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27/10/2022 | FRANCE | N°445132

France | France, Conseil d'État, 3ème chambre, 27 octobre 2022, 445132


Vu la procédure suivante :

Par une requête, un nouveau mémoire et un mémoire en réplique, enregistrés les 6 octobre 2020, 3 décembre 2021 et 16 mars 2022 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la Fédération du négoce agricole demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler la décision implicite du Président de la République, du Premier ministre et du ministre de l'agriculture et de l'alimentation rejetant sa demande tendant, d'une part, à ce que soient prises sans délai les mesures d'application qu'implique l'ordonnance n° 2019-361 du 24 avril 2019 relative

à l'indépendance des activités de conseil à l'utilisation des produits phyto...

Vu la procédure suivante :

Par une requête, un nouveau mémoire et un mémoire en réplique, enregistrés les 6 octobre 2020, 3 décembre 2021 et 16 mars 2022 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la Fédération du négoce agricole demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler la décision implicite du Président de la République, du Premier ministre et du ministre de l'agriculture et de l'alimentation rejetant sa demande tendant, d'une part, à ce que soient prises sans délai les mesures d'application qu'implique l'ordonnance n° 2019-361 du 24 avril 2019 relative à l'indépendance des activités de conseil à l'utilisation des produits phytopharmaceutiques et au dispositif de certificats d'économie de produits phytopharmaceutiques et, d'autre part, à ce que l'entrée en vigueur de l'article 1er de cette ordonnance soit différée d'un an ;

2°) d'enjoindre au Premier ministre et au ministre de l'agriculture et de l'alimentation de prendre ces mesures dans un délai d'un mois à compter de la notification de la décision à intervenir ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la Constitution ;

- le code rural et de la pêche maritime ;

- la loi n° 2018-938 du 30 octobre 2018 ;

- l'ordonnance n° 2019-361 du 24 avril 2019 ;

- le décret n° 2020-1265 du 16 octobre 2020 ;

- l'arrêté du 16 octobre 2020 fixant la liste des démarches ou pratiques ayant des incidences favorables sur la réduction de l'usage et des impacts de produits phytopharmaceutiques permettant l'exemption prévue au 2° du III de l'article L. 254-6-2 du code rural et de la pêche maritime ;

- l'arrêté du 16 octobre 2020 fixant les modalités de la certification mentionnée au 2° de l'article L. 254-2 du code rural et de la pêche maritime ;

- l'arrêté du 16 octobre 2020 relatif au référentiel de certification pour l'activité " conseils stratégique et spécifique à l'utilisation de produits phytopharmaceutiques " ;

- l'arrêté du 16 octobre 2020 relatif au référentiel de certification prévu à l'article R. 254-3 du code rural et de la pêche maritime pour l'activité " application en prestation de service de produits phytopharmaceutiques " ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Nicolas Jau, auditeur,

- les conclusions de Mme Marie-Gabrielle Merloz, rapporteure publique ;

La parole ayant été donnée, après les conclusions, à Maître Haas, avocat de la Fédération du négoce agricole ;

Considérant ce qui suit :

1. L'ordonnance n° 2019-361 du 24 avril 2019 relative à l'indépendance des activités de conseil à l'utilisation des produits phytopharmaceutiques et au dispositif de certificats d'économie de produits phytopharmaceutiques, prise sur le fondement de l'article 88 de la loi n° 2018-938 du 30 octobre 2018 pour l'équilibre des relations commerciales dans le secteur agricole et alimentaire et une alimentation saine, durable et accessible à tous, d'une part, rend incompatible l'exercice des activités de conseil à l'utilisation des produits phytopharmaceutiques avec celui des activités de vente ou d'application de ces produits et, d'autre part, pérennise le dispositif des certificats d'économie de produits phytopharmaceutiques. En vertu de l'article 4 de cette ordonnance, les dispositions relatives à la séparation des activités de conseil des activités de vente et d'application sont entrées en vigueur le 1er janvier 2021, sauf dans les collectivités relevant de l'article 73 de la Constitution, à Saint-Martin et pour les personnes agréées relevant de la catégorie des microentreprises. La Fédération du négoce agricole demande l'annulation de la décision implicite par laquelle le Président de la République, le Premier ministre et le ministre de l'agriculture et de l'alimentation ont refusé, d'une part, de prendre les mesures nécessaires à l'application des dispositions de l'ordonnance du 24 avril 2019 et, d'autre part, de différer l'entrée en vigueur de son article 1er.

