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07/10/2021 | FRANCE | N°452403

France | France, Conseil d'État, 1ère chambre, 07 octobre 2021, 452403


Vu la procédure suivante :

La Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques a saisi le tribunal administratif de Versailles, sur le fondement de l'article L. 52-15 du code électoral, de sa décision du 4 janvier 2021 rejetant le compte de campagne de Mme B... A..., candidate tête de liste aux élections municipales et communautaires qui se sont déroulées le 15 mars 2020 dans la commune d'Epinay-sous-Sénart (Essonne).

Par un jugement n° 2100128 du 6 avril 2021, ce tribunal a confirmé le bien-fondé du rejet du compte de campagne et a déclaré

Mme A... inéligible pour une durée de dix-huit mois.

Par une requête, ...

Vu la procédure suivante :

La Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques a saisi le tribunal administratif de Versailles, sur le fondement de l'article L. 52-15 du code électoral, de sa décision du 4 janvier 2021 rejetant le compte de campagne de Mme B... A..., candidate tête de liste aux élections municipales et communautaires qui se sont déroulées le 15 mars 2020 dans la commune d'Epinay-sous-Sénart (Essonne).

Par un jugement n° 2100128 du 6 avril 2021, ce tribunal a confirmé le bien-fondé du rejet du compte de campagne et a déclaré Mme A... inéligible pour une durée de dix-huit mois.

Par une requête, enregistrée le 10 mai 2021 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, Mme A... demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) de juger qu'il n'y a pas lieu de la déclarer inéligible.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code électoral ;

- la loi n° 2019-1269 du 2 décembre 2019 ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Sébastien Jeannard, maître des requêtes en service extraordinaire,

- les conclusions de M. Vincent Villette, rapporteur public ;

Considérant ce qui suit :

1. Il résulte de l'instruction que, par une décision du 4 janvier 2021, la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques a rejeté le compte de campagne de Mme A..., tête d'une liste ayant recueilli 11,64 % des suffrages exprimés au premier tour des opérations électorales qui se sont déroulées le 15 mars 2020 en vue de la désignation des conseillers municipaux et communautaires de la commune d'Epinay-sous-Sénart (Essonne), au motif que ce compte n'était pas présenté par un membre de l'ordre des experts-comptables. Saisi par cette commission sur le fondement de l'article L. 52-15 du code électoral, le tribunal administratif de Versailles a, par un jugement du 6 avril 2021 confirmé le rejet du compte de campagne de Mme A... et déclaré cette dernière inéligible pour une durée de dix-huit mois. Mme A... relève appel de ce jugement.

2. Aux termes de l'article L. 52-12 du code électoral, dans sa rédaction applicable aux opérations en litige : " Chaque candidat ou candidat tête de liste soumis au plafonnement prévu à l'article L. 52-11 et qui a obtenu au moins 1 % des suffrages exprimés est tenu d'établir un compte de campagne retraçant, selon leur origine, l'ensemble des recettes perçues et, selon leur nature, l'ensemble des dépenses engagées ou effectuées en vue de l'élection (...). La même obligation incombe au candidat ou au candidat tête de liste dès lors qu'il a bénéficié de dons de personnes physiques conformément à l'article L. 52-8 du présent code selon les modalités prévues à l'article 200 du code général des impôts. (...) / Au plus tard avant 18 heures le dixième vendredi suivant le premier tour de scrutin, chaque candidat ou candidat tête de liste présent au premier tour dépose à la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques son compte de campagne et ses annexes accompagné des justificatifs de ses recettes (...). Le compte de campagne est présenté par un membre de l'ordre des experts-comptables et des comptables agréés ; celui-ci met le compte de campagne en état d'examen et s'assure de la présence des pièces justificatives requises. Cette présentation n'est pas nécessaire lorsque aucune dépense ou recette ne figure au compte de campagne. Dans ce cas, le mandataire établit une attestation d'absence de dépense et de recette. Cette présentation n'est pas non plus nécessaire lorsque le candidat ou la liste dont il est tête de liste a obtenu moins de 1 % des suffrages exprimés et qu'il n'a pas bénéficié de dons de personnes physiques selon les modalités prévues à l'article 200 du code général des impôts (...) ".

