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29/03/2023 | FRANCE | N°464242

France | France, Conseil d'État, 2ème chambre, 29 mars 2023, 464242


Vu la procédure suivante :

Par une requête et un mémoire en réplique, enregistrés le 20 mai 2022 et le 7 mars 2023 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, Mme B... D... demande au Conseil d'Etat d'annuler pour excès de pouvoir le décret du 3 janvier 2022 rapportant le décret du 30 janvier 2019 lui accordant la nationalité française.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code civil ;

- le décret n° 93-1362 du 30 décembre 1993 ;

- le code justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le

rapport de M. Clément Tonon, auditeur,

- les conclusions de M. Clément Malverti, rapporteur public ;

Considé...

Vu la procédure suivante :

Par une requête et un mémoire en réplique, enregistrés le 20 mai 2022 et le 7 mars 2023 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, Mme B... D... demande au Conseil d'Etat d'annuler pour excès de pouvoir le décret du 3 janvier 2022 rapportant le décret du 30 janvier 2019 lui accordant la nationalité française.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code civil ;

- le décret n° 93-1362 du 30 décembre 1993 ;

- le code justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Clément Tonon, auditeur,

- les conclusions de M. Clément Malverti, rapporteur public ;

Considérant ce qui suit :

1. Aux termes de l'article 27-2 du code civil : " Les décrets portant acquisition, naturalisation ou réintégration peuvent être rapportés sur avis conforme du Conseil d'Etat dans le délai de deux ans à compter de leur publication au Journal officiel si le requérant ne satisfait pas aux conditions légales ; si la décision a été obtenue par mensonge ou fraude, ces décrets peuvent être rapportés dans le délai de deux ans à partir de la découverte de la fraude ".

2. Mme B... D..., ressortissante camerounaise, a déposé une demande de naturalisation le 15 juillet 2017, en indiquant être célibataire et mère de deux enfants. Au vu de ses déclarations, elle a été naturalisée par décret du 30 janvier 2019, publié au Journal officiel de la République française du 1er février 2019. Toutefois, par bordereau reçu le 15 janvier 2020, le ministre de l'Europe et des affaires étrangères a informé le ministre de l'intérieur, chargé des naturalisations, de ce que Mme D... avait épousé à Yaoundé (Cameroun), le 12 août 2017, antérieurement à sa naturalisation, M. A... C..., ressortissant camerounais, résidant habituellement à l'étranger. Par décret du 3 janvier 2022, publié au Journal officiel de la République française du 5 janvier 2022, le ministre de l'intérieur a rapporté le décret du 30 janvier 2019 de naturalisation de Mme D... au motif qu'il avait été pris au vu d'informations mensongères délivrées par l'intéressée quant à sa situation familiale. Mme D... demande l'annulation pour excès de pouvoir de ce décret.

3. En premier lieu, le délai de deux ans imparti par l'article 27-2 du code civil pour rapporter le décret de naturalisation a commencé à courir à compter de la date à laquelle la réalité de la situation familiale de l'intéressée a été portée à la connaissance du ministre chargé des naturalisations. Il ressort des pièces du dossier que les services du ministre chargé des naturalisations n'ont été informés des éléments relatifs au mariage de l'intéressée, transmis par bordereau du ministère de l'Europe et des affaires étrangères, que le 15 janvier 2020, ainsi que l'atteste le tampon apposé sur le bordereau. Dans ces conditions, le décret attaqué, qui a été signé le 3 janvier 2022, a été pris avant l'expiration du délai de deux ans prévu par les dispositions de l'article 27-2 du code civil.

4. En deuxième lieu, l'article 21-16 du code civil dispose que : " Nul ne peut être naturalisé s'il n'a en France sa résidence au moment de la signature du décret de naturalisation ". Il résulte de ces dispositions que la demande de naturalisation n'est pas recevable lorsque l'intéressé n'a pas fixé en France de manière durable le centre de ses intérêts. Pour apprécier si cette condition est remplie, l'autorité administrative peut notamment prendre en compte, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, la situation personnelle et familiale en France de l'intéressé à la date du décret lui accordant la nationalité française.

5. Il ressort des pièces du dossier que Mme D... a contracté un mariage le 12 août 2017 à Yaoundé (Cameroun), avec M. C..., ressortissant camerounais résidant habituellement à l'étranger. Ce mariage a constitué un changement de sa situation familiale qu'elle aurait dû porter à la connaissance des services instruisant sa demande de naturalisation, comme elle s'y était engagée en déposant sa demande de naturalisation, ce qu'elle n'a pas fait avant que lui soit accordée la nationalité française. Si elle soutient être de bonne foi et ne pas avoir déclaré sa situation maritale à la suite de déclarations d'un agent de la mairie de son domicile, elle n'apporte, au soutien de cette allégation, qu'un unique témoignage et ne fait état d'aucune circonstance qui l'aurait mise dans l'impossibilité d'exposer sa situation familiale au service chargé de l'instruction de son dossier avant l'intervention du décret lui accordant la nationalité française. L'intéressée, qui maîtrise la langue française, ainsi qu'il ressort de son compte-rendu d'assimilation du 24 août 2018, ne pouvait se méprendre ni sur la teneur des indications devant être portées à la connaissance de l'administration chargée d'instruire sa demande, ni sur la portée de la déclaration sur l'honneur qu'elle a signée. Dans ces conditions, Mme D... doit être regardée comme ayant volontairement dissimulé sa situation familiale. Par suite, en rapportant sa naturalisation dans le délai de deux ans à compter de la découverte de la fraude, le Premier ministre n'a pas fait une inexacte application des dispositions de l'article 27-2 du code civil.

6. En troisième lieu, si Mme D... soutient qu'elle a renoncé à sa nationalité d'origine et que le décret litigieux aura pour effet de la rendre apatride, elle n'apporte aucun élément au soutien de cette allégation.

7. Il résulte de ce qui précède que Mme D... n'est pas fondée à demander l'annulation pour excès de pouvoir du décret du 3 janvier 2022 par lequel le Premier ministre a rapporté le décret du 30 janvier 2019 qui avait prononcé sa naturalisation.

D E C I D E :

--------------

Article 1er : La requête de Mme D... est rejetée.

Article 2 : La présente décision sera notifiée à Mme B... D... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.

Délibéré à l'issue de la séance du 9 mars 2023 où siégeaient : M. Nicolas Boulouis, président de chambre, présidant ; Mme Anne Courrèges, conseillère d'Etat et M. Clément Tonon, auditeur-rapporteur.

Rendu le 29 mars 2023.

Le président :

Signé : M. Nicolas Boulouis

Le rapporteur :

Signé : M. Clément Tonon

La secrétaire :

Signé : Mme Eliane Evrard


Synthèse
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 464242
Date de la décision : 29/03/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Publications
Proposition de citation : CE, 29 mar. 2023, n° 464242
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Clément Tonon
Rapporteur public ?: M. Clément Malverti

Origine de la décision
Date de l'import : 14/04/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2023:464242.20230329
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