Vu la procédure suivante :
Par une requête et un mémoire en réplique, enregistrés les 8 novembre 2021 et le 22 avril 2022 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, M. B... A... demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler le décret du Président de la République du 6 septembre 2021 portant nomination, titularisation et affectation (enseignements supérieurs) en tant que son nom ne figure pas parmi les personnes nommées et titularisées en qualité de professeur des universités-praticien hospitalier ;
2°) d'enjoindre à l'Etat, à titre principal, de le réintégrer dans la liste des personnes nommées et titularisées en qualité de professeur des universités-praticien hospitalier, ou à titre subsidiaire, de réexaminer son dossier dans un délai de quinze jours à compter de la décision à intervenir ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 6 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- le code de la santé publique ;
- la loi du 22 avril 1905 portant fixation du budget des dépenses et des recettes de l'exercice 1905 ;
- la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 ;
- le décret n° 84-135 du 24 février 1984 ;
- l'arrêté du 17 septembre 1987 fixant la procédure de recrutement des professeurs des universités-praticiens hospitaliers et maîtres de conférences des universités-praticiens hospitaliers ;
- le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de Mme Cécile Fraval, maître des requêtes en service extraordinaire,
- les conclusions de M. Raphaël Chambon, rapporteur public ;
Vu les notes en délibéré, enregistrées les 7 et 26 avril 2023, présentées par
M. A... ;
Considérant ce qui suit :
1. Il ressort des pièces du dossier que, par un arrêté du 3 mai 2021 de la ministre de l'enseignement supérieur, de la recherche et de l'innovation et de la directrice générale du Centre national de gestion, M. A..., recruté par contrat le 1er novembre 2020 par le centre hospitalier universitaire (CHU) de Rouen en qualité de praticien hospitalier au sein du service de clinique gynécologique et obstétricale, a été admis au concours ouvert pour le recrutement de professeurs des universités-praticiens hospitaliers au titre de l'année 2021 dans la spécialité génécologie obstétrique, gynécologie médicale. M. A... a, par la suite, présenté sa candidature au poste de professeur des universités-praticien hospitalier en
gynécologie-obstétrique, gynécologie médicale ouvert au recrutement au titre de l'année 2021 au centre hospitalier universitaire de Rouen. Un décret du président de la République du
6 septembre 2021 a fixé, parmi les candidats inscrits sur les listes d'admission aux concours ouverts pour le recrutement des professeurs des universités-praticiens hospitaliers au titre de l'année 2021, la liste des candidats nommés et titularisés en cette qualité. M. A... demande l'annulation pour excès de pouvoir de ce décret en tant que son nom n'y figure pas.
2. Le décret du 24 février 1984 portant statut des personnels enseignants et hospitaliers des centres hospitaliers et universitaires, applicable au litige, prévoit à son article 61 que, pour le recrutement des professeurs des universités-praticiens hospitaliers, " des concours nationaux sont organisés pour chaque discipline par arrêté conjoint des ministres chargés de l'enseignement supérieur et de la santé ". Aux termes de l'article 53 du même décret, dans sa version applicable au litige : " Chaque candidat inscrit sur la liste d'admission peut postuler à un ou plusieurs des emplois mis au concours. Les candidatures sont soumises au conseil de l'unité de formation et de recherche et à la commission médicale d'établissement. / Le directeur de l'unité de formation et de recherche transmet les différents avis au ministre chargé de l'enseignement supérieur et le directeur du centre hospitalier universitaire les transmet au ministre chargé de la santé. / Les deux ministres procèdent conjointement aux nominations. / Si, après un premier tour de candidatures et de nominations, tous les emplois n'ont pas été pourvus, il est procédé à un deuxième tour ". Aux termes de son article 68 : " Les professeurs des universités-praticiens hospitaliers et les professeurs des universités-praticiens hospitaliers des disciplines pharmaceutiques sont nommés par décret du Président de la République. / Les emplois sont pourvus suivant la procédure définie à l'article 53 ". L'article 13 de l'arrêté du
17 septembre 1987 fixant la procédure de recrutement des professeurs des universités-praticiens hospitaliers et maîtres de conférences des universités-praticiens hospitaliers dispose que : " le dossier des candidats accompagné des avis du conseil de l'unité de formation et de recherche et de la commission médicale d'établissement est transmis par le directeur de l'unité de formation et de recherche concernée et par le directeur général du centre hospitalier universitaire respectivement au ministre chargé de la santé et au ministre chargé de l'enseignement supérieur en vue de la nomination aux emplois correspondants ".
