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28/10/2021 | FRANCE | N°449216

France | France, Conseil d'État, Formation spécialisée, 28 octobre 2021, 449216


Vu la procédure suivante :

I. Par une requête, enregistrée le 1er février 2021 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat sous le numéro 449216, Mme C... D... demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler la décision, révélée par le courrier de la présidente de la Commission nationale de l'informatique et des libertés (CNIL) du 30 novembre 2020 par laquelle la ministre des armées lui a refusé l'accès aux données susceptibles de la concerner figurant dans le traitement automatisé de données à caractère personnel mis en œuvre par la direction générale de la

sécurité extérieure (DGSE) ;

2°) d'enjoindre à la ministre des armées de communiq...

Vu la procédure suivante :

I. Par une requête, enregistrée le 1er février 2021 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat sous le numéro 449216, Mme C... D... demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler la décision, révélée par le courrier de la présidente de la Commission nationale de l'informatique et des libertés (CNIL) du 30 novembre 2020 par laquelle la ministre des armées lui a refusé l'accès aux données susceptibles de la concerner figurant dans le traitement automatisé de données à caractère personnel mis en œuvre par la direction générale de la sécurité extérieure (DGSE) ;

2°) d'enjoindre à la ministre des armées de communiquer les actes autorisant la création du fichier DGSE ainsi que l'ensemble des informations la concernant y figurant ;

3°) de l'informer de l'existence d'informations la concernant le cas échéant dans le fichier DGSE ;

4°) d'enjoindre à la ministre des armées d'effacer le cas échéant ses données personnelles figurant illégalement dans le fichier DGSE ;

5°) de mettre à la charge de l'Etat le versement d'une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

II. Par une requête, enregistrée le 4 mars 2021 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat sous le numéro 450373, Mme C... D... demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler la décision, révélée par le courrier de la présidente de la Commission nationale de l'informatique et des libertés (CNIL) du 29 janvier 2021 par laquelle la ministre des armées lui a refusé l'accès aux données susceptibles de la concerner figurant dans le traitement automatisé de données à caractère personnel dénommé SIREX mis en œuvre par la direction du renseignement et de la sécurité de la défense (DRSD) ;

2°) d'enjoindre à la ministre des armées de communiquer les actes autorisant la création du fichier SIREX ainsi que l'ensemble des informations la concernant y figurant ;

3°) de l'informer de l'existence d'informations la concernant le cas échéant dans le fichier SIREX ;

4°) d'enjoindre à la ministre des armées d'effacer le cas échéant ses données personnelles figurant illégalement dans le fichier SIREX ;

5°) de mettre à la charge de l'Etat le versement d'une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

....................................................................................

Vu les autres pièces des dossiers ;

Vu :

- la Constitution ;

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de la sécurité intérieure ;

- la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978 ;

- le décret n° 2005-1309 du 20 octobre 2005 ;

- le décret n° 2019-536 du 29 mai 2019

- le code de justice administrative.

Après avoir convoqué à une séance à huis-clos, d'une part, Mme D... et la SCP Descorps-Declère, son avocat, et d'autre part, la ministre des armées et la Commission nationale de l'informatique et des libertés, qui ont été mis à même de prendre la parole avant les conclusions ;

Et après avoir entendu en séance :

- le rapport de M. Thomas Andrieu, conseiller d'Etat ;

- et, hors la présence des parties, les conclusions de M. Vincent Villette, rapporteur public ;

Considérant ce qui suit :

1. En vertu des dispositions de l'article 118 de la loi du 6 janvier 1978 relative à l'informatique, aux fichiers et aux libertés et des dispositions de l'article 143 du décret susvisé du 29 mai 2019, lorsqu'un traitement intéresse la sûreté de l'Etat ou la défense, les demandes tendant à l'exercice du droit d'accès, de rectification ou d'effacement sont adressées à la Commission nationale de l'informatique et des libertés (CNIL). Celle-ci désigne l'un de ses membres appartenant ou ayant appartenu au Conseil d'Etat, à la Cour de cassation ou à la Cour des comptes pour mener les investigations utiles et faire procéder aux modifications nécessaires. Lorsque la Commission constate, en accord avec le responsable du traitement, que la communication de données qui y sont contenues, ou l'information selon laquelle le traitement ne contient aucune donnée concernant le demandeur, ne met pas en cause ses finalités, la sûreté de l'Etat, la défense ou la sécurité publique, ces données ou cette information peuvent être communiquées au requérant. Dans le cas contraire, la Commission se borne à notifier au requérant qu'il a été procédé aux vérifications nécessaires, sans autre précision, avec la mention des voies et délais de recours.

