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28/10/2022 | FRANCE | N°459354

France | France, Conseil d'État, 4ème - 1ère chambres réunies, 28 octobre 2022, 459354


Vu la procédure suivante :

Par une requête et un mémoire en réplique, enregistrés les 10 décembre 2021 et 4 mai 2022 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, le Syndicat national de l'enseignement technique agricole public - Fédération syndicale unitaire, le Syndicat CGT Agri et le Syndicat national de l'enseignement et de la recherche du ministère chargé de l'agriculture - Force ouvrière demandent au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler pour excès de pouvoir le décret n° 2021-1316 du 8 octobre 2021 relatif aux commissions d'hygiène et de sécurité des établi

ssements publics locaux d'enseignement et de formation professionnelle agricole...

Vu la procédure suivante :

Par une requête et un mémoire en réplique, enregistrés les 10 décembre 2021 et 4 mai 2022 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, le Syndicat national de l'enseignement technique agricole public - Fédération syndicale unitaire, le Syndicat CGT Agri et le Syndicat national de l'enseignement et de la recherche du ministère chargé de l'agriculture - Force ouvrière demandent au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler pour excès de pouvoir le décret n° 2021-1316 du 8 octobre 2021 relatif aux commissions d'hygiène et de sécurité des établissements publics locaux d'enseignement et de formation professionnelle agricoles et à leur formation restreinte ;

2°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la Constitution, notamment son Préambule ;

- le code de l'éducation ;

- le code général de la fonction publique ;

- le code rural et de la pêche maritime ;

- la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 ;

- la loi n° 2019-828 du 6 août 2019 ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Julien Fradel, maître des requêtes en service extraordinaire,

- les conclusions de M. Frédéric Dieu, rapporteur public ;

Considérant ce qui suit :

1. Aux termes de l'article L. 421-25 du code de l'éducation : " Des commissions d'hygiène et de sécurité composées des représentants des personnels de l'établissement, des élèves, des parents d'élèves, de l'équipe de direction et d'un représentant de la collectivité de rattachement, présidées par le chef d'établissement, sont instituées dans chaque lycée d'enseignement technique et chaque lycée professionnel. / Elles sont chargées de faire toutes propositions utiles au conseil d'administration en vue de promouvoir la formation à la sécurité et de contribuer à l'amélioration des conditions d'hygiène et de sécurité dans l'établissement et notamment dans les ateliers. / Un décret d'application fixe les conditions de mise en œuvre de ces dispositions, notamment en ce qui concerne la composition et les modalités de fonctionnement des commissions d'hygiène et de sécurité ". Aux termes de l'article L. 811-9-2 du code rural et de la pêche maritime, créé par l'article 4 de la loi du 6 août 2019 de transformation de la fonction publique : " Dans chaque établissement public local d'enseignement et de formation professionnelle agricole relevant du ministère chargé de l'agriculture, la commission d'hygiène et de sécurité se réunit en formation restreinte pour connaître des questions de conditions de vie au travail. Les conditions d'application du présent article sont fixées par décret ".

2. Le Syndicat national de l'enseignement technique agricole public - Fédération syndicale unitaire, le Syndicat CGT Agri et le Syndicat national de l'enseignement et de la recherche du ministère chargé de l'agriculture - Force ouvrière demandent l'annulation pour excès de pouvoir du décret du 8 octobre 2021 relatif aux commissions d'hygiène et de sécurité des établissements publics locaux d'enseignement et de formation professionnelle agricoles et à leur formation restreinte, pris pour l'application des dispositions citées au point précédent.

3. Le décret du 8 octobre 2021, dont les dispositions entrent en vigueur à compter du 1er janvier 2023, précise les attributions, la composition et les modalités de fonctionnement de la commission d'hygiène et de sécurité des établissements publics locaux d'enseignement et de formation professionnelle agricoles. Il institue en son sein, conformément à l'article L. 811-9-2 du code rural et de la pêche maritime précité, une formation restreinte compétente pour les questions relatives aux conditions de vie au travail. En vertu de ses articles 2 et 3, la commission d'hygiène et de sécurité est consultée sur les sujets relatifs à l'hygiène, à la sécurité et aux conditions de vie au travail intéressant l'ensemble de la communauté de travail et apprenante de l'établissement en vue de faire toute proposition utile au conseil d'administration dans ces domaines. L'article 8 du décret prévoit que sa formation plénière peut créer des groupes de travail chargés d'instruire des dossiers déterminés, s'adjoint l'appui technique de personnes expertes ou qualifiées et procède à la visite de l'établissement au moins une fois au cours du premier trimestre scolaire. Cette même formation plénière procède, en application de son article 9, à l'analyse des risques professionnels et est consultée en particulier sur les règlements et consignes en matière d'hygiène et de sécurité. En vertu de son article 11, elle est saisie par le directeur de l'établissement en cas d'accident grave ayant entraîné mort d'homme ou paraissant devoir entraîner une incapacité permanente ou ayant révélé l'existence d'un danger grave et met en place un groupe de travail qui a pour mission d'analyser les causes de l'événement concerné et de faire toute proposition utile au directeur de l'établissement. Lorsqu'un agent exerce son droit à se retirer d'une situation de travail dont il a un motif raisonnable de penser qu'elle présente un danger grave et imminent pour sa vie ou pour sa santé ou qu'il constate une défectuosité dans les systèmes de protection, elle met également en place, en application de l'article 23 du décret, un groupe de travail qui procède à une enquête et rend un avis circonstancié au directeur de l'établissement. La formation spécialisée de la commission contribue pour sa part, ainsi que le prévoit l'article 14 du décret, à l'analyse des risques professionnels et est notamment informée, en application de son article 15, de tous les projets d'aménagement importants susceptibles de modifier les conditions de travail.

