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09/11/2022 | FRANCE | N°463972

France | France, Conseil d'État, 1ère chambre, 09 novembre 2022, 463972


Vu la procédure suivante :

La Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques a saisi le tribunal administratif de Versailles, sur le fondement de l'article L. 52-15 du code électoral, de sa décision du 27 janvier 2022 rejetant le compte de campagne de M. A... E... C... et de Mme D... B..., candidats dans le canton d'Athis-Mons (Essonne) pour les élections départementales qui se sont déroulées les 20 et 27 juin 2021. Par un jugement n° 2200943 du 12 avril 2022, le tribunal administratif de Versailles a confirmé le bien-fondé du rejet du compte de ca

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Vu la procédure suivante :

La Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques a saisi le tribunal administratif de Versailles, sur le fondement de l'article L. 52-15 du code électoral, de sa décision du 27 janvier 2022 rejetant le compte de campagne de M. A... E... C... et de Mme D... B..., candidats dans le canton d'Athis-Mons (Essonne) pour les élections départementales qui se sont déroulées les 20 et 27 juin 2021. Par un jugement n° 2200943 du 12 avril 2022, le tribunal administratif de Versailles a confirmé le bien-fondé du rejet du compte de campagne et a déclaré M. C... et Mme B... inéligibles pour une durée d'un an.

Par une requête, enregistrée le 12 mai 2022 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, M. C... et Mme B... demandent au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) de rejeter la saisine de la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code électoral ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Sébastien Jeannard, maître des requêtes en service extraordinaire,

- les conclusions de M. Arnaud Skzryerbak, rapporteur public ;

Considérant ce qui suit :

1. Il résulte de l'instruction que, par une décision du 27 janvier 2022, la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques a rejeté le compte de campagne de M. A... E... C... et de Mme D... B..., candidats ayant recueilli 5,71 % des suffrages exprimés à l'issue du premier tour des élections départementales qui se sont déroulées les 20 et 27 juin 2021 dans le canton d'Athis-Mons, aux motifs que ce compte de campagne n'avait pas été présenté par un membre de l'ordre des experts-comptables et des comptables agréés et que, le mandataire financier n'ayant pas procédé à l'ouverture d'un compte de dépôt unique pour la campagne électorale, l'ensemble des recettes et des dépenses électorales avaient transité sur le compte bancaire personnel des candidats. Saisi par cette commission sur le fondement de l'article L. 52-15 du code électoral, le tribunal administratif de Versailles a, par un jugement du 12 avril 2022, confirmé le bien-fondé du rejet du compte de campagne des intéressés et les a déclarés inéligibles pour une durée d'un an. M. C... et Mme B... relèvent appel de ce jugement.

2. D'une part, l'article L. 52-4 du code électoral dispose que : " Tout candidat à une élection déclare un mandataire conformément aux articles L. 52-5 et L. 52-6 au plus tard à la date à laquelle sa candidature est enregistrée. (...) / Le mandataire recueille, pendant les six mois précédant le premier jour du mois de l'élection et jusqu'à la date du dépôt du compte de campagne du candidat, les fonds destinés au financement de la campagne. / Il règle les dépenses engagées en vue de l'élection et antérieures à la date du tour de scrutin où elle a été acquise, à l'exception des dépenses prises en charge par un parti ou groupement politique. Les dépenses antérieures à sa désignation payées directement par le candidat ou à son profit, ou par l'un des membres d'un binôme de candidats ou au profit de ce membre, font l'objet d'un remboursement par le mandataire et figurent dans son compte de dépôt ". Aux termes de l'article L. 52-6 du même code, dans sa rédaction applicable au litige : " (...) Le mandataire financier est tenu d'ouvrir un compte de dépôt unique retraçant la totalité de ses opérations financières. L'intitulé du compte précise que le titulaire agit en qualité de mandataire financier du candidat, nommément désigné. / (...) Les comptes du mandataire sont annexés au compte de campagne du candidat qui l'a désigné ou au compte de campagne du candidat tête de liste lorsque le candidat qui l'a désigné figure sur cette liste. / (...) ". L'obligation de recourir à un mandataire pour toute dépense effectuée en vue de la campagne prévue par l'article L. 52-4 du code électoral constitue une formalité substantielle à laquelle il ne peut être dérogé. Si, par dérogation à cette formalité substantielle, le règlement direct de certaines dépenses par le candidat peut être admis, c'est à la condition que le montant de ces dépenses soit faible par rapport au total des dépenses du compte de campagne et négligeable au regard du plafond des dépenses fixé pour la commune où a lieu l'élection.