3. En premier lieu, il ressort des pièces du dossier que le décret attaqué a été contresigné par la ministre de l'enseignement supérieur, de la recherche et de l'innovation. Ainsi, le moyen tiré du défaut de ce contreseing manque en fait.
4. En deuxième lieu, il ressort des pièces du dossier que, le 26 mai 2021, le conseil de l'unité de formation et de recherche (UFR) santé de l'université de Rouen et la commission médicale d'établissement du centre hospitalier universitaire de Rouen ont chacun rendu un avis favorable sur la candidature de M. A... au poste de professeur des
universités-praticien hospitalier en gynécologie-obstétrique, gynécologie médicale ouvert au recrutement au sein de l'établissement. Ces avis ont été transmis respectivement à la ministre de l'enseignement supérieur, de la recherche et de l'innovation et au ministre des solidarités et de la santé. A la suite de la plainte d'une élève sage-femme signalant le comportement inapproprié de M. A... à son égard le 25 mai 2021, une enquête interne a été conduite au sein du service dans lequel exerçait le requérant. La commission de déontologie de l'UFR santé de Rouen, saisie par le doyen de l'UFR, a également entendu plusieurs internes en gynécologie ainsi que plusieurs étudiantes en maïeutique. Par trois courriers en date des 24 juin, 6 juillet et 7 juillet 2021, le doyen de l'UFR santé de Rouen, le président de l'université de Rouen ainsi que la directrice générale et le président de la commission médicale d'établissement du CHU de Rouen ont demandé aux ministres compétents, dans l'intérêt du service, de ne pas proposer la nomination de M. A... en qualité de professeur des universités-praticien hospitalier compte tenu de faits traduisant un comportement inapproprié de l'intéressé à l'égard d'étudiantes sage-femme et d'internes de sexe féminin dans l'exercice de ses fonctions au sein du service de clinique gynécologique et obstétricale. Au regard des circonstances ainsi portées à leur connaissance, les ministres ont décidé de ne pas proposer la nomination de M. A... au Président de la République. Il en résulte que, contrairement à ce que soutient M. A..., le refus de retenir sa candidature a été pris dans le seul intérêt du service, au motif que l'intéressé ne présentait pas les garanties requises pour l'exercice des fonctions auxquelles il postulait, et ne revêt pas le caractère d'une sanction disciplinaire déguisée, qu'au demeurant, les ministres n'étaient pas compétents pour prononcer, les faits en cause ayant été commis dans le cadre de ses fonctions de praticien contractuel au centre hospitalier universitaire de Rouen. Le requérant n'est, par suite, pas fondé à soutenir que le décret attaqué est entaché d'un vice de procédure faute d'avoir été précédé de la procédure applicable en matière disciplinaire, ni qu'il aurait dû être motivé en ce qu'il lui inflige une sanction.
5. En troisième lieu, aux termes de l'article 65 de la loi du 22 avril 1905 : " Tous les militaires, tous les employés et ouvriers de toutes administrations publiques ont droit à la communication personnelle et confidentielle de toutes les notes, feuilles signalétiques et tous autres documents composant leur dossier, soit avant d'être l'objet d'une mesure disciplinaire ou d'un déplacement d'office, soit avant d'être retardé dans leur avancement à l'ancienneté ".
6. Un candidat admis au concours ouvert pour le recrutement de professeurs des universités-praticiens hospitaliers et, par ailleurs, recruté en qualité de praticien contractuel au sein d'un centre hospitalier universitaire (CHU) n'a aucun droit à sa nomination, à sa titularisation et son affectation au sein de ce CHU en qualité de professeur des
universités-praticien hospitalier. Il en résulte que, alors même que la décision de ne pas nommer M. A... est fondée sur l'appréciation portée par l'autorité de nomination sur le comportement adopté par l'intéressé dans l'exercice de fonctions antérieures et se trouve ainsi prise en considération de la personne, elle n'est pas, dès lors qu'ainsi qu'il a été dit au point 4, elle ne revêt pas le caractère d'une sanction disciplinaire, au nombre des mesures qui ne peuvent légalement intervenir sans que l'intéressé ait été mis à même de prendre connaissance de son dossier. Il s'ensuit que le requérant ne saurait utilement soutenir que les dispositions de l'article 65 de la loi du 22 avril 1905 citées au point 5 ont été méconnues faute pour lui d'avoir pu prendre connaissance de son dossier. Au demeurant, il ressort des pièces du dossier que M. A... a eu communication du compte-rendu d'entretien relatant la plainte de l'élève sage-femme et a pu rédiger son propre témoignage, qu'il a été informé des autres faits mettant en cause son comportement notamment lors d'un entretien avec le chef de service réalisant l'enquête interne et lors d'une réunion au cours de laquelle les conclusions du rapport de la commission de déontologie lui ont été présentées et qu'il a également été informé que sa candidature ne serait pas soutenue auprès des ministres compétents.