4. En premier lieu, eu égard aux missions confiées aux commissions d'hygiène et de sécurité des établissements publics locaux d'enseignement et de formation professionnelle agricoles par les dispositions législatives citées au point 1 pour contribuer à l'amélioration des conditions d'hygiène et de sécurité dans ces établissements et y connaître des questions de conditions de vie au travail, le pouvoir réglementaire était compétent pour conférer à ces commissions les attributions mentionnées au point précédent. Par suite, les syndicats requérants ne sont pas fondés à soutenir que, par les dispositions en cause du décret attaqué, le pouvoir réglementaire a méconnu l'habilitation dont il disposait en application de l'article L. 421-25 du code de l'éducation et de l'article L. 811-9-2 du code rural et de la pêche maritime. Il en résulte également qu'ils ne peuvent utilement invoquer une méconnaissance par ces mêmes dispositions de celles de l'article 15 de la loi du 11 janvier 1984 dans sa rédaction résultant de la loi du 6 août 2019 de transformation de la fonction publique, qui entreront en vigueur en vue du prochain renouvellement général des instances dans la fonction publique et seront codifiées à la même date dans le code général de la fonction publique, confiant aux comités sociaux d'administration et à leurs formations spécialisées la mission de connaître, dans les administrations de l'Etat et les établissements publics de l'Etat concernés, des questions relatives à la protection de la santé physique et mentale, à l'hygiène, à la sécurité des agents dans leur travail, à l'organisation du travail, au télétravail, aux enjeux liés à la déconnexion et aux dispositifs de régulation de l'utilisation des outils numériques, à l'amélioration des conditions de travail et aux prescriptions légales afférentes.

5. En deuxième lieu, les articles 4 et 5 du décret attaqué relatifs à la composition des formations plénière et restreinte de la commission d'hygiène et de sécurité des établissements publics locaux d'enseignement et de formation professionnelle agricoles prévoient que celles-ci, qui comptent respectivement treize et huit membres ayant voix délibérative, comportent chacune parmi ces membres quatre représentants des personnels, lesquels participent donc, en leur sein, à la protection de la santé et de la sécurité des agents. Ainsi, alors même que les représentants des personnels ne sont pas majoritaires dans la composition de ces formations, le moyen tiré de la méconnaissance du principe de participation des travailleurs à la détermination collective des conditions de travail consacré par le huitième alinéa du Préambule de la Constitution du 27 octobre 1946 ne peut qu'être écarté.

6. En troisième et dernier lieu, le décret attaqué a pu légalement, sans méconnaître l'exigence constitutionnelle de protection de la santé des travailleurs, fixer à un an la durée du mandat des membres élus de ces commissions et à trois jours la durée minimale de la formation de ces membres. Par ailleurs, l'absence dans le décret attaqué de disposition relative aux moyens alloués aux membres des commissions d'hygiène et de sécurité des établissements publics locaux d'enseignement et de formation professionnelle agricoles pour exercer leur mandat est sans incidence sur sa légalité.

7. Il résulte de ce tout qui précède que les requérants ne sont pas fondés à demander l'annulation du décret qu'ils attaquent. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font, par suite, obstacle à ce qu'une somme soit mise, à ce titre, à la charge de l'Etat.

D E C I D E :

--------------

Article 1er : La requête du Syndicat national de l'enseignement technique agricole public - Fédération syndicale unitaire, du Syndicat CGT Agri et du Syndicat national de l'enseignement et de la recherche du ministère chargé de l'agriculture - Force ouvrière est rejetée.

Article 2 : La présente décision sera notifiée au Syndicat national de l'enseignement technique agricole public - Fédération syndicale unitaire, au Syndicat CGT Agri, au Syndicat national de l'enseignement et de la recherche du ministère chargé de l'agriculture - Force ouvrière et au ministre de l'agriculture et de la souveraineté alimentaire.

Copie en sera adressée à la Première ministre.

Délibéré à l'issue de la séance du 7 octobre 2022 où siégeaient : Mme Christine Maugüé, présidente adjointe de la section du contentieux, présidant ; Mme Maud Vialettes, Mme Gaëlle Dumortier, présidentes de chambre ; M. Jean-Luc Nevache, M. Damien Botteghi, M. Alban de Nervaux, conseillers d'Etat et M. Julien Fradel, maître des requêtes en service extraordinaire-rapporteur.

Rendu le 28 octobre 2022.

La présidente :

Signé : Mme Christine Maugüé

Le rapporteur :

Signé : M. Julien Fradel

La secrétaire :

Signé : Mme Sylvie Alleil


Synthèse
Formation : 4ème - 1ère chambres réunies
Numéro d'arrêt : 459354
Date de la décision : 28/10/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Publications
Proposition de citation : CE, 28 oct. 2022, n° 459354
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Julien Fradel
Rapporteur public ?: M. Frédéric Dieu

Origine de la décision
Date de l'import : 01/01/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2022:459354.20221028
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