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27/10/2022 | FRANCE | N°441195

France | France, Conseil d'État, 3ème chambre, 27 octobre 2022, 441195


Vu la procédure suivante :

Par une requête et des mémoires, enregistrés les 15 juin 2020, 8 mars 2022 et 28 avril 2022 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, le syndicat Coordination rurale Union nationale demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler pour excès de pouvoir l'arrêté du 8 avril 2020 portant extension d'un accord interprofessionnel conclu dans le cadre de l'association interprofessionnelle de la betterave et du sucre applicable à la campagne 2019-2020 ;

2°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 500 euros au titre de l'article L. 761-1

du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :...

Vu la procédure suivante :

Par une requête et des mémoires, enregistrés les 15 juin 2020, 8 mars 2022 et 28 avril 2022 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, le syndicat Coordination rurale Union nationale demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler pour excès de pouvoir l'arrêté du 8 avril 2020 portant extension d'un accord interprofessionnel conclu dans le cadre de l'association interprofessionnelle de la betterave et du sucre applicable à la campagne 2019-2020 ;

2°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le règlement (UE) n° 1308/2013 du Parlement et du Conseil du 17 décembre 2013 ;

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code rural et de la pêche maritime ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de Mme Cécile Isidoro, conseillère d'Etat,

- les conclusions de Mme Marie-Gabrielle Merloz, rapporteure publique ;

Considérant ce qui suit :

1. L'association interprofessionnelle de la betterave et du sucre (AIBS) justifie d'un intérêt suffisant au maintien de l'arrêté attaqué. Ainsi, son intervention au soutien de la défense du ministre chargé de l'agriculture et de l'alimentation est recevable.

2. Aux termes de l'article 164 du règlement (UE) n° 1308/2013 du 17 décembre 2013 portant organisation commune des marchés des produits agricoles : " 1. Dans le cas où une organisation de producteurs reconnue, une association d'organisations de producteurs reconnue ou une organisation interprofessionnelle reconnue opérant dans une ou plusieurs circonscriptions économiques déterminées d'un État membre est considérée comme représentative de la production ou du commerce ou de la transformation d'un produit donné, l'État membre concerné peut, à la demande de cette organisation, rendre obligatoires, pour une durée limitée, certains accords, certaines décisions ou certaines pratiques concertées arrêtés dans le cadre de cette organisation pour d'autres opérateurs, individuels ou non, opérant dans la ou les circonscriptions économiques en question et non membres de cette organisation ou association. / (...) / 3. Une organisation ou association est considérée comme représentative lorsque, dans la ou les circonscriptions économiques concernées d'un État membre, elle représente : a) en proportion du volume de la production ou du commerce ou de la transformation du produit ou des produits concernés : i) pour les organisations de producteurs dans le secteur des fruits et légumes, au moins 60 % ; ou ii) dans les autres cas, au moins deux tiers ; et b) dans le cas des organisations de producteurs, plus de 50 % des producteurs concernés. Toutefois, lorsque, dans le cas des organisations interprofessionnelles, la détermination de la proportion du volume de la production ou du commerce ou de la transformation du produit ou des produits concernés pose des problèmes pratiques, un État membre peut fixer des règles nationales afin de déterminer le niveau précis de représentativité visé au premier alinéa, point a) ii) ".

3. Aux termes de l'article L. 632-3 du code rural et de la pêche maritime : " Les accords conclus dans le cadre d'une organisation interprofessionnelle reconnue peuvent être étendus, pour une durée déterminée, en tout ou partie, par l'autorité administrative compétente dès lors qu'ils prévoient des actions communes ou visant un intérêt commun conformes à l'intérêt général et compatibles avec la législation de l'Union européenne. ". Aux termes du deuxième alinéa de l'article L .632-4 du même code : " L'extension des accords est également subordonnée au respect des conditions prévues par le droit de l'Union européenne applicable à ces accords ". Aux termes du troisième alinéa de ce même article : " Pour l'application de l'article 164 du règlement (UE) n° 1308/2013 du Parlement européen et du Conseil du 17 décembre 2013 portant organisation commune des marchés des produits agricoles et abrogeant les règlements (CEE) n° 922/72, (CEE) n° 234/79, (CE) n° 1037/2001 et (CE) n° 1234/2007 du Conseil, la représentativité des organisations interprofessionnelles est appréciée en tenant compte de la structuration économique de chaque filière. Les volumes pris en compte sont ceux produits, transformés ou commercialisés par les opérateurs professionnels auxquels sont susceptibles de s'appliquer les obligations prévues par les accords. En outre, lorsque la détermination de la proportion du volume de la production ou de la commercialisation ou de la transformation du produit ou des produits concernés pose des problèmes pratiques, l'organisation interprofessionnelle est regardée comme représentative si elle représente deux tiers de ces opérateurs ou de leur chiffre d'affaires ". Aux termes du quatrième alinéa du même article : " Pour la production, ces conditions sont présumées respectées lorsque des organisations syndicales d'exploitants agricoles représentant au total au moins 70 % des voix aux élections des chambres d'agriculture participent à l'organisation interprofessionnelle, directement ou par l'intermédiaire d'associations spécialisées adhérentes à ces organisations ". Aux termes du cinquième alinéa du même article : " Pour tout secteur d'activité, ces conditions sont présumées respectées lorsque l'organisation interprofessionnelle démontre que l'accord dont l'extension est demandée n'a pas fait l'objet, dans le mois suivant sa publication par cette organisation, de l'opposition d'organisations professionnelles réunissant des opérateurs économiques de ce secteur d'activité représentant au total plus du tiers des volumes du secteur d'activité concerné ".

