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21/10/2022 | FRANCE | N°468265

France | France, Conseil d'État, 21 octobre 2022, 468265


Vu la procédure suivante :

Mme A... C... a demandé au juge des référés du tribunal administratif de Nice, statuant sur le fondement de l'article L. 521-2 du code de justice administrative, d'une part, de lui accorder le bénéfice de l'aide juridictionnelle provisoire et, d'autre part, d'enjoindre au préfet des Alpes-Maritimes de lui attribuer un hébergement adapté à la composition de sa famille, dans un délai de vingt-quatre heures à compter de la notification de l'ordonnance à intervenir, sous astreinte de 300 euros par jour de retard. Par une ordonnance n° 2204704 du 7

octobre 2022, le juge des référés du tribunal administratif de Nice ...

Vu la procédure suivante :

Mme A... C... a demandé au juge des référés du tribunal administratif de Nice, statuant sur le fondement de l'article L. 521-2 du code de justice administrative, d'une part, de lui accorder le bénéfice de l'aide juridictionnelle provisoire et, d'autre part, d'enjoindre au préfet des Alpes-Maritimes de lui attribuer un hébergement adapté à la composition de sa famille, dans un délai de vingt-quatre heures à compter de la notification de l'ordonnance à intervenir, sous astreinte de 300 euros par jour de retard. Par une ordonnance n° 2204704 du 7 octobre 2022, le juge des référés du tribunal administratif de Nice n'a pas admis Mme C... au bénéfice de l'aide juridictionnelle provisoire et a rejeté sa demande.

Par une requête, enregistrée le 17 octobre 2022, au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, Mme C... demande au juge des référés du Conseil d'Etat, statuant sur le fondement de l'article L. 521-2 du code de justice administrative :

1°) d'annuler cette ordonnance ;

2°) de faire droit à sa demande de première instance ;

3°) d'ordonner à l'Etat de lui fournir dans un délai de vingt-quatre heures à compter de la notification un hébergement individuel et adapté à la composition de sa famille ainsi qu'à ses besoins et droits fondamentaux ;

4°) de prononcer à cet effet toutes mesures nécessaires à l'encontre du préfet sous astreinte de 300 euros par jour de retard à compter du jour suivant la date de notification de l'ordonnance à intervenir ;

5°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros au titre des frais engagés pour la première instance ainsi que 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- la condition d'urgence est satisfaite au regard de sa situation de vulnérabilité, de précarité et d'errance dans laquelle sa famille et elle se trouvent dès lors que, en premier lieu, elle est enceinte de quatre mois, victime de traite polytraumatisée, reconnue comme telle dans le cadre de la procédure d'asile, suivie par des associations spécialisées et ayant déposé plainte pour ces faits, en deuxième lieu, elle est accompagnée de ses enfants de deux et trois ans dont l'aîné est scolarisé et, en dernier lieu, son compagnon est de santé fragile étant atteint d'une hépatite B active et d'une tumeur rénale ;

- le refus d'hébergement d'urgence qui lui a été opposé porte une atteinte grave et manifestement illégale à son droit à la vie, son droit à la dignité de la personne humaine, son droit à ne pas subir de traitement dégradant et inhumain et son droit à l'hébergement dès lors qu'elle établit sa vulnérabilité particulière, son état de grossesse, sa situation d'errance avec deux enfants en bas âge et un conjoint malade et le fait d'être victime de traite.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code de l'action sociale et des familles ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de justice administrative ;

Considérant ce qui suit :

1. Aux termes de l'article L. 521-2 du code de justice administrative : " Saisi d'une demande en ce sens justifiée par l'urgence, le juge des référés peut ordonner toutes mesures nécessaires à la sauvegarde d'une liberté fondamentale à laquelle une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public aurait porté, dans l'exercice d'un de ses pouvoirs, une atteinte grave et manifestement illégale. (...) ". En vertu de l'article L. 522-3 du même code, le juge des référés peut, par une ordonnance motivée, rejeter une requête sans instruction ni audience lorsque la condition d'urgence n'est pas remplie ou lorsqu'il apparaît manifeste, au vu de la demande, que celle-ci ne relève pas de la compétence de la juridiction administrative, qu'elle est irrecevable ou qu'elle est mal fondée.

