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25/11/2022 | FRANCE | N°451092

France | France, Conseil d'État, 4ème chambre, 25 novembre 2022, 451092


Vu la procédure suivante :

M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Toulon d'annuler pour excès de pouvoir la liste d'aptitude pour l'accès au corps des ingénieurs de recherche établie au titre de l'année 2016, en tant qu'il n'y figure pas, l'arrêté du 18 juillet 2016 par lequel la ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche a nommé Mme D... dans le corps des ingénieurs de recherche à compter du 1er septembre 2016, ainsi que l'arrêté du même jour portant nomination et classement de 28 ingénieurs d'études dans le corps d

es ingénieurs de recherche à compter du 1er septembre 2016. Par un jugem...

Vu la procédure suivante :

M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Toulon d'annuler pour excès de pouvoir la liste d'aptitude pour l'accès au corps des ingénieurs de recherche établie au titre de l'année 2016, en tant qu'il n'y figure pas, l'arrêté du 18 juillet 2016 par lequel la ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche a nommé Mme D... dans le corps des ingénieurs de recherche à compter du 1er septembre 2016, ainsi que l'arrêté du même jour portant nomination et classement de 28 ingénieurs d'études dans le corps des ingénieurs de recherche à compter du 1er septembre 2016. Par un jugement n° 1603752 du 4 avril 2019, le tribunal administratif a rejeté ses demandes.

Par un arrêt n° 19MA02545 du 25 janvier 2021, la cour administrative d'appel de Marseille a rejeté l'appel formé par M. A... contre ce jugement.

Par un pourvoi sommaire et un mémoire complémentaire, enregistrés les 25 mars et 25 juin 2021 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, M. A... demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler cet arrêt ;

2°) de mettre à la charge de l'université de Toulon la somme de 3 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code de l'éducation ;

- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;

- la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 ;

- le décret n° 85-1534 du 31 décembre 1985 ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Edouard Solier, maître des requêtes,

- les conclusions de M. Frédéric Dieu, rapporteur public ;

La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SARL Didier-Pinet, avocat de M. A... et à la SCP Fabiani, Luc-Thaler, Pinatel, avocat de Mme D... ;

Considérant ce qui suit :

1. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que M. B... A..., attaché territorial puis ingénieur d'études à compter de 2012 et affecté à l'université de Toulon à compter du 1er septembre 2010, a présenté sa candidature à l'inscription sur liste d'aptitude pour l'accès au corps des ingénieurs de recherche pour l'année 2016. Par deux arrêtés du 18 juillet 2016, la ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche a, d'une part, nommé vingt-huit ingénieurs d'études dans le corps des ingénieurs de recherche à compter du 1er septembre 2016, et d'autre part, nommé Mme D... dans le grade d'ingénieur de recherche de 2ème classe. Par un jugement du 4 avril 2019, le tribunal administratif de Toulon a rejeté les demandes de M. A... tendant à l'annulation de la liste d'aptitude pour l'accès au corps des ingénieurs de recherche établie au titre de l'année 2016, en tant qu'il n'y figure pas, de l'arrêté du 18 juillet 2016 de la ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche portant nomination de vingt-huit ingénieurs d'études dans le corps des ingénieurs de recherche à compter du 1er septembre 2016 ainsi que de l'arrêté du même jour, portant nomination de Mme D... dans le corps des ingénieurs de recherche à compter du 1er septembre 2016. M. A... se pourvoit en cassation contre l'arrêt du 25 janvier 2021 par lequel la cour administrative d'appel de Marseille a rejeté son appel contre ce jugement.

