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14/03/2022 | FRANCE | N°454794

France | France, Conseil d'État, 1ère - 4ème chambres réunies, 14 mars 2022, 454794


Vu les procédures suivantes :

1° Sous le n° 454794, par une requête, enregistrée le 20 juillet 2021 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, Mme F... D... demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler pour excès de pouvoir le décret n° 2021-724 du 7 juin 2021 modifiant le décret n° 2021-699 du 1er juin 2021 prescrivant les mesures générales nécessaires à la gestion de la sortie de crise sanitaire ;

2°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

2° Sous le n° 455239

, par une requête, enregistrée le 3 août 2021, Mme I... R... demande au Conseil d'Etat d'an...

Vu les procédures suivantes :

1° Sous le n° 454794, par une requête, enregistrée le 20 juillet 2021 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, Mme F... D... demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler pour excès de pouvoir le décret n° 2021-724 du 7 juin 2021 modifiant le décret n° 2021-699 du 1er juin 2021 prescrivant les mesures générales nécessaires à la gestion de la sortie de crise sanitaire ;

2°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

2° Sous le n° 455239, par une requête, enregistrée le 3 août 2021, Mme I... R... demande au Conseil d'Etat d'annuler pour excès de pouvoir le décret n° 2021-699 du 1er juin 2021 prescrivant les mesures générales nécessaires à la gestion de la sortie de crise sanitaire, ainsi que le décret n° 2021-1003 du 30 juillet 2021 le modifiant.

....................................................................................

Vu les autres pièces des dossiers ;

Vu :

- le règlement (UE) 2021/953 du 14 juin 2021 du Parlement européen et du Conseil relatif à un cadre pour la délivrance, la vérification et l'acceptation de certificats COVID-19 interopérables de vaccination, de test et de rétablissement (certificat COVID numérique de l'UE) afin de faciliter la libre circulation pendant la pandémie de COVID-19 ;

- le code de la santé publique ;

- la loi n° 2021-689 du 31 mai 2021 ;

- l'arrêté du 1er juin 2021 prescrivant les mesures générales nécessaires à la gestion de la sortie de crise sanitaire ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de Mme Ariane Piana-Rogez, auditrice,

- les conclusions de M. Arnaud Skzryerbak, rapporteur public ;

Considérant ce qui suit :

1. Aux termes du 2° du paragraphe A du II de l'article 1er de la loi du 31 mai 2021 relative à la gestion de la sortie de crise sanitaire, publiée au Journal officiel de République française le 1er juin 2021 : " A compter du 2 juin 2021 et jusqu'au 30 septembre 2021 inclus, le Premier ministre peut, par décret pris sur le rapport du ministre chargé de la santé, dans l'intérêt de la santé publique et aux seules fins de lutter contre la propagation de l'épidémie de covid-19 :/ (...) 2° Subordonner l'accès des personnes à certains lieux, établissements ou événements impliquant de grands rassemblements de personnes pour des activités de loisirs ou des foires ou salons professionnels à la présentation soit du résultat d'un examen de dépistage virologique ne concluant pas à une contamination par la covid-19, soit d'un justificatif de statut vaccinal concernant la covid-19, soit d'un certificat de rétablissement à la suite d'une contamination par la covid-19 (...). Un décret détermine, après avis du comité de scientifiques mentionné à l'article L. 3131-19 du code de la santé publique, les éléments permettant d'établir le résultat d'un examen de dépistage virologique ne concluant pas à une contamination par la covid-19, le justificatif de statut vaccinal concernant la covid-19 ou le certificat de rétablissement à la suite d'une contamination par la covid-19 ". Le IV du même article prévoit que : " Les mesures prescrites en application du présent article sont strictement proportionnées aux risques sanitaires encourus et appropriées aux circonstances de temps et de lieu (...) ". En application de ces dispositions, l'article 1er du décret du 7 juin 2021 a modifié le décret du 1er juin 2021 prescrivant les mesures générales nécessaires à la gestion de la sortie de crise sanitaire pour y insérer un article 2-2 prévoyant à son 3° que le certificat de rétablissement est délivré sur présentation d'un document mentionnant un résultat positif à un examen de dépistage RT-PCR (réaction de polymérisation en chaîne après transcription inverse ou "Reverse Transcription-Polymerase Chain Reaction") ou à un test antigénique, réalisé plus de quinze jours, délai ramené à onze jours par le décret du 30 juillet 2021, et moins de six mois auparavant. Ce certificat est valable pour une durée de six mois à compter de la date de réalisation de l'examen ou du test exigé. En outre, le II de l'article 47-1 du décret du 1er juin 2021, dans sa rédaction issue du décret du 7 juin 2021, détermine les lieux, établissements ou événements dont l'accès est subordonné à la présentation du passe sanitaire, délivré notamment au vu d'un certificat de rétablissement, au-dessus d'un certain nombre de visiteurs, spectateurs, clients ou passagers. Le décret du 19 juillet 2021 a modifié ces dispositions et fixé ce seuil à cinquante personnes.

2. Par deux requêtes qu'il y a lieu de joindre pour statuer par une même décision, Mme D... doit être regardée comme demandant l'annulation du 3° de l'article 2-2 du décret du 1er juin 2021, dans la rédaction de cet article issue du décret du 7 juin 2021, et Mme R... doit être regardée comme demandant l'annulation de ce même 3° de l'article 2-2 du décret du 1er juin 2021, dans ses rédactions successives issues du décret du 7 juin 2021 et du décret du 30 juillet 2021, en tant qu'il ne prévoit pas qu'un certificat de rétablissement puisse être délivré sur présentation d'un document mentionnant un résultat positif à un test sérologique attestant de la présence d'anticorps contre le virus SARS-CoV2.

