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16/11/2022 | FRANCE | N°458397

France | France, Conseil d'État, 10ème chambre, 16 novembre 2022, 458397


Vu la procédure suivante :

Par une requête enregistrée le 15 novembre 2021 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, l'association " Les ami(e)s de Lucas et Saïd ", représentée par son président, M. A... B..., demande au Conseil d'Etat d'annuler les a) et b) du 4° de l'article 1er du décret n° 2021-1471 du 10 novembre 2021 modifiant le décret n° 2021-699 du 1er juin 2021 prescrivant les mesures générales nécessaires à la gestion de la sortie de crise sanitaire ainsi que le 5° du II de l'article 36 du décret n° 2021-699 du 1er juin 2021 dans sa rédaction issue

du décret du 10 novembre 2021.

Elle soutient que :

- il n'est pas démo...

Vu la procédure suivante :

Par une requête enregistrée le 15 novembre 2021 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, l'association " Les ami(e)s de Lucas et Saïd ", représentée par son président, M. A... B..., demande au Conseil d'Etat d'annuler les a) et b) du 4° de l'article 1er du décret n° 2021-1471 du 10 novembre 2021 modifiant le décret n° 2021-699 du 1er juin 2021 prescrivant les mesures générales nécessaires à la gestion de la sortie de crise sanitaire ainsi que le 5° du II de l'article 36 du décret n° 2021-699 du 1er juin 2021 dans sa rédaction issue du décret du 10 novembre 2021.

Elle soutient que :

- il n'est pas démontré que les enfants sont responsables de l'augmentation du nombre de cas ;

- le décret n'est pas justifié, et ce d'autant moins que la condition impérative de " circulation élevée du virus " a été retirée et que la reprise de l'épidémie n'est pas documentée par le gouvernement ;

- le port du masque est inefficace contre les virus et entraîne des effets néfastes sur la santé des enfants.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code de la santé publique ;

- la loi n° 2021-689 du 31 mai 2021 ;

- la loi n° 2021-1040 du 5 août 2021 ;

- le décret n° 2021-699 du 1er juin 2021 ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de Mme Myriam Benlolo Carabot, maître des requêtes en service extraordinaire,

- les conclusions de Mme Esther de Moustier, rapporteure publique ;

Considérant ce qui suit :

1. A l'expiration, le 1er juin 2021, de l'état d'urgence sanitaire qui avait été déclenché en octobre 2020 pour faire face à une reprise de l'épidémie de covid-19, l'évolution de la situation sanitaire a conduit à une modification des mesures prises pour lutter contre l'épidémie. Aux termes du I de l'article 1er de la loi du 31 mai 2021 relative à la gestion de la sortie de crise sanitaire, dans sa rédaction applicable au litige, " le Premier ministre peut, par décret pris sur le rapport du ministre de la santé, dans l'intérêt de la santé publique et aux seules fins de lutter contre la propagation de l'épidémie de covid-19 (...) réglementer l'ouverture au public, y compris les conditions d'accès et de présence, d'une ou de plusieurs catégories d'établissements recevant du public ainsi que des lieux de réunion, à l'exception des locaux à usage d'habitation, en garantissant l'accès des personnes aux biens et aux services de première nécessité. "

2. L'article 36 du décret du 1er juin 2021 prescrivant les mesures générales nécessaires à la gestion de la sortie de crise sanitaire, dans sa version en vigueur à la date à laquelle a été pris le décret du 7 décembre 2021 contesté par l'association requérante, imposait le port du masque aux élèves des écoles élémentaires et aux enfants de six à dix ans accueillis dans des structures collectives dans les seules zones dans lesquelles une circulation élevée de l'épidémie était constatée. L'article 1er du décret du 7 décembre 2021 a étendu cette obligation à l'ensemble du territoire national. Par ailleurs, aux termes du second alinéa du I de l'article 2 du décret du 1er juin 2021, dont la rédaction n'a pas été modifiée par le décret attaqué : " Les obligations de port du masque prévues au présent décret ne s'appliquent pas aux personnes en situation de handicap munies d'un certificat médical justifiant de cette dérogation et qui mettent en œuvre les mesures sanitaires de nature à prévenir la propagation du virus. ".

