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09/11/2022 | FRANCE | N°464367

France | France, Conseil d'État, 10ème - 9ème chambres réunies, 09 novembre 2022, 464367


Vu les procédures suivantes :

1° Sous le n° 464367, par une requête et un mémoire en réplique, enregistrés les 25 mai et 20 juillet 2022 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, le haut-commissaire de la République en Polynésie française demande au Conseil d'Etat d'annuler les D, F et I de l'article LP. 1er et l'article LP. 3 de la " loi du pays " n° 2022-20 du 10 mai 2022 portant mesures fiscales en faveur de certaines mutations.

2° Sous le n° 464618, par une requête enregistrée le 2 juin 2022 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, Mme W... C..

. et M. I... E... demandent au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler la " loi du p...

Vu les procédures suivantes :

1° Sous le n° 464367, par une requête et un mémoire en réplique, enregistrés les 25 mai et 20 juillet 2022 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, le haut-commissaire de la République en Polynésie française demande au Conseil d'Etat d'annuler les D, F et I de l'article LP. 1er et l'article LP. 3 de la " loi du pays " n° 2022-20 du 10 mai 2022 portant mesures fiscales en faveur de certaines mutations.

2° Sous le n° 464618, par une requête enregistrée le 2 juin 2022 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, Mme W... C... et M. I... E... demandent au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler la " loi du pays " n° 2022-20 du 10 mai 2022 portant mesures fiscales en faveur de certaines mutations ;

2°) de mettre à la charge de la Polynésie française la somme de 300 000 francs CFP au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

....................................................................................

3° Sous le n° 464699, par une requête et un mémoire en réplique, enregistrés les 3 juin et 21 juillet 2022 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la société Isis Polynésie demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler la " loi du pays " n° 2022-20 du 10 mai 2022 portant mesures fiscales en faveur de certaines mutations ou, à tout le moins, les D et F de son article LP. 1er si le Conseil d'Etat les juge séparables ;

2°) de mettre à la charge de la Polynésie française la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

....................................................................................

4° Sous le n° 464762, par une requête et un mémoire en réplique, enregistrés les 8 juin et 2 septembre 2022 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la Fédération polynésienne des agents immobiliers, M. et Mme Q... et AB... X..., M. R... B... et M. AC... L... demandent au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler le D et le F de l'article LP. 1er et l'article LP. 3 de la " loi du pays " n° 2022-20 du 10 mai 2022 portant mesures fiscales en faveur de certaines mutations ;

2°) de mettre à la charge de la Polynésie française la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

....................................................................................

5° Sous le n° 464802, par une requête enregistrée le 9 juin 2022 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la société Les Jardins de Tetavake, la société Te Aolani et la société Harbour Side demandent au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler le D et le F de l'article LP. 1er et l'article LP.3 de la " loi du pays " n° 2022-20 du 10 mai 2022 portant mesures fiscales en faveur de certaines mutations ;

2°) de mettre à la charge de la Polynésie française la somme de 600 000 francs CFP au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

....................................................................................

6° Sous le n° 464804, par une requête enregistrée le 9 juin 2022 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, M. et Mme M... et AA... O... demandent au Conseil d'Etat d'annuler la " loi du pays " n° 2022-20 du 10 mai 2022 portant mesures fiscales en faveur de certaines mutations.

....................................................................................

7° Sous le n° 464809, par une requête et un mémoire en réplique, enregistrés les 9 juin et 26 septembre 2022 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la société Aito Immobilier demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler la " loi du pays " n° 2022-20 du 10 mai 2022 portant mesures fiscales en faveur de certaines mutations ou, s'ils sont jugés divisibles, ses articles LP. 1er et LP. 3 ;

2°) de mettre à la charge de la Polynésie française la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

....................................................................................

8° Sous le n° 464867, par une requête enregistrée le 10 juin 2022 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, M. F... AD... A... et Mme G... N... épouse A... demandent au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler la " loi du pays " n° 2022-20 du 10 mai 2022 portant mesures fiscales en faveur de certaines mutations ;

2°) de mettre à la charge de la Polynésie française la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

....................................................................................

9° Sous le n° 464868, par une requête enregistrée le 10 juin 2022 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, M. V... AF... T... et Mme S... J... épouse T... demandent au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler la " loi du pays " n° 2022-20 du 10 mai 2022 portant mesures fiscales en faveur de certaines mutations ;

2°) de mettre à la charge de la Polynésie française la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

....................................................................................

10° Sous le n° 464870, par une requête enregistrée le 10 juin 2022 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, M. Z... K... et Mme P... U... épouse K... demandent au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler la " loi du pays " n° 2022-20 du 10 mai 2022 portant mesures fiscales en faveur de certaines mutations ;

2°) de mettre à la charge de la Polynésie française la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

....................................................................................

