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21/12/2021 | FRANCE | N°453602

France | France, Conseil d'État, 9ème chambre, 21 décembre 2021, 453602


Vu la procédure suivante :

La société Finindusco a demandé au tribunal administratif de Montreuil de prononcer la décharge, en droits et pénalités, des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés et de contributions additionnelles auxquelles elle a été assujettie au titre de son exercice clos en 2010. Par un jugement n° 1706870 du 7 février 2019, le tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande.

Par une ordonnance n° 19VE01103 du 28 janvier 2020, le président de la 1ère chambre de la cour administrative d'appel de Versailles a refusé de tran

smettre au Conseil d'Etat la question prioritaire de constitutionnalité soulevé...

Vu la procédure suivante :

La société Finindusco a demandé au tribunal administratif de Montreuil de prononcer la décharge, en droits et pénalités, des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés et de contributions additionnelles auxquelles elle a été assujettie au titre de son exercice clos en 2010. Par un jugement n° 1706870 du 7 février 2019, le tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande.

Par une ordonnance n° 19VE01103 du 28 janvier 2020, le président de la 1ère chambre de la cour administrative d'appel de Versailles a refusé de transmettre au Conseil d'Etat la question prioritaire de constitutionnalité soulevée par la société Finindusco à l'encontre du 6ème alinéa de l'article 223 B du code général des impôts.

Par un arrêt n° 19VE01103 du 13 avril 2021, la cour administrative d'appel de Versailles a rejeté l'appel formé par cette société contre le jugement du tribunal administratif de Montreuil du 7 février 2019.

Par un pourvoi sommaire et un mémoire complémentaire, enregistrés les 14 juin et 14 septembre 2021 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la société Finindusco demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler cet arrêt ;

2°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 10 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la Constitution, notamment son Préambule et son article 61-1 ;

- l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 ;

- la loi n° 95-1347 du 30 décembre 1995 ;

- la loi n° 2009-1674 du 30 décembre 2009 ;

- le code général des impôts ;

- le décret n° 97-663 du 29 mai 1997 ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Olivier Saby, maître des requêtes,

- les conclusions de Mme Emilie Bokdam-Tognetti, rapporteure publique ;

La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SCP Célice, Texidor, Perier, avocat de la société Finindusco ;

Considérant ce qui suit :

1. En vertu des dispositions de l'article 23-2 de l'ordonnance du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel, lorsqu'une juridiction relevant du Conseil d'Etat est saisie de moyens contestant la conformité d'une disposition législative aux droits et libertés garantis par la Constitution, elle transmet au Conseil d'Etat la question de constitutionnalité ainsi posée à la triple condition que la disposition contestée soit applicable au litige ou à la procédure, qu'elle n'ait pas déjà été déclarée conforme à la Constitution dans les motifs et le dispositif d'une décision du Conseil constitutionnel, sauf changement des circonstances, et qu'elle ne soit pas dépourvue de caractère sérieux. Aux termes du dernier alinéa de cet article 23-2 : " (...) Le refus de transmettre la question ne peut être contesté qu'à l'occasion d'un recours contre la décision réglant tout ou partie du litige ". Selon l'article R. 771-16 du code de justice administrative : " Lorsque l'une des parties entend contester devant le Conseil d'Etat, à l'appui d'un appel ou d'un pourvoi en cassation formé contre la décision qui règle tout ou partie du litige, le refus de transmission d'une question prioritaire de constitutionnalité précédemment opposé, il lui appartient, à peine d'irrecevabilité, de présenter cette contestation avant l'expiration du délai de recours dans un mémoire distinct et motivé, accompagné d'une copie de la décision de refus de transmission. (...) ".

2. Il résulte de ces dispositions que, lorsqu'une juridiction relevant du Conseil d'Etat a refusé de lui transmettre une question prioritaire de constitutionnalité qui lui a été soumise, il appartient à l'auteur de cette question de contester ce refus par un mémoire distinct et motivé, à l'occasion du pourvoi formé contre la décision qui statue sur le litige, que le refus de transmission ait été opposé par une décision distincte de la décision qui statue sur le litige ou directement par cette décision.

3. Aux termes du 6ème alinéa de l'article 223 B du code général des impôts, dans sa version applicable au litige issue de l'article 33 de la loi du 30 décembre 2009 de finances rectificative pour 2009 : " L'abandon de créance ou la subvention directe ou indirecte consenti entre des sociétés du groupe ou par une société du groupe à une société intermédiaire, à l'exception de la fraction de ces montants qui n'est pas reversée au cours du même exercice à des sociétés du groupe et pour laquelle la société mère apporte la preuve qu'elle n'est pas liée, directement ou indirectement, aux déficits et moins-values nettes à long terme de sociétés du groupe retenus pour la détermination du résultat d'ensemble et de la plus-value ou moins-value nette à long terme d'ensemble, ou par une société intermédiaire à une société du groupe, pour la fraction de ces montants pour laquelle la société mère apporte la preuve qu'elle provient d'un abandon de créance ou d'une subvention directe ou indirecte consenti, sans avoir été pris en compte pour la détermination du résultat d'ensemble, par une autre société du groupe à cette société intermédiaire, n'est pas pris en compte pour la détermination du résultat d'ensemble. Toutefois, le montant de l'abandon de créance non retenu pour la détermination du résultat d'ensemble ne peut excéder la valeur d'inscription de la créance à l'actif du bilan de la société qui consent l'abandon. "