2. En vertu de l'article 31 de la loi du 6 janvier 1978, les traitements de données à caractère personnel mis en œuvre pour le compte de l'Etat et intéressant la sûreté de l'Etat, la défense ou la sécurité publique sont autorisés par arrêté du ou des ministres compétents, pris après avis motivé de la CNIL, publié avec l'arrêté autorisant le traitement. Ceux de ces traitements qui portent sur des données mentionnées au I de l'article 6 de la même loi doivent être autorisés par décret en Conseil d'Etat pris après avis motivé de la Commission, publié avec ce décret. Un décret en Conseil d'Etat peut dispenser de publication l'acte réglementaire autorisant la mise en œuvre de ces traitements. Le sens de l'avis émis par la CNIL est alors publié avec ce décret.

3. L'article L. 841-2 du code de la sécurité intérieure prévoit que le Conseil d'Etat est compétent pour connaître, dans les conditions prévues au chapitre III bis du titre VII du livre VII du code de justice administrative, des requêtes concernant la mise en œuvre de l'article 118 de la loi du 6 janvier 1978, pour les traitements ou parties de traitements intéressant la sûreté de l'Etat dont la liste est fixée par décret en Conseil d'Etat. En vertu de l'article R. 841-2 du même code, figurent notamment au nombre de ces traitements le fichier de la direction générale de la sécurité extérieure (DGSE) et le fichier dénommé SIREX relevant de la direction du renseignement et de la sécurité de la défense (DRSD).

4. L'article L. 773-8 du code de justice administrative dispose que, lorsqu'elle traite des requêtes relatives à la mise en œuvre de l'article 118 de la loi du 6 janvier 1978 : " la formation de jugement se fonde sur les éléments contenus, le cas échéant, dans le traitement sans les révéler ni révéler si le requérant figure ou non dans le traitement. Toutefois, lorsqu'elle constate que le traitement ou la partie de traitement faisant l'objet du litige comporte des données à caractère personnel le concernant qui sont inexactes, incomplètes, équivoques ou périmées, ou dont la collecte, l'utilisation, la communication ou la conservation est interdite, elle en informe le requérant, sans faire état d'aucun élément protégé par le secret de la défense nationale. Elle peut ordonner que ces données soient, selon les cas, rectifiées, mises à jour ou effacées. Saisie de conclusions en ce sens, elle peut indemniser le requérant ". L'article R. 77-20 du même code précise que : " Le défendeur indique au Conseil d'Etat, au moment du dépôt de ses mémoires et pièces, les passages de ses productions et, le cas échéant, de celles de la Commission nationale de contrôle des techniques de renseignement, qui sont protégés par le secret de la défense nationale. / Les mémoires et les pièces jointes produits par le défendeur et, le cas échéant, par la Commission nationale de contrôle des techniques de renseignement sont communiqués au requérant, à l'exception des passages des mémoires et des pièces qui, soit comportent des informations protégées par le secret de la défense nationale, soit confirment ou infirment la mise en œuvre d'une technique de renseignement à l'égard du requérant, soit divulguent des éléments contenus dans le traitement de données, soit révèlent que le requérant figure ou ne figure pas dans le traitement. / Lorsqu'une intervention est formée, le président de la formation spécialisée ordonne, s'il y a lieu, que le mémoire soit communiqué aux parties, et à la Commission nationale de contrôle des techniques de renseignement, dans les mêmes conditions et sous les mêmes réserves que celles mentionnées à l'alinéa précédent ".

5. Il ressort des pièces du dossier que Mme D... a saisi la CNIL afin de pouvoir accéder aux données susceptibles de la concerner figurant dans les traitements automatisés de données à caractère personnel mis en œuvre par la ministre des armées et relevant de la DGSE, d'une part, et de la DRSD (SIREX), d'autre part. La Commission a désigné, en application de l'article 118 de la loi du 6 janvier 1978, un membre pour mener toutes investigations utiles et faire procéder, le cas échéant, aux modifications nécessaires. Par deux lettres des 30 novembre 2020 et 29 janvier 2021, relatives respectivement au fichier de la DGSE et au fichier de la DRSD, la présidente de la Commission a informé Mme D... qu'il avait été procédé à l'ensemble des vérifications demandées et que la procédure était terminée, sans lui apporter d'autres informations. Mme D... demande l'annulation du refus, révélé par ces courriers, de la ministre des armées de lui donner accès aux données susceptibles de la concerner figurant dans les traitement automatisés de données à caractère personnel mis en œuvre par la DGSE et la DRSD, d'enjoindre la ministre des armées de communiquer au juge les actes autorisant la création de ces fichiers ainsi que l'ensemble des informations la concernant y figurant, de l'informer de l'existence d'informations la concernant le cas échéant, d'enjoindre à la ministre des armées d'effacer le cas échéant ses données personnelles figurant illégalement dans ces fichiers et de mettre à la charge de l'Etat le versement d'une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

