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28/10/2022 | FRANCE | N°453369

France | France, Conseil d'État, 5ème - 6ème chambres réunies, 28 octobre 2022, 453369


Vu la procédure suivante :

Par une requête, enregistrée le 7 juin 2021 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, le syndicat jeunes médecins demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler pour excès de pouvoir la décision implicite de rejet née du silence gardé par le ministre des solidarités et de la santé sur sa demande tendant à l'abrogation du décret n° 2006-1222 du 5 octobre 2006 relatif aux personnels médicaux, pharmaceutiques et odontologiques hospitaliers en tant qu'il exclut les praticiens contractuels du bénéfice de l'indemnité d'engagement de servi

ce public exclusif ;

2°) d'enjoindre au Premier ministre d'abroger le décret ...

Vu la procédure suivante :

Par une requête, enregistrée le 7 juin 2021 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, le syndicat jeunes médecins demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler pour excès de pouvoir la décision implicite de rejet née du silence gardé par le ministre des solidarités et de la santé sur sa demande tendant à l'abrogation du décret n° 2006-1222 du 5 octobre 2006 relatif aux personnels médicaux, pharmaceutiques et odontologiques hospitaliers en tant qu'il exclut les praticiens contractuels du bénéfice de l'indemnité d'engagement de service public exclusif ;

2°) d'enjoindre au Premier ministre d'abroger le décret n°2006-1222 du 5 octobre 2006 dans la même mesure et d'édicter un nouveau décret afin de rendre éligibles à cette indemnité l'ensemble des praticiens hospitaliers titulaires et contractuels ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la directive 1999/70/CE du Conseil du 28 juin 1999 ;

- le code général de la fonction publique ;

- le code de la santé publique ;

- le code de justice administrative ;

-le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de Mme Ségolène Cavaliere, maître des requêtes en service extraordinaire,

- les conclusions de M. Maxime Boutron, rapporteur public ;

Vu la note en délibéré, enregistrée le 10octobre 2022, présentée par le syndicat jeunes médecins ;

Considérant ce qui suit :

1. D'une part, aux termes de l'article L. 6152-1 du code de la santé publique : " Le personnel des établissements publics de santé comprend, (...) : / 1° Des médecins, des odontologistes et des pharmaciens dont le statut, qui peut prévoir des dispositions spécifiques selon que ces praticiens consacrent tout ou partie de leur activité à ces établissements, est établi par voie réglementaire ; / 2° Des médecins, des odontologistes et des pharmaciens recrutés par contrat dans des conditions déterminées par voie réglementaire ". Aux termes de de l'article L. 6154-1 du code de la santé publique : " Les praticiens mentionnés au 1° de l'article L. 6152-1 et à l'article L. 952-21 du code de l'éducation exerçant au minimum huit demi-journées par semaine dans les établissements publics de santé sont autorisés à exercer une activité libérale dans les conditions définies au présent chapitre, sous réserve que l'exercice de cette activité n'entrave pas l'accomplissement des missions définies aux articles L. 6111-1 à L 6111-1-4 ainsi qu'à l'article L. 6112-1 ". Aux termes de l'article R. 6152-406 du même code : " (...) En aucun cas, les praticiens contractuels ne peuvent exercer une activité libérale au sein de l'établissement public de santé ".

2. D'autre part, l'article D. 6152-23-1 du code de la santé publique détermine les indemnités dont peuvent bénéficier les praticiens hospitaliers titulaires exerçant à temps plein dans un établissement public de santé, au nombre desquelles figure notamment l'indemnité d'engagement de service public exclusif versée à ceux de ces praticiens hospitaliers titulaires qui s'engagent, pour une période de trois ans renouvelable, à ne pas exercer une activité libérale telle que prévue à l'article L. 6154-1 du même code. L'indemnité d'engagement de service public exclusif n'est, en revanche, pas au nombre des indemnités énumérées par l'article R. 6152-417 du même code dont peuvent bénéficier les praticiens contractuels.