2. Aux termes de l'article 26 de la loi du 11 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique d'Etat, dans sa version applicable au litige : " En vue de favoriser la promotion interne, les statuts particuliers fixent une proportion de postes susceptibles d'être proposés au personnel appartenant déjà à l'administration ou à une organisation internationale intergouvernementale, non seulement par voie de concours selon les modalités définies au troisième alinéa (2°) de l'article 19 ci-dessus, mais aussi par la nomination de fonctionnaires ou de fonctionnaires internationaux suivant l'une des modalités ci-après : 1° Examen professionnel ; 2° Liste d'aptitude établie après avis de la commission administrative paritaire du corps d'accueil, par appréciation de la valeur professionnelle et des acquis de l'expérience professionnelle des agents. / Chaque statut particulier peut prévoir l'application des deux modalités ci-dessus, sous réserve qu'elles bénéficient à des agents placés dans des situations différentes ". Aux termes de l'article L. 953-6 du code de l'éducation, dans sa version applicable au litige : " Il est créé, dans les établissements publics d'enseignement supérieur relevant du ministre chargé de l'enseignement supérieur, une commission paritaire d'établissement compétente à l'égard des corps d'ingénieurs et de personnels techniques et administratifs de recherche et de formation. Cette commission comprend un nombre égal de représentants des membres de ces corps affectés dans l'établissement, désignés par catégorie, et de représentants de l'administration. Une commission peut être commune à plusieurs établissements (...) /. L'accès, par inscription sur une liste d'aptitude, à un corps mentionné au premier alinéa, ainsi que l'avancement de grade et les réductions de l'ancienneté moyenne pour un avancement d'échelon font l'objet d'une proposition du chef d'établissement ou du chef de service auprès duquel le fonctionnaire est affecté ou détaché, qui recueille l'avis de la commission paritaire d'établissement ; ces mesures sont prononcées par le ministre après consultation de la commission administrative paritaire / (...) ". Enfin, aux termes de l'article 14 du décret du 31 décembre 1985 fixant les dispositions statutaires applicables aux ingénieurs et aux personnels techniques et administratifs de recherche et de formation du ministère chargé de l'enseignement supérieur, dans sa version applicable au litige : " Les ingénieurs de recherche sont nommés par arrêté du ministre chargé de l'enseignement supérieur. Ils sont recrutés, dans la limite des emplois à pourvoir : 1° Par des concours organisés dans les conditions fixées à l'article 15 ci-après ; 2° Au choix / (...) ".

Sur l'arrêt en tant qu'il statue sur les conclusions à fins d'annulation de la " liste d'aptitude " :

3. Il résulte des dispositions citées au point 2 que l'inscription sur une liste d'aptitude en vue d'accéder au corps des ingénieurs de recherche est prononcée par le ministre chargé de l'enseignement supérieur, après que le chef d'un établissement public d'enseignement supérieur relevant du ministre chargé de l'enseignement supérieur ou le chef d'un des services de ces établissements a proposé l'inscription d'un fonctionnaire qui y est affecté ou détaché, que cette proposition a recueilli l'avis de la commission paritaire d'établissement, puis que la commission administrative paritaire du corps des ingénieurs de recherche a été consultée sur la liste d'aptitude élaborée à partir de l'ensemble des propositions des chefs d'établissement et de chefs de service.

4. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond, en particulier des écritures de M. A... devant la cour administrative d'appel, que ses conclusions tendant à l'annulation de la liste d'aptitude pour l'accès au corps des ingénieurs de recherche établie au titre de l'année 2016 tendent à contester le document comportant cette liste d'aptitude sur lequel la commission administrative paritaire du corps des ingénieurs de recherche a été consultée. Toutefois, il résulte de ce qui a été dit au point 3 qu'en vue d'accéder au corps des ingénieurs de recherche, l'inscription sur la liste d'aptitude est décidée par arrêté du ministre chargé de l'enseignement supérieur. Par suite, en jugeant que la liste d'aptitude telle que contestée par M. A... présentait le caractère d'une décision préparatoire insusceptible de recours et que ses conclusions contre cette " liste d'aptitude " étaient dès lors irrecevables, la cour administrative d'appel n'a pas commis d'erreur de droit.

Sur l'arrêt en tant qu'il statue sur les conclusions à fins d'annulation des arrêtés du 18 juillet 2016 de la ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche portant respectivement nomination de vingt-huit ingénieurs d'études dans le corps des ingénieurs de recherche à compter du 1er septembre 2016 et nomination de Mme D... dans le corps des ingénieurs de recherche :

5. En premier lieu, il résulte de ce qui a été dit au point 3 qu'en jugeant, après avoir cité les dispositions citées au point 2, que la liste d'aptitude en vue de l'accès au corps des ingénieurs de recherche, avant d'être soumise a` la consultation de la commission administrative paritaire de ce corps, est établie par l'administration sur la base des propositions des recteurs, présidents et chefs d'établissements, et que le ministre chargé de l'enseignement supérieur ne peut arrêter cette liste d'aptitude qu'après consultation de cette commission administrative paritaire, la cour n'a pas commis d'erreur de droit ni insuffisamment motivé son arrêt.