4. En premier lieu, il ressort des pièces du dossier que le syndicat Coordination rurale Union nationale ne conteste pas sérieusement que l'AIBS n'est pas en mesure de déterminer la proportion du volume de production de ses adhérents avec une précision suffisante pour établir avec certitude qu'elle satisfait au critère de proportion du volume de la production prévu par l'article 164 du règlement (UE) n° 1308/2013 du 17 décembre 2013 et qu'il existe ainsi des difficultés pratiques justifiant, comme le prévoit ce même article, qu'il soit recouru aux règles nationales qu'il incombe aux Etats membres de fixer en ce cas, soit en l'occurrence le critère subsidiaire de représentativité prévu au troisième alinéa de l'article L. 632-4 du code rural et de la pêche maritime et, le cas échéant, la présomption de représentativité prévue aux quatrième et cinquième alinéas de cet article.

5. En deuxième lieu, il découle des dispositions des quatrième et cinquième alinéas de l'article L. 632-4 du code rural et de la pêche maritime que le quatrième alinéa s'applique aux organisations interprofessionnelles du secteur de la production et le cinquième alinéa aux organisations interprofessionnelles de tout secteur d'activité. Par suite, contrairement à ce que soutient le syndicat requérant, le ministre pouvait légalement faire application, pour apprécier les conditions de représentativité, du cinquième alinéa de l'article L. 632-4, prévoyant qu'elles sont présumées remplies lorsque l'organisation interprofessionnelle démontre que l'accord dont l'extension est demandée n'a pas fait l'objet, dans le mois suivant sa publication par cette organisation, de l'opposition d'organisations professionnelles réunissant des opérateurs économiques de ce secteur d'activité représentant au total plus du tiers des volumes du secteur d'activité concerné.

6. En troisième lieu, le syndicat requérant soutient que les difficultés pratiques empêchant de vérifier que l'AIBS satisfait au critère de proportion du volume de la production prévu par l'article 164 du règlement (UE) n° 1308/2013 du 17 décembre 2013, telles qu'invoquées par le ministre de l'agriculture et de l'alimentation, empêchent également d'apprécier si la condition tenant à l'absence d'opposition d'organisations professionnelles réunissant des opérateurs économiques du secteur d'activité concerné représentant au total plus du tiers des volumes de ce secteur est remplie, sauf à exiger de ces organisations professionnelles une démonstration regardée comme impossible pour l'organisation interprofessionnelle, en méconnaissance du principe constitutionnel d'égalité devant la loi et de non-discrimination résultant des stipulations combinées de l'article 14 de la convention européenne des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de l'article 1er du premier protocole additionnel à cette convention. Toutefois, si ces difficultés empêchent d'établir avec certitude que l'AIBS satisfait au critère de proportion du volume de la production, elles ne sauraient en l'espèce, en tout état de cause, empêcher d'établir avec certitude l'absence d'opposition d'organisations professionnelles représentant plus du tiers des volumes du secteur, dès lors que, comme l'indique le ministre de l'agriculture et de l'alimentation sans être contredit, aucune organisation professionnelle n'a émis d'avis négatif à l'encontre de l'accord concerné avant le 24 février 2020, terme du délai d'un mois suivant sa publication.

7. Il résulte de ce qui précède que le syndicat requérant n'est pas fondé à soutenir que l'AIBS ne pouvait être regardée comme représentative sur le fondement de la présomption de représentativité prévue par les dispositions du cinquième alinéa de l'article L. 632-4 du code rural et de la pêche maritime, sans qu'ait d'incidence à cet égard la circonstance que l'AIBS n'ayant pas obtenu plus de 70 % des voix aux élections des chambres d'agriculture de 2019, la présomption prévue au quatrième alinéa du même article ne pouvait être retenue. Par suite, le syndicat requérant n'est pas fondé à soutenir que, faute de représentativité de l'AIBS, le ministre ne pouvait, par l'arrêté du 8 avril 2020, étendre l'accord interprofessionnel conclu dans le cadre de l'association interprofessionnelle de la betterave et du sucre applicable à la campagne 2019-2020. Dès lors, la requête du syndicat Coordination rurale Union nationale tendant à l'annulation de cet arrêté doit, sans qu'il soit besoin de statuer sur sa recevabilité, être rejetée.

8. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'une somme soit mise à ce titre à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de condamner le syndicat Coordination rurale Union nationale à verser à l'AIBS la somme que celle-ci demande au titre des mêmes dispositions.

D E C I D E :

--------------

Article 1er : L'intervention de l'Association Interprofessionnelle de la Betterave et du Sucre est admise.

Article 2 : La requête du syndicat Coordination rurale Union nationale est rejetée.

Article 3 : Les conclusions présentées par l'Association interprofessionnelle de la betterave et du sucre au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 4 : La présente décision sera notifiée à la Coordination rurale Union nationale, au ministre de l'agriculture et de la souveraineté alimentaire, au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique et à l'Association interprofessionnelle de la betterave et du sucre.

Délibéré à l'issue de la séance du 13 octobre 2022 où siégeaient : M. Stéphane Verclytte, conseiller d'Etat, présidant ; M. Christian Fournier, conseiller d'Etat et Mme Cécile Isidoro, conseillère d'Etat-rapporteure.

Rendu le 27 octobre 2022.

Le président :

Signé : M. Stéphane Verclytte

Le rapporteur :

Signé : Mme Cécile Isidoro

La secrétaire :

Signé : Mme Nathalie Martinez-Casanova


Synthèse
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 441195
Date de la décision : 27/10/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Publications
Proposition de citation : CE, 27 oct. 2022, n° 441195
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: Mme Cécile Isidoro
Rapporteur public ?: Mme Marie-Gabrielle Merloz

Origine de la décision
Date de l'import : 18/12/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2022:441195.20221027
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