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30/12/2021 | FRANCE | N°457529

France | France, Conseil d'État, 4ème chambre, 30 décembre 2021, 457529


Vu la procédure suivante :

Le directeur général de l'Agence régionale de santé de Normandie a porté plainte contre M. E... A... D... devant la chambre disciplinaire de première instance de Normandie de l'ordre des médecins. Par un mémoire distinct et un mémoire en réplique, enregistrés les 30 juillet et 27 août 2021, M. E... A... D..., à l'appui de sa défense, a demandé à la chambre disciplinaire de première instance, en application de l'article 23-2 de l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958, de transmettre au Conseil d'Etat la question de la conformité aux droit

s et libertés garantis par la Constitution des dispositions des articles ...

Vu la procédure suivante :

Le directeur général de l'Agence régionale de santé de Normandie a porté plainte contre M. E... A... D... devant la chambre disciplinaire de première instance de Normandie de l'ordre des médecins. Par un mémoire distinct et un mémoire en réplique, enregistrés les 30 juillet et 27 août 2021, M. E... A... D..., à l'appui de sa défense, a demandé à la chambre disciplinaire de première instance, en application de l'article 23-2 de l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958, de transmettre au Conseil d'Etat la question de la conformité aux droits et libertés garantis par la Constitution des dispositions des articles L. 4121-2, L. 4124-3 et L. 4124-6 du code de la santé publique.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la Constitution, notamment son Préambule et son article 61-1 ;

- l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 ;

- le code de la santé publique ;

- la décision n° 2018-738 QPC du 11 octobre 2018 ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Edouard Solier, maître des requêtes,

- les conclusions de M. Frédéric Dieu, rapporteur public ;

Considérant ce qui suit :

1. Aux termes du premier alinéa de l'article 23-5 de l'ordonnance du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel : " Le moyen tiré de ce qu'une disposition législative porte atteinte aux droits et libertés garantis par la Constitution peut être soulevé (...) à l'occasion d'une instance devant le Conseil d'Etat (...) ". Il résulte des dispositions de ce même article que le Conseil constitutionnel est saisi de la question prioritaire de constitutionnalité à la triple condition que la disposition contestée soit applicable au litige ou à la procédure, qu'elle n'ait pas déjà été déclarée conforme à la Constitution dans les motifs et le dispositif d'une décision du Conseil constitutionnel, sauf changement des circonstances, et que la question soit nouvelle ou présente un caractère sérieux.

2. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que le directeur général de l'Agence régionale de santé de Normandie a porté plainte contre M. E... A... D... devant la chambre disciplinaire de première instance de Normandie de l'ordre des médecins à raison de faits remontant à plusieurs années. A l'appui de sa défense à cette plainte, M. A... D... soutient que les dispositions des articles L. 4121-2, L. 4124-3 et L. 4124-6 du code de la santé publique, en ce qu'elles ne prévoient pas le délai durant lequel un médecin peut être poursuivi à raison de manquements disciplinaires qui lui sont reprochés, méconnaissent le principe d'égalité des citoyens devant la loi, le principe de nécessité des peines et le principe du respect des droits de la défense, garantis par les articles 6, 8 et 16 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen. Par une décision du 14 octobre 2021, la chambre disciplinaire de première instance, avant de statuer sur la plainte du directeur général de l'Agence régionale de santé de Normandie, a décidé, par application de l'article 23-2 de l'ordonnance du 7 novembre 1958, de transmettre au Conseil d'Etat la question de la conformité aux droits et libertés garantis par la Constitution, des dispositions des articles L. 4121-2, L. 4124-3 et L. 4124-6 du code de la santé publique.