11° Sous le n° 464871, par une requête enregistrée le 10 juin 2022 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, M D... Y... demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler la " loi du pays " n° 2022-20 du 10 mai 2022 portant mesures fiscales en faveur de certaines mutations ;

2°) de mettre à la charge de la Polynésie française la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

....................................................................................

Vu les autres pièces des dossiers ;

Vu :
- la Constitution, notamment son Préambule ;
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et son premier protocole additionnel ;
- le code monétaire et financier ;
- la loi organique n°2004-192 du 27 février 2004 ;
- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Bruno Delsol, conseiller d'Etat,

- les conclusions de Mme Esther de Moustier, rapporteure publique ;

La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SCP Marlange, de la Burgade, avocat de la Fédération polynésienne des agents immobiliers et autres et à la SCP Buk Lament - Robillot, avocat de la société Aito Immobilier ;

Considérant ce qui suit :

1. Les requêtes sont dirigées contre la " loi du pays " n° 2022-20 du 10 mai 2022 portant mesures fiscales en faveur de certaines mutations, ou contre certaines de ses dispositions. Il y a lieu de les joindre pour statuer par une même décision.

2. M. et Mme K... déclarent se désister de la présente action. Ce désistement est pur et simple. Rien ne s'oppose à ce qu'il en soit donné acte.

Sur les conclusions dirigées contre les D, F et I de l'article LP. 1er et l'article LP. 3 :

3. Le D de l'article LP. 1er de la " loi du pays " attaquée insère, dans la " loi du pays " n° 2018-25 du 25 juillet 2018 portant règlementation générale des droits d'enregistrement et des droits de publicité foncière, au sein du paragraphe I " Mutations de propriété à titre onéreux d'immeuble " un article LP. 33-1 intitulé " Autres acquisitions d'immeubles " et ainsi rédigé : " A - Les droits d'enregistrement et de publicité foncière sont majorés de 1 000 % dès lors que l'acquéreur est : / - une personne physique qui ne justifie pas d'une durée d'au moins dix ans de résidence en Polynésie française ; / - une personne physique qui ne justifie pas d'une durée d'au moins cinq ans de mariage ou de pacte civil de solidarité avec une personne résidant en Polynésie française depuis au moins dix ans ; / - une personne morale qui ne justifie pas avoir son siège social en Polynésie française et qui est contrôlée par une personne physique qui justifie d'une durée d'au moins dix ans de résidence en Polynésie française, ou d'une durée d'au moins cinq ans de mariage ou de pacte civil de solidarité avec une personne résidant en Polynésie française depuis au moins dix ans ; / - une personne morale qui justifie avoir son siège social en Polynésie française et qui est contrôlée par une personne physique qui ne justifie ni d'une durée d'au moins dix ans de résidence en Polynésie française, ni d'une durée d'au moins cinq ans de mariage ou de pacte civil de solidarité avec une personne résidant en Polynésie française depuis au moins dix ans. / B - Les périodes passées en dehors de la Polynésie française pour accomplir le service national, pour suivre des études ou une formation ou pour des raisons familiales, professionnelles ou médicales ne sont pas, pour les personnes qui avaient antérieurement leur résidence principale en Polynésie française, une cause d'interruption ou de suspension du délai pris en considération pour apprécier les conditions de résidence exigées au A du présent article. / C - La majoration prévue au A du présent article n'est pas appliquée lorsque le bien acquis est destiné à accueillir un grand projet économique, industriel ou touristique nécessitant un investissement global de plus de 5 milliards de francs CFP. (...). / D - La majoration prévue au A du présent article n'est pas appliquée dans le cadre des ventes relevant d'une opération d'aide à l'investissement outre-mer prévues à l'article LP. 29./ (...) ".

4. Le F du même article LP. 1er crée, dans la même " loi du pays " n° 2018-25 du 25 juillet 2018, au sein du paragraphe II " Mutations à titre onéreux de meubles corporels et incorporels " un article LP. 43-1 dont il résulte que, lorsque l'acquéreur relève des catégories citées au point 3, les cessions d'actions ou de parts sociales donnant à leurs titulaires le droit à la jouissance ou à l'attribution d'immeubles ou de fractions d'immeuble sont, sous réserve des mêmes dérogations, " soumises à un droit d'enregistrement majoré de 2 000 % ".

5. Enfin, l'article LP. 3 de la " loi du pays " attaquée insère, dans la " loi du pays " n° 2012-23 du 27 novembre 2012 relative à l'impôt sur les plus-values immobilières, un article LP. 11-1, qui a pour titre " Cas d'acquéreurs non-résidents " et selon lequel " les taux d'imposition sont majorés de 50 % dès lors que l'acquéreur " relève des mêmes catégories que celles citées au point 3.

