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27/10/2022 | FRANCE | N°448955

France | France, Conseil d'État, 3ème chambre, 27 octobre 2022, 448955


Vu la procédure suivante :

Par une requête sommaire, un mémoire ampliatif et un mémoire en réplique, enregistrés les 21 janvier 2021, 14 avril 2021 et 5 avril 2022 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, l'exploitation agricole à responsabilité limitée (EARL) Pascal Rollet demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler l'arrêté du 5 novembre 2020 homologuant le cahier des charges de l'appellation d'origine contrôlée " Pouilly-Fuissé ", en tant que ce cahier des charges exclut du classement en premier cru " Aux Bouthières " ses parcelles cadastrées C 336 et C

337 ;

2°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 4 000 euros en applic...

Vu la procédure suivante :

Par une requête sommaire, un mémoire ampliatif et un mémoire en réplique, enregistrés les 21 janvier 2021, 14 avril 2021 et 5 avril 2022 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, l'exploitation agricole à responsabilité limitée (EARL) Pascal Rollet demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler l'arrêté du 5 novembre 2020 homologuant le cahier des charges de l'appellation d'origine contrôlée " Pouilly-Fuissé ", en tant que ce cahier des charges exclut du classement en premier cru " Aux Bouthières " ses parcelles cadastrées C 336 et C 337 ;

2°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 4 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :
- le règlement (UE) n° 1308/2013 du Parlement européen et du Conseil du 17 décembre 2013 ;
- le code rural et de la pêche maritime ;
- le décret n° 2011-1818 du 7 décembre 2011 ;
- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Géraud Sajust de Bergues, conseiller d'Etat,

- les conclusions de Mme Marie-Gabrielle Merloz, rapporteure publique ;

La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SARL Didier-Pinet, avocat de l'Institut national de l'origine et de la qualité ;

Considérant ce qui suit :

1. Par un décret du 7 décembre 2011, le Premier ministre a homologué le cahier des charges de l'appellation d'origine contrôlée (AOC) " Pouilly-Fuissé ". Par une délibération du 3 septembre 2020, le comité national des appellations d'origine relatives aux vins et aux boissons alcoolisées et des boissons spiritueuses de l'Institut national de l'origine et de la qualité (INAO) a approuvé la reconnaissance de climats de cette AOC en premier cru et fixé la délimitation parcellaire de ces climats. Par un arrêté du 5 novembre 2020, pris en application de l'article L. 641-7 du code rural et de la pêche maritime, le ministre de l'agriculture et de la souveraineté alimentaire, le ministre de l'économie, des finances et de la relance et le ministre délégué auprès du ministre de l'économie, des finances et de la relance, chargé des comptes publics, ont homologué un nouveau cahier des charges de l'AOC " Pouilly-Fuissé " et abrogé le décret du 7 décembre 2011. L'EARL Pascal Rollet demande l'annulation de cet arrêté en tant qu'il exclut de l'aire parcellaire délimitée du climat classé en premier cru " Aux Bouthières " ses parcelles numérotées C 336 et C 337.

Sur la légalité externe :

2. En premier lieu, aux termes du premier alinéa de l'article L. 641-7 du code rural et de la pêche maritime : " La reconnaissance d'une appellation d'origine contrôlée est prononcée par un arrêté du ou des ministres intéressés qui homologue un cahier des charges où figurent notamment la délimitation de l'aire géographique de production de cette appellation ainsi que ses conditions de production ". Aux termes de l'article R. 641-13 du même code : " La demande de reconnaissance d'une appellation d'origine (...) est soumise à une procédure nationale d'opposition d'une durée de deux mois organisée par le directeur de l'Institut national de l'origine et de la qualité après avis du comité national compétent. / (...) / Les oppositions motivées sont adressées par écrit à l'Institut national de l'origine et de la qualité dans le délai de deux mois prévu pour la consultation. / (...) / L'Institut national de l'origine et de la qualité notifie aux auteurs des oppositions les suites qui y ont été données ".

