêt : 468241
Date de la décision : 09/06/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Publications
Proposition de citation : CE, 09 jui. 2023, n° 468241
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. David Guillarme
Rapporteur public ?: M. Nicolas Labrune

Origine de la décision
Date de l'import : 11/06/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2023:468241.20230609
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