6. En deuxième lieu, il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond, notamment du compte-rendu de la séance de la commission paritaire d'établissement de l'université de Toulon du 8 février 2016, que, d'une part, en raison du faible nombre de candidatures présentées en vue de l'inscription sur la liste d'aptitude d'accès à deux des corps d'ingénieurs et de personnels techniques et administratifs de recherche et de formation au titre de l'année 2016, dont le corps des ingénieurs de recherche, la commission paritaire d'établissement n'a pas eu recours à la méthode de classement par points qu'elle avait utilisée les années précédentes sans que cet usage soit prévu par un texte, et que, d'autre part, la commission paritaire d'établissement a examiné ces candidatures, dont celle de M. A..., au regard de la valeur professionnelle des agents candidats et des acquis de leur expérience professionnelle, en application du 2° de l'article 26 de la loi du 11 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique d'Etat. Dès lors, la cour n'a pas commis d'erreur de droit ni dénaturé les pièces du dossier en jugeant que l'absence de recours à la méthode par points pour sélectionner les candidats proposés afin d'être inscrits sur la liste d'aptitude pour l'accès au corps des ingénieurs de recherche au titre de l'année 2016 ne permettait pas d'établir l'existence d'une volonté d'évincer la candidature du requérant et ainsi d'un détournement de pouvoir. Par ailleurs, M. A... ne saurait utilement soutenir, eu égard à ce qui précède, que l'absence de recours à la méthode par points pour sélectionner les candidats proposés afin d'être inscrits sur la liste d'aptitude pour l'accès au corps des ingénieurs de recherche au titre de l'année 2016 méconnaîtrait les principes de sécurité juridique et de confiance légitime, ainsi que l'obligation de loyauté de l'employeur public à l'égard de ses agents.

7. En troisième lieu, si le requérant soutient que la cour administrative d'appel a omis de prendre en compte les circonstances selon lesquelles le directeur général des services et le président de l'université de Toulon, respectivement dans un courriel du 16 décembre 2014 et dans un courrier adressé à un tiers le 3 juillet 2015 d'une part, et dans des courriers des 23 et 27 janvier 2017 ainsi que dans une décision et un courrier du 4 avril 2017 d'autre part, auraient manifesté de l'hostilité à son égard, de sorte que leur participation à la commission paritaire d'établissement le 8 février 2016 a entaché les arrêtés attaqués d'un vice de procédure, il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que le directeur général des services de l'université avait donné un avis favorable à la candidature de M. A... à l'inscription sur la liste d'aptitude pour l'accès au corps des ingénieurs de recherche au titre de l'année 2016 et que les éléments invoqués à l'encontre du président de cette université sont postérieurs au 8 février 2016, date de la commission paritaire d'établissement. Par suite, la cour administrative d'appel, en relevant, par une appréciation souveraine exempte de dénaturation, qu'il ne ressortait pas des pièces du dossier que les membres de l'administration siégeant à la commission paritaire d'établissement du 8 février 2016 avaient fait preuve de partialité à l'encontre de M. A... et en en déduisant que le moyen tiré du vice de procédure devait être écarté, l'intéressé n'ayant, d'ailleurs, été privé d'aucune garantie à l'occasion de l'examen de sa candidature, n'a pas commis d'erreur de droit ni insuffisamment motivé son arrêt sur ce point.

8. En quatrième et dernier lieu, en jugeant que les seuls éléments invoqués par M. A... concernant des faits de harcèlement moral et de discrimination postérieurs a` l'année 2016 ne peuvent être pris en compte pour caractériser le fait que les arrêtés du 18 juillet 2016 de la ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche qu'il conteste auraient été pris pour de tels motifs, la cour n'a pas entaché son arrêt d'erreur de droit ni de dénaturation des pièces du dossier.

9. Il résulte de tout ce qui précède que le pourvoi de M. A... doit être rejeté.

10. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de M. A... une somme de 3 000 euros à verser à Mme D... au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Ces dispositions font obstacle à ce qu'une somme soit mise à ce titre à la charge de Mme D... qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante.

D E C I D E :

--------------

Article 1er : Le pourvoi de M. A... est rejeté.

Article 2 : M. A... versera à Mme D... une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : La présente décision sera notifiée à M. B... A..., à Mme C... D... et à la ministre de l'enseignement supérieur et de la recherche.

Copie en sera adressée à l'université de Toulon.

Délibéré à l'issue de la séance du 22 septembre 2022 où siégeaient : Mme Maud Vialettes, présidente de chambre, présidant ; M. Alban de Nervaux, conseiller d'Etat et M. Edouard Solier, maître des requêtes-rapporteur.

Rendu le 25 novembre 2022.

La présidente :

Signé : Mme Maud Vialettes

Le rapporteur :

Signé : M. Edouard Solier

Le secrétaire :

Signé : M. Jean-Marie Baune


Synthèse
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 451092
Date de la décision : 25/11/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Publications
Proposition de citation : CE, 25 nov. 2022, n° 451092
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Edouard Solier
Rapporteur public ?: M. Frédéric Dieu
Avocat(s) : SCP FABIANI, LUC-THALER, PINATEL ; SARL DIDIER-PINET

Origine de la décision
Date de l'import : 21/01/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2022:451092.20221125
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