3. Il résulte de ces dernières dispositions que la notification des suites données aux oppositions a seulement pour objet d'informer les opposants éventuels, auxquels elle n'accorde aucun droit ou garantie supplémentaire, de sorte que la date de cette notification est sans incidence sur la légalité de l'arrêté relatif à une appellation d'origine contrôlée. Par suite, la circonstance que l'INAO n'ait répondu à l'opposition de l'EARL Pascal Rollet que postérieurement à l'adoption de l'arrêté attaqué est sans incidence sur la légalité de celui-ci.

4. En second lieu, si l'organisation d'une procédure nationale d'opposition constitue une garantie de la procédure préalable applicable à la reconnaissance d'une indication géographique protégée, l'obligation prévue par les dispositions du dernier alinéa de l'article R. 641-13 du code rural et de la pêche maritime d'informer les opposants sur les suites données à leurs oppositions n'est pas prescrite à peine d'irrégularité de l'arrêté homologuant le cahier des charges en vue de la reconnaissance de cette indication géographique. Par suite, L'EARL Pascal Rollet ne peut utilement soutenir pour contester l'arrêté d'homologation que la réponse de l'INAO à son opposition n'était pas motivée, ce qui, au demeurant, n'était pas le cas.

Sur la légalité interne :

5. Il ressort des pièces du dossier que le comité national des appellations d'origine relatives aux vins et aux boissons alcoolisées et des boissons spiritueuses de l'INAO a exclu les cinq parcelles de l'EARL Pascal Rollet, dont les parcelles C 336 et C 337, de l'aire parcellaire délimitée du climat classé en premier cru " Aux Bouthières " au motif, en particulier, que ces parcelles étant orientées Est-Nord-Est et présentant des signes d'hydromorphie du sol entre 0 et 80 centimètres, elles répondaient à deux des critères d'exclusion qu'il avait retenus, pour la délimitation des climats en premier cru, dans sa délibération du 16 novembre 2017, confirmée par une délibération du 14 novembre 2019. Au regard de ces caractéristiques, qui ressortent des études géologiques et pédologiques menées sur les parcelles litigieuses dans le cadre des expertises diligentées par l'INAO et que n'infirment pas les analyses fournies par l'EARL Pascal Rollet, l'INAO, qui pouvait légalement s'en tenir au constat que les exigences relatives aux facteurs naturels telles que définies dans sa délibération du 16 novembre 2017 n'étaient pas satisfaites, n'a pas commis d'erreur d'appréciation en excluant les parcelles C 336 et C 337 de cette dernière de l'aire parcellaire délimitée du climat " Aux Bouthières ".

6. Il résulte de ce qui précède que l'EARL Pascal Rollet n'est pas fondée à demander l'annulation de l'arrêté qu'elle attaque, en tant qu'il exclut de l'aire parcellaire délimitée du climat classé en premier cru " Aux Bouthières " ses parcelles numérotées C 336 et C 337.

7. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'EARL Pascal Rollet le versement à l'INAO d'une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Ces mêmes dispositions font, en revanche, obstacle à ce qu'une somme soit mise à la charge de l'Etat qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante.

D E C I D E :
--------------
Article 1er : La requête de l'EARL Pascal Rollet est rejetée.
Article 2 : L'EARL Pascal Rollet versera à l'INAO la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : La présente décision sera notifiée à l'exploitation agricole à responsabilité limitée Pascal Rollet, au ministre de l'agriculture et de la souveraineté alimentaire, au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, au ministre chargé des comptes publics, ainsi qu'à l'Institut national de l'origine et de la qualité.

Délibéré à l'issue de la séance du 13 octobre 2022 où siégeaient : M. Stéphane Verclytte, conseiller d'Etat, présidant ; M. Christian Fournier, conseiller d'Etat et M. Géraud Sajust de Bergues, conseiller d'Etat-rapporteur.

Rendu le 27 octobre 2022.

Le président :
Signé : M. Stéphane Verclytte
Le rapporteur :
Signé : M. Géraud Sajust de Bergues
La secrétaire :
Signé : Mme Nathalie Martinez-Casanova


Synthèse
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 448955
Date de la décision : 27/10/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Publications
Proposition de citation : CE, 27 oct. 2022, n° 448955
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Géraud Sajust de Bergues
Rapporteur public ?: Mme Marie-Gabrielle Merloz
Avocat(s) : SARL DIDIER-PINET

Origine de la décision
Date de l'import : 01/11/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2022:448955.20221027
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