En ce qui concerne les fins de non-recevoir soulevées par le président de la Polynésie française et le président de l'assemblée de la Polynésie française :

6. D'une part, il ressort des pièces du dossier qu'à la date à laquelle ils ont introduit leurs requêtes respectives, la société Les Jardins de Tetavake et ses corequérants réalisaient des opérations de promotion immobilière, la société Aito immobilier exerçait une activité d'agent immobilier, et M. et Mme A..., M. et Mme T..., ainsi que M. Y..., avaient signé des compromis en vue de l'acquisition de biens immobiliers. Ils justifient d'un intérêt suffisamment direct et certain à l'annulation des dispositions litigieuses de la " loi du pays ".

7. D'autre part, si la Polynésie française fait valoir que l'article LP. 11 de la " loi du pays " n° 2022-28 du 13 juillet 2022 portant modification du code des investissements, du code des impôts et d'exonérations de droits et taxes à l'importation a reporté au 1er janvier 2023 l'entrée en vigueur des majorations contestées, ce report, intervenu en cours d'instance, est, en tout état de cause, dépourvu d'incidence sur l'intérêt pour agir dont justifiaient les requérants à la date d'introduction de leurs requêtes respectives.

8. Il s'ensuit que les fins de non-recevoir opposées aux requérants mentionnés au point 6 doivent être écartées.

En ce qui concerne la légalité de ces dispositions :

9. Les D et F de l'article LP. 1er et l'article LP. 3 édictent des majorations, applicables seulement si l'acquéreur ne satisfait pas à des conditions liées à l'ancienneté de résidence en Polynésie française, des droits d'enregistrement et de publicité foncière et de l'impôt sur les plus-values immobilières.

10. En premier lieu, le principe constitutionnel d'égalité ne s'oppose ni à ce qu'une " loi du pays " règle de façon différente des situations différentes ni à ce qu'elle déroge à l'égalité pour des raisons d'intérêt général, à la condition que, dans l'un et l'autre cas, la différence de traitement qui en résulte soit en rapport direct avec l'objet du texte qui l'établit et ne soit pas manifestement disproportionnée au regard des motifs susceptibles de la justifier. Il ressort de l'exposé des motifs du projet de " loi du pays " et des débats devant l'assemblée de la Polynésie française que les auteurs des dispositions contestées ont entendu remédier aux difficultés que les personnes résidant en Polynésie française rencontrent dans l'accès à la propriété immobilière du fait de la rareté du foncier, de la hausse des prix et de la spéculation imputée notamment aux investissements réalisés par des personnes non résidentes. Toutefois, il ne ressort en tout état de cause pas des pièces du dossier que les investissements réalisés en ce domaine par des personnes non résidentes ou ayant une durée de résidence de moins de dix ans seraient à l'origine des difficultés invoquées. Par suite, l'ancienneté de la résidence en Polynésie française n'est pas un critère en relation directe avec l'objectif poursuivi.

11. En second lieu, aux termes des septième et dixième alinéas de l'article 74 de la Constitution : " La loi organique peut également déterminer, pour celles de ces collectivités qui sont dotées de l'autonomie, les conditions dans lesquelles : (...) / - des mesures justifiées par les nécessités locales peuvent être prises par la collectivité en faveur de sa population, en matière d'accès à l'emploi, de droit d'établissement pour l'exercice d'une activité professionnelle ou de protection du patrimoine foncier (...) ". Sur ce fondement, l'article 19 de la loi organique du 27 février 2004 portant statut d'autonomie de la Polynésie française prévoit que cette collectivité peut subordonner à déclaration certains transferts entre vifs de propriétés foncières situées sur son territoire ou de droits sociaux et, dans le but de préserver l'appartenance de la propriété foncière au patrimoine culturel de la population de la Polynésie française et l'identité de celle-ci, et de sauvegarder ou de mettre en valeur les espaces naturels, exercer son droit de préemption sur les propriétés foncières ou les droits sociaux y afférents faisant l'objet de la déclaration de transfert. Il en résulte que, dans le domaine de la propriété foncière, la Polynésie française peut, dans la mesure strictement nécessaire à la mise en œuvre du principe d'autonomie, déroger au principe constitutionnel d'égalité rappelé au point précédent au bénéfice de personnes justifiant d'une durée suffisante de résidence en adoptant des mesures relevant des deux catégories prévues à l'article 19 de la loi organique, au nombre desquelles ne figure aucune mesure de nature fiscale. Ainsi, en l'absence de disposition de la loi organique l'y autorisant, prise sur le fondement de l'article 74 de la Constitution, la Polynésie française ne pouvait légalement prendre, en faveur de personnes justifiant d'une certaine durée de résidence, des mesures de nature fiscale qui auraient été justifiées par les nécessités locales en matière de protection du patrimoine foncier.