3. Aux termes de l'article L. 4121-2 du code de la santé publique : " L'ordre des médecins, celui des chirurgiens-dentistes et celui des sages-femmes veillent au maintien des principes de moralité, de probité, de compétence et de dévouement indispensables à l'exercice de la médecine, de l'art dentaire, ou de la profession de sage-femme et à l'observation, par tous leurs membres, des devoirs professionnels, ainsi que des règles édictées par le code de déontologie prévu à l'article L. 4127-1. Ils contribuent à promouvoir la santé publique et la qualité des soins. / Ils assurent la défense de l'honneur et de l'indépendance de la profession médicale, de la profession de chirurgien-dentiste ou de celle de sage-femme. / Ils peuvent organiser toutes œuvres d'entraide et de retraite au bénéfice de leurs membres et de leurs ayants droit. / Ils accomplissent leur mission par l'intermédiaire des conseils et des chambres disciplinaires de l'ordre ". Aux termes de l'article L. 4124-3 du même code : " La chambre disciplinaire de première instance peut, soit sur la demande des parties, soit d'office, ordonner une enquête sur les faits dont la constatation lui paraît utile à l'instruction de l'affaire. / La décision qui ordonne l'enquête indique les faits sur lesquels elle doit porter et désigne le membre de la juridiction disciplinaire chargé d'enquêter sur l'affaire ". Aux termes de l'article L. 4124-6 du même code : " Les peines disciplinaires que la chambre disciplinaire de première instance peut appliquer sont les suivantes : / 1° L'avertissement ; / 2° Le blâme ; / 3° L'interdiction temporaire avec ou sans sursis ou l'interdiction permanente d'exercer une, plusieurs ou la totalité des fonctions de médecin, de chirurgien-dentiste ou de sage-femme, conférées ou rétribuées par l'Etat, les départements, les communes, les établissements publics, les établissements reconnus d'utilité publique ou des mêmes fonctions accomplies en application des lois sociales ; / 4° L'interdiction temporaire d'exercer avec ou sans sursis ; cette interdiction ne pouvant excéder trois années ; / 5° La radiation du tableau de l'ordre. / Les deux premières de ces peines comportent, en outre, la privation du droit de faire partie d'un conseil, d'une section des assurances sociales de la chambre de première instance ou de la section des assurances sociales du Conseil national, d'une chambre disciplinaire de première instance ou de la chambre disciplinaire nationale de l'ordre pendant une durée de trois ans ; les suivantes, la privation de ce droit à titre définitif. Le médecin, le chirurgien-dentiste ou la sage-femme radié ne peut se faire inscrire à un autre tableau de l'ordre. La décision qui l'a frappé est portée à la connaissance des autres conseils départementaux et de la chambre disciplinaire nationale dès qu'elle est devenue définitive. / Les peines et interdictions prévues au présent article s'appliquent sur l'ensemble du territoire de la République. / Si, pour des faits commis dans un délai de cinq ans à compter de la notification d'une sanction assortie d'un sursis, dès lors que cette sanction est devenue définitive, la juridiction prononce l'une des sanctions prévues aux 3° et 4°, elle peut décider que la sanction, pour la partie assortie du sursis, devient exécutoire sans préjudice de l'application de la nouvelle sanction ".

4. En premier lieu, si les exigences constitutionnelles qui découlent de l'article 8 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789 impliquent que le temps écoulé entre la faute et la condamnation puisse être pris en compte dans la détermination de la sanction, aucun droit ou liberté que la Constitution garantit n'impose que les poursuites disciplinaires soient nécessairement soumises à une règle de prescription, qu'il est loisible au législateur d'instaurer. Par suite, le grief tiré de la méconnaissance par les dispositions contestées, en ce qu'elles ne prévoient pas de délai durant lequel un médecin peut être poursuivi à raison de manquements disciplinaires qui lui sont reprochés, du principe de nécessité des peines et du principe du respect des droits de la défense garantis par les articles 8 et 16 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen, ne peut qu'être écarté.

5. En second lieu, aux termes de l'article 6 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen : " La loi est l'expression de la volonté générale. Tous les citoyens ont droit de concourir personnellement, ou par leurs représentants, à sa formation. Elle doit être la même pour tous, soit qu'elle protège, soit qu'elle punisse (...) ". Le principe d'égalité ne s'oppose ni à ce que le législateur règle de façon différente des situations différentes ni à ce qu'il déroge à l'égalité pour des raisons d'intérêt général, pourvu que, dans l'un et l'autre cas, la différence de traitement qui en résulte soit en rapport direct avec l'objet de la loi qui l'établit. La profession de médecin n'est pas placée, au regard du droit disciplinaire, dans la même situation que d'autres professions réglementées ou que les fonctionnaires. Par suite, le grief tiré de ce que les dispositions contestées méconnaîtraient le principe d'égalité des citoyens devant la loi, garanti par l'article 6 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen, ne peut qu'être écarté.

6. Il résulte de ce qui précède que la question soulevée par M. A... D..., qui n'est pas nouvelle, est dépourvue de caractère sérieux. Par suite, il n'y a pas lieu de la renvoyer au Conseil constitutionnel.

D E C I D E :

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Article 1er : Il n'y a pas lieu de renvoyer au Conseil constitutionnel la question prioritaire de constitutionnalité soulevée par M. A... D....

Article 2 : La présente décision sera notifiée à M. E... A... D..., à l'Agence régionale de santé de Normandie et au ministre des solidarités et de la santé.

Copie en sera adressée au Conseil constitutionnel, au Premier ministre et au Conseil national de l'ordre des médecins.

Délibéré à l'issue de la séance du 2 décembre 2021 où siégeaient : Mme Maud Vialettes, présidente de chambre, présidant ; Mme Fabienne Lambolez, conseillère d'Etat et M. Edouard Solier, maître des requêtes-rapporteur.

Rendu le 30 décembre 2021.

La présidente :

Signé : Mme Maud Vialettes

Le rapporteur :

Signé : M. Edouard Solier

La secrétaire :

Signé : Mme C... B...


Synthèse
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 457529
Date de la décision : 30/12/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Autres

Publications
Proposition de citation : CE, 30 déc. 2021, n° 457529
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Edouard Solier
Rapporteur public ?: M. Frédéric Dieu
Avocat(s) : SARL MATUCHANSKY, POUPOT, VALDELIEVRE

Origine de la décision
Date de l'import : 04/01/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2021:457529.20211230
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