Vu la procédure suivante :
Le conseil départemental de la Gironde de l'ordre des chirurgiens-dentistes a porté plainte contre M. A... B... devant la chambre disciplinaire de première instance d'Aquitaine de l'ordre des chirurgiens-dentistes. Par une décision du 19 septembre 2016, la chambre disciplinaire a infligé à M. B... la sanction de l'interdiction d'exercer la profession de chirurgien-dentiste pendant une durée de deux mois, dont un mois assorti du sursis.
Par une décision du 6 juin 2018, la chambre disciplinaire nationale de l'ordre des chirurgiens-dentistes a rejeté l'appel de M. B....
Par un pourvoi, enregistré le 8 août 2018 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, M. B... demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler cette décision ;
2°) de mettre à la charge du conseil départemental de la Gironde de l'ordre des chirurgiens-dentistes la somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code de la santé publique ;
- le code de justice administrative et l'ordonnance n° 2020-305 du 25 mars 2020 ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de Mme Françoise Tomé, conseiller d'Etat,
- les conclusions de M. Raphaël Chambon, rapporteur public ;
La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Piwnica, Molinié, avocat de M. B... ;
Considérant ce qui suit :
1. Le conseil départemental de la Gironde de l'ordre des chirurgiens-dentistes a porté plainte contre M. B..., chirurgien-dentiste, en lui reprochant que son site internet professionnel comporte des mentions prohibées par le code de déontologie et s'abstienne de préciser des informations relatives à la société d'exercice libéral dans le cadre de laquelle il exerce sa profession. Par une décision du 19 septembre 2016, la chambre disciplinaire de première instance d'Aquitaine de l'ordre des chirurgiens-dentistes a infligé à M. B... la sanction de l'interdiction d'exercer sa profession pendant une durée de deux mois, dont un mois assorti du sursis. M. B... se pourvoit en cassation contre la décision du 6 juin 2018 par laquelle la chambre disciplinaire nationale de l'ordre des chirurgiens-dentistes a rejeté son appel contre cette décision.
2. D'une part, aux termes de l'article R. 4113-2 du code de la santé publique, applicable aux sociétés d'exercice libéral des professions médicales mentionnées à l'article R. 4113-1 : " Les actes et documents destinés aux tiers, notamment les lettres, factures, annonces et publications diverses émanant d'une société mentionnée à l'article R. 4113-1 indiquent : / 1° Sa dénomination sociale, précédée ou suivie immédiatement, selon le cas : / a) Soit de la mention " société d'exercice libéral à responsabilité limitée " ou de la mention " SELARL " ; / b) Soit de la mention " société d'exercice libéral à forme anonyme " ou de la mention " SELAFA " ; / c) Soit de la mention " société d'exercice libéral en commandite par actions " ou de la mention " SELCA " ; / d) Soit de la mention " société d'exercice libéral par actions simplifiée " ou de la mention " SELAS " ; / 2° L'indication de la profession exercée par la société ; / 3° L'énonciation du montant de son capital social et de son siège social ; / 4° La mention de son inscription au tableau de l'ordre ". Il résulte des termes mêmes de ces dispositions que celles-ci sont applicables aux seuls actes et documents destinés aux tiers émis par une société d'exercice libéral. A ce titre, elles s'appliquent à son site internet.
3. D'autre part, aux termes de l'article R. 4127-216 du code de la santé publique : " Les seules indications que le chirurgien-dentiste est autorisé à mentionner sur ses imprimés professionnels, notamment ses feuilles d'ordonnances, notes d'honoraires et cartes professionnelles, sont : / 1° Ses nom, prénoms, adresses postale et électronique, numéros de téléphone et de télécopie, jours et heures de consultation et ses numéros de comptes bancaires ; / 2° Sa qualité et sa spécialité ; / 3° Les diplômes, titres et fonctions reconnus par le Conseil national de l'ordre ; / 4° Les distinctions honorifiques reconnues par la République française ; / 5° La mention de l'adhésion à une association agréée prévue à l'article 64 de la loi de finances pour 1977 n° 76-1232 du 29 décembre 1976 ; / 6° Sa situation vis-à-vis des organismes d'assurance maladie obligatoires ; / 7° S'il exerce en société civile professionnelle ou en société d'exercice libéral, les noms des chirurgiens-dentistes associés et, en ce qui concerne les sociétés d'exercice libéral, les mentions prévues à l'article R. 4113-2 et le numéro d'inscription au registre du commerce et des sociétés ". Ces dispositions se bornent à dresser la liste des mentions qu'un chirurgien-dentiste est autorisé à faire figurer sur ses " imprimés professionnels " et, notamment, pour leur application, sur son site internet. Elles n'imposent pas, en revanche, qu'il y fasse figurer l'ensemble des catégories d'informations énumérées du 1° au 7° de cet article.
4. Il s'ensuit que la chambre disciplinaire nationale de l'ordre des chirurgiens-dentistes, qui a relevé que le site internet professionnel en litige était consacré à M. B... et non à la société d'exercice libéral dans le cadre de laquelle il exerce, a commis une erreur de droit en jugeant que M. B... avait manqué à ses obligations déontologiques en ne faisant pas figurer sur celui-ci les informations exigées par l'article R. 4113-2 du code de la santé publique cité au point 2 pour les seules sociétés d'exercice libéral et qu'un chirurgien-dentiste peut, en application des dispositions également précitées de l'article, R. 4127-216 du code de la santé publique, mentionner sur ses imprimés professionnels sans y être tenu.
5. Il résulte de ce qui précède que M. B... est fondé à demander l'annulation de la décision qu'il attaque. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge du conseil départemental de la Gironde de l'ordre des chirurgiens-dentistes une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
D E C I D E :
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Article 1er : La décision de la chambre disciplinaire nationale de l'ordre des chirurgiens-dentistes du 6 juin 2018 est annulée.
Article 2 : L'affaire est renvoyée à la chambre disciplinaire nationale de l'ordre des chirurgiens-dentistes.
Article 3 : Le conseil départemental de la Gironde de l'ordre des chirurgiens-dentistes versera à M. B... une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : La présente décision sera notifiée à M. A... B... et au conseil départemental de la Gironde de l'ordre des chirurgiens-dentistes.
Copie en sera adressée au Conseil national de l'ordre des chirurgiens-dentistes.