12. Il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens dirigés contre les dispositions litigieuses ni les fins de non-recevoir opposées par la Polynésie française à la requête de M. et Mme O..., que les requérants sont fondés à demander l'annulation des D et F de l'article LP. 1er, par voie de conséquence du I du même article, dont les dispositions sont inséparables de ses D et F, ainsi que de l'article LP. 3.

Sur les autres dispositions de la " loi du pays " attaquée :

En ce qui concerne les moyens tirés de la méconnaissance de la loi organique du 27 février 2004 portant statut d'autonomie de la Polynésie française :

13. En premier lieu, le II de l'article 151 de la loi organique du 27 février 2004 portant statut d'autonomie de la Polynésie française dispose que : " Le conseil économique, social, environnemental et culturel est consulté sur les projets et propositions d'actes prévus à l'article 140 dénommés " lois du pays " à caractère économique ou social. (... ) ". Les dispositions de la " loi du pays " attaquée, qui ont un objet exclusivement fiscal, ne revêtent pas un caractère économique ou social au sens de cet article. Par suite, le moyen tiré de ce que cette " loi du pays " est irrégulière en l'absence de consultation préalable du conseil économique, social, environnemental et culturel ne peut qu'être écarté.

14. En deuxième lieu, le moyen tiré de ce que le projet de loi du pays n'aurait pas été accompagné de l'exposé des motifs prévu à l'article 141 de la loi organique du 27 février 2004 manque en fait.

15. En troisième lieu, l'article 146 de la loi organique ne fait pas obstacle à ce que la commission se réunisse hors du temps des sessions de l'assemblée.

16. En quatrième lieu, le moyen tiré de ce que les représentants à l'assemblée de la Polynésie française n'ont pas reçu le rapport sur le projet de " loi du pays " douze jours au moins avant la séance ainsi que l'exigent les articles 130 et 142 de la loi organique, manque en fait.

17. En cinquième lieu, si le président de la Polynésie française n'a promulgué la " loi du pays " que le 10 mai 2022, alors que l'article 180-2 de la loi organique lui faisait obligation d'y procéder dès le lendemain de son adoption, les conditions de promulgation d'une " loi du pays " sont sans incidence sur sa légalité.

En ce qui concerne les moyens tirés de la méconnaissance du règlement intérieur de l'assemblée de la Polynésie française :

18. Aux termes de l'article 180-4 de la loi organique du 27 février 2004, " le Conseil d'Etat (...) annule toute disposition contraire à la Constitution, aux lois organiques, aux engagements internationaux ou aux principes généraux du droit ". L'article 123 de la même loi organique dispose : " L'assemblée de la Polynésie française établit son règlement intérieur. Ce règlement fixe les modalités de son fonctionnement qui ne sont pas prévues au présent titre (...) ". Il résulte de ces dispositions combinées qu'il appartient au Conseil d'Etat, saisi de moyens en ce sens, de contrôler la conformité des " lois du pays " aux dispositions du règlement intérieur de l'assemblée de la Polynésie française, sous réserve que ces dispositions soient nécessaires pour préciser les règles de fonctionnement fixées par la loi organique, et ne soient pas contraires à celle-ci.

19. En premier lieu, il ressort des pièces du dossier que, ainsi que le prévoit l'article 27 du règlement intérieur de l'assemblée, le projet de loi du pays a été, en tout état de cause, enregistré au secrétariat général de l'assemblée de la Polynésie française puis transmis à sa commission compétente et que des rapporteurs ont été désignés.

20. En deuxième lieu, le contenu du rapport de la commission est sans incidence sur la régularité de la procédure d'adoption de la " loi du pays " attaquée dès lors qu'il n'est pas tel qu'il doive conduire à regarder le rapport comme inexistant. Ainsi, les requérants ne peuvent utilement se prévaloir des simples circonstances, à les supposer établies, que le rapport relatif à la " loi du pays " litigieuse n'aurait pas pris en compte les observations émises par la commission, en méconnaissance du même article 27. Est également sans incidence la circonstance qu'aucun procès-verbal de la réunion de la commission n'aurait été publié.

21. En troisième lieu, en vertu de l'article 15 du règlement intérieur, relatif à l'organisation des débats en séance, et de son article 32, relatif à la procédure d'examen simplifiée, avant l'ouverture de la discussion générale, le gouvernement expose l'économie générale du projet de loi, puis le rapporteur présente son rapport. La discussion générale étant close après les interventions des représentants, le président de l'assemblée invite le gouvernement à prendre la parole afin de répondre aux interventions des orateurs. Il ressort du procès-verbal de la séance du 26 avril 2022, et il n'est pas contesté, que, si le rapporteur a présenté son rapport avant la discussion générale, et si, après celle-ci, le ministre a répondu aux orateurs, il n'est pas intervenu avant la discussion générale. Toutefois, l'obligation faite au gouvernement d'intervenir en premier n'est pas nécessaire pour préciser les règles de fonctionnement fixées par la loi organique. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance de ces dispositions du règlement intérieur est inopérant. Au demeurant, cette irrégularité, qui n'a pas fait obstacle à ce que les représentants à l'assemblée aient connaissance de l'économie générale du projet, n'a pas, dans les circonstances de l'espèce, privé d'une garantie les membres de l'assemblée, qui n'ont élevé aucune objection à cet égard en séance, et n'a exercé aucune influence sur le texte, adopté à l'unanimité des présents.