6. La ministre des armées et la CNIL ont communiqué au Conseil d'Etat, dans les conditions prévues à l'article R. 773-20 du code de justice administrative, les éléments relatifs à la situation de l'intéressée. La ministre a, en outre, communiqué les actes réglementaires créant les fichiers litigieux.

7. Il appartient à la formation spécialisée, créée par l'article L. 773-2 du code de justice administrative précité, saisie de conclusions dirigées contre le refus de communiquer les données relatives à une personne qui allègue être mentionnée dans un fichier figurant à l'article R. 841-2 du code de la sécurité intérieure, de vérifier, au vu des éléments qui lui ont été communiqués hors la procédure contradictoire, si le requérant figure ou non dans le fichier litigieux. Dans l'affirmative, il lui appartient d'apprécier si les données y figurant sont pertinentes au regard des finalités poursuivies par ce fichier, adéquates et proportionnées. Pour ce faire, elle peut relever d'office tout moyen ainsi que le prévoit l'article L. 773-5 du code de justice administrative. Lorsqu'il apparaît soit que le requérant n'est pas mentionné dans le fichier litigieux, soit que les données à caractère personnel le concernant qui y figurent ne sont entachées d'aucune illégalité, la formation de jugement rejette les conclusions du requérant sans autre précision. Dans le cas où des informations relatives au requérant figurent dans le fichier litigieux et apparaissent entachées d'illégalité, soit que les données à caractère personnel le concernant sont inexactes, incomplètes, équivoques ou périmées, soit que leur collecte, leur utilisation, leur communication ou leur consultation est interdite, elle en informe le requérant sans faire état d'aucun élément protégé par le secret de la défense nationale. Cette circonstance, le cas échéant relevée d'office par le juge dans les conditions prévues à l'article R. 773-21 du code de justice administrative, implique nécessairement que l'autorité gestionnaire du fichier rétablisse la légalité en effaçant ou en rectifiant, dans la mesure du nécessaire, les données illégales. Dans pareil cas, doit être annulée la décision implicite refusant de procéder à un tel effacement ou à une telle rectification.

8. La formation spécialisée a procédé à l'examen des actes réglementaires autorisant la création du fichier litigieux ainsi que des éléments fournis par la ministre et par la CNIL, laquelle a effectué les diligences qui lui incombent dans le respect des règles de compétence et de procédure applicables. Cet examen s'est déroulé selon les modalités décrites au point précédent. Il n'a révélé aucune illégalité, que ce soit au regard des finalités poursuivies par ces fichiers, de la nature des données y figurant le cas échéant, de leur durée de conservation ou du droit de mener une vie privée et familiale normale, pas plus, en tout état de cause, du respect de la présomption d'innocence ou du fait que auraient pu être informées de la teneur des données en cause. Il en résulte que les conclusions de Mme D..., y compris ses conclusions à fin d'injonction et d'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, doivent être rejetées.

D E C I D E :

--------------

Article 1er : La requête de M. D... est rejetée.

Article 2 : La présente décision sera notifiée à Mme C... D... et à la ministre des armées.

Copie en sera adressée à la Commission nationale de l'informatique et des libertés.

Délibéré à l'issue de la séance du 18 octobre 2021 où siégeaient : M. Rémy Schwartz, président de la formation spécialisée, présidant ; Mme Nathalie Escaut, conseillère d'Etat et M. Thomas Andrieu, conseiller d'Etat-rapporteur.

Rendu le 28 octobre 2021.

Le président :

Signé : M. Rémy Schwartz

Le rapporteur :

Signé : M. Thomas Andrieu

La secrétaire :

Signé : Mme B... A...


Synthèse
Formation : Formation spécialisée
Numéro d'arrêt : 449216
Date de la décision : 28/10/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Publications
Proposition de citation : CE, 28 oct. 2021, n° 449216
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Thomas Andrieu
Rapporteur public ?: M. Vincent Villette
Avocat(s) : DESCORPS-DECLÈRE

Origine de la décision
Date de l'import : 30/11/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2021:449216.20211028
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