4. Aux termes du second alinéa du I de l'article 34 de la loi du 30 décembre 1995 de finances rectificatives pour 1995 : " Au-delà de l'abattement préalable et de l'abattement susmentionné, les casinos peuvent également bénéficier d'un abattement supplémentaire de 5 p. 100 sur le produit brut des jeux correspondant aux dépenses d'acquisition, d'équipement et d'entretien à caractère immobilier qu'ils réalisent dans les établissements thermaux et hôteliers leur appartenant ou appartenant à une collectivité territoriale et dont ils assurent la gestion. (...) ". Aux termes de l'article 8 du décret du 29 mai 1997, pris en application de l'article 34 de la loi de finances rectificatives pour 1995 : " Pour ouvrir droit au bénéfice de l'abattement supplémentaire prévu au présent titre, les dépenses d'acquisition, d'équipement et d'entretien doivent : / a) Présenter un caractère immobilier ; / b) S'agissant des dépenses d'équipement et d'entretien, y compris de construction, être effectuées dans les établissements hôteliers classés de tourisme en application de la loi du 4 avril 1942 ou dans des établissements thermaux. Ces établissements doivent être situés dans la commune du siège du casino bénéficiaire de l'abattement ou dans les communes limitrophes, et appartenir : / - soit à ce casino ; / - soit à une société dont 95 % des droits de vote et des dividendes sont détenus par ce dernier ; / - soit à une société membre d'un groupe fiscal au sens de l'article 223 A du code général des impôts auquel appartient également la société qui exploite le casino ; / - soit appartenir à une collectivité territoriale qui en confie la gestion à ce casino ou à une de ces sociétés ; (...) ". Aux termes de l'article 21 du même décret : " Les établissements hôteliers ou thermaux bénéficient des dispositions du 1 de l'article 42 septies du code général des impôts en ce qui concerne les dépenses mentionnées aux articles 8 et 9 ci-dessus et prises en charge par les casinos dans les conditions prévues aux articles précédents. " Enfin, selon le 1 de l'article 42 septies du code général des impôts : " Les subventions d'équipement accordées à une entreprise par l'Union européenne, l'Etat, les collectivités publiques ou tout autre organisme public à raison de la création ou de l'acquisition d'immobilisations déterminées ne sont pas comprises, sur option de l'entreprise, dans les résultats de l'exercice en cours à la date de leur attribution ; dans ce cas, elles sont imposables dans les conditions définies au présent article. / Lorsqu'elles ont été utilisées à la création ou à l'acquisition d'une immobilisation amortissable, ces subventions sont rapportées aux bénéfices imposables en même temps et au même rythme que celui auquel l'immobilisation en cause est amortie. (...) ".

5. Il résulte des dispositions citées aux points 3 et 4 ci-dessus qu'une subvention d'équipement ouvrant droit, au profit du casino qui la consent, à l'abattement supplémentaire sur le produit brut des jeux institué par l'article 34 de la loi de finances rectificative pour 1995, et sur option, en faveur de la société qui la reçoit, au mécanisme d'étalement prévu par l'article 42 septies du code général des impôts, ne doit pas être prise en compte pour la détermination du résultat d'ensemble du groupe fiscalement intégré dont ces sociétés sont membres et doit, par suite, faire l'objet d'une neutralisation.

6. La société Finindusco soutient que les dispositions précitées du 6ème alinéa de l'article 223 B du code général des impôts, telles qu'interprétées au point 5, méconnaissent les principes d'égalité devant la loi et devant les charges publiques garantis par les articles 6 et 13 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789, dès lors qu'elles privent les sociétés membres d'un groupe fiscalement intégré de la possibilité de bénéficier, dans les faits, de l'avantage attaché au mécanisme de l'étalement prévu par l'article 42 septies du code général des impôts, sans qu'une différence de situation ni un motif d'intérêt général ne justifie cette différence de traitement par rapport à des sociétés mères et filiales non intégrées.

7. Aux termes de l'article 6 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789 : " La loi (...) doit être la même pour tous, soit qu'elle protège, soit qu'elle punisse ". Aux termes de l'article 13 de cette Déclaration : " Pour l'entretien de la force publique, et pour les dépenses d'administration, une contribution commune est indispensable : elle doit être également répartie entre tous les citoyens, en raison de leurs facultés ".