3. Aux termes de l'article L. 118-3 du code électoral, dans sa rédaction applicable au litige, issue de la loi du 2 décembre 2019 visant à clarifier diverses dispositions du droit électoral : " Lorsqu'il relève une volonté de fraude ou un manquement d'une particulière gravité aux règles de financement des campagnes électorales, le juge de l'élection, saisi par la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques, peut déclarer inéligible : / 1° Le candidat qui n'a pas déposé son compte de campagne dans les conditions et le délai prescrits à l'article L. 52-12 ; / 2° Le candidat dont le compte de campagne, le cas échéant après réformation, fait apparaître un dépassement du plafond des dépenses électorales ; / 3° Le candidat dont le compte de campagne a été rejeté à bon droit. / L'inéligibilité mentionnée au présent article est prononcée pour une durée maximale de trois ans et s'applique à toutes les élections (...) ".

4. En application de ces dispositions, en dehors des cas de fraude, le juge de l'élection ne peut prononcer l'inéligibilité d'un candidat sur le fondement de ces dispositions que s'il constate un manquement d'une particulière gravité aux règles de financement des campagnes électorales. Il lui incombe à cet effet de prendre en compte l'ensemble des circonstances de l'espèce et d'apprécier s'il s'agit d'un manquement caractérisé à une règle substantielle relative au financement des campagnes électorales et s'il présente un caractère délibéré.

5. En premier lieu, il résulte de l'instruction qu'alors même que la liste conduite par Mme A... a obtenu plus de 1 % des suffrages exprimés, son compte de campagne n'a pas été présenté par un membre de l'ordre des experts-comptables et des comptables agréés, en méconnaissance des dispositions de l'article L. 52-12 du code électoral citées au point 2. Compte tenu de l'absence d'ambiguïté de la règle applicable et du caractère substantiel de la formalité ainsi méconnue, laquelle est destinée à assurer un contrôle effectif des comptes de campagne par la commission dans le délai limité qui lui est imparti, c'est à bon droit que la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques a rejeté son compte de campagne.

6. En second lieu, Mme A... fait valoir qu'eu égard à la modicité des recettes de sa campagne, elle n'avait pas la possibilité de solliciter un expert-comptable et qu'elle a transmis l'ensemble de ses frais de campagne à la Commission nationale des comptes de campagne et financements politiques. Il résulte toutefois de l'instruction qu'alors même que la règle applicable est, comme il a été dit, dépourvue d'ambiguïté, la Commission des comptes de campagne et des financements politiques lui a, dans le cadre de la procédure contradictoire prévue à l'article L. 52-15, rappelé son obligation et l'a invité à régulariser la présentation de son compte par deux courriers des 28 août et 23 octobre 2020, en lui précisant qu'elle était susceptible de prononcer le rejet de son compte, ce dont Mme A... a d'ailleurs admis qu'elle avait conscience. Par suite, le manquement caractérisé de Mme A... à la règle substantielle posée à l'article L. 52-12 du code électoral présente un caractère délibéré constitutif d'un manquement d'une particulière gravité aux règles de financement des campagnes électorales. Toutefois, les frais exposés par Mme A... lors de sa campagne étant d'un faible montant et la candidate, qui a produit l'ensemble des pièces justificatives de ses dépenses et de ses recettes, n'ayant commis aucune autre irrégularité, il y a lieu de ramener l'inéligibilité prononcée par les premiers juges à une durée de six mois et de réformer leur jugement sur ce dernier point.

D E C I D E :

--------------

Article 1er : Mme A... est déclarée inéligible pour une durée de six mois à compter de la présente décision.

Article 2 : Le jugement du 6 avril 2021 du tribunal administratif de Versailles est réformé en ce qu'il a de contraire à la présente décision.

Article 3 : La présente décision sera notifiée à Mme B... A... et à la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques.

Copie en sera adressée au ministre de l'intérieur.


Synthèse
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 452403
Date de la décision : 07/10/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Publications
Proposition de citation : CE, 07 oct. 2021, n° 452403
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Sébastien Jeannard
Rapporteur public ?: M. Vincent Villette

Origine de la décision
Date de l'import : 12/10/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2021:452403.20211007
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