2 En premier lieu, il ressort des pièces du dossier que, postérieurement à l'introduction de la requête, le Premier ministre a pris, pour l'application des dispositions de l'article 1er de l'ordonnance relatives à l'indépendance des activités de conseil à l'utilisation de produits phytopharmaceutiques, le décret n° 2020-1265 du 16 octobre 2020 relatif au conseil à l'utilisation de produits phytopharmaceutiques et à la certification de leurs distributeurs et utilisateurs professionnels, publié au Journal officiel de la République française du 18 octobre 2020. Par ailleurs, cinq arrêtés du ministre de l'agriculture et de l'alimentation, parus au Journal officiel de la République française du 20 octobre 2020, ont également précisé les conditions d'application des dispositions de l'article 1er de l'ordonnance du 24 avril 2019. Par suite, les conclusions de la requête de la Fédération du négoce agricole tendant à l'annulation de la décision implicite des autorités compétentes en tant qu'elles refusent de prendre les mesures nécessaires à l'entrée en vigueur de l'ordonnance sont devenues sans objet. Il en va de même, par voie de conséquence, des conclusions tendant à ce qu'il leur soit enjoint d'édicter ces mesures.

3. En second lieu, d'une part, les dispositions d'une ordonnance prise sur le fondement de l'article 38 de la Constitution qui relèvent du domaine de la loi, si elles peuvent être contestées par voie d'exception à l'occasion de leur application, ne peuvent plus, après l'expiration du délai de l'habilitation conférée au Gouvernement, être modifiées ou abrogées que par le législateur ou sur le fondement d'une nouvelle habilitation qui serait donnée au Gouvernement. L'expiration du délai fixé par la loi d'habilitation fait obstacle à ce que l'autorité investie du pouvoir réglementaire fasse droit à une demande tendant à ce que soit différée l'entrée en vigueur des dispositions d'une ordonnance relevant du domaine de la loi, quand bien même ces conditions d'entrée en vigueur seraient illégales.

4. Il résulte des dispositions de l'article 88 de la loi n° 2018-938 du 30 octobre 2018 que le délai de l'habilitation conférée au Gouvernement pour prendre les mesures relatives à la séparation des activités de conseil et de vente ou d'application des produits phytopharmaceutiques a expiré le 1er mai 2019. Par ailleurs, les dispositions de l'article 4 de l'ordonnance fixant la date d'entrée en vigueur des dispositions de l'article 1er de cette même ordonnance relèvent du domaine de la loi et aucune nouvelle habilitation portant sur ces dispositions n'a été conférée au pouvoir réglementaire par le législateur.

5. D'autre part, à supposer que la fédération requérante soutienne que la décision litigieuse devrait être annulée au motif qu'il appartenait au Gouvernement de déposer un projet de loi en vue de différer l'entrée en vigueur de l'article 1er de l'ordonnance du 24 avril 2019, le fait, pour le Premier ministre, de s'abstenir de soumettre un projet de loi au Parlement échappe à la compétence de la juridiction administrative.

6. Il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur la fin de non-recevoir opposée en défense, que les conclusions tendant à l'annulation de la décision attaquée en tant qu'elle refuse de différer l'entrée en vigueur des dispositions de l'article 1er de l'ordonnance du 24 avril 2019 doivent être rejetées. Les conclusions à fin d'injonction ne peuvent, par suite, qu'être rejetées.

7. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'une somme soit mise à ce titre à la charge de l'Etat qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante.

D E C I D E :

--------------

Article 1er : Il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions de la Fédération du négoce agricole tendant à l'annulation de la décision implicite du Président de la République, du Premier ministre et du ministre de l'agriculture et de l'alimentation, en tant que cette décision rejette sa demande de prendre les mesures d'application nécessaires à l'entrée en vigueur de l'ordonnance n° 2019-361 du 24 avril 2019, ni sur celles tendant à ce qu'il soit enjoint aux autorités compétentes de prendre ces mesures.

Article 2 : Le surplus des conclusions de la requête de la Fédération du négoce agricole est rejeté.

Article 3 : La présente décision sera notifiée à la Fédération du négoce agricole, à la Première ministre et au ministre de l'agriculture et de la souveraineté alimentaire.

Délibéré à l'issue de la séance du 13 octobre 2022 où siégeaient : M. Stéphane Verclytte, conseiller d'Etat, présidant ; M. Christian Fournier, conseiller d'Etat et M. Nicolas Jau, auditeur-rapporteur.

Rendu le 27 octobre 2022.

Le président :

Signé : M. Stéphane Verclytte

Le rapporteur :

Signé : M. Nicolas Jau

La secrétaire :

Signé : Mme Nathalie Martinez-Casanova


Synthèse
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 445132
Date de la décision : 27/10/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Publications
Proposition de citation : CE, 27 oct. 2022, n° 445132
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Nicolas Jau
Rapporteur public ?: Mme Marie-Gabrielle Merloz
Avocat(s) : HAAS

Origine de la décision
Date de l'import : 30/10/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2022:445132.20221027
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