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12/10/2022 | FRANCE | N°463385

France | France, Conseil d'État, 7ème chambre, 12 octobre 2022, 463385


Vu la procédure suivante :

Mme B... D... a demandé au juge des référés du tribunal administratif de Montreuil d'ordonner, sur le fondement des dispositions de l'article L. 521-1 du code de justice administrative, la suspension de l'exécution de l'arrêté du 28 janvier 2022 par laquelle le préfet de la Seine-Saint-Denis a rejeté sa demande de renouvellement de titre de séjour. Par une ordonnance n° 2203393 du 8 mars 2022, le juge des référés du tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande.

Par un pourvoi sommaire et un mémoire complémentaire, enregistr

s les 21 avril et 3 mai 2022 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat,...

Vu la procédure suivante :

Mme B... D... a demandé au juge des référés du tribunal administratif de Montreuil d'ordonner, sur le fondement des dispositions de l'article L. 521-1 du code de justice administrative, la suspension de l'exécution de l'arrêté du 28 janvier 2022 par laquelle le préfet de la Seine-Saint-Denis a rejeté sa demande de renouvellement de titre de séjour. Par une ordonnance n° 2203393 du 8 mars 2022, le juge des référés du tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande.

Par un pourvoi sommaire et un mémoire complémentaire, enregistrés les 21 avril et 3 mai 2022 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, Mme D... demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler cette ordonnance ;

2°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros à verser à la SCP Gouz Fitoussi, son avocat, au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de Mme Mélanie Villiers, maître des requêtes,

- les conclusions de M. Marc Pichon de Vendeuil, rapporteur public ;

La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SCP Gouz-Fitoussi, avocat de Mme D... ;

Considérant ce qui suit :

1. Il ressort des pièces du dossier soumis au juge des référés que Mme D..., ressortissante marocaine, a sollicité le renouvellement d'un titre de séjour pour raisons de santé le 27 mai 2021. Par un arrêté du 28 janvier 2022, le préfet de la Seine - Saint - Denis a refusé d'y faire droit. Mme D... se pourvoit en cassation contre l'ordonnance du 8 mars 2022 par laquelle le juge des référés du tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande tendant à la suspension de l'exécution de cet arrêté.

Sur le pourvoi :

2. Aux termes de l'article L. 521-1 du code de justice administrative : " Quand une décision administrative, même de rejet, fait l'objet d'une requête en annulation ou en réformation, le juge des référés, saisi d'une demande en ce sens, peut ordonner la suspension de l'exécution de cette décision, ou de certains de ses effets, lorsque l'urgence le justifie et qu'il est fait état d'un moyen propre à créer, en l'état de l'instruction, un doute sérieux quant à la légalité de la décision. / Lorsque la suspension est prononcée, il est statué sur la requête en annulation ou en réformation de la décision dans les meilleurs délais. La suspension prend fin au plus tard lorsqu'il est statué sur la requête en annulation ou en réformation de la décision ".

3. L'urgence justifie que soit prononcée la suspension d'un acte administratif lorsque l'exécution de celui-ci porte atteinte, de manière suffisamment grave et immédiate, à un intérêt public, à la situation du requérant ou aux intérêts qu'il entend défendre. Il appartient au juge des référés, saisi d'une demande de suspension d'une décision refusant la délivrance d'un titre de séjour, d'apprécier et de motiver l'urgence compte tenu de l'incidence immédiate du retrait de titre de séjour sur la situation concrète de l'intéressé. Cette condition d'urgence sera en principe constatée dans le cas d'un refus de renouvellement du titre de séjour, comme d'ailleurs d'un retrait de celui-ci. Dans les autres cas, il appartient au requérant de justifier de circonstances particulières caractérisant la nécessité pour lui de bénéficier à très bref délai d'une mesure provisoire dans l'attente d'une décision juridictionnelle statuant sur la légalité de la décision litigieuse.

4. Il ressort des énonciations de l'ordonnance attaquée que le juge des référés du tribunal administratif de Montreuil a estimé que Mme D... n'établissait pas qu'elle serait contrainte, du fait du refus de renouvellement de son titre de séjour, d'interrompre la formation dans laquelle elle est inscrite ou de renoncer à suivre un traitement médical adapté à sa pathologie. En estimant que la requérante ne faisait ainsi état d'aucune circonstance particulière caractérisant la nécessité pour elle de bénéficier immédiatement d'une suspension de l'exécution de l'arrêté préfectoral en litige, alors qu'il devait regarder la condition d'urgence comme en principe remplie dès lors qu'il s'agissait d'un refus de renouvellement d'un titre de séjour, le juge des référés a commis une erreur de droit. Dès lors, son ordonnance doit être annulée.

5. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de régler l'affaire au titre de la procédure de référé engagée, en application de l'article L. 821-2 du code de justice administrative.

Sur la demande de suspension :

6. D'une part, la condition d'urgence doit être regardée comme remplie s'agissant d'un refus de renouvellement de titre de séjour.

7. D'autre part, il résulte de l'instruction que Mme D..., née en 1991, a été scolarisée en France entre 1997 et 2005 puis est revenue en France, le 8 mars 2010, munie d'un visa, et a bénéficié depuis lors de titres de séjour " étudiant " jusqu'en 2018 puis, jusqu'au 14 mai 2021, " vie privée et familiale ". Par suite, les moyens tirés de ce qu'en se fondant, pour refuser de renouveler le titre de séjour de Mme D..., sur les circonstances qu'elle serait entrée irrégulièrement sur le territoire national le 8 mars 2010 et que rien ne l'empêchait de retourner dans son pays d'origine où elle a vécu jusqu'à l'âge de dix-neuf ans, le préfet de la Seine-Saint-Denis aurait commis une erreur de fait, une erreur manifeste d'appréciation et méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, paraissent, en l'état de l'instruction, de nature à faire naître un doute sérieux sur la légalité de l'arrêté préfectoral en litige.

8. Il résulte de ce qui précède qu'il y a lieu de faire droit à la demande de Mme D... et de suspendre l'exécution de la décision par laquelle le préfet de la Seine - Saint - Denis a refusé de renouveler son titre de séjour. Il y a lieu également d'enjoindre au préfet de la Seine-Saint-Denis de réexaminer la demande de Mme D... et, dans l'attente, de lui délivrer, dans un délai de huit jours, une autorisation provisoire de séjour, sans qu'il y ait lieu d'assortir cette injonction d'une astreinte.

9. Mme D... a obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle. Par suite, son avocat peut se prévaloir des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, et sous réserve que la SCP Gouz Fitoussi et Me Solal Cloris, ses avocats, renoncent à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat, de mettre à la charge de l'Etat les sommes de 3 000 et 1 200 euros à verser respectivement à la SCP Gouz Fitoussi et à Me Solal Cloris.

D E C I D E :

--------------

Article 1er : L'ordonnance du 8 mars 2022 du juge des référés du tribunal administratif de Montreuil est annulée.

Article 2 : L'exécution de l'arrêté du 28 janvier 2022 par lequel le préfet de la Seine - Saint - Denis a refusé de renouveler le titre de séjour de Mme D... est suspendue jusqu'à ce qu'il ait été statué sur la demande présentée par l'intéressée devant le tribunal administratif de Montreuil.

Article 3 : Il est enjoint au préfet de la Seine-Saint-Denis de réexaminer la demande de Mme D... et, dans un délai de huit jours à compter de la notification qui lui sera faite de la présente décision, de lui délivrer, dans l'attente, une autorisation provisoire de séjour.

Article 4 : L'Etat versera à la SCP Gouz Fitoussi et à Me Solal Cloris, ses avocats, les sommes respectivement de 3 000 et 1 200 euros en application des dispositions du deuxième alinéa de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve que ces derniers renoncent à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat.

Article 5 : Le surplus des conclusions de la demande de Mme D... est rejeté.

Article 6 : La présente décision sera notifiée à Mme B... D... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.

Délibéré à l'issue de la séance du 28 septembre 2022 où siégeaient : M. Olivier Japiot, président de chambre, présidant ; M. Gilles Pellissier, conseiller d'Etat et Mme Mélanie Villiers, maître des requêtes-rapporteure.

Rendu le 12 octobre 2022.

Le président :

Signé : M. Olivier Japiot

La rapporteure :

Signé : Mme Mélanie Villiers

La secrétaire :

Signé : Mme Pierrette Kimfunia


Synthèse
Formation : 7ème chambre
Numéro d'arrêt : 463385
Date de la décision : 12/10/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Publications
Proposition de citation : CE, 12 oct. 2022, n° 463385
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: Mme Mélanie Villiers
Rapporteur public ?: M. Marc Pichon de Vendeuil
Avocat(s) : SCP GOUZ-FITOUSSI

Origine de la décision
Date de l'import : 13/11/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2022:463385.20221012
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