2. Mme A... C..., de nationalité nigériane, est entrée sur le territoire national en janvier 2019, avec son conjoint M. B..., dont elle a eu deux enfants depuis son entrée sur le territoire, et est aujourd'hui, par ailleurs, enceinte d'un troisième. Bénéficiant de diverses solutions de logement d'urgence, elle s'est vu refuser la protection internationale en qualité de membre du groupe social des anciennes prostituées nigérianes ayant réussi à se distancier des réseaux d'exploitation sexuelle et ne dispose plus d'aucun titre au séjour en France, encore que la contestation de l'obligation de quitter le territoire français soit pendante devant le juge de l'excès de pouvoir. Elle a demandé au juge des référés du tribunal administratif statuant sur le fondement de l'article L. 521-2 du code de justice administratif d'enjoindre au préfet des Alpes-maritimes de lui procurer un logement adapté à sa situation dans les vingt-quatre heures sous astreinte de 300 euros par jour de retard. Après avoir tenu une audience, le juge des référés du tribunal administratif de Nice, a rejeté ces conclusions faute que la condition d'urgence conditionnant l'usage des pouvoirs qu'il tient de l'article L. 521-2 du code de justice administrative fût présente. Mme C... relève appel de cette ordonnance.

3. Mme C... soutient d'abord que le juge des référés a entaché son ordonnance d'erreur de droit et d'appréciation pour n'avoir pas tenu compte de son état de grossesse. Cependant, l'article 21 de la directive 2013/33/UE de la directive du 26 juin 2013, dont la méconnaissance est invoquée, impose seulement aux Etats de prendre en compte cette situation dans leur législation interne, et n'en fait pas un critère de vulnérabilité par elle-même. L'ordonnance, ayant procédé à l'examen d'ensemble de la situation de Mme C... et de sa famille, n'est pas du seul fait qu'elle n'aurait pas estimé l'état de grossesse de la requérante comme établissant sa vulnérabilité, entachée des vices allégués.

4. Mme C... soutient ensuite que l'ordonnance serait entachée de contradiction de motifs pour avoir d'abord énoncé que le statut de victime d'un réseau d'exploitation sexuelle était avéré puis avoir dénié qu'elle put bénéficier d'une protection à ce titre. Mais l'ordonnance s'est bornée à rappeler que si l'OFPRA avait dans sa décision refusant l'asile à Mme C... reconnu comme plausible le fait que l'intéressée ait pu être victime de proxénètes au Nigéria, l'ensemble des faits résultant de ses déclarations quant à sa fuite, la prostitution à laquelle elle aurait dû se soumettre en Italie et les conditions de son arrivée en France ne pouvaient être regardés comme établis. A cet égard et notamment sur ce fondement, l'appréciation par le premier juge de l'ensemble des circonstances alléguées par Mme C... ne peut être regardée comme erronée, et le défaut d'établissement de la qualité de membre du groupe social qu'elle revendique entraîne que c'est sans erreur de droit, au regard des exigences de la protection de telles victimes, que l'ordonnance a pu regarder ces éléments comme ne constituant pas la situation d'urgence revendiquée. Le premier juge n'a pas plus commis d'erreur de droit en relevant que l'intéressée n'avait plus de titre de séjour, sa contestation de l'obligation de quitter le territoire français devant le tribunal administratif de Nice n'infirmant pas l'exactitude de l'assertion de l'absence de tout droit au séjour à la date de l'ordonnance attaquée comme de la présente ordonnance.

5. Enfin, Mme C... estime que c'est à la suite d'une erreur de droit et d'une erreur d'appréciation que l'ordonnance a rejeté ses conclusions alors qu'elle se prévalait, d'une part, de la situation de santé de son conjoint et de l'âge de ses deux enfants. Les affections dont souffre le père de ses enfants ne sont pas attestées par des pièces qui permettraient de les regarder comme constitutives par leur nature d'une situation de particulière vulnérabilité, pas plus que le jeune âge des enfants n'est, à lui seul, susceptible de l'établir.

6. A défaut que l'urgence de la situation alléguée soit établie, l'appel de Mme C... ne peut qu'être rejeté, ainsi que par voie de conséquence l'ensemble de ses conclusions d'injonction sous astreinte. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que l'Etat, qui n'est pas la partie perdante, se voit mettre à sa charge la somme que Mme C... demande sur leur fondement.

O R D O N N E :

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Article 1er : La requête de Mme C... est rejetée.

Article 2 : La présente ordonnance sera notifiée à Mme A... C....

Fait à Paris, le 21 octobre 2022

Signé : Thierry Tuot


Synthèse
Numéro d'arrêt : 468265
Date de la décision : 21/10/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Publications
Proposition de citation : CE, 21 oct. 2022, n° 468265
Inédit au recueil Lebon

Origine de la décision
Date de l'import : 27/10/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2022:468265.20221021
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