7. En quatrième lieu, d'une part, il n'est pas contesté que les avis favorables du conseil de UFR santé de l'université de Rouen et de la commission médicale d'établissement du centre hospitalier universitaire de Rouen sur la candidature de M. A... ont été transmis respectivement à la ministre de l'enseignement supérieur, de la recherche et de l'innovation et au ministre des solidarités et de la santé. D'autre part, il était loisible aux ministres compétents, qui n'étaient pas liés par ces avis, de prendre en compte des circonstances révélées postérieurement à ces avis de nature à justifier, dans l'intérêt du service, que la candidature de la nomination de
M. A... ne soit pas proposée. Le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions citées au point 2 régissant la procédure de recrutement des professeurs des universités-praticiens hospitaliers en ce que la décision attaquée n'a pas été prise sur le fondement des seuls avis favorables émis par l'UFR et la commission médicale d'établissement doit ainsi être écarté. Le requérant n'est, par ailleurs, pas davantage fondé à soutenir que la décision attaquée aurait été prise sans avoir été précédée d'un examen individuel de sa situation et que le Président de la République se serait cru à tort lié par les signalements et avis défavorables adressés aux deux ministres.
8. En cinquième lieu, il ressort des pièces du dossier, en particulier du rapport de la commission de déontologie de l'UFR santé de Rouen et des conclusions de l'enquête interne, que M. A... a adopté dans l'exercice de ses fonctions un comportement inapproprié à l'égard d'internes et d'étudiantes stagiaires en maïeutique, prenant en particulier la forme, à l'égard de ces dernières, de questions insistantes, personnelles et déplacées de nature à faire naître chez elles un sentiment de malaise et d'une tentative de séduction inappropriée à l'égard d'une étudiante stagiaire vécue par elle comme une agression, qu'il a également montré à plusieurs reprises au sein du service des images et vidéos à connotation sexuelle et que, au regard de ce comportement, le président de l'université de Rouen a adressé un courrier de signalement au procureur de la République sur le fondement des dispositions de l'article 40 du code de procédure pénale. Par suite, en estimant, au vu de l'ensemble de ces circonstances de fait portées à leur connaissance, que M. A..., à raison de ses agissements et de son comportement, ne présentait pas les aptitudes requises pour être nommé professeur des universités-praticien hospitalier dans la spécialité de gynécologie-obstétrique et qu'ils ne pouvaient, dans l'intérêt du service, le proposer à la nomination du Président de la République, et alors même que le requérant produit plusieurs témoignages en sa faveur, les ministres chargés de l'enseignement supérieur et de la santé, dont il ne ressort pas des pièces du dossier qu'ils se seraient fondés sur des considérations matériellement erronées, n'ont commis aucune erreur d'appréciation.
9. En sixième et dernier lieu, il résulte de ce qui a été dit aux points 3 et 6 que la méconnaissance alléguée du principe d'égal accès aux emplois publics qui résulterait des irrégularités dont la procédure a été entachée ne peut qu'être écarté. Par ailleurs, ni le détournement de pouvoir, ni le détournement de procédure allégués ne sont établis.
10. Il résulte de tout ce qui précède que la requête de M. A... doit être rejetée, y compris ses conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et ses conclusions à fin d'injonction.
D E C I D E :
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Article 1er : La requête de M. A... est rejetée.
Article 2 : La présente décision sera notifiée à M. B... A..., à la ministre de l'enseignement supérieur et de la recherche, au ministre de la santé et de la prévention et à la Première ministre.