3. D'autre part, aux termes de l'article L. 52-12 du code électoral : " I.- Chaque candidat ou candidat tête de liste soumis au plafonnement des dépenses électorales prévu à l'article L. 52-11 est tenu d'établir un compte de campagne lorsqu'il a obtenu au moins 1 % des suffrages exprimés ou s'il a bénéficié de dons de personnes physiques conformément à l'article L. 52-8 et selon les modalités prévues à l'article 200 du code général des impôts. / (...) III.- Le compte de campagne est présenté par un membre de l'ordre des experts-comptables. Ce dernier met le compte de campagne en état d'examen et s'assure de la présence des pièces justificatives requises. / Cette présentation n'est pas obligatoire : / 1° Lorsque le candidat ou le candidat tête de liste n'est pas tenu d'établir un compte de campagne, en application du I du présent article ; / 2° Ou lorsque le candidat ou le candidat tête de liste a obtenu moins de 5 % des suffrages exprimés et que les recettes et les dépenses de son compte de campagne n'excèdent pas un montant fixé par décret. (...) "

4. Enfin, aux termes de l'article L. 118-3 du code électoral : " Lorsqu'il relève une volonté de fraude ou un manquement d'une particulière gravité aux règles de financement des campagnes électorales, le juge de l'élection, saisi par la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques, peut déclarer inéligible : / 1° Le candidat qui n'a pas déposé son compte de campagne dans les conditions et le délai prescrits à l'article L. 52-12 ; / 2° Le candidat dont le compte de campagne, le cas échéant après réformation, fait apparaître un dépassement du plafond des dépenses électorales ; / 3° Le candidat dont le compte de campagne a été rejeté à bon droit. / L'inéligibilité mentionnée au présent article est prononcée pour une durée maximale de trois ans et s'applique à toutes les élections. / En cas de scrutin binominal, l'inéligibilité s'applique aux deux candidats du binôme. (...) "

5. En dehors des cas de fraude, le juge de l'élection ne peut prononcer l'inéligibilité d'un candidat sur le fondement de ces dispositions que s'il constate un manquement d'une particulière gravité aux règles de financement des campagnes électorales. Il lui incombe à cet effet de prendre en compte l'ensemble des circonstances de l'espèce et d'apprécier s'il s'agit d'un manquement caractérisé à une règle substantielle relative au financement des campagnes électorales et s'il présente un caractère délibéré.

6. En premier lieu, si M. C... et Mme B... font valoir que leur règlement direct de certaines dépenses de campagne ne justifie pas le rejet de leur compte de campagne, compte tenu de ce que leur mandataire financier a éprouvé de grandes difficultés à ouvrir un compte auprès d'un établissement bancaire, les contraignant à régler directement certaines dépenses de campagne dans cette attente, ces sommes étant cependant demeurées faibles, il résulte en tout état de cause de l'instruction qu'alors même que le binôme constitué des requérants a obtenu plus de 5 % des suffrages exprimés, leur compte de campagne n'a pas été présenté par un membre de l'ordre des experts-comptables, en méconnaissance des dispositions citées ci-dessus de l'article L. 52-12 du code électoral. Compte tenu de l'absence d'ambiguïté de la règle applicable et du caractère substantiel de la formalité ainsi méconnue, laquelle est destinée à assurer un contrôle effectif des comptes de campagne par la commission dans le délai limité qui lui est imparti, cette irrégularité justifie à elle seule le bien fondé du rejet par la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques du compte de campagne des intéressés.

7. En deuxième lieu, si M. C... et Mme B... font valoir qu'ils pensaient, compte tenu du faible montant des dépenses engagées, ne pas être tenus de recourir à un expert-comptable, cette circonstance n'est toutefois pas de nature à justifier leur méconnaissance caractérisée d'une obligation substantielle dénuée d'ambiguïté, constitutive d'un manquement d'une particulière gravité aux règles de financement des campagnes électorales. C'est à bon droit que, dans les circonstances de l'espèce, le tribunal administratif de Versailles les a déclarés inéligibles pour une durée d'un an.

D E C I D E :

--------------

Article 1er : La requête de M. C... et de Mme B... est rejetée.

Article 2 : La présente décision sera notifiée à M. A... E... C..., à Mme D... B... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.

Copie en sera adressée à la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques.

Délibéré à l'issue de la séance du 20 octobre 2022 où siégeaient : Mme Gaëlle Dumortier, présidente de chambre, présidant ; M. Jean-Luc Nevache, conseiller d'Etat et M. Sébastien Jeannard, maître des requêtes en service extraordinaire-rapporteur.

Rendu le 9 novembre 2022.

La présidente :

Signé : Mme Gaëlle Dumortier

Le rapporteur :

Signé : M. Sébastien Jeannard

La secrétaire :

Signé : Mme Anne Lagorce

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme,

Pour la secrétaire du contentieux, par délégation :


Synthèse
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 463972
Date de la décision : 09/11/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Publications
Proposition de citation : CE, 09 nov. 2022, n° 463972
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Sébastien Jeannard
Rapporteur public ?: M. Arnaud Skzryerbak

Origine de la décision
Date de l'import : 13/11/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2022:463972.20221109
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