3. En premier lieu, les dispositions du règlement (UE) du 14 juin 2021 du Parlement européen et du Conseil relatif à un cadre pour la délivrance, la vérification et l'acceptation de certificats covid-19 interopérables de vaccination, de test et de rétablissement afin de faciliter la libre circulation pendant la pandémie de covid-19 sont postérieures à l'édiction du décret du 7 juin 2021. Par suite, le moyen tiré de ce que l'article 2-2 du décret du 1er juin 2021, dans sa rédaction issue du décret du 7 juin 2021, méconnaîtrait les dispositions de ce règlement qui, au demeurant, contrairement à ce que soutient Mme D..., ne prévoient pas qu'un certificat de rétablissement doive être délivré sur présentation d'un document mentionnant un résultat positif à un test sérologique, est inopérant.

4. En deuxième lieu, il ressort des pièces des dossiers et notamment de l'avis du 3 mai 2021 du comité de scientifiques prévu par l'article L. 3131-19 du code de la santé publique, confirmé par un avis du 17 juin 2021 de la Haute Autorité de santé, qu'à la différence de l'examen de dépistage RT-PCR ou d'un test antigénique, le résultat positif d'un test sérologique inscrit, à la date des décrets attaqués, sur la liste prévue à l'article 27 de l'arrêté du 1er juin 2021 visé ci-dessus et indiquant l'existence d'anticorps contre le virus SARS-CoV2 chez une personne rétablie d'une infection à la maladie covid-19 ne permet d'attester ni de la date de son infection, ni, en l'état des données acquises de la science, de son niveau d'immunité contre cette maladie. Les personnes rétablies qui justifient seulement d'un résultat positif à un test sérologique ne peuvent donc établir qu'elles bénéficient encore d'une immunité suffisante à la date à laquelle elles sollicitent la délivrance du certificat de rétablissement. Il en résulte que le pouvoir réglementaire a pu, aux seules fins de lutter contre la propagation de l'épidémie de covid-19 et de manière strictement proportionnée aux risques sanitaires encourus, ne pas permettre l'accès à certains lieux, établissements ou événements impliquant de grands rassemblements de personnes pour des activités de loisirs ou des foires ou salons professionnels, aux personnes rétablies d'une contamination au SARS-CoV2 justifiant seulement d'un résultat positif à un test sérologique. Par suite, Mme D... n'est pas fondée à soutenir que ces dispositions ne seraient ni nécessaires, ni proportionnées et méconnaîtraient la liberté d'aller et venir.

5. En troisième lieu, le principe d'égalité ne s'oppose ni à ce que l'autorité investie du pouvoir réglementaire règle de façon différente des situations différentes ni à ce qu'elle déroge à l'égalité pour des raisons d'intérêt général, pourvu que, dans l'un comme dans l'autre cas, la différence de traitement qui en résulte soit en rapport avec l'objet de la norme qui l'établit et ne soit pas manifestement disproportionnée au regard des motifs susceptibles de la justifier. Il résulte de ce qui a été dit au point 4 que les personnes rétablies d'une contamination par le virus SARS-CoV2 qui, justifiant seulement d'un résultat positif à un test sérologique inscrit, à la date des décrets attaqués, sur la liste prévue à l'article 27 de l'arrêté du 1er juin 2021 visé ci-dessus, ne peuvent, en l'état des données acquises de la science, attester qu'elles sont encore suffisamment immunisées contre une nouvelle infection à la date à laquelle elles sollicitent la délivrance du certificat de rétablissement, se trouvent, au regard de l'objet de la mesure litigieuse qui est de limiter les risques de propagation de l'épidémie, dans une situation différente des personnes justifiant d'un résultat positif à un examen de dépistage RT-PCR ou à un test antigénique réalisé plus de onze jours et moins de six mois auparavant. Par suite, Mme R... n'est pas fondée à soutenir que les dispositions contestées, qui n'opèrent pas une différence de traitement manifestement disproportionnée au regard de cette différence de situation, méconnaîtraient le principe d'égalité.

6. Il résulte de tout ce qui précède que les conclusions à fin d'annulation présentées par les deux requérantes doivent être rejetées.

7. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'une somme soit mise à la charge de l'Etat qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante.

D E C I D E :

--------------

Article 1er : Les requêtes de Mme D... et de Mme R... sont rejetées.

Article 2 : La présente décision sera notifiée à Mme F... D..., à Mme I... R... et au ministre des solidarités et de la santé.

Délibéré à l'issue de la séance du 21 février 2022 où siégeaient : M. Rémy Schwartz, président adjoint de la section du contentieux, présidant ; Mme B... P..., Mme G... O..., présidentes de chambre ; Mme E... H..., Mme L... N..., M. M... K..., M. Damien Botteghi, conseillers d'Etat ; Mme C... Q..., auditrice-rapporteure et Mme Carine Chevrier, conseiller d'Etat.

Rendu le 14 mars 2022.

Le président :

Signé : M. Rémy Schwartz

La rapporteure :

Signé : Mme Ariane Piana-Rogez

La secrétaire :

Signé : Mme A... J...

La République mande et ordonne au ministre des solidarités et de la santé en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme,

Pour la secrétaire du contentieux, par délégation :


Synthèse
Formation : 1ère - 4ème chambres réunies
Numéro d'arrêt : 454794
Date de la décision : 14/03/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Publications
Proposition de citation : CE, 14 mar. 2022, n° 454794
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: Mme Ariane Piana-Rogez
Rapporteur public ?: M. Arnaud Skzryerbak

Origine de la décision
Date de l'import : 08/04/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2022:454794.20220314
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