22. En quatrième et dernier lieu, le caractère tardif de la publication au Journal Officiel de la Polynésie française du compte rendu intégral de la séance du 26 avril 2022, au-delà du délai prévu par l'article 12 du règlement intérieur, n'entache pas la " loi du pays " litigieuse d'illégalité.

23. Il résulte de ce qui précède que, sans qu'il soit besoin d'examiner leur recevabilité, les conclusions dirigées contre les autres dispositions de la " loi du pays " contestée, qui sont séparables des dispositions illégales mentionnées au point 12, doivent être rejetées.

24. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la Polynésie française, en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, une somme de 2 500 euros à verser à M. C... et Mme E..., une somme de 3 000 euros au titre de chacune des requêtes à verser à la Fédération polynésienne des agents immobiliers et autres, à la société Les Jardins de Tetavake et autres, à la société Isis Polynésie et à la société Aito Immobilier, ainsi qu'une somme de 1 000 euros à verser au titre de chacune des requêtes à M. et Mme A..., à M. et Mme T..., et à M. Y....

D E C I D E :
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Article 1er : Il est donné acte du désistement d'action de M. et Mme K....
Article 2 : Les D, F et I de l'article LP. 1er et l'article LP. 3 de la " loi du pays " n° 2022-20 du 10 mai 2022 portant mesures fiscales en faveur de certaines mutations sont annulés.
Article 3 : La Polynésie française versera, au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, une somme de 2 500 euros à M. C... et Mme E..., de 3 000 euros à la Fédération polynésienne des agents immobiliers et autres, de 3 000 euros à la société Les Jardins de Tetavake et autres, de 3 000 euros à la société Isis Polynésie, de 3 000 euros à la société Aito Immobilier, de 1 000 euros à M. et Mme A..., de 1 000 euros à M. et Mme T..., et de 1 000 euros à M. Y....
Article 4 : Le surplus des conclusions des requêtes est rejeté.
Article 5 : La présente décision sera notifiée au haut-commissaire de la République en Polynésie française, à Mme W... C... et M. I... E..., à la société Isis Polynésie, à la Fédération polynésienne des agents immobiliers, représentant unique désigné, à la société Les Jardins de Tetavake, premier requérant dénommé, à M. et Mme M... et AA... O..., à la société Aito Immobilier, à M. F... AD... A... et Mme G... N... épouse A..., à M. V... AF... T... et Mme S... J... épouse T..., à M. Z... K... et Mme P... U... épouse K..., à M. D... Y..., au président de la Polynésie française et au président de l'assemblée de la Polynésie française.
Copie en sera adressée au ministre de l'intérieur et des outre-mer et au ministre délégué auprès du ministre de l'intérieur et des outre-mer, chargé des outre-mer.
Délibéré à l'issue de la séance du 30 septembre 2022 où siégeaient : Mme Christine Maugüé, présidente adjointe de la section du contentieux, présidant ; M. Bertrand Dacosta, M. Frédéric Aladjidi, présidents de chambre ; Mme Nathalie Escaut, M. Alexandre Lallet, Mme Isabelle Lemesle, M. Nicolas Polge, Mme Rozen Noguellou, conseillers d'Etat et M. Bruno Delsol, conseiller d'Etat-rapporteur ;

Rendu le 9 novembre 2022.

La présidente :
Signé : Mme Christine Maugüé

Le rapporteur :
Signé : M. Bruno Delsol

La secrétaire :
Signé : Mme Claudine Ramalahanoharana


Synthèse
Formation : 10ème - 9ème chambres réunies
Numéro d'arrêt : 464367
Date de la décision : 09/11/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