3. Le syndicat requérant demande l'annulation de la décision implicite par laquelle le ministre des solidarités et de la santé a rejeté sa demande d'abrogation des dispositions réglementaires qui excluent du bénéfice de l'indemnité d'engagement de service public exclusif les praticiens contractuels exerçant dans des établissements publics de santé.

4. Aux termes de la clause 4 de l'accord-cadre sur le travail à durée déterminée annexé à la directive 1999/70/CE du Conseil du 28 juin 1999 : " 1. Pour ce qui concerne les conditions d'emploi, les travailleurs à durée déterminée ne sont pas traités d'une manière moins favorable que les travailleurs à durée indéterminée comparables au seul motif qu'ils travaillent à durée déterminée, à moins qu'un traitement différent soit justifié par des raisons objectives ". Cette clause, dans l'interprétation qu'en retient la Cour de justice de l'Union européenne, s'oppose aux inégalités de traitement dans les conditions d'emploi entre travailleurs à durée déterminée et travailleurs à durée indéterminée, sauf à ce que ces inégalités soient justifiées par des raisons objectives, qui requièrent que l'inégalité de traitement se fonde sur des éléments précis et concrets, pouvant résulter, notamment, de la nature particulière des tâches pour l'accomplissement desquelles des contrats à durée déterminée ont été conclus et des caractéristiques inhérentes à celles-ci ou, le cas échéant, de la poursuite d'un objectif légitime de politique sociale d'un Etat membre.

5. Toutefois, la différence de traitement, résultant des dispositions critiquées, entre praticiens titulaires et praticiens contractuels, qui sont placés dans des situations différentes pour ce qui concerne la détermination des éléments de leur rémunération, n'est pas fonction de la durée déterminée ou indéterminée de la relation de travail mais est liée à la faculté ouverte aux praticiens titulaires de consacrer une part de leur service à l'exercice d'une activité libérale, la prime ayant pour objet de compenser l'engagement des praticiens titulaires de ne pas faire usage de cette faculté. Au surplus, cette différence de traitement se justifie par l'objectif légitime consistant à rendre attractif l'exercice des fonctions de praticien hospitalier dans le cadre d'emplois publics permanents de praticiens titulaires pourvus par la voie d'un concours national qui assure la qualité du recrutement nécessaire aux soins. Dès lors, et en tout état de cause, le moyen tiré de ce que les dispositions attaquées méconnaîtraient la clause 4 de l'accord-cadre sur le travail à durée déterminée ne peut qu'être écarté.

6. Il résulte de ce qui précède que la requête du syndicat jeunes médecins doit être rejetée, y compris ses conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

D E C I D E :

--------------

Article 1er : La requête du syndicat jeunes médecins est rejetée.

Article 2 : La présente décision sera notifiée au syndicat jeunes médecins, à la Première ministre, au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, au ministre de la santé et de la prévention et au ministre de la transformation et de la fonction publique.

Délibéré à l'issue de la séance du 7 octobre 2022 où siégeaient : M. Jacques-Henri Stahl, président adjoint de la section du contentieux, présidant ; Mme Isabelle de Silva, présidente de chambre ; M. Jean-Philippe Mochon, président de chambre ; Mme Sophie-Caroline de Margerie, M. Olivier Rousselle, Mme Suzanne Von Coester, Mme Fabienne Lambolez, M. Cyril Roger-Lacan, conseillers d'Etat et Mme Ségolène Cavaliere, maître des requêtes en service extraordinaire-rapporteure.

Rendu le 28 octobre 2022.

Le président :

Signé : M. Jacques-Henri Stahl

La rapporteure :

Signé : Mme Ségolène Cavaliere

Le secrétaire :

Signé : Mme Anne-Lise Calvaire


Synthèse
Formation : 5ème - 6ème chambres réunies
Numéro d'arrêt : 453369
Date de la décision : 28/10/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Publications
Proposition de citation : CE, 28 oct. 2022, n° 453369
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: Mme Ségolène Cavaliere
Rapporteur public ?: M. Maxime Boutron

Origine de la décision
Date de l'import : 06/11/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2022:453369.20221028
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