3. Il ressort des pièces du dossier qu'à la date à laquelle les dispositions contestées ont été adoptées, les différents indicateurs évoluaient négativement avec une progression rapide de l'épidémie sur l'ensemble du territoire national, qui s'est accentuée en octobre 2021. Les données de suivi de l'épidémie démontrent ainsi une augmentation du taux d'incidence, au début du mois de novembre, de l'ordre de 25 % par semaine, ainsi qu'une augmentation de l'ordre de 35 à 40 % par semaine du nombre de nouveaux patients admis à l'hôpital et des patients admis en services de soins intensifs, indicateurs dont l'association requérante ne critique pas utilement la pertinence. Il n'est pas sérieusement contesté que le virus et ses variants sont susceptibles d'être diffusés par l'intermédiaire des enfants et que les établissements accueillant un public scolaire sont des lieux de fort brassage. Selon les conclusions convergentes de plusieurs rapports de la communauté scientifique, le port du masque par les enfants dès l'âge de 6 ans à l'école élémentaire, accompagné du respect des gestes barrières, est recommandé en période et/ou zone de circulation très active du virus et par précaution. En effet, le jeune âge des élèves et la configuration des locaux rendent difficiles le maintien de la distanciation physique dans ces espaces. Bien que contraignantes et pouvant s'avérer contre-indiquées à la situation médicale d'enfants souffrant de certaines pathologies, les dispositions contestées, qui tiennent compte de l'âge et de la maturité des enfants, et dont la mise en œuvre est placée sous le contrôle des adultes, ne font pas obstacle à ce que les situations particulières soient prises en compte. Par ailleurs, l'obligation ne s'applique pas aux enfants en situation de handicap. Il ne saurait enfin être sérieusement soutenu qu'elles seraient, par elles-mêmes, de nature à porter atteinte au droit à la santé physique et psychique ou à l'insertion sociale des enfants. Dans ce contexte, le moyen tiré de ce que la généralisation à l'ensemble du territoire national de l'obligation de port du masque par les élèves des écoles élémentaires et par les enfants de six à dix ans accueillis dans des structures collectives n'aurait pas été nécessaire, adaptée et proportionnée n'est pas fondé.

4. Il résulte de ce qui précède que la requête de l'association " Les ami(e)s de Lucas et Saïd " doit être rejetée.

D E C I D E :

--------------

Article 1er : La requête de l'association " Les ami(e)s de Lucas et Saïd " est rejetée.

Article 2 : La présente décision sera notifiée à l'association " Les ami(e)s de Lucas et Saïd " et au ministre de la santé et de la prévention.

Copie en sera adressée à la Première ministre et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.

Délibéré à l'issue de la séance du 14 octobre 2022 où siégeaient : M. Bertrand Dacosta, président de chambre, présidant ; Mme Nathalie Escaut, conseillère d'Etat et Mme Myriam Benlolo Carabot, maître des requêtes en service extraordinaire-rapporteure.

Rendu le 16 novembre 2022.

Le président :

Signé : M. Bertrand Dacosta

La rapporteure :

Signé : Mme Myriam Benlolo Carabot

La secrétaire :

Signé : Mme Naouel Adouane


Synthèse
Formation : 10ème chambre
Numéro d'arrêt : 458397
Date de la décision : 16/11/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Publications
Proposition de citation : CE, 16 nov. 2022, n° 458397
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: Mme Myriam Benlolo Carabot
Rapporteur public ?: Mme Esther de Moustier

Origine de la décision
Date de l'import : 27/11/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2022:458397.20221116
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