ACTES LÉGISLATIFS ET ADMINISTRATIFS - VALIDITÉ DES ACTES ADMINISTRATIFS - VIOLATION DIRECTE DE LA RÈGLE DE DROIT - CONSTITUTION ET PRINCIPES DE VALEUR CONSTITUTIONNELLE - PRINCIPE D’ÉGALITÉ – DISPOSITIONS INSTAURANT UNE DIFFÉRENCE DE TRAITEMENT FISCAL DES PROPRIÉTÉS IMMOBILIÈRES SELON L’ANCIENNETÉ DE RÉSIDENCE EN POLYNÉSIE FRANÇAISE – 1) A) OBJECTIF POURSUIVI – REMÉDIER AUX DIFFICULTÉS D’ACCÈS À LA PROPRIÉTÉ DES PERSONNES RÉSIDANT EN POLYNÉSIE FRANÇAISE – B) CRITÈRE EN RELATION DIRECTE AVEC CETTE OBJECTIF – ANCIENNETÉ DE RÉSIDENCE – ABSENCE – 2) MESURES DE PROTECTION DU PATRIMOINE FONCIER (ART - 74 DE LA CONSTITUTION ET ART - 19 DE LA LOI ORGANIQUE DU 27 FÉVRIER 2004) – A) PORTÉE – POSSIBILITÉ DE DÉROGER À L’ÉGALITÉ – I) POUR LES MESURES MENTIONNÉES À L’ART - 19 – EXISTENCE – II) POUR LES MESURES DE NATURE FISCALE – ABSENCE – B) CONSÉQUENCE – POSSIBILITÉ DE PRENDRE DES MESURES FISCALES DE PROTECTION DU PATRIMOINE FONCIER DÉROGEANT À L’ÉGALITÉ – ABSENCE.

01-04-005 D et F de l’article LP. 1er et article LP. 3 de la « loi du pays » n° 2022-20 du 10 mai 2022 édictant des majorations, applicables seulement si l’acquéreur ne satisfait pas à des conditions liées à l’ancienneté de résidence en Polynésie française, des droits d’enregistrement et de publicité foncière et de l’impôt sur les plus-values immobilières....1) En premier lieu, le principe constitutionnel d’égalité ne s’oppose ni à ce qu’une « loi du pays » règle de façon différente des situations différentes ni à ce qu’elle déroge à l’égalité pour des raisons d’intérêt général, à la condition que, dans l’un et l’autre cas, la différence de traitement qui en résulte soit en rapport direct avec l’objet du texte qui l’établit et ne soit pas manifestement disproportionnée au regard des motifs susceptibles de la justifier. ...a) Il ressort de l’exposé des motifs du projet de « loi du pays » et des débats devant l’assemblée de la Polynésie française que les auteurs des dispositions contestées ont entendu remédier aux difficultés que les personnes résidant en Polynésie française rencontrent dans l’accès à la propriété immobilière du fait de la rareté du foncier, de la hausse des prix et de la spéculation imputée notamment aux investissements réalisés par des personnes non résidentes. ...b) Toutefois, il ne ressort en tout état de cause pas des pièces du dossier que les investissements réalisés en ce domaine par des personnes non résidentes ou ayant une durée de résidence de moins de dix ans seraient à l’origine des difficultés invoquées. Par suite, l’ancienneté de la résidence en Polynésie française n’est pas un critère en relation directe avec l’objectif poursuivi. ...2) a) En second lieu, sur le fondement des septième et dixième alinéas de l’article 74 de la Constitution, l’article 19 de la loi organique n° 2004-192 du 27 février 2004 portant statut d’autonomie de la Polynésie française prévoit que cette collectivité peut subordonner à déclaration certains transferts entre vifs de propriétés foncières situées sur son territoire ou de droits sociaux et, dans le but de préserver l'appartenance de la propriété foncière au patrimoine culturel de la population de la Polynésie française et l'identité de celle-ci, et de sauvegarder ou de mettre en valeur les espaces naturels, exercer son droit de préemption sur les propriétés foncières ou les droits sociaux y afférents faisant l'objet de la déclaration de transfert. ...i) Il en résulte que, dans le domaine de la propriété foncière, la Polynésie française peut, dans la mesure strictement nécessaire à la mise en œuvre du principe d'autonomie, déroger au principe constitutionnel d’égalité au bénéfice de personnes justifiant d’une durée suffisante de résidence en adoptant des mesures relevant des deux catégories prévues à l’article 19 de la loi organique, ii) au nombre desquelles ne figure aucune mesure de nature fiscale. ...b) Ainsi, en l’absence de disposition de la loi organique l’y autorisant, prise sur le fondement de l’article 74 de la Constitution, la Polynésie française ne pouvait légalement prendre, en faveur de personnes justifiant d’une certaine durée de résidence, des mesures de nature fiscale qui auraient été justifiées par les nécessités locales en matière de protection du patrimoine foncier. ...Annulation des D et F de l’article LP. 1er, du I du même article, inséparable de ses D et F, ainsi que de l’article LP. 3.