8. Les principes constitutionnels d'égalité devant la loi et d'égalité devant les charges publiques ne s'opposent ni à ce que le législateur règle de façon différente des situations différentes ni à ce qu'il déroge à l'égalité pour des raisons d'intérêt général pourvu que, dans l'un et l'autre cas, la différence de traitement qui en résulte soit en rapport direct avec l'objet de la loi qui l'établit. Pour assurer le respect du principe d'égalité, le législateur doit fonder son appréciation sur des critères objectifs et rationnels en fonction des buts qu'il se propose. Par ailleurs, cette appréciation ne doit pas entraîner de rupture caractérisée de l'égalité devant les charges publiques.

9. En premier lieu, en garantissant la neutralité fiscale des abandons de créance et des subventions consentis entre les sociétés d'un même groupe fiscalement intégré, le 6ème alinéa de l'article 223 B du code général des impôts, dans sa rédaction mentionnée au point 3 ci-dessus, institue une règle fiscale en rapport direct avec l'objet de l'intégration, qui est de garantir aux groupes qui se placent sous ce régime un traitement, au regard de l'impôt sur les sociétés, équivalent à celui d'une unique société dotée de plusieurs établissements. Si ces dispositions impliquent, ainsi qu'il a été dit au point 5 ci-dessus, que la subvention d'équipement qu'un casino consent à sa filiale hôtelière soit neutralisée pour la détermination du résultat d'ensemble alors même que cette subvention ouvre droit à l'abattement supplémentaire sur le produit brut des jeux et, sur option, au mécanisme d'étalement prévu par l'article 42 septies du code général des impôts, la différence de traitement qui en résulte par rapport aux sociétés non intégrées, qui est la conséquence de l'accord donné par les sociétés intégrées pour entrer dans le périmètre de l'intégration dont elles acceptent par là même tous les effets, repose sur un critère objectif et rationnel en rapport avec l'objet de la loi.

10. En second lieu, en prévoyant la neutralisation des subventions directes et indirectes réalisées entre sociétés membres d'une même intégration fiscale, y compris dans l'hypothèse où la neutralisation de la subvention d'équipement consentie par un casino à sa filiale hôtelière a pour effet de priver de tout intérêt, pour la détermination du résultat d'ensemble du groupe, l'option en faveur de l'étalement prévu par l'article 42 septies du code général des impôts, les dispositions contestées ne sont à l'origine d'aucune rupture caractérisée de l'égalité devant les charges publiques au détriment des sociétés membres d'un groupe fiscalement intégré.

11. Il résulte de ce qui précède qu'il y n'a pas lieu, en application des dispositions de l'article 23-5 de l'ordonnance portant loi organique du 7 novembre 1958, de renvoyer au Conseil constitutionnel la question prioritaire de constitutionnalité invoquée, qui n'est pas nouvelle et ne présente pas un caractère sérieux.

Sur les autres moyens du pourvoi :

12. Pour demander l'annulation de l'arrêt qu'elle attaque, la société Finindusco soutient que la cour administrative d'appel de Versailles :

- a commis une erreur de droit et inexactement qualifié les faits en jugeant qu'une subvention versée par une société mère casinotière à sa filiale hôtelière afin de financer un investissement immobilier ne peut être regardée comme une subvention publique, y compris pour la fraction de cette subvention ouvrant droit à l'abattement forfaitaire supplémentaire prévu par l'article 34 de la loi de finances rectificative pour 1995 ;

- a commis une erreur de droit et inexactement qualifié les faits en jugeant que, pour l'application du 6ème alinéa de l'article 223 B du code général des impôts, la subvention d'équipement versée par la société Amnéville Loisirs à la société hôtelière d'Amneville-les-Thermes devait être neutralisée pour la détermination du résultat d'ensemble du groupe fiscalement intégré dont ces sociétés sont membres.

13 Aucun de ces moyens n'est de nature à justifier l'admission du pourvoi.

D E C I D E :

--------------

Article 1er : Il n'y a pas lieu de renvoyer au Conseil constitutionnel la question prioritaire de constitutionnalité soulevée par la société Finindusco.

Article 2 : Le pourvoi de la société Finindusco n'est pas admis.

Article 3 : La présente décision sera notifiée à la société Finindusco et au ministre de l'économie, des finances et de la relance.

Copie en sera adressée au Conseil constitutionnel et au Premier ministre.

Délibéré à l'issue de la séance du 13 décembre 2021 où siégeaient : M. Thomas Andrieu, conseiller d'Etat, présidant ; Mme Anne Egerszegi, conseillère d'Etat et M. Olivier Saby, maître des requêtes-rapporteur.

Rendu le 21 décembre 2021.

Le président :

Signé : M. Thomas Andrieu

Le rapporteur :

Signé : M. Olivier Saby

La secrétaire :

Signé : Mme A... B...


Synthèse
Formation : 9ème chambre
Numéro d'arrêt : 453602
Date de la décision : 21/12/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Publications
Proposition de citation : CE, 21 déc. 2021, n° 453602
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Olivier Saby
Rapporteur public ?: Mme Emilie Bokdam-Tognetti
Avocat(s) : SCP CELICE, TEXIDOR, PERIER

Origine de la décision
Date de l'import : 23/12/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2021:453602.20211221
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