OUTRE-MER - DROIT APPLICABLE - STATUTS - POLYNÉSIE FRANÇAISE - DISPOSITIONS INSTAURANT UNE DIFFÉRENCE DE TRAITEMENT FISCAL DES PROPRIÉTÉS IMMOBILIÈRES SELON L’ANCIENNETÉ DE RÉSIDENCE EN POLYNÉSIE FRANÇAISE – 1) PRINCIPE CONSTITUTIONNEL D’ÉGALITÉ – A) OBJECTIF POURSUIVI – REMÉDIER AUX DIFFICULTÉS D’ACCÈS À LA PROPRIÉTÉ IMMOBILIÈRE DES PERSONNES RÉSIDANT EN POLYNÉSIE FRANÇAISE – B) CRITÈRE EN RELATION DIRECTE AVEC CETTE OBJECTIF – ANCIENNETÉ DE RÉSIDENCE – ABSENCE – 2) MESURES DE PROTECTION DU PATRIMOINE FONCIER (ART - 74 DE LA CONSTITUTION ET ART - 19 DE LA LOI ORGANIQUE DU 27 FÉVRIER 2004) – A) PORTÉE – POSSIBILITÉ DE DÉROGER À L’ÉGALITÉ – I) POUR LES MESURES MENTIONNÉES À L’ART - 19 – EXISTENCE – II) POUR LES MESURES DE NATURE FISCALE – ABSENCE – B) CONSÉQUENCE – POSSIBILITÉ DE PRENDRE DES MESURES FISCALES DE PROTECTION DU PATRIMOINE FONCIER DÉROGEANT À L’ÉGALITÉ – ABSENCE.

46-01-02-02 D et F de l’article LP. 1er et article LP. 3 de la « loi du pays » n° 2022-20 du 10 mai 2022 édictant des majorations, applicables seulement si l’acquéreur ne satisfait pas à des conditions liées à l’ancienneté de résidence en Polynésie française, des droits d’enregistrement et de publicité foncière et de l’impôt sur les plus-values immobilières....1) En premier lieu, le principe constitutionnel d’égalité ne s’oppose ni à ce qu’une « loi du pays » règle de façon différente des situations différentes ni à ce qu’elle déroge à l’égalité pour des raisons d’intérêt général, à la condition que, dans l’un et l’autre cas, la différence de traitement qui en résulte soit en rapport direct avec l’objet du texte qui l’établit et ne soit pas manifestement disproportionnée au regard des motifs susceptibles de la justifier. ...a) Il ressort de l’exposé des motifs du projet de « loi du pays » et des débats devant l’assemblée de la Polynésie française que les auteurs des dispositions contestées ont entendu remédier aux difficultés que les personnes résidant en Polynésie française rencontrent dans l’accès à la propriété immobilière du fait de la rareté du foncier, de la hausse des prix et de la spéculation imputée notamment aux investissements réalisés par des personnes non résidentes. ...b) Toutefois, il ne ressort en tout état de cause pas des pièces du dossier que les investissements réalisés en ce domaine par des personnes non résidentes ou ayant une durée de résidence de moins de dix ans seraient à l’origine des difficultés invoquées. Par suite, l’ancienneté de la résidence en Polynésie française n’est pas un critère en relation directe avec l’objectif poursuivi. ...2) a) En second lieu, sur le fondement des septième et dixième alinéas de l’article 74 de la Constitution, l’article 19 de la loi organique n° 2004-192 du 27 février 2004 portant statut d’autonomie de la Polynésie française prévoit que cette collectivité peut subordonner à déclaration certains transferts entre vifs de propriétés foncières situées sur son territoire ou de droits sociaux et, dans le but de préserver l'appartenance de la propriété foncière au patrimoine culturel de la population de la Polynésie française et l'identité de celle-ci, et de sauvegarder ou de mettre en valeur les espaces naturels, exercer son droit de préemption sur les propriétés foncières ou les droits sociaux y afférents faisant l'objet de la déclaration de transfert. ...i) Il en résulte que, dans le domaine de la propriété foncière, la Polynésie française peut, dans la mesure strictement nécessaire à la mise en œuvre du principe d'autonomie, déroger au principe constitutionnel d’égalité au bénéfice de personnes justifiant d’une durée suffisante de résidence en adoptant des mesures relevant des deux catégories prévues à l’article 19 de la loi organique, ii) au nombre desquelles ne figure aucune mesure de nature fiscale. ...b) Ainsi, en l’absence de disposition de la loi organique l’y autorisant, prise sur le fondement de l’article 74 de la Constitution, la Polynésie française ne pouvait légalement prendre, en faveur de personnes justifiant d’une certaine durée de résidence, des mesures de nature fiscale qui auraient été justifiées par les nécessités locales en matière de protection du patrimoine foncier. ...Annulation des D et F de l’article LP. 1er, du I du même article, inséparable de ses D et F, ainsi que de l’article LP. 3.

OUTRE-MER - DROIT APPLICABLE - RÉGIME ÉCONOMIQUE ET FINANCIER - POLYNÉSIE FRANÇAISE – DISPOSITIONS INSTAURANT UNE DIFFÉRENCE DE TRAITEMENT FISCAL DES PROPRIÉTÉS IMMOBILIÈRES SELON L’ANCIENNETÉ DE RÉSIDENCE EN POLYNÉSIE FRANÇAISE – 1) PRINCIPE CONSTITUTIONNEL D’ÉGALITÉ – A) OBJECTIF POURSUIVI – REMÉDIER AUX DIFFICULTÉS D’ACCÈS À LA PROPRIÉTÉ IMMOBILIÈRE DES PERSONNES RÉSIDANT EN POLYNÉSIE FRANÇAISE – B) CRITÈRE EN RELATION DIRECTE AVEC CETTE OBJECTIF – ANCIENNETÉ DE RÉSIDENCE – ABSENCE – 2) MESURES DE PROTECTION DU PATRIMOINE FONCIER (ART - 74 DE LA CONSTITUTION ET ART - 19 DE LA LOI ORGANIQUE DU 27 FÉVRIER 2004) – A) PORTÉE – POSSIBILITÉ DE DÉROGER À L’ÉGALITÉ – I) POUR LES MESURES MENTIONNÉES À L’ART - 19 – EXISTENCE – II) POUR LES MESURES DE NATURE FISCALE – ABSENCE – B) CONSÉQUENCE – POSSIBILITÉ DE PRENDRE DES MESURES FISCALES DE PROTECTION DU PATRIMOINE FONCIER DÉROGEANT À L’ÉGALITÉ – ABSENCE.

46-01-06 D et F de l’article LP. 1er et article LP. 3 de la « loi du pays » n° 2022-20 du 10 mai 2022 édictant des majorations, applicables seulement si l’acquéreur ne satisfait pas à des conditions liées à l’ancienneté de résidence en Polynésie française, des droits d’enregistrement et de publicité foncière et de l’impôt sur les plus-values immobilières....1) En premier lieu, le principe constitutionnel d’égalité ne s’oppose ni à ce qu’une « loi du pays » règle de façon différente des situations différentes ni à ce qu’elle déroge à l’égalité pour des raisons d’intérêt général, à la condition que, dans l’un et l’autre cas, la différence de traitement qui en résulte soit en rapport direct avec l’objet du texte qui l’établit et ne soit pas manifestement disproportionnée au regard des motifs susceptibles de la justifier. ...a) Il ressort de l’exposé des motifs du projet de « loi du pays » et des débats devant l’assemblée de la Polynésie française que les auteurs des dispositions contestées ont entendu remédier aux difficultés que les personnes résidant en Polynésie française rencontrent dans l’accès à la propriété immobilière du fait de la rareté du foncier, de la hausse des prix et de la spéculation imputée notamment aux investissements réalisés par des personnes non résidentes. ...b) Toutefois, il ne ressort en tout état de cause pas des pièces du dossier que les investissements réalisés en ce domaine par des personnes non résidentes ou ayant une durée de résidence de moins de dix ans seraient à l’origine des difficultés invoquées. Par suite, l’ancienneté de la résidence en Polynésie française n’est pas un critère en relation directe avec l’objectif poursuivi. ...2) a) En second lieu, sur le fondement des septième et dixième alinéas de l’article 74 de la Constitution, l’article 19 de la loi organique n° 2004-192 du 27 février 2004 portant statut d’autonomie de la Polynésie française prévoit que cette collectivité peut subordonner à déclaration certains transferts entre vifs de propriétés foncières situées sur son territoire ou de droits sociaux et, dans le but de préserver l'appartenance de la propriété foncière au patrimoine culturel de la population de la Polynésie française et l'identité de celle-ci, et de sauvegarder ou de mettre en valeur les espaces naturels, exercer son droit de préemption sur les propriétés foncières ou les droits sociaux y afférents faisant l'objet de la déclaration de transfert. ...i) Il en résulte que, dans le domaine de la propriété foncière, la Polynésie française peut, dans la mesure strictement nécessaire à la mise en œuvre du principe d'autonomie, déroger au principe constitutionnel d’égalité au bénéfice de personnes justifiant d’une durée suffisante de résidence en adoptant des mesures relevant des deux catégories prévues à l’article 19 de la loi organique, ii) au nombre desquelles ne figure aucune mesure de nature fiscale. ...b) Ainsi, en l’absence de disposition de la loi organique l’y autorisant, prise sur le fondement de l’article 74 de la Constitution, la Polynésie française ne pouvait légalement prendre, en faveur de personnes justifiant d’une certaine durée de résidence, des mesures de nature fiscale qui auraient été justifiées par les nécessités locales en matière de protection du patrimoine foncier. ...Annulation des D et F de l’article LP. 1er, du I du même article, inséparable de ses D et F, ainsi que de l’article LP. 3.


Publications
Proposition de citation : CE, 09 nov. 2022, n° 464367
Mentionné aux tables du recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Bruno Delsol
Rapporteur public ?: Mme Esther de Moustier

Origine de la décision
Date de l'import : 30/11/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2022:464367.20221109
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